Qu’est-ce qu’une hallucination ? Une perception sans objet ou bien une croyance erronée ? Ni l’une, ni l’autre ou un peu les deux à la fois ! Rappelons la formule d’Esquirol qui date de 1817 : Henri Ey (1973) propose une définition clinico-philosophique de l’hallucination par les trois critères suivants : Mais le même auteur qui était avant tout un clinicien reconnaît l’inconstance de ces critères : l’halluciné peut à certains moments exprimer une conscience relative d’être halluciné ; autrui peut parfois douter de l’irréalité de l’objet hallucinatoire en évoquant par exemple un phénomène surnaturel. Il convient de distinguer d’emblée les hallucinations vraies des hallucinoses qui sont des troubles de la perception reconnus comme tels par les patients et des illusions qui sont des falsifications de la perception d’un objet réel. Pour Asaad et Shapiro (1986), certaines expériences hallucinatoires sont possibles chez le sujet sain comme les « compagnons imaginaires » des enfants, les hallucinations secondaires à la privation sensorielle, à l’isolement prolongé ou à une situation de deuil, les hallucinations hypnagogiques (survenant à l’endormissement) et hypnopompiques (au réveil). Les voix sont les formes les plus fréquentes d’hallucinations. Elles surviennent elles aussi dans des contextes cliniques variés. Des voix isolées, sans accompagnement délirant et sans atteinte du contact réalité, peuvent ne pas déranger outre mesure l’individu et s’intégrer harmonieusement à son « monde vécu ». On parlera éventuellement d’hallucination ou de psychose hystérique pour souligner en fait que de telles expériences sensorielles relèvent d’une structure névrotique, donc normale. Dans la clinique nord-américaine contemporaine, il n’est pas rare de rencontrer des patients (en fait le plus souvent des patientes) souffrant d’un trouble de personnalité limite et mettant en avant des hallucinations surtout auditives qui n’entravent pas ou peu leur perception de la réalité ou leur contact avec le monde. Certaines expériences collectives, mystiques ou culturelles, s’accompagnent également de perceptions anormales d’allure hallucinatoire. Pour Ey (1973), ces « hallucinations collectives » sont d’une certaine manière le contraire de l’hallucination. Car, précise cet auteur, « une chose est de voir, d’entendre, de désirer ou de craindre, étant hors de soi, pris dans la masse d’une émotion ou d’une représentation collective et autre chose est de se séparer de la masse commune dans l’exercice d’une « communication » si privée et si insolite qu’elle constitue une réverbération singulière du sujet sur lui-même dans un aparté absolu ». À côté de ces hallucinations atypiques, non clairement psychotiques, il y a les « perceptions anormales » des troubles psychotiques aigus et chroniques, et en particulier les voix si fréquentes des différentes formes de schizophrénie. Confronté à ces situations cliniques, le psychiatre ne se pose pas (ou rarement) la question du bien-fondé ou de la légitimité du « traitement » de l’hallucination. Il ne s’agit pas seulement ou prioritairement de faire disparaître les voix mais de s’opposer à la désorganisation de la pensée, à la progression du délire, à l’éloignement et à l’aliénation du sujet. Bref à l’accompagnement psychotique, lui-même divers, de l’hallucination. Qui, aujourd’hui, peut s’opposer raisonnablement au traitement psychiatrique d’un état psychotique aigu où le sujet, envahi par ses hallucinations, ses idées de persécution, ses pulsions auto ou hétéro destructrices, représente un danger manifeste pour lui-même ou pour autrui ? Au début de l’ère psychopharmacologique, il y a une cinquantaine d’années, il s’est trouvé des psychiatres pour défendre l’idée qu’une psychose aiguë devait pouvoir s’exprimer librement, sans entrave neuroleptique. On faisait l’hypothèse d’une fonction utile, cathartique, de la « décharge » psychotique. On espérait aussi, par l’analyse des manifestations hallucinatoires et délirantes du sujet, redonner sens à cette production et, par un effort de compréhension, …
Appendices
Références
- Asaad, G., Shapiro, B., 1986, Hallucinations : theoretical and clinical overview, Amercian Journal of Psychiatry, 143, 1088-1097.
- Esquirol, E., 1838, Des maladies mentales considérées sous le rapport médical hygiénique et médico-légal, J.B. Baillière ed, Paris, vol 1, 80.
- Wy, H., 1973, Traité des hallucinations, Masson.