Article body
En fait, cet ouvrage a peu en commun avec ceux qu’on appelle habituellement annuaires et qui actualisent chaque année le contenu d’une grille permanente. La formule adoptée pourrait même permettre d’inventer une nouvelle grille à chaque édition, car elle s’est précisée au fil des ans et elle évolue toujours. Un directeur, ici Michel Venne, et un groupe de personnes invitées pour leur intérêt au devenir de la société québécoise scrutent ce qu’on y a vécu au cours de l’année 2006. Chercheurs, penseurs, spécialistes de diverses disciplines ou domaines, journalistes, acteurs ayant participé d’une façon ou d’une autre à la vie collective, ils cherchent des enchaînements, des perspectives d’avenir, parfois même des explications, s’arrêtant moins aux faits de structure et à leurs expressions chiffrées qu’aux événements, aux débats, aux représentations dominantes ou émergentes. Le résultat : autant de questions, d’idées, d’intuitions, d’essais ou synthèses que d’auteurs et de domaines considérés.
Toute prétention de produire une vision objective de la société est exclue : chaque auteur observe, tente de comprendre, pose ses questions, exprime ses façons de voir. Un autre ensemble de personnes présenterait la même année d’une autre manière. Ainsi, d’année en année, de nouveaux éléments de synthèse, parfois des percées imprévues sur l’horizon, apparaissent, et chaque nouvelle édition contribue à construire non seulement un objet Québec en évolution, mais aussi un objet représentations du Québec en évolution.
En 2007, Michel Venne donne le ton en choisissant de faire voir le Québec à la lumière du débat sur « l’immobilisme du Québec ». Cela se traduit par un dossier éditorial intitulé Le Québec en panne ou en marche auquel contribuent onze auteurs venus d’autant d’horizons différents. Neuf d’entre eux analysent une question, une situation. L’ensemble révèle des exemples de dynamisme, d’inventivité, de lenteur, de freinage, ce qui rend inadmissible toute évaluation simple et catégorique. Une seule conclusion s’impose : la société paraît durer ou changer plus ou moins vite selon ce qu’on y regarde. Ainsi Michel Venne a raison de parler du « mythe de l’immobilisme » et Éric Desrosiers, de proposer d’accélérer le mouvement.
La section intitulée Les grands problèmes de 2006 au Québec offre une vision plus diversifiée de la société. On y retrouve en première place le débat entre les Lucides et les Solidaires suivi d’interrogations relatives à la nationalité et aux communautés culturelles (passé dénationalisé, avenir incertain ; question du kirpan, les enfants et l’interculturalisme), mais aussi une variété d’autres sujets : le Refus global vu comme Début global, l’affaire Chaoulli, les changements climatiques, la saga du mont Orford, les promesses du gouvernement Charest, la naissance du parti Québec solidaire. Le souci de l’avenir de la société inspire nettement tous ces textes.
Les deux titres Chronologie 2005-2006 et Les anniversaires en 2007 ne proposent pas de lien précis aux thèmes généraux des sections précédentes, mais le lecteur s’y trouve souvent renvoyé au grand débat actuel sur Le Québec en panne ou en marche qui lui paraît finalement n’être qu’un crescendo dans un discours continu sur le changement social au long de l’histoire. Les mêmes interrogations inspirent d’ailleurs les quatre articles de la section Société. Trois portent sur le sens de l’engagement chez les jeunes, sur la modernisation de l’État, sur le vieillissement de la main-d’oeuvre. Un quatrième article, Les représentations médiatiques des Arabes et des musulmans au Québec, tout en traitant plus directement de la nationalité et de l’interculturel, pose aussi la question de l’inévitable transformation de la société.
La section intitulée Panorama de la recherche sociale au Québec nous fait parcourir l’univers social québécois vu par un ensemble de chercheurs. Après une brève introduction sur Les sciences sociales et humaines, les arts et les lettres : une contribution essentielle, des auteurs font le point, réfléchissent, s’interrogent sur l’évolution des connaissances dans treize champs plus ou moins composites : Art, littérature et société ; Création artistique et littérature ; Culture, religions et civilisations ; Développement et fonctionnement des personnes, des communautés ; Économie, emploi et marchés ; Éducation, savoirs et compétences ; Enjeux fondamentaux et finalités de la vie humaine ; Gestion des organisations ; Langues et langage ; Médias, communication et information ; Milieu de vie, aménagement et appropriation de l’espace humain ; Nature, transformation et gouvernance de la société et de ses institutions ; Relations internationales et développement. Nous sommes bien loin des clivages disciplinaires et des catégories habituelles.
Suit un autre regard d’ensemble, géographique celui-là, sous le titre Régions du Québec. On y a groupé sept articles portant sur des situations locales : Montréal et ses quartiers occupent le plus de place avec trois textes ; viennent ensuite les territoires forestiers, les villes intermédiaires, Québec et sa mairesse et, finalement, les régions périphériques.
Mais la réalité d’un pays ne se comprend vraiment qu’en la situant dans le monde. Les deux sections suivantes portent moins sur le Québec que sur ses partenaires, le Canada et les autres nations. Dans What does Canada Want ?, c’est la venue au pouvoir à Ottawa du Parti conservateur dirigé par Stephen Harper et la persistance du Bloc québécois qui sont au centre des préoccupations. Dans Le monde vu d’ici, l’Afghanistan et la sécurité et la frontière américaine tiennent le premier rang ; viennent ensuite la présence du Québec sur la scène internationale et son implication dans deux domaines particuliers, les droits sociaux et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Finalement quatre questions retiennent l’attention : les élections en Haïti, le virage à gauche en Amérique latine, le conservatisme américain et la relation France-Europe. Le Québec en un coup d’oeil clôt L’Annuaire avec un certain nombre d’informations factuelles, dont une page sur les activités de l’Association internationale des études québécoises. En guise de signature, deux pages intitulées Une nouvelle boîte à idées pour le Québec rappellent que l’ouvrage est publié par l’Institut du Nouveau Monde.
L’Annuaire du Québec 2007 constitue une invitation non seulement à mieux connaître, mais surtout à mieux comprendre le Québec, en suivant les pistes suggérées. À ceux qui s’adonnent à la recherche, il propose des remises en question, de nouvelles interrogations, des ouvertures ou des blocages à l’horizon.