Cet ouvrage s’intéresse aux femmes cadres à l’université, tant les cadres professorales (les professeures non syndicables qui exercent des tâches d’administration) que les cadres administratives (les cadres qui font métier de gestion mais qui ne viennent pas des rangs professoraux). Dès l’introduction, l’auteure fait part de sa vision de l’université comme système sociopolitique : « l’université est une arène politique, où le conflit est non seulement inévitable, mais facteur de changement » (p. 21). L’université étant aussi une bureaucratie professionnelle, une question fondamentale de ce livre consiste à se demander si le système bureaucratique est garant d’équité du point de vue des sexes. Afin de répondre à cette question, l’auteure a utilisé des méthodes quantitative (questionnaire auquel ont répondu 1006 cadres, soit 776 hommes et 230 femmes) et qualitative (entrevues menées auprès de 30 femmes cadres) devant « permettre de vérifier qu’en dépit d’une égalité théorique face au travail et à la carrière, des différences importantes existent dans les cheminements de carrière et dans la répartition des femmes et des hommes à différents postes » (p. 27). Telle est l’hypothèse posée. Le chapitre 1 illustre l’évolution de l’université (oligarchique avant 1968; étatique de 1968 à 1978; managériale de 1978 à nos jours) et il s’intéresse à la place des femmes durant chacune de ces périodes. L’auteure conclut que les universités ont connu « quelques lentes, mais constantes améliorations » (p. 82) en ce qui a trait à la présence des femmes comme professeures (de 16 % en 1981 à 25 % en 1999) et comme cadres (de 11 % en 1981 à 17 % en 2000). Elle observe aussi que « le secteur administratif se montre plus discriminatoire que le secteur académique » (p. 82) quant à l’accession des femmes aux postes de cadres. Le chapitre 2 apporte une réponse aux écarts observés entre le secteur professoral « académique » et le secteur administratif, quant à la présence des femmes dans les postes de gestion. Pour Claudine Baudoux, l’université est caractérisée par une double culture obéissant à deux logiques différentes : la culture professorale, marquée par la collégialité, le consensus et la valorisation de l’excellence; et la culture administrative bureaucratique, caractérisée par une hiérarchie des rapports, par les règles, les contrôles et la centralisation. C’est cette culture bureaucratique qui expliquerait que la situation des femmes cadres est plus difficile dans le secteur administratif que dans le secteur professoral. Le chapitre 3 s’intéresse à l’influence de la famille d’origine sur l’accès des femmes à des postes de gestion dans les universités, tandis que le chapitre 4 traite de la tension qui existe chez les cadres entre travail et famille. Quoiqu’ils soient bien documentés, ces deux chapitres présentent peu d’éléments propres aux femmes cadres à l’université. Ils reprennent, tout en les confirmant, des points connus depuis un bon moment sur les femmes qui ont un emploi rémunéré et sur les femmes cadres qui travaillent dans d’autres secteurs que l’université. Les chapitres 5 et 6 sont beaucoup plus intéressants, car ils cherchent à comprendre pourquoi les professeures cadres connaissent des difficultés dans l’accès aux postes les plus élevés, alors que, pour les cadres administratives, c’est plutôt l’obtention d’un premier poste de ce type qui pose problème. L’auteure montre qu’il existe plusieurs pratiques discriminatoires concernant les cadres administratives. Elle indique aussi divers lieux de discrimination lors de la sélection et de la promotion. Elle se penche enfin sur les biais de sélection et sur l’utilisation des différents critères de sélection et promotion pour conclure que « le processus de sélection tel qu’il se vit actuellement et tel qu’il s’est vécu contient des anomalies très …
Claudine Baudoux La passion de l’université. Cap-Rouge, Presses Inter Universitaires, 2005, 552 p.[Record]
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Francine Séguin
HEC Montréal