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Introduction

Issue du Club psychanalytique de Montréal (1946), la Société canadienne de psychanalyse ne sera officiellement reconnue par l’Association psychanalytique internationale que le 31 juillet 1957.

C’est dans la période des années 68 que pour des raisons aussi bien linguistiques que géographiques, il devint essentiel de créer au sein de la Société canadienne des sections réunies sur un modèle fédératif. En effet, dans le contexte d’un accroissement du nombre de candidats francophones, de l’émergence d’un fort sentiment nationaliste et du fait que le programme de formation était unilingue anglais furent alors créées pour Montréal une section francophone et une section anglophone respectivement nommées Société psychanalytique de Montréal (SPM) et Canadian Psychoanalytic Society/Quebec English, et en Ontario on officialisa une troisième section appelée Ontario Branches, plus tard nommée Toronto Psychoanalytic Society. Ainsi, les trois sections de l’Institut furent créées en 1968 et celles de la Société en 1969.

Le 9 octobre 1969, les membres du groupe francophone adoptèrent unanimement le nom de Société psychanalytique de Montréal. Le premier Conseil élu de la SPM tint sa première réunion le 24 novembre 1969, sous la présidence de Dr Jean-Louis Langlois. Dès lors, Dr Roger Dufresne organisa des séminaires continus, dans la perspective d’une plus grande collaboration entre la Société et l’Institut. Insufflé par André Lussier, le principe d’un colloque scientifique annuel du printemps fût institué. Une distinction fondamentale de la SPM se fit jour autour des questions de formation des candidats vis-à-vis des deux autres sections : divergences sur le programme d’enseignement, refus de l’intrusion de l’Institut dans les analyses personnelles, conception non évaluative des contrôles, création des séminaires continus pouvant être dirigés par des non-didacticiens, et par-dessus tout création de la catégorie d’analystes habilités permettant à des non-didacticiens, après cinq ans de pratique de la psychanalyse, d’analyser des candidats. (NDLR – Pour une histoire plus complète de la psychanalyse au Canada, lire Vigneault 2001)

Aujourd’hui, les structures de la SPM demeurent profondément marquées par les principes dégagés initialement lors des congrès internationaux sur la formation, par les influences provenant des groupes analytiques français et d’un atelier mis sur pied en février 1970 – Situation actuelle de la psychanalyse – par quatre membres ayant eu une formation parisienne : Jean Bossé, Claude Brodeur, Roger Dufresne et Jean-Louis Saucier. Tous les deux mercredis, ils réfléchissaient sur la nature du processus analytique, les rapports entre psychanalyse et société, psychanalyse et médecine, psychanalyse et institutions psychanalytiques, gratuité et tiers payant, l’analyse didactique ou personnelle, les séminaires didactiques ou continus et la supervision comme évaluation ou assistance. En outre, le premier congrès scientifique annuel de la section française, en juin 1970, porta naturellement sur la transmission de la psychanalyse. La création des séminaires continus ainsi que la tenue annuelle de colloques à l’intention des membres de la Société contribuèrent à l’enrichissement de la vie scientifique. De surcroît, de nombreuses conférences publiques et tables rondes à l’intention du grand public favorisèrent une ouverture sociale de la Société.

La création du Bulletin de la SPM sous l’initiative du Dr Jean Bossé durant les années quatre-vingt constitue une étape marquante dans l’histoire de la SPM. Cette initiative a vraisemblablement contribué à l’éclosion du travail d’écriture qui a caractérisé la génération qui a suivi celle des membres fondateurs et des premiers membres de la SPM. À partir des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, de nombreux psychanalystes de la SPM ont eu accès à la publication : le lecteur intéressé à cet égard pourra consulter le site de la SPM. Certains d’entre eux, en particulier les Drs Jean Imbeault et Dominique Scarfone, ont créé une oeuvre significative.

Les psychanalystes ont joué un rôle important dans le développement du département universitaire de psychiatrie. Trois d’entre eux y ont occupé la plus haute fonction administrative : ce sont les Drs Camille Laurin, Yvon Gauthier et Arthur Amyot. Chacun, à sa manière, y a laissé sa marque : leurs contributions sont devenues partie intégrante de la configuration actuelle du département. Nos trois collègues ont incarné à un très haut degré une disposition d’esprit qui, tout en conservant l’esprit psychanalytique, a su prendre suffisamment de distance par rapport à un certain éthos psychanalytique, pour épouser les perspectives multiples sur la psyché humaine qui sont inhérentes à la psychiatrie. Cela se reflète dans la grande diversité des projets qu’ils ont entrepris et menés à bon port.

Dr Camille Laurin

En 1957, Dr Camille Laurin, après une formation psychiatrique de trois ans à Boston et de quatre ans à Paris termine une formation psychanalytique à la Société française de psychanalyse quand le Dr Wilbrod Bonin, doyen de la Faculté de médecine, le nomme chargé d’enseignement de la psychiatrie à la Faculté. À l’époque, il existe une section psychiatrique en neuropsychiatrie. Le département de psychiatrie sera formellement créé en 1965 : le Dr Gérard Beaudoin en sera le premier titulaire.

Dr Camille Laurin, homme de grande envergure, son action politique future en témoignera, aura une influence qui s’étendra au-delà de ses fonctions universitaires de par une contribution de premier plan à une réforme en profondeur du système de soins en psychiatrie au début de la Révolution tranquille au Québec ; nous y reviendrons.

Dr Laurin saura répondre de façon remarquable au double mandat que lui a confié le Dr Bonin. Il révisera in extenso l’enseignement de la psychiatrie durant les études médicales. Le nombre d’heures de cours passera de dix à quarante durant la première et la deuxième année ; s’y ajouteront seize heures de cours de sémiologie clinique en troisième année. Un second mandat, au post-gradué, portera sur la création d’un programme complet de résidence de quatre ans permettant aux médecins francophones de recevoir une formation psychiatrique au Québec dans leur langue.

Dr Laurin mettra sur pied le premier programme de « Certificat d’études supérieures en psychiatrie ». Ce programme de cours théoriques obligatoires sera étalé sur trois ans, à raison de trois heures par semaine tout au long de l’année académique. La première année, le programme abordera l’ensemble de la psychopathologie, le diagnostic et le traitement des névroses, des psychoses et des perversions ; dans la seconde année, on enseignera la neuro-anatomie, la neurophysiologie, la neuropathologie, la pharmacologie, les psychothérapies, la génétique, le syndrome de stress et la méthodologie de la recherche. En troisième année, l’enseignement théorique portera sur la psychiatrie infantile, l’alcoolisme, les toxicomanies, la psychiatrie gériatrique, la psychiatrie transculturelle, la psychiatrie légale et la psychosomatique.

Ce programme théorique sera associé à des stages dans les hôpitaux universitaires où le résident, durant quatre ans, recevra un enseignement avec un encadrement clinique structuré. Dorénavant il sera possible de recevoir une formation psychiatrique complète sous l’égide de l’Université de Montréal.

Au-delà du cursus prégradué et post-gradué, Dr Laurin donnera un essor considérable à la vie académique dans notre milieu. Des professeurs étrangers de renom seront invités à donner des conférences. En 1967, une invitation fera époque, celle de Jean Laplanche, psychiatre et psychanalyste français de premier plan : ce dernier, avec J. B. Pontalis, publiait cette année-là Le Vocabulaire de la psychanalyse, un ouvrage constamment réédité par la suite et traduit dans de nombreuses langues. Peu après suivra une visite d’André Green, psychiatre et psychanalyste, qui aura par la suite une renommée internationale.

Ces rencontres feront office de précurseur pour la création de la Quinzaine scientifique annuelle du Pavillon Albert-Prévost. Durant plus de 30 ans, le Pavillon Albert-Prévost invitera un professeur étranger, généralement un psychanalyste européen de renom, auteur d’une oeuvre significative. Retenons les noms de Joyce McDougall, Piera Aulagnier, Jean Bergeret, Paul C. Racamier, Philippe Jeammet, Rosine Debray. Généralement, l’invité sera présent au Pavillon Albert-Prévost durant une semaine ; par la suite, il sera reçu par les différents milieux d’enseignement du réseau de l’Université de Montréal. Pendant plus de 20 ans, les deux signataires de ces lignes assureront la coordination de cette Quinzaine scientifique annuelle.

La contribution du Dr Laurin comporte aussi l’organisation de grands colloques à dimension internationale. En 1969, Dr Laurin avec la collaboration du Dr Doucet organisera un grand Colloque intitulé « Problématiques de la psychose » pour souligner le cinquantenaire de l’Institut Albert-Prévost. Ce colloque, d’une durée de cinq jours accueillera des invités de premier plan, tant des États-Unis que de l’Europe. Une publication fera état des conférences de ce colloque.

L’impulsion donnée par le Dr Laurin aura des suites. En 1984, les Drs Arthur Amyot, Jean Leblanc et Wilfrid Reid organisent un congrès international intitulé « Psychiatrie-psychanalyse : pour une fécondation réciproque ». Cette fois, durant ce congrès de trois jours et demi, des invités de renom tant d’Europe que des États-Unis se joindront à des collègues québécois. Chaque demi-journée, les trois présentateurs seront respectivement américains, européens et québécois. Du côté québécois, relevons les noms des Drs Bernadette Tanguay, Wilfrid Reid, Jean Imbeault, Yvon Gauthier, Jean-Guy Lavoie et Laurent Gervais ; le département universitaire sera ainsi mis à contribution. Ce colloque fera l’objet d’une publication. La tradition se poursuivra en 1990 quand le Dr Laurin obtiendra la tenue à Montréal du Congrès international d’épidémiologie psychiatrique dont il assurera la présidence.

Une des contributions majeures du Dr Laurin concerne son rôle de premier plan dans la réforme du système de soins psychiatriques que le Québec a connue au début des années soixante. En 1961, un ancien patient de Saint-Jean-de-Dieu, Jean-Charles Pagé, écrit un livre témoignant de son expérience à l’asile ; l’ouvrage représente une charge virulente contre les méthodes thérapeutiques de l’époque, méthodes d’un autre âge, où l’enfermement constitue le principal outil thérapeutique. À la demande de l’éditeur, le Dr Laurin écrit une postface qui, sur un mode plus nuancé, décrit un système vétuste de soins très loin d’une pratique moderne de la psychiatrie.

Cette postface assurera la crédibilité de l’ouvrage qui connaîtra un grand succès médiatique. Nous sommes à l’aube de la Révolution tranquille. Le gouvernement de Jean Lesage sera sensible à la dénonciation des lacunes graves du système de soins ; il créera la Commission Bédard où le Dr Bédard sera assisté des Drs Denis Lazure et Charles Roberts. Le rapport de la Commission sera dévastateur pour le système de soins fourni par les communautés religieuses ; il proposera un virage majeur pour mettre en place un système de soins plus en phase avec la psychiatrie moderne. Le rapport comportera un ensemble de recommandations. Ce sera la fin de la construction des asiles. On interrompra la construction d’un asile à Sherbrooke pour permettre l’édification du CHUS. On proposera la présence de département de psychiatrie dans les hôpitaux généraux, la formation des équipes multidisciplinaires comprenant infirmière, psychologue, travailleur social, ergothérapeute, etc. En bref nous assisterons aux prémisses du système actuel de soins psychiatriques.

Dr Yvon Gauthier

De 1972 à 1980, Dr Gauthier aura deux mandats comme directeur du département. Au plan de la gestion, il s’emploiera à mettre en place les structures qui deviendront les pierres d’assise du département. Il oeuvrera à consolider les liens entre l’Université et les milieux hospitaliers en donnant une base administrative à ces relations. Dans ce but, il formera un comité exécutif du département qui rassemblera les chefs des départements hospitaliers ; il s’assurera de la nomination d’un coordonnateur de l’enseignement dans chacun des milieux hospitaliers du réseau.

Au Département universitaire, il inaugurera le poste de responsable de la résidence, dont Dre Bernadette Tanguay sera la première titulaire. Celle-ci coordonnera les activités du réseau avec l’appui d’un comité de pédagogie dont elle assumera la présidence. Sous le directorat du Dr Gauthier, apparaîtront les premiers postes de plein-temps et demi-temps géographiques (PTG et demi-PTG). Dr Jean-François Saucier, psychiatre et psychanalyste, détenteur d’un Ph. D. en anthropologie, en sera le premier titulaire ; il aura le mandat de l’enseignement et de la recherche. Soucieux d’inscrire la recherche en neurosciences au sein du département, Dr Gauthier ouvrira là encore une nouvelle avenue en recrutant le Dr Jacques Montplaisir et le Dr Claude de Montigny dans ce cadre des professeurs plein-temps géographiques. De plus, par ses diverses initiatives, il oeuvrera à développer un sentiment d’appartenance à l’université dans les différents milieux du réseau universitaire.

Le Dr Gauthier aura une action particulièrement significative sur le plan de l’enseignement. Il réformera en profondeur le programme sous-gradué d’enseignement de la psychiatrie en étalant cet enseignement durant l’ensemble des études médicales. Dès la première année, un enseignement nouveau verra le jour : les sciences du comportement. L’enseignement de la relation médecin-malade prendra une place de premier plan. La réforme sera marquée par un effort de concertation en vue d’offrir un enseignement intégré en sollicitant la participation des départements de médecine sociale et préventive, de médecine du travail et de médecine familiale. L’enseignement du développement de l’être humain dans une perspective biologique, psychologique et sociale prendra la forme d’un cours intitulé « Cycle de vie » sous la responsabilité du Dr Jean-François Saucier.

Au niveau post-gradué, Dr Gauthier contribuera à développer la formation à la psychothérapie. Il initiera un premier programme formel d’enseignement de la psychothérapie au département universitaire. Dès sa première année, le résident entreprendra deux psychothérapies analytiques pour lesquelles il choisira deux superviseurs. Il poursuivra ses deux supervisions au-delà du passage dans un autre milieu hospitalier. Le résident sera ainsi invité à poursuivre ses psychothérapies et ses supervisions avec les mêmes superviseurs tout au long de sa résidence.

Dre Bernadette Tanguay, responsable du programme de résidence, assurera la mise en oeuvre et le suivi de ce programme qui suscitera un vif intérêt à l’Association des départements universitaires de psychiatrie : le COPE. On peut d’ailleurs penser que le Collège Royal y puisera une certaine inspiration quand ultérieurement il rendra obligatoire un programme de formation à la psychothérapie pour l’ensemble des résidents du Canada.

Au fil des ans, ce programme de formation à la psychothérapie sera enrichi par la représentation des diverses tendances du mouvement psychanalytique, au sein du groupe des superviseurs. Plusieurs d’entre eux s’inscriront dans les différents courants de pensée qui composent la psychanalyse freudienne. Pour mémoire, mentionnons les Drs Arthur Amyot, Jean Cloutier, Jean-Charles Crombez, Guy Da Silva, Roger Dufresne, Gilbert Fournier, Jacques Gauthier, Marcel Hudon, Antoine R. Jilwan, Wilfrid Reid, Dominique Scarfone et Bernadette Tanguay. Dr Sylvain-Louis Lafontaine, de par son expertise particulière, permettra aux résidents de faire l’expérience de la thérapie analytique du patient psychotique. Plus récemment, assureront la relève les Drs Claude Blondeau, Prométhée Constantinides et Ouanessa Younsi.

Les résidents auront aussi accès à la perspective de Jung avec l’apport du Dr Daniel Bordeleau. Ce dernier sera un superviseur très recherché en plus d’animer un séminaire clinique qui retiendra beaucoup l’attention des résidents. Dans le cadre de cette formation à la psychothérapie, les résidents auront également la possibilité de se sensibiliser à la pensée de la mouvance lacanienne grâce à la contribution des Drs Louis Deumié, Gilles Chagnon et Emmanuel Stip.

Subséquemment, en conformité avec le pluralisme théorique actuel dans le champ de la psychothérapie, le programme s’ouvrira progressivement aux modèles théoriques autres que psychanalytiques. De fait, le réseau hospitalier de l’Université de Montréal recèle une grande richesse ; il offre une telle diversité que les résidents peuvent bénéficier d’une formation à la psychothérapie dans la majorité des courants théoriques qui animent la pratique actuelle de la psychothérapie.

Au-delà de la refonte administrative comme du cursus tant prégradué que post-gradué, Dr Gauthier a grandement contribué à stimuler le rayonnement académique du département. L’un de nous (W. R.) a un souvenir à ce sujet : lors du renouvellement d’un poste de chargé de cours, ce jeune patron reçoit une lettre de son directeur l’incitant à publier davantage.

Dr Gauthier sera lui-même impliqué dans le rayonnement universitaire. Durant plus de 20 ans, il sera très actif à l’Association internationale pour la santé mentale du nourrisson. Cette association internationale coordonne les intérêts et les recherches des psychiatres et des psychanalystes concernant trois premières années de vie. Elle regroupe d’ailleurs les principaux chefs de file de ce secteur dont les Mahler, Lebovici, Stern, Cramer, etc. Ces congrès internationaux, d’abord tenus aux quatre ans puis aux deux ans, comportent habituellement plusieurs centaines de participants. Dr Gauthier participera au conseil d’administration de l’Association durant 12 ans. Il en sera le président de 1996 à 2000. À ce titre, il présidera le congrès tenu à Montréal en l’an 2000.

Au terme de son décanat à la Faculté de médecine, après une année sabbatique à Montpellier, il entreprendra un travail clinique auprès des enfants de 0 à 6 ans. En 1993, cette implication le conduira à la création d’une clinique de l’attachement à l’Hôpital Sainte-Justine de concert avec les pédiatres Dre Gloria Jeliu et Dr Gilles Fortin et en lien avec les Centres Jeunesse du Montréal Métropolitain.

Dr Arthur Amyot

Dr Amyot a déjà une feuille de route bien étoffée quand, en 1980, il devient directeur du département universitaire où il assumera deux mandats. Il vient tout juste de compléter deux termes comme chef du Département de psychiatrie à l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal. S’inspirant des expériences des Drs Lebovici et Paumelle, dans le treizième arrondissement de Paris, Dr Amyot implantera au Pavillon Albert-Prévost un modèle de psychiatrie communautaire témoignant de sa conscience sociale.

Comme directeur, Dr Amyot a mis à contribution les hôpitaux du réseau universitaire en veillant à ce qu’ils soient représentés aux différentes instances du département. De cette manière, ces milieux deviendront partie prenante à la prise de décision de même qu’à la réalisation effective des projets. La liste des projets ainsi réalisés pourrait être longue. Pour mémoire, mentionnons l’étude magistrale sur les effectifs psychiatriques au Québec, le mémoire du département au comité Harnois et à la Commission Rochon, l’instauration de la journée annuelle de la recherche, la révision systématique du cursus à tous les niveaux, l’instauration d’une maîtrise en sciences cliniques, la journée annuelle des professeurs du département, l’enseignement donné aux autres facultés et écoles, l’augmentation du nombre de postes de résidence en psychiatrie.

Dr Amyot initiera une préoccupation nouvelle au département, en prolongeant l’enseignement offert à la résidence. Il impliquera le département dans la formation continue des psychiatres et des médecins généralistes. Dans ce cadre se tiendront de nombreux colloques dans les divers hôpitaux du réseau universitaire ; ces colloques mobiliseront tantôt des collègues du département, tantôt des invités étrangers tels Anthony, Siméone, Hochmann pour n’en nommer que quelques-uns.

Si tous les projets réalisés portent sa marque, Dr Amyot s’est cependant bien gardé d’en assumer la maîtrise. Il a su mobiliser autour de lui de nombreux collaborateurs en leur faisant partager sa vision sur la pertinence de ces projets. Dr Amyot est un catalyseur d’énergies ; il possède l’art de susciter l’expression des talents des collègues qui l’entourent. Avec lui, la gestion devient un travail de créativité qui mobilise la collectivité. Selon les mots du Dr Laurin, on y retrouve « un alliage heureux de la continuité et de l’innovation ».

Durant le directorat du Dr Amyot, les Drs Guy Blouin et Dominique Scarfone ont successivement endossé la responsabilité du programme de résidence. Dr Blouin est un psychiatre d’inspiration psychanalytique. Il fut en poste de janvier 1985 à juin 1986. Il a animé un travail de réflexion sur l’évaluation des candidats à la résidence en psychiatrie. Ce travail a permis de mettre l’accent sur le développement personnel et les expériences de vie des candidats en vue d’assurer une certaine qualité relationnelle des candidatures.

Dr Scarfone, psychiatre et psychanalyste, a occupé le poste de responsable du programme de résidence de 1986 à 1988. Parmi ses diverses contributions, retenons trois d’entre elles. En étroite collaboration avec Dr Pierre Drapeau, il a développé un cours très structuré de quarante-cinq heures sur la théorie analytique, mobilisant des psychanalystes à la fois dans le milieu et hors du milieu universitaire. Par la suite, durant plusieurs années, Dr Drapeau sera très attentif au bon déroulement de cette série de cours avant de confier par la suite la tâche au Dr Prométhée Constantinides.

À la suggestion du directeur du département, Dr Scarfone introduira un bulletin d’information au département : l’Info-Psy. Ce projet mettra en lumière la pertinence d’intégrer l’informatique dans les activités courantes du département qui aura ainsi bénéficié de l’expertise de notre collègue dans ce domaine. De plus, Dr Scarfone, avec les Drs Laurin et Amyot, sera partie prenante dans la rédaction d’un rapport à la Commission Harnois sur les effectifs psychiatriques et sa présentation en commission parlementaire à Québec. Le Dr Claude Blondeau a récemment pris le relais.

L’enseignement

Il nous semble important de souligner certaines expériences d’enseignement directement inspirées de la psychanalyse qui ont connu un certain rayonnement dans le réseau universitaire. L’une de ces expériences est le séminaire de psychanalyse de la clinique de pédopsychiatrie du Pavillon Albert-Prévost. Il fut mis sur pied par Julien Bigras et Jean Bossé en 1968-1969 et se poursuivra durant plus de 20 ans.

Dans un texte paru dans Filigrane, au printemps 2001, texte intitulé « Présence de la psychanalyse à la clinique de l’enfance et de l’adolescence du Pavillon Albert-Prévost de l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal », Jean Bossé décrit comment le séminaire a progressivement trouvé sa vitesse de croisière en se centrant sur la pratique de la psychothérapie et de la psychanalyse des enfants et des adolescents. Les rencontres permettaient d’étudier une question à la lumière tantôt de textes théoriques ou cliniques, tantôt à partir du compte-rendu d’expériences thérapeutiques en mettant l’accent sur les embûches transférentielles et contre-transférentielles de ces expériences. Pour l’auteur, ce séminaire aura permis de relever le défi du maintien d’une écoute proprement analytique dans un cadre institutionnel qui, de par ses contraintes et ses logiques propres, ne se prête pas nécessairement à cette écoute. Ouvert aux collègues de l’extérieur, ce séminaire était très recherché des psychothérapeutes d’enfants et d’adolescents. Il a duré 33 ans. Sa longévité témoigne de sa pertinence et de sa richesse.

Une expérience d’enseignement dans le droit fil de la pensée analytique a été le séminaire du premier entretien dirigé par le Dr Roger Dufresne. Dr Dufresne a d’ailleurs publié un texte où il présente sa manière de concevoir ce séminaire. Au-delà de ce que l’on peut désigner comme des « indications » qui seraient propres à certaines entités nosographiques, le séminaire aura pour visée de mettre en lumière la présence ou non d’un « désir d’analyse ». Ce séminaire a bénéficié d’une grande popularité : on s’inscrivait sur une liste d’attente pour y participer. Plusieurs générations de psychiatres ont appris l’art de l’écoute analytique au séminaire du premier entretien du Dr Dufresne.

Sur le plan d’un enseignement toujours inspiré de la psychanalyse, une initiative originale du Dr Pierre Drapeau mérite d’être signalée. Durant de très nombreuses années, notre collègue a assumé la responsabilité de Ciné-Illusion. Lors de cette activité présentée en soirée, dans un cadre convivial, une projection cinématographique était suivie par un commentaire sur le film par un collègue et un échange avec l’assemblée. En douce, en quelque sorte, cette activité a permis aux résidents de faire l’apprentissage d’une lecture psychanalytique des différents enjeux psychiques de la réalité humaine. 

Il importe également de faire état de la création de l’Unité de psychothérapie psychanalytique du Pavillon Albert-Prévost. Dr Laurin élabore ce projet en 1985 au moment où il quitte temporairement la politique pour devenir chef du département de psychiatrie de l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal. Dr Laurin confie la responsabilité de l’Unité à Dre Bernadette Tanguay qui occupera la fonction durant plus d’une décennie.

Sous la direction de Dre Tanguay, l’Unité rassemblera plusieurs psychanalystes et deviendra un lieu très recherché pour la formation en psychothérapie psychanalytique. Un séminaire du premier entretien est toujours demeuré un temps fort des activités de l’Unité qui offrait également aux stagiaires des supervisions individuelles et collectives. De nombreux psychanalystes dont l’apport d’origine n’était pas de nature clinique – tels les philosophes, les sociologues, les anthropologues – ont bénéficié d’un enseignement qui leur a donné l’expérience clinique leur permettant d’entreprendre une formation psychanalytique.

L’Unité de psychothérapie psychanalytique sera un milieu stimulant pour la réflexion concernant divers aspects de la pratique psychanalytique. Cette fermentation intellectuelle a donné lieu à deux colloques qui ont retenu l’attention du milieu. Le premier colloque portant sur la recherche en psychanalyse a regroupé plusieurs psychanalystes québécois autour de la personne de Jean Bergeret. Ce colloque a fait l’objet d’une publication sous la direction de Dre Tanguay. Un second colloque portant sur le premier entretien a cette fois réuni des psychanalystes québécois autour du Dr Jean-Luc Donnet, alors médecin directeur du Centre de consultation et traitements de la Société psychanalytique de Paris. Ce second colloque a également donné droit à une publication sous la direction du Dre Tanguay.

En 1997, sur la recommandation de Dre Christiane Bertelli, chef du département de psychiatrie de l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, l’Unité de psychothérapie psychanalytique devient le Centre de psychothérapie du Pavillon Albert-Prévost. Dre Bertelli confie sa direction au Dr Wilfrid Reid qui en assume toujours la responsabilité. Le Centre poursuivra la vocation dévolue à l’Unité, soit de favoriser la formation et la pratique de la psychothérapie. Pour tenir compte du pluralisme des modèles théoriques dans le champ actuel de la psychothérapie, l’organigramme du Centre comportera quatre modules : le cognitivo-comportemental, l’interpersonnel, le psychodynamique et le systémique.

Au coeur de son activité, le Centre offre un stage optionnel où le résident en psychiatrie peut poursuivre sa formation dans un ou deux modèles théoriques ; il y entreprendra des psychothérapies. Le stage sera complété par des supervisions et des séminaires. Le Centre reçoit régulièrement des résidents pour des stages de six mois. Au fil des ans, le Centre a également accueilli des résidents en fellowship.

Par ailleurs chacun des modules offre des programmes de formation continue pour l’ensemble des professionnels oeuvrant dans le champ de la santé mentale. En particulier, depuis plus de 10 ans, le Centre organise un colloque annuel qui met en scène tantôt des collègues québécois, tantôt des chefs de file dans leur domaine respectif, tels Anthony Bateman, Frank E. Yeomans, Paula Ravitz et Nancy McWilliams.

Conclusion

La psychanalyse ou mieux les psychanalystes ont joué un rôle important dans l’histoire du département universitaire. Hors de tout dogmatisme et de tout exclusivisme théorique, ils ont su traduire une certaine vision de l’humain dans la logique et le génie propre de la psychiatrie. On l’a dit non sans raison : une des marques distinctives du département a trait à l’importance accordée à la formation à la psychothérapie ; d’abord conçue sur le modèle psychanalytique, au fil des ans, cette formation saura se diversifier de façon heureuse. De cette manière, le département, au cours de son histoire, a su éviter un piège qui ne cesse de menacer la psychiatrie, celui de l’alternance entre une psychiatrie sans le cerveau et une psychiatrie sans l’esprit. Les psychanalystes ont largement contribué à la transmission d’une conception de la psychiatrie où la perspective biopsychosociale n’est pas un vain mot.