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Introduction

Un esprit noble étudie pour trouver sa voie.

Lun Yu, XIX.7

« Un regard sur Confucius » est une sélection des Entretiens de Confucius [1] en fonction de ce qui semble être leur validité à n’importe quelle époque. Dans cette sélection qui ne prétend pas être exhaustive sont surtout mis en évidence les qualités d’un esprit noble, symbole de l’être humain idéal ou être vraiment humain, et les défauts des êtres humains réels avec leurs tendances naturelles peu humanistes.

Confucius

Confucius est le nom latin que les missionnaires jésuites donnèrent à Kong Fu Zi, c’est-à-dire Maître Kong. Selon la chronologie chinoise Confucius serait né en 551 avant Jésus Christ à Qufu dans le règne de Lu, règne qui se situe grosso modo dans l’actuelle province du Shandong, et serait mort en 479. Cette période de l’histoire chinoise correspond à la fin de l’époque dite des Printemps et Automnes, nom qui dérive du titre des annales de cette période. La Chine était alors un ensemble de règnes qui se disputaient l’hégémonie des territoires qui formèrent plus tard l’Empire du Milieu ou Chine. C’est dans une période d’instabilité politique et de grandes transformations socio-économiques – apparition des premières lois écrites et début de l’âge du fer en Chine – qu’a vécu Confucius dont les pensées transformées en doctrine par les lettrés de plusieurs dynasties ont exercé une grande influence sur l’histoire et les civilisations de l’Extrême Orient.

L’œuvre de Confucius

Confucius affirme modestement n’avoir rien inventé, il se serait contenté de transmettre les connaissances acquises dans la lecture des classiques chinois, c’est à dire Le Livre des Odes, Le Livre des Rituels, Le Livre des Mutations, Le Livre des Documents historiques, Le Livre de la Musique et Les Annales du Règne de Lu. Il est possible que Confucius ait rédigé ou modifié certains de ces classiques, mais les historiens divergent à ce sujet. Le seul document écrit qui transcrit les paroles de Confucius et de quelques uns de ses disciples et dont personne ne semble douter est le Lun Yu, expression généralement traduite en français par “Les Entretiens de Confucius’.

Les Entretiens de Confucius

L’originalité des Entretiens de Confucius ne réside ni dans les différences de la langue chinoise par rapport aux langues indo-européennes ni dans le pouvoir symbolique que les caractères chinois ont quand ils servent d’emblèmes ; elle réside, comme dans n’importe quelle oeuvre d’un grand penseur dans la détermination de concepts-clés qui forment un réseau structuré de catégories de pensée. Confucius synthétise sa conception idéale d’un monde humain au moyen de concepts fondamentaux comme ceux de justice naturelle ou équité, de rituel ou norme sociale, de tolérance, de bonne foi, de générosité, de vertu par excellence ou vertu d’humanité et d’homme de bien ou esprit noble.

Le concept de rituel se réfère aux coutumes et aux normes d’un comportement humain civilisé, les rituels servent fondamentalement à créer une certaine harmonie entre les individus et ont une fonction éducative de socialisation. Les concepts de tolérance, de bonne foi, de générosité etc. sont les attributs du concept de vertu d’humanité et les normes de conduite d’un esprit noble. La noblesse d’esprit et la vertu d’humanité forment une seule représentation mentale qui constitue le noyau de l’éthique de Confucius, l’esprit noble étant quelqu’un qui pratique la vertu d’humanité et la vertu d’humanité étant ce qui oriente la conduite de l’esprit noble.

Confucius a donné au terme junzi que nous traduisons par esprit noble un sens purement éthique, le junzi est un esprit noble indépendamment de toute classe sociale. Le terme ren que nous traduisons souvent par vertu d’humanité a également acquis un sens plus vaste avec Confucius. A l’origine le mot ren servait à décrire le courage et la noblesse d’esprit d’un guerrier, avec Confucius il détermine un grand nombre de normes éthiques. En démocratisant le concept de junzi et en élargissant le sens du concept de ren, Confucius fonde une morale dans laquelle la vertu acquiert un sens universel : c’est une vision altruiste des relations humaines, vision qui constitue une nouvelle façon de penser ou tout au moins une nouvelle façon de transmettre le savoir des Anciens et qui exige, selon la terminologie de Confucius, une “rectification des termes’, c’est à dire une détermination correcte des concepts sans laquelle les mots sont vides de sens. En soulignant l’importance d’un langage correct dans la détermination des concepts, langage sans lequel les normes deviennent confuses et les individus ne savent plus quel est leur rôle dans la société, Confucius met en évidence la relation étroite entre les mots, la pensée et l’action ainsi que l’interdépendance entre le langage et la connaissance : “Sans comprendre le sens des mots, on ne peut comprendre les êtres humains’.

Les Pensées de Confucius que nous avons sélectionnées ont été ordonnées en fonction de trois grands thèmes : Le premier concerne l’expérience humaine, c’est à dire ce que tout un chacun peut observer durant son existence et qui constitue les présupposés de toute conception d’un monde humain idéal. Le deuxième concerne la dualité de l’esprit humain, le moyen utilisé par Confucius pour mettre en évidence cette dualité étant la confrontation systématique entre les qualités d’un esprit noble et les défauts d’un esprit vil. Le troisième concerne la voie de l’humanisme, c’est à dire les conditions qui feraient éventuellement de l’être humain un être vraiment humain et du monde un monde meilleur.

I. L’expérience humaine

C’est un regard lucide que Confucius jette sur le monde humain, tant au niveau psychologique -“il parle avec détermination, c’est sûr, mais est-ce de la noblesse d’esprit ou tout simplement de l’hypocrisie ?’-, qu’au niveau sociologique -“La nature rapproche, les coutumes séparent’-. L’ensemble de ses remarques sur la façon dont l’être humain se conduit en société semble toujours valable malgré la distance qui sépare dans le temps et dans l’espace le monde dans lequel il a vécu du nôtre, d’où leur valeur probablement universelle. Confucius souligne l’importance de la pensée critique et du savoir authentique dans l’éducation -“Étudier sans réfléchir est illusoire, réfléchir sans étudier est dangereux’, “Savoir, c’est avoir conscience que l’on sait lorsque l’on sait et que l’on ne sait pas lorsque l’on ne sait pas’-. Il met en garde contre les voies sans issue -“Est-il possible de sortir d’une voie sans issue ? Alors pourquoi s’écarter de la voie ?’- et met en évidence le rôle des rituels dans la société -“Celui qui ignore les rituels vit en marge de la société’, “Si l’on ne pouvait gouverner un pays au moyen de rituels et de concessions, à quoi serviraient les rituels ?’-. Ses commentaires sur le savoir, le langage et les rituels tout comme son regard sur la société -“Ne pas penser à l’avenir cause des soucis dans le présent’, “Les petits intérêts entravent les grands projets’- etc. sont le résultat de toute une vie de réflexion et forment le fondement existentiel à partir duquel il élaborera un certain nombre de normes individuelles et collectives qui indiquent la voie de l’humanisme et qui, mises en pratique, devraient faire de l’être humain un être vraiment humain, c’est à dire un être humaniste à l’esprit noble.

I.1. Le savoir

XI.12. Le Maître dit : “On ignore ce qu’est la vie, comment savoir ce qu’est la mort ?[2]

XX.3. Le Maître dit : “Sans comprendre le sens des mots, on ne peut comprendre les êtres humains.[3]

II.17. Le Maître dit : “Savoir, c’est avoir conscience que l’on sait lorsque l’on sait et que l’on ne sait pas lorsque l’on ne sait pas ![4]

VIII.17. Le Maître dit : “Étudier c’est apprendre sans relâche avec la crainte de perdre le savoir acquis.[5]

II.15. Le Maître dit :“Étudier sans réfléchir est illusoire, réfléchir sans étudier est dangereux.[6]

XIV.24. Le Maître dit : “Autrefois on étudiait pour s’instruire, de nos jours on étudie pour recevoir des éloges.[7]

II.11. Le Maître dit : “Extraire un nouveau savoir de l’ancien, c’est avoir le don d’enseigner.[8]

I.2. Les mots

XI.21. Le Maître dit : “Il parle avec détermination, c’est sûr, mais est-ce de la noblesse d’esprit ou tout simplement de l’hypocrisie ?[9]

XII.3. Le Maître dit : “Comment pourrait-on parler sans hésitation de ce que l’on a du mal à faire ?[10]

XIV.20. Le Maître dit : “Qui parle à la légère tient difficilement sa parole.[11]

I.3. Le Maître dit : “Propos mielleux et attitudes hypocrites n’ont pas grand-chose à voir avec la vertu d’humanité ![12]

XVI.11. Confucius dit : “Vivre dans l’isolement pour atteindre un idéal, faire de la justice un guide pour la vie – j’ai entendu de tels propos, mais je n’ai jamais vu personne les mettre en pratique ![13]

XI.4. Le Maître dit : “Comment Hui aurait-il pu m’aider, il ne désapprouvait jamais ce que je lui disais ![14]

I.3. Les rituels

I.13. Maître You dit : “Celui qui respecte les rituels évite tout déshonneur.[15]

IV.13. Le Maître dit : “Peut-on gouverner un pays au moyen de rituels et de concessions ? Comment en douter ? Si l’on ne pouvait gouverner un pays au moyen de rituels et de concessions, à quoi serviraient les rituels ?[16]

VIII.2. Le Maître dit : “Sans rituels la déférence devient lassante, la prudence n’est qu’appréhension, le courage est aveugle et la franchise blesse.[17]

XX.3. Le Maître dit : “Celui qui ignore les rituels vit en marge de la société. »[18]

III.3. Le Maître dit : “Si vous n’agissez pas humainement, à quoi bon les rituels ?[19]

XVII.11. Le Maître dit : “Ils parlent sans cesse de rituels, mais en fait ils ne parlent que de jade et de soie ![20]

I.4. La société

XII.6. Le Maître dit : “Malgré une vague de calomnies et d’injures, il reste imperturbable, on peut dire qu’il est lucide.’[21]

VI.23. Le Maître dit : “un être intelligent est dynamique; un être vraiment humain est serein.’[22]

IX.29. Le Maître dit : “Les sages n’ont aucune illusion, les bons ne sont pas anxieux, les courageux ne sont pas craintifs.’[23]

XIV.4. Le Maître dit : “Etre vraiment humain signifie être courageux, mais être courageux ne signifie pas forcément être vraiment humain.’[24]

XVII.3. Le Maître dit : “Il n’y a que les sages et les imbéciles qui ne changent pas.’[25]

XVII.2. Le Maître dit : “La nature rapproche, les coutumes séparent.[26]

XIII.30. Le Maître dit : “Envoyer un peuple mal preparé à la guerre, c’est l’envoyer à sa perte.[27]

II.3. Le Maître dit : “Sous un gouvernement droit et une administration impartiale, le peuple a de la dignité et de la volonté.[28]

XIV.41. Le Maître dit : “Quand les classes dirigeantes respectent les normes sociales, le peuple a de la bonne volonté.’[29]

II.24. Le Maître dit : “Ne pas agir conformément à la justice est de la lâcheté.[30]

XIII.17. Le Maître dit : “Les petits intérêts entravent les grands projets.[31]

IV.2. Le Maître dit : “Un être vraiment humain vit paisiblement son humanité, un être intelligent la met à profit.[32]

V.20. Ji Wen Zi réfléchissait trois fois avant d’agir. Quand on lui dit, le Maître dit : “Deux fois devrait suffire.’[33]

VII.26. Le Maître dit : “Je n’ai pas encore eu l’occasion de rencontrer un saint mais si un jour je rencontre un esprit noble je serai satisfait.[34]

IV.6. Le Maître dit : “Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui se consacre uniquement au bien ni quelqu’un qui renonce totalement au mal.[35]

IX.18. Le Maître dit : “Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui préfère la vertu au charme féminin.[36]

XVII.8. Le Maître dit : “Le culte de la vertu sans le goût de l’étude rend obtus.[37]

IX.22. Le Maître dit : “Il y a des bourgeons qui ne fleurissent jamais et des fleurs qui ne donnent aucun fruit ![38]

IX.26. Le Maître dit : “On peut priver une armée de son général en chef mais on ne peut priver personne de ses idéaux’.[39]

I.13. Maître You dit : “On peut faire confiance à ceux qui se guident sur la justice.[40]

Le Maître dit : “Sans la justice, la richesse et les honneurs ne sont que des nuages qui flottent dans le ciel.[41]

XV.12. Le Maître dit : “Ne pas penser à l’avenir cause des soucis dans le présent.[42]

III.16. Le Maître dit : “Dans le tir à l’arc, le plus important n’est pas d’atteindre la cible car les archers n’ont pas la même force. C’était la façon de voir des Anciens.[43]

Le Maître dit : “Le principe -la vertu est le juste milieu- est excellent, malheureusement cela fait longtemps qu’il est rarement mis en pratique ![44]

XX.3. Confucius dit : “Qui ignore son propre destin ne saurait devenir un esprit noble.[45]

VI.17. Le Maître dit : “Est-il possible de sortir d’une voie sans issue ? Alors pourquoi s’écarter de la voie ?[46]

II. L’esprit humain

En opposant systématiquement les qualités d’un esprit noble et les défauts d’un esprit vil Confucius met en évidence la dualité de l’esprit humain, cette double face de l’âme humaine qui fait de l’être humain un être constamment écartelé entre l’esprit et la matière -“Un esprit noble s’attache aux valeurs spirituelles, un esprit vil s’attache aux valeurs matérielles’-. Il ne se prononce pas sur l’essence de l’esprit humain, il ne pose pas la question métaphysique de l’existence de l’âme indépendamment du corps bien qu’il sous entende celle-ci puisqu’il conseille de garder ses distances par rapport aux esprits et de les respecter -“Traiter les gens avec justice, respecter les esprits et les dieux tout en gardant ses distances, on peut appeler cela de la sagesse’-. Confucius essaie tout simplement de montrer la nature bivalente de l’âme humaine, l’esprit noble et l’esprit vil étant le même esprit qui, dans sa souffrance inhérente à son essence, lutte constamment entre l’altruisme et l’égoïsme -“Un esprit noble fait passer l’intérêt général avant l’intérêt particulier, un esprit vil fait passer l’intérêt particulier avant l’intérêt général’-. Pour trouver sa voie dans ce monde de tendances contradictoires l’esprit humain qui se veut vraiment humain doit étudier -“Un esprit noble étudie pour trouver sa voie’-, il doit être exigeant envers soi-même -“Un esprit noble est exigeant envers soi-même, un esprit vil est exigeant envers les autres’-, il doit se guider sur la justice -“Un esprit noble recherche la justice, un esprit vil recherche les faveurs’-, enfin il doit s’efforcer de vivre en harmonie avec les autres en respectant leurs différences -“Un esprit noble recherche l’harmonie, pas l’uniformité; un esprit vil revendique l’uniformité, pas l’harmonie’-.

XIX.7. Zi Xia dit : “Un esprit noble étudie pour trouver sa voie.[47]

XV.21. Le Maître dit : “Un esprit noble est exigeant envers soi-même, un esprit vil est exigeant envers les autres.[48]

IV.24. Le Maître dit : “Un esprit noble parle avec prudence et agit avec diligence.[49]

XII.16. Le Maître dit : “Un esprit noble met en valeur les qualités des autres , pas leurs défauts . Un esprit vil fait le contraire.[50]

II.14. Le Maître dit : “Un esprit noble fait passer l’intérêt général avant l’intérêt particulier, un esprit vil fait passer l’intérêt particulier avant l’intérêt général.[51]

VI.4. Le Maître dit : “J’ai toujours entendu dire qu’un esprit noble est quelqu’un qui aide les pauvres et non les riches à s’enrichir davantage.[52]

XIV.23. Le Maître dit : “Un esprit noble s’attache aux valeurs spirituelles, un esprit vil s’attache aux valeurs matérielles.[53]

IV.10. Le Maître dit : “Dans les affaires du monde, un esprit noble n’est ni rigide ni obstiné, il agit avec justice.’[54]

IV.11. Le Maître dit : “Un esprit noble recherche la justice, un esprit vil recherche les faveurs.’[55]

IV.16. Le Maître dit : “Un esprit noble a conscience de ce qui est juste, un esprit vil n’a conscience que de ses intérêts.[56]

XIV.27. Le Maître dit : “Un esprit noble aurait honte de ne pas tenir ses promesses.[57]

XIII.26. Le Maître dit : “Un esprit noble a de la dignité sans être prétentieux, un esprit vil est prétentieux mais n’a aucune dignité.[58]

XV.2. Le Maître dit : “Un esprit noble ne succombe pas à la détresse.’[59]

II.12. Le Maître dit : “Un esprit noble n’est pas un outil.’[60]

III.7. Le Maître dit : “Un esprit noble ne rivalise avec personne, sauf au tir à l’arc ![61]

XIII.23. Le Maître dit : “Un esprit noble recherche l’harmonie, pas l’uniformité; un esprit vil revendique l’uniformité, pas l’harmonie.[62]

XII.24. Zeng Zi dit : “Grâce à sa culture l’esprit noble se fait des amis; grâce à ses amis, il devient vraiment humain.[63]

VI.27. Le Maître dit : “Un esprit noble qui cultive Les Belles-Lettres et s’efforce de respecter les rituels ne saurait s’éloigner du bon chemin ![64]

III. La voie de l’humanisme

Comment l’être humain doit-il se conduire pour être vraiment humain ? Telle est bien la question sous-jacente aux réflexions de Confucius. Ses réponses se fondent sur l’observation objective des comportements humains et non sur une croyance quelconque. Confucius ne rejette cependant aucune croyance, il conseille même de respecter les esprits et les dieux et de garder ses distances par rapport à eux, mais c’est sur son expérience personnelle qu’il s’appuie pour tirer un certain nombre de conclusions sur l’être humain et la société en général. Quelque soit la nature de l’esprit humain, que celui-ci appartienne ou non à une âme séparable du corps humain, il est toujours l’objet d’influences et de tendances contradictoires, les unes nobles et altruistes, les autres viles et égoïstes. Pour l’être humain qui veut être vraiment humain la noblesse d’esprit devient un idéal. Pour atteindre cet idéal il doit apprendre à se contrôler -“La vertu consiste à se dominer » et à «respecter les rituels’-, les rituels étant le fondement de l’ordre social et de l’harmonie entre les individus; il doit s’efforcer de mettre en pratique cinq principes -“la déférence, la tolérance, la bonne foi, la diligence et la générosité’-. Mais pour quelle raison l’être humain devrait-il poursuivre cet idéal ? Tout simplement parce que cela en vaut la peine -“Il fait bon vivre là où il y a de l’humanité’-, c’est à dire là où l’être humain se comporte de façon vraiment humaine. Pour l’individu tout est une question de volonté -“pour être vraiment humain il suffit de le vouloir’-, c’est à dire de vouloir suivre la voie de l’humanisme dont une des normes principales est la piété filiale et le respect des aînés. Pour la société c’est une question d’éducation -“L’enseignement s’adresse à tous sans exception’-,  une éducation sans dogmatisme qui incite les individus à être sincères -“Quant aux mots, qu’ils reflètent la pensée !’-, une éducation qui place la justice au dessus de tout -“Un esprit cultivé affronte le danger avec dévouement et fait passer la justice avant ses intérêts’-, une éducation basée sur l’effort et l’esprit de sacrifice -“Un coeur noble ne sacrifie jamais son humanité pour survivre, il offre sa vie au nom de celle-ci’-, en somme une éducation humaniste qui repose sur l’instruction, la liberté d’expression et la volonté -“S’instruire sans cesse et avoir de la volonté, questionner ouvertement et analyser en détail, c’est là où se trouve la vertu d’humanité’-. 

III.1. La vertu d’humanité

I.2. Maître You dit : “La piété filiale et le respect des aînés sont le fondement de la vertu ![65]

XVII.6. Zizhang demanda à Confucius en quoi consiste la vertu. Confucius dit : “Dans ce monde être vraiment humain c’est être capable de mettre en pratique cinq principes. » Zizhang demanda alors quels étaient ces principes. Confucius répondit : « la déférence, la tolérance, la bonne foi, la diligence et la générosité.[66]

XIII.19. Fan Chi demanda comment être vraiment humain. Le Maître dit : “En étant déférent dans la vie privée, diligent dans la vie publique et toujours loyal envers les autres.[67]

XII.22. Fan chi demanda comment être vraiment humain. Le Maître dit : “En aimant son prochain.’[68]

XII.2. Zhong Gong demanda en quoi consiste la vertu d’humanité. Le Maître dit : “N’imposez pas aux autres ce que vous ne souhaitez pas pour vous.[69]

XII.1. Yan Yuan demanda en quoi consiste la vertu d’humanité. Le Maître dit : “La vertu consiste à se dominer et à respecter les rituels.[70]

XII.10. Le Maître dit : “La loyauté, la confiance et la recherche de l’équité conduisent à la vertu.[71]

XIII.27. Le Maître dit : “La fermeté, la persévérance, la sincérité et la prudence sont proches de la vertu d’humanité.[72]

XIX.6. Zi Xia dit : “S’instruire sans cesse et avoir de la volonté, questionner ouvertement et analyser en détail, c’est là où se trouve la vertu d’humanité.[73]

VII.30. Le Maître dit : “Pour être vraiment humain il suffit de le vouloir.[74]

IV.4. Le Maître dit : “Il suffit de vouloir être vraiment humain pour qu’il n’y ait plus place pour le mal ![75]

VI.22. Le Maître dit : “Pour être vraiment humain l’effort passe avant la récompense, c’est cela la vertu d’humanité.[76]

IV.1. Le Maître dit : “Il fait bon vivre là où il y a de l’humanité.[77]

III.2. L’éducation

XV.39. Le Maître dit : “L’enseignement s’adresse à tous sans exception.’[78]

VIII.8. Le Maître dit : “La poésie inspire, le rituel éduque et la musique forme.[79]

VII.25. “Le Maître enseignait de quatre façons : par les textes, par les actes, par la loyauté et par la confiance.[80]

VII.20. Le Maître dit : “Ma connaissance n’est pas innée, j’adore l’Antiquité et m’instruis sans cesse.[81]

IX.4. “Il y a quatre choses que le Maître n’admettait pas : les conjectures, le dogmatisme, l’entêtement et la présomption.[82]

VII.33. Le Maître dit : “Des connaissances, j’en ai comme tout le monde. Pour ce qui est d’être un esprit noble, j’en suis encore loin.[83]

Le Maître dit : “Les autres ont toujours quelque chose à m’apprendre, leurs qualités me servent d’exemple et leurs défauts d’avertissement.[84]

XV.41. Le Maître dit : “Quant aux mots, qu’ils reflètent la pensée ![85]

III.3. Règles de conduite

XIV.34. Quelqu’un dit : “Il faut rendre le bien pour le mal, n’est-ce pas ?’ Le Maître dit : “Que rendre alors pour le bien ? Il faut rendre la justice pour le mal et le bien pour le bien.[86]

VI.22. Le Maître dit : “Traiter les gens avec justice, respecter les esprits et les dieux tout en gardant ses distances, on peut appeler cela de la sagesse.[87]

IX.30.Le Maître dit : “Etudier ensemble n’implique pas suivre la même voie. Suivre la même voie n’implique pas travailler ensemble. Travailler ensemble n’implique pas avoir les mêmes opinions.[88]

XIX.1. Zi Zhang dit : “Un esprit cultivé affronte le danger avec dévouement et fait passer la justice avant ses intérêts.[89]

I.16. Le Maître dit : “Peu importe d’être incompris, ce qui est grave c’est de ne pas comprendre les autres.[90]

XIV.30. Le Maître dit : “Peu importe d’être méconnu, ce qui est grave c’est d’être incompétent ![91]

XI.16. Le Maître dit : “En faire trop ne vaut guère mieux que pas assez.[92]

XV.40. Le Maître dit : “Sans principes communs, inutile d’avoir des projets.’ [93]

XV.31. Le Maître dit : “J’ai passé des jours et des jours à jeûner et des nuits à méditer. Pour rien  ! Mieux vaut étudier ![94]

I.12. Maître You dit : “Dans une cérémonie, l’important c’est l’harmonie.[95]

III.4. Lin Fang s’enquit de l’essence des rituels. Le Maître dit : “Quelle question ! Dans toute cérémonie, la simplicité est préférable au luxe; quant aux obsèques, mieux vaut l’affliction que l’apparat.[96]

III.19. Le duc Ding demanda : “Comment un souvrain doit-il exercer son autorité sur ses ministres et comment les ministres doivent-ils le servir ?’ Confucius répondit : “Le souverain doit exercer son autorité selon les rituels et les ministres doivent le servir avec loyauté.[97]

XII.11. Le duc Jing de Qi questionna Confucius sur l’art de gouverner. Confucius répondit : “Le souverain doit se conduire en souverain, le ministre en ministre, le père en père et le fils en fils.[98]

XV.29. Le Maître dit : “C’est l’être humain qui donne de l’ampleur au Tao et non pas le Tao qui donne de l’ampleur à l’être humain.[99]

XV.9. Le Maître dit : “Un coeur noble ne sacrifie jamais son humanité pour survivre, il offre sa vie au nom de celle-ci.[100]

Conclusion

Bien qu’il n’ait pas systématisé ses idées dans le sens que l’on donne généralement à la notion de système philosophique, cela ne signifie pas qu’il n’y ait aucune pensée philosophique dans Les Entretiens de Confucius. Comme le souligne l’historien de la philosophie chinoise Fung Yu-Lan dans son livre L’Histoire de la Philosophie Chinoise [101] , la notion de système philosophique n’est pas univoque, il y a des systèmes philosophiques formalisés et des systèmes philosophiques non formalisés. L’ensemble des pensées véhiculées dans notre sélection des Entretiens de Confucius est à la fois une description d’attitudes et de comportements humains et une conception d’un monde idéal et des valeurs qui le caractérisent. Ce réseau de concepts met en relation deux catégories fondamentales, celles de vertu d’humanité et celle de noblesse d’esprit, il constitue à ce titre une éthique sous la forme d’un système non formalisé de pensées philosophiques.