Notes de chercheurs

L’analyse en groupe de la pratique professionnelle en recherche : mise en perspective des orientations psychanalytique et interactionniste[Record]

  • Catherine Bélanger Sabourin,
  • Joëlle Morrissette and
  • Claudine Blanchard-Laville

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L’édition 2022 du colloque d’automne de l’Association de la recherche qualitative (ARQ) avait pour titre « L’analyse en groupe des pratiques professionnelles : de l’animation à la production de savoirs » et a réuni des personnes de quinze pays de la francophonie. Un des principaux objectifs de ce colloque scientifique entièrement gratuit et tenu en ligne était d’enrichir nos réflexions individuelles et collectives sur l’analyse en groupe de la pratique professionnelle en recherche et en formation, et ce, indépendamment du positionnement géographique et socioéconomique. Afin d’étendre la portée de l’événement et de créer un pont entre la France et le Québec, nous mettons ici en perspective les orientations théoriques et méthodologiques des conférencières d’ouverture : Claudine Blanchard-Laville, professeure émérite en sciences de l’éducation et de la formation à l’Université Paris Nanterre et Joëlle Morrissette, professeure titulaire en sciences de l’éducation à l’Université de Montréal. Bien que distinctes, les perspectives psychanalytique et interactionniste permettent, chacune à leur manière, de tenir compte de la complexité de la pratique professionnelle dans les métiers du lien tels que l’éducation, la psychoéducation, le travail social, la psychologie, la gestion, la médecine, les soins infirmiers, la physiothérapie, etc. Les orientations de recherche-formation décrites ici sont susceptibles d’inspirer les pratiques visant à coconstruire des savoirs à partir d’expériences professionnelles. Sous la forme d’un entretien, cet article met en perspective deux orientations pour analyser la pratique en groupe, et ce, en reprenant les axes du colloque, à savoir l’animation de groupe à visée formative et la collecte du matériau de recherche, puis l’analyse qualitative d’entretiens collectifs et la production de savoirs. Dans les secteurs d’activités à haute teneur relationnelle, l’incertitude et l’imprévisibilité caractérisent les situations rencontrées et contribuent à l’impératif contemporain d’une « professionnalisation tout au long de la vie » (Bourassa & Doucet, 2016, p. 13). Confrontés à la complexité de la pratique professionnelle et aux limites des cursus de formation initiale pour l’appréhender, des gens issus des mondes de la recherche, de l’enseignement et de la pratique s’interrogent sur la place accordée à l’expérience, que ce soit pour le développement, la transmission et l’intégration des savoirs. Dès 1925, en instituant l’analyse didactique, la psychanalyse rompt avec les cadres normatifs du XXe siècle en matière d’enseignement et de recherche en plaçant l’expérience au coeur de la formation initiale (Nimier, 2008). Dans les années 1940, le groupe Balint émerge dans un souci de répondre aux besoins des groupes professionnels confrontés à la complexité de la dimension relationnelle de leur pratique. D’orientation psychanalytique, il s’agit d’un dispositif de formation et de recherche en médecine et en travail social d’abord, avant de s’étendre à d’autres domaines. Aux États-Unis, Schön publie Le praticien réflexif au début des années 1980 en s’inspirant du pragmatisme de Dewey (1933) dans le sillon de la recherche-action tracé par Lewin (1951). Il y propose une conceptualisation de la pratique réflexive qui souligne la pertinence des savoirs cachés dans l’agir professionnel, c’est-à-dire les savoirs qui se construisent « dans », « par » et « sur » l’action. Cette publication s’inscrit dans un renouvellement du rapport recherche-pratique en attirant l’attention sur les savoirs pratiqués, l’apprentissage expérientiel (Kolb, 1984) et le rôle des interactions sociales dans les apprentissages (Vygotsky, 1978). Depuis les années 1990, différents dispositifs de groupe se déploient pour analyser la pratique professionnelle en puisant à différentes épistémologies et méthodologies (Ravon, 2009). Un peu plus tard, Claudine Blanchard-Laville et Dominique Fablet (2000) proposent une définition des groupes dits d’analyse des pratiques professionnelles fondée sur leurs caractéristiques communes : Dans les domaines de la recherche et de la formation, des deux côtés de l’Atlantique, la pertinence …

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