Abstracts
Résumé
« Un regard sur Confucius » est une sélection des Entretiens de Confucius, sélection établie en fonction de leur valeur universelle, c’est à dire de ce qui semble être leur validité à n’importe quelle époque. Dans cette sélection sont surtout mis en évidence les qualités d’un esprit noble, symbole de l’être humain idéal ou être vraiment humain, et les défauts des êtres humains réels avec leurs tendances naturelles peu humanistes. Ces pensées philosophiques de Confucius déterminent un réseau de concepts qui met en relation deux catégories fondamentales, celle de vertu d’humanité et celle de noblesse d’esprit et constitue à ce titre une éthique sous la forme d’un système non formalisé de pensées philosophiques.
Mots-clés :
- Esprit noble,
- esprit vil,
- vertu,
- vertu d’humanité,
- rituel,
- savoir,
- éducation,
- règles de conduite
Article body
Introduction
Un esprit noble étudie pour trouver sa voie.
Lun Yu, XIX.7
« Un regard sur Confucius » est une sélection des Entretiens de Confucius [1] en fonction de ce qui semble être leur validité à n’importe quelle époque. Dans cette sélection qui ne prétend pas être exhaustive sont surtout mis en évidence les qualités d’un esprit noble, symbole de l’être humain idéal ou être vraiment humain, et les défauts des êtres humains réels avec leurs tendances naturelles peu humanistes.
Confucius
Confucius est le nom latin que les missionnaires jésuites donnèrent à Kong Fu Zi, c’est-à-dire Maître Kong. Selon la chronologie chinoise Confucius serait né en 551 avant Jésus Christ à Qufu dans le règne de Lu, règne qui se situe grosso modo dans l’actuelle province du Shandong, et serait mort en 479. Cette période de l’histoire chinoise correspond à la fin de l’époque dite des Printemps et Automnes, nom qui dérive du titre des annales de cette période. La Chine était alors un ensemble de règnes qui se disputaient l’hégémonie des territoires qui formèrent plus tard l’Empire du Milieu ou Chine. C’est dans une période d’instabilité politique et de grandes transformations socio-économiques – apparition des premières lois écrites et début de l’âge du fer en Chine – qu’a vécu Confucius dont les pensées transformées en doctrine par les lettrés de plusieurs dynasties ont exercé une grande influence sur l’histoire et les civilisations de l’Extrême Orient.
L’œuvre de Confucius
Confucius affirme modestement n’avoir rien inventé, il se serait contenté de transmettre les connaissances acquises dans la lecture des classiques chinois, c’est à dire Le Livre des Odes, Le Livre des Rituels, Le Livre des Mutations, Le Livre des Documents historiques, Le Livre de la Musique et Les Annales du Règne de Lu. Il est possible que Confucius ait rédigé ou modifié certains de ces classiques, mais les historiens divergent à ce sujet. Le seul document écrit qui transcrit les paroles de Confucius et de quelques uns de ses disciples et dont personne ne semble douter est le Lun Yu, expression généralement traduite en français par “Les Entretiens de Confucius’.
Les Entretiens de Confucius
L’originalité des Entretiens de Confucius ne réside ni dans les différences de la langue chinoise par rapport aux langues indo-européennes ni dans le pouvoir symbolique que les caractères chinois ont quand ils servent d’emblèmes ; elle réside, comme dans n’importe quelle oeuvre d’un grand penseur dans la détermination de concepts-clés qui forment un réseau structuré de catégories de pensée. Confucius synthétise sa conception idéale d’un monde humain au moyen de concepts fondamentaux comme ceux de justice naturelle ou équité, de rituel ou norme sociale, de tolérance, de bonne foi, de générosité, de vertu par excellence ou vertu d’humanité et d’homme de bien ou esprit noble.
Le concept de rituel se réfère aux coutumes et aux normes d’un comportement humain civilisé, les rituels servent fondamentalement à créer une certaine harmonie entre les individus et ont une fonction éducative de socialisation. Les concepts de tolérance, de bonne foi, de générosité etc. sont les attributs du concept de vertu d’humanité et les normes de conduite d’un esprit noble. La noblesse d’esprit et la vertu d’humanité forment une seule représentation mentale qui constitue le noyau de l’éthique de Confucius, l’esprit noble étant quelqu’un qui pratique la vertu d’humanité et la vertu d’humanité étant ce qui oriente la conduite de l’esprit noble.
Confucius a donné au terme junzi que nous traduisons par esprit noble un sens purement éthique, le junzi est un esprit noble indépendamment de toute classe sociale. Le terme ren que nous traduisons souvent par vertu d’humanité a également acquis un sens plus vaste avec Confucius. A l’origine le mot ren servait à décrire le courage et la noblesse d’esprit d’un guerrier, avec Confucius il détermine un grand nombre de normes éthiques. En démocratisant le concept de junzi et en élargissant le sens du concept de ren, Confucius fonde une morale dans laquelle la vertu acquiert un sens universel : c’est une vision altruiste des relations humaines, vision qui constitue une nouvelle façon de penser ou tout au moins une nouvelle façon de transmettre le savoir des Anciens et qui exige, selon la terminologie de Confucius, une “rectification des termes’, c’est à dire une détermination correcte des concepts sans laquelle les mots sont vides de sens. En soulignant l’importance d’un langage correct dans la détermination des concepts, langage sans lequel les normes deviennent confuses et les individus ne savent plus quel est leur rôle dans la société, Confucius met en évidence la relation étroite entre les mots, la pensée et l’action ainsi que l’interdépendance entre le langage et la connaissance : “Sans comprendre le sens des mots, on ne peut comprendre les êtres humains’.
Les Pensées de Confucius que nous avons sélectionnées ont été ordonnées en fonction de trois grands thèmes : Le premier concerne l’expérience humaine, c’est à dire ce que tout un chacun peut observer durant son existence et qui constitue les présupposés de toute conception d’un monde humain idéal. Le deuxième concerne la dualité de l’esprit humain, le moyen utilisé par Confucius pour mettre en évidence cette dualité étant la confrontation systématique entre les qualités d’un esprit noble et les défauts d’un esprit vil. Le troisième concerne la voie de l’humanisme, c’est à dire les conditions qui feraient éventuellement de l’être humain un être vraiment humain et du monde un monde meilleur.
I. L’expérience humaine
C’est un regard lucide que Confucius jette sur le monde humain, tant au niveau psychologique -“il parle avec détermination, c’est sûr, mais est-ce de la noblesse d’esprit ou tout simplement de l’hypocrisie ?’-, qu’au niveau sociologique -“La nature rapproche, les coutumes séparent’-. L’ensemble de ses remarques sur la façon dont l’être humain se conduit en société semble toujours valable malgré la distance qui sépare dans le temps et dans l’espace le monde dans lequel il a vécu du nôtre, d’où leur valeur probablement universelle. Confucius souligne l’importance de la pensée critique et du savoir authentique dans l’éducation -“Étudier sans réfléchir est illusoire, réfléchir sans étudier est dangereux’, “Savoir, c’est avoir conscience que l’on sait lorsque l’on sait et que l’on ne sait pas lorsque l’on ne sait pas’-. Il met en garde contre les voies sans issue -“Est-il possible de sortir d’une voie sans issue ? Alors pourquoi s’écarter de la voie ?’- et met en évidence le rôle des rituels dans la société -“Celui qui ignore les rituels vit en marge de la société’, “Si l’on ne pouvait gouverner un pays au moyen de rituels et de concessions, à quoi serviraient les rituels ?’-. Ses commentaires sur le savoir, le langage et les rituels tout comme son regard sur la société -“Ne pas penser à l’avenir cause des soucis dans le présent’, “Les petits intérêts entravent les grands projets’- etc. sont le résultat de toute une vie de réflexion et forment le fondement existentiel à partir duquel il élaborera un certain nombre de normes individuelles et collectives qui indiquent la voie de l’humanisme et qui, mises en pratique, devraient faire de l’être humain un être vraiment humain, c’est à dire un être humaniste à l’esprit noble.
I.1. Le savoir
XI.12. Le Maître dit : “On ignore ce qu’est la vie, comment savoir ce qu’est la mort ?’[2]
XX.3. Le Maître dit : “Sans comprendre le sens des mots, on ne peut comprendre les êtres humains.’[3]
II.17. Le Maître dit : “Savoir, c’est avoir conscience que l’on sait lorsque l’on sait et que l’on ne sait pas lorsque l’on ne sait pas !’[4]
VIII.17. Le Maître dit : “Étudier c’est apprendre sans relâche avec la crainte de perdre le savoir acquis.’[5]
II.15. Le Maître dit :“Étudier sans réfléchir est illusoire, réfléchir sans étudier est dangereux.’ [6]
XIV.24. Le Maître dit : “Autrefois on étudiait pour s’instruire, de nos jours on étudie pour recevoir des éloges.’ [7]
II.11. Le Maître dit : “Extraire un nouveau savoir de l’ancien, c’est avoir le don d’enseigner.’ [8]
I.2. Les mots
XI.21. Le Maître dit : “Il parle avec détermination, c’est sûr, mais est-ce de la noblesse d’esprit ou tout simplement de l’hypocrisie ?’[9]
XII.3. Le Maître dit : “Comment pourrait-on parler sans hésitation de ce que l’on a du mal à faire ?’[10]
XIV.20. Le Maître dit : “Qui parle à la légère tient difficilement sa parole.’[11]
I.3. Le Maître dit : “Propos mielleux et attitudes hypocrites n’ont pas grand-chose à voir avec la vertu d’humanité !’ [12]
XVI.11. Confucius dit : “Vivre dans l’isolement pour atteindre un idéal, faire de la justice un guide pour la vie – j’ai entendu de tels propos, mais je n’ai jamais vu personne les mettre en pratique !’ [13]
XI.4. Le Maître dit : “Comment Hui aurait-il pu m’aider, il ne désapprouvait jamais ce que je lui disais !’[14]
I.3. Les rituels
I.13. Maître You dit : “Celui qui respecte les rituels évite tout déshonneur.’[15]
IV.13. Le Maître dit : “Peut-on gouverner un pays au moyen de rituels et de concessions ? Comment en douter ? Si l’on ne pouvait gouverner un pays au moyen de rituels et de concessions, à quoi serviraient les rituels ?’[16]
VIII.2. Le Maître dit : “Sans rituels la déférence devient lassante, la prudence n’est qu’appréhension, le courage est aveugle et la franchise blesse.’[17]
XX.3. Le Maître dit : “Celui qui ignore les rituels vit en marge de la société. »[18]
III.3. Le Maître dit : “Si vous n’agissez pas humainement, à quoi bon les rituels ?’[19]
XVII.11. Le Maître dit : “Ils parlent sans cesse de rituels, mais en fait ils ne parlent que de jade et de soie !’[20]
I.4. La société
XII.6. Le Maître dit : “Malgré une vague de calomnies et d’injures, il reste imperturbable, on peut dire qu’il est lucide.’[21]
VI.23. Le Maître dit : “un être intelligent est dynamique; un être vraiment humain est serein.’[22]
IX.29. Le Maître dit : “Les sages n’ont aucune illusion, les bons ne sont pas anxieux, les courageux ne sont pas craintifs.’[23]
XIV.4. Le Maître dit : “Etre vraiment humain signifie être courageux, mais être courageux ne signifie pas forcément être vraiment humain.’[24]
XVII.3. Le Maître dit : “Il n’y a que les sages et les imbéciles qui ne changent pas.’[25]
XVII.2. Le Maître dit : “La nature rapproche, les coutumes séparent.’[26]
XIII.30. Le Maître dit : “Envoyer un peuple mal preparé à la guerre, c’est l’envoyer à sa perte.’[27]
II.3. Le Maître dit : “Sous un gouvernement droit et une administration impartiale, le peuple a de la dignité et de la volonté.’[28]
XIV.41. Le Maître dit : “Quand les classes dirigeantes respectent les normes sociales, le peuple a de la bonne volonté.’[29]
II.24. Le Maître dit : “Ne pas agir conformément à la justice est de la lâcheté.’[30]
XIII.17. Le Maître dit : “Les petits intérêts entravent les grands projets.’[31]
IV.2. Le Maître dit : “Un être vraiment humain vit paisiblement son humanité, un être intelligent la met à profit.’[32]
V.20. Ji Wen Zi réfléchissait trois fois avant d’agir. Quand on lui dit, le Maître dit : “Deux fois devrait suffire.’[33]
VII.26. Le Maître dit : “Je n’ai pas encore eu l’occasion de rencontrer un saint mais si un jour je rencontre un esprit noble je serai satisfait.’[34]
IV.6. Le Maître dit : “Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui se consacre uniquement au bien ni quelqu’un qui renonce totalement au mal.’[35]
IX.18. Le Maître dit : “Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui préfère la vertu au charme féminin.’[36]
XVII.8. Le Maître dit : “Le culte de la vertu sans le goût de l’étude rend obtus.’[37]
IX.22. Le Maître dit : “Il y a des bourgeons qui ne fleurissent jamais et des fleurs qui ne donnent aucun fruit !’[38]
IX.26. Le Maître dit : “On peut priver une armée de son général en chef mais on ne peut priver personne de ses idéaux’.[39]
I.13. Maître You dit : “On peut faire confiance à ceux qui se guident sur la justice.’[40]
Le Maître dit : “Sans la justice, la richesse et les honneurs ne sont que des nuages qui flottent dans le ciel.’[41]
XV.12. Le Maître dit : “Ne pas penser à l’avenir cause des soucis dans le présent.’[42]
III.16. Le Maître dit : “Dans le tir à l’arc, le plus important n’est pas d’atteindre la cible car les archers n’ont pas la même force. C’était la façon de voir des Anciens. ’[43]
Le Maître dit : “Le principe -la vertu est le juste milieu- est excellent, malheureusement cela fait longtemps qu’il est rarement mis en pratique !’[44]
XX.3. Confucius dit : “Qui ignore son propre destin ne saurait devenir un esprit noble.’[45]
VI.17. Le Maître dit : “Est-il possible de sortir d’une voie sans issue ? Alors pourquoi s’écarter de la voie ? ’[46]
II. L’esprit humain
En opposant systématiquement les qualités d’un esprit noble et les défauts d’un esprit vil Confucius met en évidence la dualité de l’esprit humain, cette double face de l’âme humaine qui fait de l’être humain un être constamment écartelé entre l’esprit et la matière -“Un esprit noble s’attache aux valeurs spirituelles, un esprit vil s’attache aux valeurs matérielles’-. Il ne se prononce pas sur l’essence de l’esprit humain, il ne pose pas la question métaphysique de l’existence de l’âme indépendamment du corps bien qu’il sous entende celle-ci puisqu’il conseille de garder ses distances par rapport aux esprits et de les respecter -“Traiter les gens avec justice, respecter les esprits et les dieux tout en gardant ses distances, on peut appeler cela de la sagesse’-. Confucius essaie tout simplement de montrer la nature bivalente de l’âme humaine, l’esprit noble et l’esprit vil étant le même esprit qui, dans sa souffrance inhérente à son essence, lutte constamment entre l’altruisme et l’égoïsme -“Un esprit noble fait passer l’intérêt général avant l’intérêt particulier, un esprit vil fait passer l’intérêt particulier avant l’intérêt général’-. Pour trouver sa voie dans ce monde de tendances contradictoires l’esprit humain qui se veut vraiment humain doit étudier -“Un esprit noble étudie pour trouver sa voie’-, il doit être exigeant envers soi-même -“Un esprit noble est exigeant envers soi-même, un esprit vil est exigeant envers les autres’-, il doit se guider sur la justice -“Un esprit noble recherche la justice, un esprit vil recherche les faveurs’-, enfin il doit s’efforcer de vivre en harmonie avec les autres en respectant leurs différences -“Un esprit noble recherche l’harmonie, pas l’uniformité; un esprit vil revendique l’uniformité, pas l’harmonie’-.
XIX.7. Zi Xia dit : “Un esprit noble étudie pour trouver sa voie.’[47]
XV.21. Le Maître dit : “Un esprit noble est exigeant envers soi-même, un esprit vil est exigeant envers les autres.’[48]
IV.24. Le Maître dit : “Un esprit noble parle avec prudence et agit avec diligence.’[49]
XII.16. Le Maître dit : “Un esprit noble met en valeur les qualités des autres , pas leurs défauts . Un esprit vil fait le contraire.’[50]
II.14. Le Maître dit : “Un esprit noble fait passer l’intérêt général avant l’intérêt particulier, un esprit vil fait passer l’intérêt particulier avant l’intérêt général.’[51]
VI.4. Le Maître dit : “J’ai toujours entendu dire qu’un esprit noble est quelqu’un qui aide les pauvres et non les riches à s’enrichir davantage.’[52]
XIV.23. Le Maître dit : “Un esprit noble s’attache aux valeurs spirituelles, un esprit vil s’attache aux valeurs matérielles.’[53]
IV.10. Le Maître dit : “Dans les affaires du monde, un esprit noble n’est ni rigide ni obstiné, il agit avec justice.’[54]
IV.11. Le Maître dit : “Un esprit noble recherche la justice, un esprit vil recherche les faveurs.’[55]
IV.16. Le Maître dit : “Un esprit noble a conscience de ce qui est juste, un esprit vil n’a conscience que de ses intérêts.’[56]
XIV.27. Le Maître dit : “Un esprit noble aurait honte de ne pas tenir ses promesses.’[57]
XIII.26. Le Maître dit : “Un esprit noble a de la dignité sans être prétentieux, un esprit vil est prétentieux mais n’a aucune dignité.’[58]
XV.2. Le Maître dit : “Un esprit noble ne succombe pas à la détresse.’[59]
II.12. Le Maître dit : “Un esprit noble n’est pas un outil.’[60]
III.7. Le Maître dit : “Un esprit noble ne rivalise avec personne, sauf au tir à l’arc !’[61]
XIII.23. Le Maître dit : “Un esprit noble recherche l’harmonie, pas l’uniformité; un esprit vil revendique l’uniformité, pas l’harmonie.’[62]
XII.24. Zeng Zi dit : “Grâce à sa culture l’esprit noble se fait des amis; grâce à ses amis, il devient vraiment humain.’[63]
VI.27. Le Maître dit : “Un esprit noble qui cultive Les Belles-Lettres et s’efforce de respecter les rituels ne saurait s’éloigner du bon chemin ! ’[64]
III. La voie de l’humanisme
Comment l’être humain doit-il se conduire pour être vraiment humain ? Telle est bien la question sous-jacente aux réflexions de Confucius. Ses réponses se fondent sur l’observation objective des comportements humains et non sur une croyance quelconque. Confucius ne rejette cependant aucune croyance, il conseille même de respecter les esprits et les dieux et de garder ses distances par rapport à eux, mais c’est sur son expérience personnelle qu’il s’appuie pour tirer un certain nombre de conclusions sur l’être humain et la société en général. Quelque soit la nature de l’esprit humain, que celui-ci appartienne ou non à une âme séparable du corps humain, il est toujours l’objet d’influences et de tendances contradictoires, les unes nobles et altruistes, les autres viles et égoïstes. Pour l’être humain qui veut être vraiment humain la noblesse d’esprit devient un idéal. Pour atteindre cet idéal il doit apprendre à se contrôler -“La vertu consiste à se dominer » et à «respecter les rituels’-, les rituels étant le fondement de l’ordre social et de l’harmonie entre les individus; il doit s’efforcer de mettre en pratique cinq principes -“la déférence, la tolérance, la bonne foi, la diligence et la générosité’-. Mais pour quelle raison l’être humain devrait-il poursuivre cet idéal ? Tout simplement parce que cela en vaut la peine -“Il fait bon vivre là où il y a de l’humanité’-, c’est à dire là où l’être humain se comporte de façon vraiment humaine. Pour l’individu tout est une question de volonté -“pour être vraiment humain il suffit de le vouloir’-, c’est à dire de vouloir suivre la voie de l’humanisme dont une des normes principales est la piété filiale et le respect des aînés. Pour la société c’est une question d’éducation -“L’enseignement s’adresse à tous sans exception’-, une éducation sans dogmatisme qui incite les individus à être sincères -“Quant aux mots, qu’ils reflètent la pensée !’-, une éducation qui place la justice au dessus de tout -“Un esprit cultivé affronte le danger avec dévouement et fait passer la justice avant ses intérêts’-, une éducation basée sur l’effort et l’esprit de sacrifice -“Un coeur noble ne sacrifie jamais son humanité pour survivre, il offre sa vie au nom de celle-ci’-, en somme une éducation humaniste qui repose sur l’instruction, la liberté d’expression et la volonté -“S’instruire sans cesse et avoir de la volonté, questionner ouvertement et analyser en détail, c’est là où se trouve la vertu d’humanité’-.
III.1. La vertu d’humanité
I.2. Maître You dit : “La piété filiale et le respect des aînés sont le fondement de la vertu !’ [65]
XVII.6. Zizhang demanda à Confucius en quoi consiste la vertu. Confucius dit : “Dans ce monde être vraiment humain c’est être capable de mettre en pratique cinq principes. » Zizhang demanda alors quels étaient ces principes. Confucius répondit : « la déférence, la tolérance, la bonne foi, la diligence et la générosité.’[66]
XIII.19. Fan Chi demanda comment être vraiment humain. Le Maître dit : “En étant déférent dans la vie privée, diligent dans la vie publique et toujours loyal envers les autres.’[67]
XII.22. Fan chi demanda comment être vraiment humain. Le Maître dit : “En aimant son prochain.’[68]
XII.2. Zhong Gong demanda en quoi consiste la vertu d’humanité. Le Maître dit : “N’imposez pas aux autres ce que vous ne souhaitez pas pour vous.’[69]
XII.1. Yan Yuan demanda en quoi consiste la vertu d’humanité. Le Maître dit : “La vertu consiste à se dominer et à respecter les rituels.’[70]
XII.10. Le Maître dit : “La loyauté, la confiance et la recherche de l’équité conduisent à la vertu.’[71]
XIII.27. Le Maître dit : “La fermeté, la persévérance, la sincérité et la prudence sont proches de la vertu d’humanité.’[72]
XIX.6. Zi Xia dit : “S’instruire sans cesse et avoir de la volonté, questionner ouvertement et analyser en détail, c’est là où se trouve la vertu d’humanité.’[73]
VII.30. Le Maître dit : “Pour être vraiment humain il suffit de le vouloir.’[74]
IV.4. Le Maître dit : “Il suffit de vouloir être vraiment humain pour qu’il n’y ait plus place pour le mal !’[75]
VI.22. Le Maître dit : “Pour être vraiment humain l’effort passe avant la récompense, c’est cela la vertu d’humanité.’[76]
IV.1. Le Maître dit : “Il fait bon vivre là où il y a de l’humanité.’[77]
III.2. L’éducation
XV.39. Le Maître dit : “L’enseignement s’adresse à tous sans exception.’[78]
VIII.8. Le Maître dit : “La poésie inspire, le rituel éduque et la musique forme.’[79]
VII.25. “Le Maître enseignait de quatre façons : par les textes, par les actes, par la loyauté et par la confiance.’[80]
VII.20. Le Maître dit : “Ma connaissance n’est pas innée, j’adore l’Antiquité et m’instruis sans cesse.’[81]
IX.4. “Il y a quatre choses que le Maître n’admettait pas : les conjectures, le dogmatisme, l’entêtement et la présomption.’[82]
VII.33. Le Maître dit : “Des connaissances, j’en ai comme tout le monde. Pour ce qui est d’être un esprit noble, j’en suis encore loin.’[83]
Le Maître dit : “Les autres ont toujours quelque chose à m’apprendre, leurs qualités me servent d’exemple et leurs défauts d’avertissement.’[84]
XV.41. Le Maître dit : “Quant aux mots, qu’ils reflètent la pensée !’[85]
III.3. Règles de conduite
XIV.34. Quelqu’un dit : “Il faut rendre le bien pour le mal, n’est-ce pas ?’ Le Maître dit : “Que rendre alors pour le bien ? Il faut rendre la justice pour le mal et le bien pour le bien.’[86]
VI.22. Le Maître dit : “Traiter les gens avec justice, respecter les esprits et les dieux tout en gardant ses distances, on peut appeler cela de la sagesse.’[87]
IX.30.Le Maître dit : “Etudier ensemble n’implique pas suivre la même voie. Suivre la même voie n’implique pas travailler ensemble. Travailler ensemble n’implique pas avoir les mêmes opinions.’[88]
XIX.1. Zi Zhang dit : “Un esprit cultivé affronte le danger avec dévouement et fait passer la justice avant ses intérêts.’[89]
I.16. Le Maître dit : “Peu importe d’être incompris, ce qui est grave c’est de ne pas comprendre les autres.’[90]
XIV.30. Le Maître dit : “Peu importe d’être méconnu, ce qui est grave c’est d’être incompétent !’[91]
XI.16. Le Maître dit : “En faire trop ne vaut guère mieux que pas assez.’[92]
XV.40. Le Maître dit : “Sans principes communs, inutile d’avoir des projets.’ [93]
XV.31. Le Maître dit : “J’ai passé des jours et des jours à jeûner et des nuits à méditer. Pour rien ! Mieux vaut étudier !’[94]
I.12. Maître You dit : “Dans une cérémonie, l’important c’est l’harmonie.’[95]
III.4. Lin Fang s’enquit de l’essence des rituels. Le Maître dit : “Quelle question ! Dans toute cérémonie, la simplicité est préférable au luxe; quant aux obsèques, mieux vaut l’affliction que l’apparat.’[96]
III.19. Le duc Ding demanda : “Comment un souvrain doit-il exercer son autorité sur ses ministres et comment les ministres doivent-ils le servir ?’ Confucius répondit : “Le souverain doit exercer son autorité selon les rituels et les ministres doivent le servir avec loyauté.’[97]
XII.11. Le duc Jing de Qi questionna Confucius sur l’art de gouverner. Confucius répondit : “Le souverain doit se conduire en souverain, le ministre en ministre, le père en père et le fils en fils.’[98]
XV.29. Le Maître dit : “C’est l’être humain qui donne de l’ampleur au Tao et non pas le Tao qui donne de l’ampleur à l’être humain.’[99]
XV.9. Le Maître dit : “Un coeur noble ne sacrifie jamais son humanité pour survivre, il offre sa vie au nom de celle-ci.’[100]
Conclusion
Bien qu’il n’ait pas systématisé ses idées dans le sens que l’on donne généralement à la notion de système philosophique, cela ne signifie pas qu’il n’y ait aucune pensée philosophique dans Les Entretiens de Confucius. Comme le souligne l’historien de la philosophie chinoise Fung Yu-Lan dans son livre L’Histoire de la Philosophie Chinoise [101] , la notion de système philosophique n’est pas univoque, il y a des systèmes philosophiques formalisés et des systèmes philosophiques non formalisés. L’ensemble des pensées véhiculées dans notre sélection des Entretiens de Confucius est à la fois une description d’attitudes et de comportements humains et une conception d’un monde idéal et des valeurs qui le caractérisent. Ce réseau de concepts met en relation deux catégories fondamentales, celles de vertu d’humanité et celle de noblesse d’esprit, il constitue à ce titre une éthique sous la forme d’un système non formalisé de pensées philosophiques.
Appendices
Notes
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[1]
Il existe de nombreuses traductions des Entretiens. Les traductions françaises de P. Ryckmans, Gallimard (1987), et de A. Cheng, Le Seuil (1981) ont été consultées avec beaucoup de profit. En chinois moderne ont été consultés plusieurs ouvrages dont les plus importants sont le Lunyu zhijie, éditions de l’Université Fudan de Shanghai (1996) et le Lunyu baihua jinyi, éditions des Librairies Xin Hua (1992).
-
[2]
子曰:“未知生,焉知死?’
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[3]
子曰:“不知言,無以知人也。’
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[4]
子曰:“知之為知之,不知為不知,是知也。’
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[5]
子曰:“學如不及,猶恐失之。’
-
[6]
子曰:“學而不思則罔,思而不學則殆。’
-
[7]
子曰:“古之學者為己,今之學者為人。’
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[8]
子曰:“溫故而知新,可以為師矣。’
-
[9]
子曰:“論篤是與,君子者乎?色莊者乎?’
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[10]
子曰:“為之難,言之得無訒乎?’
-
[11]
子曰:“其言之不怍,則為之也難。’
-
[12]
子曰:“巧言令色,鮮矣仁!’
-
[13]
孔子曰:“隱居以求其志,行義以達其道。吾聞其語矣,未見其人也。’
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[14]
子曰:“回也非助我者也, 於吾言無所不說。’
-
[15]
有子曰:“恭近於禮,遠恥辱也。’
-
[16]
子曰:“能以禮讓為國乎? 何有? 不能以禮讓為國,如禮何? ’
-
[17]
子曰:“恭而無禮則勞,慎而無禮則葸,勇而無禮則亂,直而無禮則絞。’
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[18]
子曰:“不知禮,無以立也。’
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[19]
子曰:“人而不仁,如禮何?’
-
[20]
子曰:“禮云禮云,玉帛云乎哉’.
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[21]
子曰:“浸潤之譖,膚受之愬,不行焉,可謂明也已矣。’
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[22]
子曰:“知者動,仁者靜。’
-
[23]
子曰:“知者不惑,仁者不憂,勇者不懼。’
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[24]
子曰:“仁者必有勇,勇者不必有仁。’
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[25]
子曰:“唯上知與下愚不移。’
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[26]
子曰:“性相近也,習相遠也。’
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[27]
子曰:“以不教民戰,是謂棄之。’
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[28]
子曰:“道之以德,齊之以禮,有恥且格。’
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[29]
子曰:“上好禮,則民易使也。’
-
[30]
子曰:“見義不為,無勇也。’
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[31]
子曰:“見小利,則大事不成。’
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[32]
子曰:“仁者安仁,知者利仁。’
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[33]
季文子三思而後行。子聞之,曰:“再,斯可矣。’
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[34]
子曰:“聖人,吾不得而見之矣;得見君子者,斯可矣。’
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[35]
子曰:“我未見好仁者,惡不仁者。’
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[36]
子曰:“吾未見好德如好色者也。’
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[37]
子曰:“好仁不好學,其蔽也愚。’
-
[38]
子曰:“苗而不秀者有矣夫!秀而不實者有矣夫!’
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[39]
子曰:“三軍可奪師也,匹夫不可奪志也。’
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[40]
有子曰:“信近於義,言可復也。’
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[41]
子曰:“不義而富且貴,於我如浮雲。’
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[42]
子曰:“人無遠慮,必有近憂。’
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[43]
子曰:“射不主皮,為力不同科,古之道也。’
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[44]
子曰:“中庸之為德也,其至矣乎!民鮮久矣。’
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[45]
孔子曰:“不知命,無以為君子也。’
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[46]
子曰:“誰能出不由戶?何莫由斯道也?’
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[47]
子夏曰:“君子學以致其道。’
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[48]
子曰:“君子求諸己,小人求諸人。’
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[49]
子曰:“君子慾訥於言而敏於行。’
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[50]
子曰:“君子成人之美,不成人之惡。小人反是。’
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[51]
子曰:“君子周而不比,小人比而不周。’
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[52]
子曰:“吾聞之也:君子周急不繼富。’
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[53]
子曰:“君子上達,小人下達。’
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[54]
子曰:“君子之於天下也,無適也,無莫也,義之與比。’
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[55]
子曰:“君子懷刑,小人懷惠。’
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[56]
子曰:“君子喻於義,小人喻於利。’
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[57]
子曰:“君子恥其言而過其行。’
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[58]
子曰:“君子泰而不驕。小人驕而不泰。’
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[59]
子曰:“君子固窮。’
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[60]
子曰:“君子不器。’
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[61]
子曰:“君子無所爭。必也射乎!’
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[62]
子曰:“君子和而不同,小人同而不和。’
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[63]
曾子曰:“君子以文會友,以友輔仁。’
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[64]
子曰:“君子博學於文,約之以禮,亦可以弗畔矣夫!’
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[65]
有子曰:“孝弟也者,其為仁之本與’
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[66]
子張問仁於孔子。孔子曰:“能行五者於天下為仁矣。’請問之。曰:“恭,寬,信,敏,惠。’
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[67]
樊遲問仁。子曰:“居處恭,執事敬,與人忠。’
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[68]
樊遲問仁。子曰:“愛人。’
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[69]
仲弓問仁。子曰:“己所不慾,勿施於人。’
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[70]
顏淵問仁。子曰:“克己復禮為仁。’
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[71]
子曰:“主忠信,徙義,崇德也。’
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[72]
子曰:“剛,毅,木,訥近仁。’
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[73]
子夏曰:“博學而篤志,切問而近思,仁在其中矣。’
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[74]
子曰:“ 我慾仁,斯仁至矣。’
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[75]
子曰:“苟志於仁矣,無惡也。’
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[76]
子曰:“仁者先難而後獲,可謂仁矣。’
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[77]
子曰:“里仁為美。’
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[78]
子曰:“有教無纇。’
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[79]
子曰:“興於詩,立於禮,成於樂。’
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[80]
“子以四教:文,行,忠,信。’
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[81]
子曰:“我非生而知之者,好古,敏以求之者也。’
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[82]
“子絕四:毋意,毋必,毋固,毋我。’
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[83]
子曰:“文,莫吾猶人也。躬行君子,則吾未之有得。’
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[84]
子曰:“三人行,必有我師焉。擇其善者而從之,其不善者而改之。’
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[85]
子曰:“辭達而已矣。’
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[86]
或曰:“以德報怨,何如?’子曰:“何以報德?以直報怨,以德報德。’
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[87]
子曰:“務民之義,敬鬼神而遠之,可謂知矣。’
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[88]
子曰:“可與共學,未可與適道;可與適道,未可與立;可與立,未可與權。’
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[89]
子張曰:“士見危致命,見得思義。’
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[90]
子曰:“不患人之不己知, 患不知人也。’
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[91]
子曰:“不患人之不己知,患其不能也。’
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[92]
子曰:“過猶不及。’
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[93]
子曰:“道不同,不相為謀。’
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[94]
子曰:“吾嘗 終日不食,終夜不寢,以思,無益,不如學也。’
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[95]
有子曰:“禮之用,和為貴。’
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[96]
林放問禮之本。子曰:“大哉問!禮,與其奢也,寧儉;喪,與其易也,寧戚。’
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[97]
定公問:“君使臣,臣事君,如之何?’孔子對曰:“君使臣以禮,臣事君以忠。’
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[98]
齊景公問政於孔子。孔子對曰:“君君,臣臣,父父,子子。’
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[99]
子曰:“人能弘道,非道弘人。’
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[100]
子曰:“志士仁人,無求生以害仁,有殺身以成仁。’
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[101]
Fung Yu-Lan, A History of Chinese Philosophy, translated by Derk Bodde – Princeton Paperbacks.
Bibliographie
- 论语直解—复旦 大学 出版社 。
- 论语白话今译- 中国 书店出版 。
- 论语全译-江苏古籍出版 。
- 白话论语-三秦出版社。
- A History of Chinese Philosophy by Fung Yu-Lan, translated by Derk Bodde, Princeton Paperbacks
- Selected Philosophical Writings of Fung Yu-Lan, Foreign Languages Press Beijing
- Max Kaltenmark, La Philosophie Chinoise, Paris, PUF, 1980 (4e éd.)
- Jacques Gernet, Le Monde Chinois, Paris, Armand Colin, 1999 (4e éd. rev. et corr.)
- Marcel Granet, La Pensée Chinoise, Paris, Albin Michel, 1999 (nouvelle éd.)
- Chichung Huang, The Analects of Confucius, Oxford Paperbacks
- Les Entretiens de Confucius, traduction de Pierre Ryckmans, Paris, Gallimard, 2005
- Quadrivolume de Confúcio do padre Joaquim A. de Jesus Guerra, S.J., Instituto Cultural de Macau, Aidan Publicities & Printing, 1990
- Fan Kehli, Les modèles de phrases dans la langue chinoise classique, Paris, Librairie You Feng, 1990
- Fan Kehli, Le mot vide dans la langue chinoise classique, Paris, Librairie You Feng, 1991
- J.A. Guerra, S.J., Structural Semantics, Printed by Tipografia Mandarin, Macau, 1980