Volume 3, Number 1-2, 1962 Situation de la recherche sur le Canada français
Table of contents (35 articles)
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Avant-propos
Fernand Dumont and Yves Martin
pp. 7–8
AbstractFR:
Il convient de féliciter les organisateurs de ce colloque d'avoir inscrit, en tête du programme, un exposé de l'état actuel des recherches sur le régime français. Pour comprendre la société canadienne-française d'aujourd'hui, il est essentiel en effet de remonter à l'époque déjà lointaine où s'est formée cette société. Mais, par suite de l'abondance même des études consacrées à la Nouvelle-France, il n'est pas facile de faire le partage entre les connaissances acquises et les connaissances à acquérir. Pour donner une idée exacte de la situation, il eût fallu lire une quantité énorme de volumes, d'articles de revue et de thèses manuscrites. Or, dans mon inventaire, je m'en suis tenu délibérément aux ouvrages publiés en librairie, sans toutefois négliger entièrement les articles de revue. C'est dire les limites de cet exposé, qui risque de ne donner, à la question posée, qu'une réponse partielle. D'autant plus que le sujet qu'on m'a confié est très vaste.
Pour le traiter d'une façon un peu complète, il faut faire l'inventaire des études portant sur chacun des aspects principaux de la vie canadienne au XVIIe et au XVIIIe siècle : vie politique, vie économique, explorations, vie religieuse, vie sociale. Est-il nécessaire d'ajouter que ces divisions, utiles pour les fins de notre enquête, ne correspondent guère à la réalité de la vie, laquelle ne se cloisonne pas en sections étanches.
I. Perspectives historiques
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État des recherches sur le régime français (1632-1760)
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Commentaire
Marcel Trudel
pp. 25–26
AbstractFR:
Que savons-nous au juste de notre XIXe siècle ? L'historien qui désire répondre à une telle question se voit confronté à un certain nombre de difficultés. Ainsi, qui peut prétendre avoir seulement parcouru toute la production historique relative au siècle dernier ? Qu'il s'agisse de l'évolution économique, sociale, démographique, politique ou religieuse, l'historien dispose maintenant d'un assez large éventail de travaux susceptibles de lui fournir une vue d'ensemble de cette époque troublée. Évidemment, parmi les historiens, des figures dominantes se dégagent d'emblée, tels Garneau, David, Suite, Chapais, Groulx, Maheux, Bruchési, Christie, Dent, l'équipe de Canada and ils Provinces, Creighton, Lower, Mclnnis, Wade, Morton et Easterbrook, qui non seulement ont réalisé un effort considérable de synthèse mais qui ont aussi pour plusieurs influencé d'une façon décisive l'orientation de la recherche. Ces quelques noms ne font pas oublier les nombreux auteurs d'études spécialisées, les biographes, les fabricants de monographies paroissiales ou régionales et, enfin, les généalogistes.
Suffit-il de s'être familiarisé avec les études les plus marquantes pour être en mesure de porter un jugement valable sur une masse aussi imposante de travaux ? Il faut de plus avoir pris contact avec l'ensemble des problèmes que soulève l'évolution globale du Canada français depuis l'introduction du parlementarisme jusqu'à la prise du pouvoir par Laurier. Tout cela constitue une sérieuse invitation à la prudence. Deux principaux courants parallèles et, en très grande partie, autonomes ont marqué le développement de l'historiographie canadienne depuis Garneau jusqu'à la seconde guerre mondiale. L'un, d'inspiration essentiellement nationaliste, reflète l'unanimité idéologique des historiens canadiens-français et l'autre, d'origine anglo-saxonne, se révèle depuis la fin du XIXe siècle plus ouvert à la diversité et plus soucieux de s'appuyer sur des méthodes scientifiques. Ce n'est pas qu'une certaine influence réciproque ne se soit fait sentir — les œuvres de Chapais, De Celles, Bruchési, Lower et Mason Wade en témoignent — mais il reste que, d'une façon générale, les échanges de points de vue ont été plutôt limités. Tout cela tend à donner l'impression d'une double construction historique étroitement cloisonnée.
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L'étude du XIXe siècle canadien-français
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Commentaire
Michel Brunet
pp. 43–44
AbstractFR:
Cette communication envisage l'historiographie canadienne dans la perspective d'une histoire économique de la province de Québec du XIXe siècle. Nous allons donc, d'abord, nous demander ce qui a été fait, ce qui peut être considéré comme matériaux pour une histoire économique du XIXe siècle. Nous allons, deuxièmement, nous interroger sur les perspectives et les problématiques d'une telle histoire et, enfin, sur les conditions fondamentales de l'historiographie économique au Canada français.
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L'histoire économique de la province de Québec jusqu'à la fin du XIXe siècle
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Commentaire
Jean Hamelin
p. 54
AbstractFR:
Comme la Faculté des sciences sociales de Laval semble vouloir établir une tradition de colloques décennaux, j’ai choisi de limiter mes observations aux travaux qui ont été entrepris depuis dix ans. Et puisque le choix des études sur lesquelles je vais m'arrêter est un peu arbitraire, autant le définir dès le début : j'exclurai donc de mon sujet, parce que traitées ailleurs, les études portant sur les occupations, sur des industries particulières et les études régionales, non sans retenir, toutefois, parmi ces dernières, les études portant sur le Québec (I).
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Recherches économiques récentes sur la province de Québec
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Commentaire
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Les études politiques
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Commentaire
Vincent Lemieux
pp. 83–85
AbstractFR:
Pourquoi les responsables de l'organisation de ce colloque sur « L'état présent des recherches sur le Canada français » ont-ils demandé à un géographe de dresser le bilan des études régionales effectuées jusqu'ici sur le Québec et d'indiquer ce que peuvent être, selon lui, les perspectives de la recherche dans ce domaine ? Vous me permettrez de signaler quelques raisons qui ont pu, consciemment ou non, guider les responsables du colloque. Disons d'abord qu'il faut peut-être donner à cette invitation une signification symbolique. Discrètement, nos collègues sociologues auraient-ils voulu nous rappeler que nous aussi, géographes, nous pratiquons une discipline qui, par certains côtés, est bel et bien, ou devrait être, une science « sociale » qui pourrait normalement apporter une contribution de plus en plus importante à la connaissance du Canada français, des groupes humains qui l'habitent et des régions qui le composent ? C'est fort possible. S'il est encore trop tôt pour régler définitivement les rapports qui doivent exister entre la géographie et les sciences de l'homme, il était, en tous les cas, grand temps que nous nous trouvions tous ensemble à discuter de nos problèmes communs de description, de recherche et d'analyse du contexte québécois. L'organisation de ce colloque fait honneur à l'équipe de la revue Recherches sociographiques et il me plaît de le reconnaître avec gratitude. En me demandant cet exposé sur les études régionales, peut-être mes collègues ont-ils voulu tenir compte de cette prétention souvent affirmée par des géographes, mais, je dois dire, rarement admise par les autres, prétention suivant laquelle les études régionales constituent la chasse-gardée des géographes et, à la limite, disent certains, la justification ultime de la position de leur discipline à mi-chemin entre les sciences naturelles et les sciences de l'homme ? Est-il besoin d'ajouter que cette position n'est pas toujours très confortable ni très enviable ? Pour ma part, en tous les cas, je ne la recommande à personne et j'estime que les géographes ne se trompent pas trop quand ils considèrent la région comme le cadre privilégié de leurs recherches et quand ils cherchent à améliorer les méthodes susceptibles de faire avancer les études régionales.
Nos collègues des Recherches sociographlques ont donc simplement voulu reconnaître, je crois, l'importance quantitative des efforts déployés jusqu'ici par les géographes en vue de l'établissement d'une première description régionale du Québec. Il me reste le redoutable honneur d'ébaucher un jugement d'ensemble sur les travaux de mes collègues et sur les miens, ce que je vais tenter de faire avec un très grand souci d'objectivité.
II. Perspectives écologiques
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L'état présent des études régionales sur le Québec
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Commentaire
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L'étude du milieu rural
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Commentaire
Napoléon LeBlanc
pp. 117–118
AbstractFR:
La délimitation du domaine des études urbaines pose un problème particulier. Dans la mesure où le phénomène de l'urbanisation se confond avec la diffusion de la culture caractéristique de la société technologique, toute recherche portant sur l'un ou l'autre aspect de cette culture pourrait être inscrite au chapitre des études urbaines. Même si, par ailleurs, l'on se propose de ne retenir, sous cette rubrique, que des travaux consacrés à l'étude des villes ou des populations urbaines, on se trouve confronté à une nouvelle difficulté : celle de définir les réalités concrètes auxquelles renvoient les notions de ville ou de population urbaine.
À partir de telles considérations, les sociologues — les sociologues américains en particulier, mais non pas exclusivement — remettent en cause aujourd'hui le statut de la sociologie urbaine en tant que discipline particulière et s'interrogent sur le bien-fondé de la distinction classique entre sociologie urbaine et sociologie rurale.2 Le débat ne saurait être ramené à de simples questions d'étiquettes ; il indique bien plutôt qu'on reconnaît la nécessité de définir des problématiques nouvelles pour l'étude de milieux différents à l'intérieur d'une même culture globale. 3 C'est à cette perspective générale que se rattache le point de vue que nous adoptons dans le présent exposé.
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Les études urbaines
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Commentaires
Louis Trotier
pp. 129–131
AbstractFR:
Des commentaires qui vont suivre, assez peu seront consacrés aux recherches passées et davantage à des rêves sur l'avenir aux charmes desquels je souhaite vous faire participer. Cette disproportion entre le passé et l'avenir est d'ailleurs une image bien atténuée de la disproportion qui existe entre ce qui a été fait et ce qui devrait être fait dans le domaine des études démographiques sur le Canada français.
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Les études démographiques
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Commentaire
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L'état des recherches sur la culture acadienne
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Commentaire
Clément Cormier
pp. 168–170
AbstractFR:
Le titre même de cette communication indique dès le départ deux lacunes majeures des recherches sociologiques sur le Canada français. Il est en effet bien symbolique que l'on doive traiter comme un même sujet les études sur les milieux de travail et l'analyse de la stratification sociale. Ceci indique combien nous avons encore peu développé ces deux domaines de recherche. Nous croyons pourtant qu'une connaissance plus précise de la division de notre société en classes et en strates sociales apporterait l'armature centrale à presque toutes nos recherches sociographiques. Il est frappant de constater, en parcourant notre littérature sociologique, combien nos chercheurs déplorent souvent cette lacune. L'appartenance à une strate ou à une classe sociale constitue en effet une des variables les plus communément utilisées en recherche sociologique. Le fait que l'on ne puisse s'appuyer sur un ensemble de travaux dans ce domaine impose donc toujours de sérieuses limitations à nos recherches.
De même, dans une société industrielle et technologique qui vient tout juste de succéder à une société de type agricole et artisanal, les milieux de travail sont des objets d'étude privilégiés pour le sociologue. L'évolution globale des occupations, les transformations des conditions de travail dans un grand nombre d'emplois, l'adaptation à de nouveaux modes et à de nouveaux milieux de travail, la mobilité professionnelle, voilà autant de problèmes qui se présentent dans l'usine, dans l'entreprise commerciale, dans le bureau, dans l'école ou l'université, etc. C'est dans ces cadres en évolution que se façonne une partie de la culture et de la mentalité de la population.
Les traditions marxistes et durkheimienne à la fois nous ont appris à ne pas minimiser — sinon à privilégier — l'impact de l'infrastructure de la division du travail sur l'ensemble socio-culturel.
C'est donc sous le signe de cette double lacune que se situe le présent exposé. Ceci n'est cependant pas dit pour diminuer l'importance des travaux déjà faits. Les jalons posés prennent au contraire une plus grande valeur du fait qu'ils indiquent une première orientation pour les recherches que l'on peut espérer dans un avenir prochain.
En analysant ces travaux, il m'a semblé qu'on pouvait les regrouper sous trois thèmes principaux : l'évolution historique de la structure occupationnelle, la répartition des groupes ethniques dans les différentes catégories d'emplois et les études de stratification et de mobilité sociales. Ce sont ces trois thèmes que je me propose de présenter successivement.
III. Perspectives sur l'étude de la structure sociale
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Les recherches sur les occupations et la stratification sociale
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Commentaire
Émile Gosselin
pp. 185–188
AbstractFR:
En plus de vouloir être une nomenclature exhaustive des travaux de recherche en psychologie sociale dans notre milieu et sur notre milieu, cet exposé voudrait tenter de dégager à la fois les orientations et les préoccupations dominantes qui ont marqué l'évolution de la psychologie sociale au Canada français. Nous procéderons en premier lieu à l'examen des recherches faites à l'Université Laval, à la Faculté des sciences sociales, pour terminer par l'évaluation des travaux achevés à l'Université de Montréal. À l'Université McGill, plusieurs recherches sont en cours sous la direction du professeur Wallace E. Lambert. Elles se concentrent toutes sur le même problème : « l'apprentissage d'une langue seconde ». De ce qui a été publié à date, aucun résultat ne comporte pour le moment d'implications spécifiques pour le psychologue social. Ce n'est que plus tard que le professeur Lambert et ses assistants comptent tenter de définir opérationnellement le niveau minimum de socialisation requis pour l'apprentissage d'une langue seconde. Il en va de même de l'Université d'Ottawa ; aucun travail relevant à proprement parler de la psychologie sociale n'est à signaler présentement. Notre inventaire se limitera donc aux seules recherches entreprises aux universités Laval et de Montréal.
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Les recherches en psychologie sociale au Canada français (1946-1962)
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Commentaire
Jacques Brazeau
pp. 205–208
AbstractFR:
Seuls ceux qui sont peu sociologues s'étonneront du fait que le Canada français, si solidement encadré par des structures ecclésiastiques et si impérieusement influencé par des contrôles religieux, possède une littérature scientifique encore si hésitante sur ces questions. Peut-être ceci est-il causé par cela ? Nous reviendrons sur cette interrogation. Établissons auparavant le bilan des études religieuses de caractère scientifique ou d'intérêt durable sur notre milieu. Est-il besoin de préciser que nous n'inclurons, dans cet inventaire, que les études empiriques ? Seront donc écartés de notre champ de vision les mandements officiels de la hiérarchie, les travaux doctrinaux et apologétiques, les exposés pastoraux, les innombrables écrits d'intention morale et moralisante ayant eu comme objectif de redresser des torts. Si nous parlons surtout du présent, c'est que notre passé scientifique date au plus d'avant-hier.
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Les recherches religieuses au Canada français
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Commentaire
Norbert Lacoste
pp. 229–231
AbstractFR:
Notre étude se propose de démontrer la possibilité d'une description objective de la langue française canadienne en faisant appel au principe socio-culturel, c'est-à-dire en considérant la langue comme un des éléments les plus importants de la culture d'une collectivité en même temps qu'une institution sociale de nature privilégiée. Nous croyons, en d'autres mots, que la description de la langue d'une entité ethnique acquiert valeur de diagnostic de son statut socio-culturel, tandis que, à l'inverse, toute étude linguistique devra tenir compte des facteurs socio-culturels d'un groupe humain dont on se propose de décrire l'organe d'expression et de communication. Afin d'atteindre notre but, nous avons divisé le présent travail en trois sections principales : la première section, traitant des aspects généraux et théoriques de notre sujet, à savoir : la détermination — au point de vue statique — de objet et des tâches de la linguistique en tant que science sociale d'observation. Toujours dans cette première section, nous distinguerons ensuite entre linguistique interne et linguistique externe, la linguistique interne se préoccupant d'études structurelles à divers niveaux et à un titre souvent théorique ; la linguistique externe décrivant les subdivisions et les faces diverses de l'organe linguistique selon la nature de l'association et des contacts entre sujets parlants : proximité, cohésion, influences. C'est un fait admis chez la plupart des linguistes qu'à chaque groupe social correspond un moyen propre d'expression-communication, et inversement. En rapport avec la linguistique externe, nous amorcerons une solution au problème de la caractérisation de notre parler, par l'introduction d'une notion objective de dialecte à laquelle se rattachera l'esquisse d'une théorie des contacts socio-culturels — par exemple, statut minoritaire, voisinage égalitaire, coexistence de plusieurs langues usuelles, rapports de dominant à dominé, etc. — applicable aux états linguistiques du Canada qu'on appelle français. Il s'agit moins de savoir si nous parlons un patois, un dialecte, une langue autonome mais bien un idiome « pluraliste » dont les différentes couches correspondraient à une structure sociale en grande partie modelée par des contacts culturels, économiques (et linguistiques, bien sûr) avec l'anglais.
La deuxième section de notre exposé, à la lumière des principes généraux déjà dégagés, présentera en place propre une définition socio-culturelle du parler canadien-français. C'est ainsi qu'on abordera le problème du « joual » à la fois comme mythe et comme symptôme de notre statut socioculturel. Un bref rappel des origines situera le problème au point de vue diachronique.
La troisième section, enfin, montrera les efforts de description objective de notre langue déjà accomplis dans une perspective sociologique et ethnologique. En conclusion de cette dernière section, nous essaierons de montrer quelques-unes des tâches qui incombent au socio-linguiste dans le domaine de la description de l'idiome canadien-français. Le premier résultat à escompter d'une description socio-culturelle de notre organe de communication-expression serait de monter à l'assaut des préjugés traditionnels d'un subjectivisme béat consistant à confondre la langue avec l'idée qu'on se fait du peuple qui la parle ou, qui pis est, l'idée qu'on voudrait lui imposer de ce qu'il est ou devrait être. En somme, la linguistique sociologique, en « dépassionnant » le débat de la langue chez nous, et tout en l'éloignant des querelles grammaticales et puristes, nous semble détenir la clé de la solution au problème de ce que nous appellerons de façon provisoire « le parler canadien-français ». Les quelques considérations qui suivent poseront et délimiteront le problème qui nous préoccupe tous à des titres divers.
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L'étude de la culture : la linguistique
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Commentaire
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L'étude de la culture : le folklore
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Commentaire
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L'étude de la culture canadienne-française : aspects micro-sociologiques
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Commentaire
Claude Galarneau
pp. 273–275
AbstractFR:
Je tiens à dissiper d'abord une équivoque. Le titre de mon exposé n'implique aucunement que je veuille m'attaquer à une sorte de synthèse des thèmes évoqués au cours de ce colloque. La plupart des auteurs de communications et de commentaires ont bien laissé entendre que l'ère des synthèses-résumés était close pour les chercheurs de cette génération. Parmi toutes les incertitudes dont nous avons fait le bilan au cours de ces journées, voilà un point qui, pour nous tous, est assuré. En parlant de l'étude de la société globale, je ne proposerai donc aucune voie — royale ou tortueuse — pour permettre au sociologue de survoler les lacunes énormes de nos recherches empiriques afin d'en arriver au plus vite à de nouvelles synthèses apaisantes. D'ailleurs, à mon sens (et cela apparaîtra, dans la suite, je l'espère), la notion de société globale n'indique qu'une voie de recherches empiriques parmi bien d'autres.
Cependant, même si ce colloque se déroule sous les auspices de la sociographie, on n'aura aucune difficulté à convenir que le thème que j’ai à traiter appelle des précisions théoriques. La notion de « société globale » apparaît de plus en plus comme nécessaire. Nous savons bien que, le plus souvent, la dialectique de la recherche ne va pas de la monographie à la théorie ou inversement. Elle épouse plutôt le schéma : monographie — aire (ou société globale) — théorie. Pourtant, le concept de « société globale » est un des plus confus de la science contemporaine.
Ce n'est évidemment pas le lieu de proposer une discussion purement théorique à ce sujet. Nous ne saurions tout de même éviter de poser tout de suite une question qui s'impose d'emblée : à quels critères nous référer pour délimiter une société globale ? Ce sont de longs développements théoriques qu'il faudrait consacrer à ce problème. Mais nous en sommes dispensés par les impératifs que nous imposent les cadres de ce colloque : notre objet nous était donné au départ. Et, en fait, cela ne gêne pas trop nos idées sur la question. Chaque société globale présente une structure singulière dont le mode d'approche, dans la situation actuelle de la recherche, est à définir à chaque coup. On ne saurait généraliser à propos des sociétés globales comme on le fait, par exemple, en psychologie sociale pour les petits groupes. Ceux-ci s'offrent à la perception comme des ensembles concrets : on est vite renvoyé alors à l'étude des traits généraux de structure. Il n'en est pas ainsi pour les sociétés globales : à première vue, diverses sociétés globales peuvent être délimitées à propos de la même réalité empirique. Nous devons alors fatalement recourir, du moins dans les premières démarches, aux représentations idéologiques où se marque, chez les agents sociaux eux-mêmes, l'appartenance à telle ou telle société globale. On pourra chercher ensuite les mécanismes spécifiques qui soutiennent ces représentations. De sorte que si la notion de société globale apparaît d'abord (nous le notions à l'instant) comme un palier nécessaire de l'observation sociologique, il se pourrait qu'elle corresponde aussi à des éléments concrets et spécifiques des sociétés.
Fidèle à ces remarques comme à l'esprit général du présent colloque, je ne commencerai donc pas par proposer une définition du concept, pour en chercher ensuite l'application à notre milieu. Dans la première partie de mon travail, qui sera consacrée à un bref inventaire, je voudrais plutôt partir avant tout des mécanismes par lesquels la société canadienne-française a tâché de se donner une représentation d'ensemble de ce qu'elle est ; l'étude systématique de la société globale nous apparaîtra ainsi en profonde continuité avec son objet. Dans une seconde section de cet essai, je voudrais ensuite proposer de brèves remarques théoriques pour dégager, enfin, quelques propositions de recherche.
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L'étude systématique de la société globale canadienne-française
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Commentaire