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Volume 3, Number 1, 2016 Musique et exotisme en France au tournant du XXe siècle. Altérités recomposées
Table of contents (10 articles)
Articles
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L’exotisme en question : le cas de la réception du jazz dans la musique savante française de l’entre-deux-guerres
Martin Guerpin
pp. 1–15
AbstractFR:
L’introduction du jazz en France et son utilisation dans la musique savante sont souvent assimilées à l’émergence d’un nouvel exotisme, compris au sens large de rapport fasciné à l’Autre. Ainsi utilisée, cette catégorie tend à masquer la diversité bien réelle, et remarquable pour l’époque, de la réception du jazz dans la musique française de l’entre-deux-guerres. Afin de mettre en évidence cette diversité, deux œuvres représentatives de Darius Milhaud et de Jean Wiéner font l’objet d’une analyse qui, s’appuyant sur des définitions de l’exotisme en vigueur dans les décennies 1920 et 1930, prend en compte les sources musicales utilisées par ces compositeurs ainsi que les connotations extra-musicales qu’elles véhiculent. Une fois reconsidéré, le prisme de l’exotisme permet de proposer, au sein des œuvres savantes empruntant au jazz, une distinction entre celles qui relèvent de ce qu’on définira comme un « exotisme nègre » et celles qui ne recourent à cette musique que dans le cadre de l’exploration de nouveaux procédés musicaux.
EN:
The development of jazz in 1920s France, as well as its importation in art music, have often been considered as the development of a new kind of exoticism, in the broad sense of fascination with the “Other.” Such an association of jazz with exoticism tends to downplay the diversity its reception into art music circles in interwar France. This article aims at enhancing this diversity by examining two representative compositions by Darius Milhaud and Jean Wiéner in light of the discourse on exoticism during the interwar. The analysis of these works also draws upon the jazz repertoires which inspired the two composers, and the meanings these repertoires conveyed. Once reconsidered, exoticism provides an interesting tool in order to enlighten a range of uses of jazz in art music. These uses can be distributed between two poles. On the one hand, some composers use jazz in order to construct what will be called “exotic Negro music.” On the other hand, borrowing from jazz features can simply be a way to assert new aesthetics.
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Chansons madécasses, modernisme et érotisme : pour une écoute de Ravel au-delà de l’exotisme
Federico Lazzaro
pp. 16–55
AbstractFR:
L’utilisation passe-partout du concept d’exotisme pour décrire la musique se référant directement à un « autre » géographique est particulièrement problématique dans le cas de Maurice Ravel. Étant donné la présence prépondérante de l’« autre » dans sa musique (qu’il s’agisse d’un autre géographique, chronologique ou stylistique), il est indispensable de différencier cas par cas l’attitude et les choix compositionnels du compositeur. En suivant notamment les réflexions de Ralph P. Locke au sujet de l’exotisme musical et en s’interrogeant sur la perception des topoï musicaux, cet article propose une lecture des Chansons madécasses qui va au-delà de leur exotisme. Nous analysons les choix de Ravel par rapport aux textes et soulignons la portée moderniste et expressive (notamment érotique) davantage qu’« exotique » de ses choix musicaux.
EN:
“Exoticism” is often used as a passe-partout concept in order to describe music referring to geographic Others. But it becomes especially problematic when applied to Ravel’s music, in which the Other is frequently evoked (whether as a geographical, chronological or stylistic other). Therefore Ravel’s positions and compositional choices should be considered on a case-by-case basis when interpreting his music. By adhering to issues raised by Ralph Locke regarding exoticism and reflecting on how musical topics might be perceived, this essay proposes a reading of Chansons madécasses that goes beyond their exoticism. Ravel’s decisions suggest a reading that accentuates modernist and expressive (and especially erotic) parameters more than exotic ones.
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Minarets et pagodes : l’Orient ravélien
Michel Duchesneau
pp. 56–70
AbstractFR:
L’œuvre du compositeur Maurice Ravel (1875-1937) fait résonner un Orient singulier. Si on y découvre l’ombre scintillante du monde de la pacotille « fin de siècle », on y trouve aussi les couleurs chaudes et rêveuses que la littérature et la peinture ont données à un Orient imaginé depuis plus de deux siècles. Au cours de cet article, nous présenterons quelques aspects de l’œuvre de Ravel qui font appel à une culture de l’Orient basée sur le récit et l’imagination. C’est par un processus d’appropriation très particulier que le compositeur réalise certaines de ses œuvres les plus emblématiques et caractéristiques de ce que nous appellerons un orientalisme « poétique ». Nous puiserons nos exemples musicaux dans Shéhérazade (1903) et Ma Mère l’Oye (1910).
EN:
The works of composer Maurice Ravel (1875-1937) call to mind a very specific vision of the Orient. While the music reveals shimmering shadow of a tawdrier fin-de-siècle world, summons the warm and dreamy colours used to portray the Orient by writers and painters over the two previous centuries. This lecture provides a window on various aspects of Ravel’s work that develop from a construct of the Orient that was firmly based on stories and the imagination. The composer used a very specific process of appropriation to create some of his most emblematic pieces—a process we would characterize as “poetic” Orientalism. Musical examples will include excerpts from Shéhérazade (1903) and Ma Mère l’Oye (1910).
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Dialogues of Cultures: French Musical Orientalism in Russia, “Artistic Truth,” and Russian Musical Identity
Adalyat Issiyeva
pp. 71–92
AbstractEN:
The influence of the Saisons Russes, with its utterly Orientalist appeal in defining French modernism and Western avant-garde culture in general, is widely known and discussed by many researchers from multiple perspectives (Schaeffner 1953, Garafola 1989, Davis 2010, Bellow 2013). Less emphasised to date is the fact that Russian Orientalism emerged from European stimuli and, in many respects, its very existence is indebted to French Orientalism. As the famous Russian Orientalist Vasily Bartol’d complained, “The Orient’s neighbour, Russia, despite its geographical proximity, often preferred reading shoddy Western books on the Orient to a direct study of the Orient” (Bartol’d 1925, p. 295). 1 This occurred as a result of the nineteenth-century travels of many Russian literary men, painters, and linguists to Europe (notably to France and Germany) to study with famous Orientalists. This paper contextualizes French Orientalism within nineteenth-century Russian culture and considers how French musical Orientalism was negotiated in Russian writings from the period. Despite the critical views of Russian musicians toward French music with oriental subjects, the music nevertheless resonated with Russian compositional practices and some of its devices were used occasionally to depict not only the Orient, but Russia itself.
FR:
L’influence des Saisons russes, avec son charme tout orientaliste, sur la définition du modernisme français et la culture occidentale en général, est largement connue et abordée par plusieurs chercheurs selon différentes perspectives (Schaeffner 1953, Garafola 1989, Davis 2010, Bellow 2013). Toutefois, peu de travaux se sont penchés sur l’influence des stimuli européens dans l’émergence de l’Orientalisme russe et sur le fait que, à de nombreux égards, son existence est liée à l’Orientalisme français. Tel que l’a déploré le célèbre orientaliste russe Vassili Barthold : « Voisine de l’Orient, la Russie, malgré ce voisinage, préférait souvent la lecture des mauvais livres occidentaux sur l’Orient à l’étude directe de l’Orient » (Bartol’d 1925, p. 295). Ceci résulte des voyages qu’ont effectué, au cours du XIXe siècle, plusieurs littéraires, peintres et linguistes russes en Europe (notamment en France et en Allemagne) pour étudier avec de célèbres orientalistes. Cet article contextualise l’Orientalisme français dans la culture russe du XIXe siècle et considère la façon dont l’Orientalisme musical français a été négocié dans les écrits russes de cette période. Malgré l’opinion critique des musiciens russes eux-mêmes envers la musique française ayant un sujet oriental, la musique a néanmoins trouvé écho dans les pratiques compositionnelles russes et certains de ses dispositifs ont été parfois utilisés pour dépeindre non seulement l’Orient, mais la Russie elle-même.
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Mélodie et orientalisme : de l’évocation du merveilleux aux séductions de l’avant-garde
Sylvain Caron
pp. 93–114
AbstractFR:
Au tournant du XXe siècle, les mélodies françaises représentent l’Orient comme un ailleurs merveilleux. Elles déclenchent un voyage imaginaire par un jeu de figures musicales évoquant souvent un univers riche en stimulations sensorielles (Les roses d’Ispahan de Leconte de Lisle/Fauré) ou en symbolisme érotisme (Trois chansons de Bilitis de Louÿs/Debussy). Or, dans la seconde décennie du siècle, l’Orient perd son aura évocatrice ; il devient plutôt l’élément déclencheur d’explorations avant-gardistes. Nourris par les découvertes musicologiques et par le développement des moyens de transport, les compositeurs deviennent plus sensibles à l’acte même de composer dans les cultures extra-européennes et au rapport au son qu’il implique. En choisissant le timbre musical comme moteur de la forme, ils créent de nouveaux paysages musicaux. C’est ainsi que les Quatre poèmes hindous de Delage et les Chansons madécasses de Ravel s’approprient l’Orient comme la source pure d’une humanité retrouvée, gage d’une authenticité artistique véritable.
EN:
At the turn of the 20th century, French mélodies portray the Middle East as a faraway and marvellous wonderland. Through a brilliant setting of musical figures, they generate an imaginary journey evocating a luxuriant world of either sensory stimulations (Les Roses d’Ispahan by Leconte de Lisle/Fauré) or erotic symbolism (Trois Chansons de Bilitis by Louÿs/Debussy). During the second decade of the century, though, its suggestive strength went weak; it became rather a trigger for vanguard experimentations. Nourished by musicological discoveries and the development of public passenger transport systems, musicians are becoming increasingly sensitive towards the act of composing in extra-European cultures and its relation with sound. By choosing musical timbre as cornerstone for the composition form, they create new musical landscapes. Thus, Delage’s Quatre Poèmes Hindous and Ravel’s Chansons Madécasses take the Middle East as the utter root of a rediscovered humanity, pledge of a true artistic authenticity.
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Benjamin-Constant et le lien à la musique : un art entre citation et vision personnelle
Samuel Montiège
pp. 115–136
AbstractFR:
Dans l’œuvre de Jean-Joseph Benjamin-Constant, la musique est omniprésente – tant par la représentation d’instruments que l’éloge accordé aux grands compositeurs tels Beethoven ou Camille Saint-Saëns. Du tableau de chevalet aux grands décors peints, nous suivons l’hypothèse selon laquelle l’artiste joue de la correspondance des arts, entre peinture et musique. Nous percevons le quatrième art comme un fil conducteur pertinent pour aborder l’œuvre de Benjamin-Constant avec pour objectif d’analyser les stratégies utilisées par l’artiste pour évoquer la musique dans son œuvre et renouveler le rapport à Eugène Delacroix.
EN:
In Jean-Joseph Benjamin-Constant’s work, music is everywhere—in his representations of instruments and his homages to great composers, be they Beethoven or Camille Saint-Saëns. From easel to large wall paintings, the artist plays on the relationship between painting and music. We perceive the fourth art as a relevant thread to discuss Benjamin-Constant’s work with the objective to analyze the strategies used by the artist to evoke music in his work and renewal the link to Eugène Delacroix.
Notes de terrain
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« Panel sur la critique musicale », dans le cadre du colloque international Qu’en est-il du goût musical dans le monde au XXIe siècle ?, 28 février 2013, Faculté de musique, Université de Montréal, salle Serge-Garant
Caroline Marcoux-Gendron
pp. 137–146
AbstractFR:
Dans le cadre du colloque Qu’en est-il du goût musical dans le monde au XXIe siècle ? présenté à la Faculté de musique de l’Université de Montréal du 28 février au 2 mars 2013, un panel a réuni les critiques musicaux Renaud Machart (France), Anne Midgette (É.-U.) et André Péloquin (Québec, Canada) autour de la question « En quoi l’exercice de la critique musicale participe-t-il à l’édification du goût musical des lecteurs-auditeurs ? ». Une série d’enjeux a été abordée au cours de cet échange, dont les objectifs de la critique musicale, son influence sur les lecteurs-auditeurs, mais aussi les obligations éthiques du critique et l’avenir de cette pratique. Les points de vue des trois participants se sont révélés différents à bien des égards, à l’image de la diversité des genres musicaux dont ils traitent, de leurs parcours professionnels respectifs ainsi que des contextes géographiques au sein desquels ils œuvrent.
EN:
At the symposium Qu’en est-il du goût musical dans le monde au XXIe siècle? (What has become of musical taste in the world in the 21st century?) held at the Faculty of Music of the University of Montreal from February 28 to March 2, 2013, a panel brought together music critics Renaud Machart (France), Anne Midgette (US) and André Péloquin (Quebec, Canada) around the question “How has the act of music criticism participated in the edification of the musical taste of readers/listeners?” Addressed during this exchange was a series of issues including the goals of musical criticism, its influence on readers-listeners, but also the ethical obligations of the critic, and the outlook for this activity. The three panelists’ viewpoints differed on many levels, reflecting the diversity of the musical genres they cover, of their respective professional trajectories, and of the geographical contexts within which they work.
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La critique musicale : de la théorie à la pratique : compte rendu de la journée d’étude, 13 mars 2015, Faculté de musique, Université de Montréal, salle Serge-Garant
Margalida Amengual Garí, Hubert Bolduc-Cloutier, Chloé Huvet and Marie-Pier Leduc
pp. 147–159
AbstractFR:
La journée d’étude La critique musicale. De la théorie à la pratique organisée par l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM) s’est déroulée le 13 mars 2015 à la Faculté de musique de l’Université de Montréal. Six conférenciers (Michel Duchesneau, Valérie Dufour, Marie-Thérèse Lefebvre, Emmanuel Reibel, Pascal Lécroart et Timothée Picard) y ont présenté les résultats de leurs recherches sur la critique musicale en pays francophones. Ce texte, qui consiste en un compte rendu critique de cette journée d’étude, se concentre autour de trois axes de réflexion : 1) théorisation et pratique de la critique musicale ; 2) critique musicale et statut socioprofessionnel des critiques ; 3) critique musicale et individualisme méthodologique.
EN:
Organized by the Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), the study day La critique musicale. De la théorie à la pratique (Music Criticism. From Theory to Practice) took place on March 13, 2015, at the Faculty of Music of the University of Montreal. Six lecturers (Michel Duchesneau, Valérie Dufour, Marie-Thérèse Lefebvre, Emmanuel Reibel, Pascal Lécroart and Timothée Picard) presented the results of their research on music criticism in French-speaking countries. The present article is a critical report of the study day, and is articulated around three main topics: 1) theorization and practice of music criticism; 2) music criticism and the socio-professional status of critics; 3) music criticism and methodological individualism.