Comptes rendus

Laure Bereni, Sébastien Chauvin, Alexandre Jaunait et Anne Revillard, Introduction aux Gender Studies. Manuel des études sur le genre. Bruxelles, Collection « Ouvertures politiques », De Boeck, 2008, 248 p.[Record]

  • Fabienne Baider

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  • Fabienne Baider
    Université de Chypre

D’emblée, il est important de préciser que cet ouvrage constitue un excellent point de départ pour tout cours en études de genre qu’il soit d’obédience sociologique ou politique (le public apparemment ciblé) ou autre (philosophique, anthropologique, linguistique, etc.). L’organisation claire des chapitres ainsi que la présentation d’un matériau dense allégée par la présence d’encadrés très didactiques et de résumés utiles en fin de chapitre facilitent en effet l’emploi de cet ouvrage comme manuel de cours pour public universitaire. Du point de vue du contenu, chaque chapitre interroge de manière critique les concepts fondamentaux dans la discipline et met en relation ces concepts avec les débats les plus actuels. Pourtant, les six chapitres qui composent cet ouvrage et qui se proposent de mettre au jour l’aspect transdisciplinaire des études de genre ne semblent pas a priori différents des autres synthèses publiées au cours des dernières années en France (cf. plus bas la section « Références »). Le titre de la collection, « Ouvertures politiques », implique aussi une orientation sociopolitique commune aux ouvrages publiés antérieurement, on pense ici à l’ouvrage de Guionnet et Neveu (2004). La thèse démontrée dans ce manuel, celle de la « fabrication » des femmes et des hommes à partir d’un continu biologique et à des fins de pouvoir et de domination (création de hiérarchie) toujours en défaveur du féminin, est aussi celle qui a été défendue par ses prédécesseurs (Ferrand 2004). Les données empiriques et les arguments statistiques relèvent aussi d’une discipline commune, celle de la sociologie. Cette approche sociologique implique une mise en rapport du genre avec d’autres variables traditionnelles telles que l’âge ou le niveau de scolarité, elle exige également une discussion sur son articulation autour d’autres rapports de pouvoir comme ceux de la classe et de la race (chap. 6) et explique la restriction des domaines explorés dans le manuel qui se limitent à la vie conjugale (chap. 2), aux institutions aux sources de la socialisation (chap. 3), au travail (chap. 4) et à la politique (chap. 5). Et pourtant cette mise à jour de la « fabrique » du « rapport social et diviseur » qu’est le genre (p. 7) ne manque ni d’originalité ni d’atouts majeurs pour en faire un manuel de référence, comme nous le verrons dans ce qui suit. L’introduction résume les objectifs des études de genre (contestation du déterminisme biologique, définition du genre comme une relation de pouvoir à l’intersection d’autres relations sociales hiérarchisées, telles que la race et la classe) et les buts de l’ouvrage (p. 11-12) : clarifier le terme « genre », proposer une grille d’analyse pour penser « en termes de genre », montrer la portée transdisciplinaire de ce champ d’études et fournir des données empiriques dans le domaine. Sont aussi précisés les partis pris théoriques des auteures et des auteurs, notamment celui de considérer le sexe biologique lui-même comme une construction sociale à la suite des travaux de Delphy (2001) et de Butler (1992). En effet, les travaux de Delphy ont posé dès les années 90 que le genre est à l’origine de la division des sexes et non l’inverse. Cet ouvrage se réclame donc des théories « qui, au delà de la distinction sexe et genre, analysent le sexe biologique lui-même comme une construction sociale (un produit du genre) » (p. 12). Ce point de vue théorique fait déjà une différence avec les ouvrages précédemment mentionnés, car nous sommes ancrés ici, résolument, dans une perspective postmoderne des sexes, et non dans celle de penser le genre comme la construction sociale du sexe biologique qui, lui, serait considéré comme une donnée. …

Appendices