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L’ouvrage de Patrice Potvin est susceptible d’intéresser toute personne qui se préoccupe de l’enseignement des sciences et de la technologie, notamment parce qu’il mobilise des éléments issus de l’épistémologie, de la didactique, des sciences cognitives et des neurosciences. L’ouvrage est structuré autour de deux chapitres qui proposent des éléments pour mettre en place cet enseignement.
Dans le premier chapitre, l’auteur propose de repenser l’enseignement scientifique en s’appuyant sur la notion de « proposition scientifique » et sur la construction de définitions d’éléments présentant une valeur ajoutée vue comme un « […] bilan des bénéfices utilitaires qu’un construit proposé en classe peut fournir pour soutenir la compréhension, une fois que les coûts et les difficultés qu’il génère ont eux aussi été considérés » (p. 71). Suite à cela, l’auteur suggère de lutter contre la « dogmatisation du savoir » avec une approche d’investigation qui insiste sur l’importance de la contextualisation, du choix et de la formulation des problèmes, du recueil des données et du traitement des résultats. Enfin, une courte partie du texte s’intéresse spécifiquement à l’enseignement de la technologie. Ce chapitre présente de nombreux éléments issus des recherches et des exemples provenant des différents domaines de l’enseignement des sciences (chimie de base, défis électroniques, bases de la génétique…). L’ensemble est d’une grande rigueur, même si quelques approximations vis-à-vis des savoirs scientifiques actuels mériteraient d’être mieux explicitées, pour ce qui est de la classification du vivant.
Le second chapitre démarre par un examen du concept d’apprentissage sous plusieurs angles (philosophiques, idéologiques et expérimentaux) dans le but d’en construire une compréhension générale. Différents travaux sont repris et discutés, dont ceux qui ont portés sur le constructivisme, le socioconstructivisme, la mémoire, la répétition et le changement conceptuel. Puis, l’auteur s’intéresse aux conceptions initiales des élèves, à leurs multiples origines et à leur diagnostic en s’appuyant sur des exemples en sciences et en technologie. Enfin, l’ouvrage expose les modèles de remplacement conceptuel basé sur la mise en place d’un conflit cognitif vis-à-vis des conceptions des élèves pour en présenter et mettre de l’avant un modèle de transformation fondé sur les habitudes interprétatives élémentaires et les catégories ontologiques. Dans une dernière partie, particulièrement intéressante, l’auteur propose des modèles de coexistence des conceptions utilisant des résultats de recherche récents. Ce travail de synthèse des travaux en sciences cognitives et en neurosciences s’achève avec la démonstration d’un modèle « épigénétique » du changement conceptuel. Même si ce dernier justifie à lui seul la lecture de cet ouvrage, il gagnerait à être davantage approfondi.
Cet ouvrage, soutenu par une bibliographie internationale issue de plusieurs disciplines, aborde de nombreux aspects de réflexion sur la manière de « faire apprendre les sciences ». Destiné aux enseignants de secondaire en sciences, il permet d’exposer une ambitieuse synthèse de la vision de l’auteur qui est de nature à faire évoluer certaines pratiques d’enseignement. Les chercheurs en épistémologie et en didactique des sciences y trouveront aussi un exposé accessible et susceptible de nourrir les débats sur l’enseignement des sciences.