Comptes rendus

Nothing but Noise. Timbre and Musical Meaning at the Edge, par Zachary Wallmark, New York, Oxford University Press, 2022, 215 pages[Record]

  • Matthieu Galliker

Menant ses recherches sur les musiques populaires, le timbre et la cognition musicale, Zachary Wallmark enseigne la musicologie à la School of Music and Dance de l’Université de l’Oregon. Affilié au Center for Translational Neuroscience de la même institution, il engage depuis quelques années une réflexion sur la place et le rôle du timbre dans l’appréciation musicale. À ce titre, et bien qu’il ne s’agisse que d’une tentative de réponse, son récent livre Nothing but Noise. Timbre and Musical Meaning at the Edge représente un riche et ambitieux projet visant à définir un cadre d’analyse systématique pour l’étude du timbre et de ses significations. Issu de sa thèse doctorale défendue en 2014 à l’Université de Californie à Los Angeles, revu et augmenté entre temps, et finalement publié en 2022 par Oxford University Press, ce livre invite à reconsidérer le timbre et ses diverses manifestations – notamment le cas épineux des sons situés à la frontière entre le musical et le bruité – en réunissant les points de vue faussement opposés des sciences humaines et de ce que l’on nomme communément et vaguement les sciences « exactes ». Wallmark offre à la fois une vision complète de la chaîne de traitement du timbre et une réflexion menant à des implications éthiques qui suggèrent une attention renouvelée du rôle endossé par le paramètre timbral. Cette chaîne d’étapes, de sa production à sa réception, répond à ce que Wallmark identifie comme le « Grand binarisme » qui recouvre les études sur le timbre. Reprenant l’expression de « timbral abyss » avancée par Isabella van Elferen, l’auteur brosse un portrait des études sur le timbre présentant d’une part la culture scientifique qui mesure les aspects matériels, quantitatifs, physiques, objectifs, etc. du paramètre timbral, et d’autre part la culture humaniste qui étudie plutôt ses dimensions symboliques, qualitatives, perceptives, subjectives, etc. Entre ces cultures réside un espace vide marquant l’absence de communication entre les deux types d’approches. S’il s’agit d’une des raisons pour lesquelles le timbre semble échapper à de nombreuses démarches, il ne faut toutefois pas écarter certaines entreprises syncrétiques menées depuis le xixe siècle. Comme le rappelle Wallmark, déjà en 1885 Heinrich von Helmholtz « who established the modern intellectual template for timbre studies, freely mixed acoustical, physiological, and aesthetic frames of reference » (p. 15). Il rajoute avoir été précédé par différent·e·s auteur·rice·s sur lesquel·le·s réfléchir pour une approche intégrative : Eric Clarke, Lawrence Zbikowski, Judith Becker, Elizabeth Hellmuth Margulis, Jonathan De Souza et Edward Slingerland. Afin de contribuer au prolongement de ces recherches, Wallmark avance un modèle pour l’étude systématique du timbre. Nommé à l’aide des initiales de chaque étape de la chaîne timbrale que sont act, sound, perception, experience, concept et sign (aspecs), ce modèle représente le grand intérêt de Nothing but Noise. En effet, la mise en relation et l’explicitation des différentes étapes impliquées dans la création de timbre acoustique et son interprétation cognitive fournissent un cadre d’investigation raisonné et réflexif. Constitué de six niveaux, le modèle aspecs commence par le geste musical reconnu comme acte (1) productif du timbre, puis la propagation d’une énergie vibratoire ou son (2), avant d’être réceptionnée par le système perceptif (3) qui mènera à un continuum de significations à la fois sensorielles et affectives. Une fois cet ensemble parcouru, trois autres niveaux sont identifiés par l’auteur : la perception des stimulus provoque des sensations qui feront l’objet d’une expérience (4) polarisée en deux extrêmes, l’un positif (expérience agréable), l’autre négatif (expérience désagréable) ; cette expérience est par la suite traitée lors d’un processus de conceptualisation (5), …

Appendices