Comptes rendus

Créativités autochtones actuelles au Québec – Arts visuels et performatifs, musique, vidéo, Louise Vigneault (dir.). Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal, 2023, 400 p.[Record]

  • Caroline Nepton Hotte

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  • Caroline Nepton Hotte
    Professeure, Département d’histoire de l’art, Université du Québec à Montréal

Cet ouvrage collectif, publié aux Presses de l’Université de Montréal sous la direction de l’historienne de l’art Louise Vigneault, documente les multiples pratiques actuelles des créateurs et créatrices autochtones au Kepek. Il est réalisé dans une volonté de bonifier l’offre de documentation traitant des arts autochtones en français, au Kepek, particulièrement lacunaire encore aujourd’hui. Vigneault a donc obtenu les contributions d’une dizaine de personnes autochtones et non autochtones, artistes, spécialistes de l’histoire de l’art, chercheurs et chercheuses pour composer ce recueil qui brosse un portrait bien fourni de l’effervescence en art autochtone dans la province. L’ouvrage s’ouvre sous le signe de l’échange par une conversation entre Vigneault et le sociologue de l’art et commissaire wendat Guy Sioui-Durand, qui rappelle qu’« il faut se décoloniser pour ensuite décoloniser l’art par l’art autochtone » (p. 9). Vaste projet auquel il nous convie, qui pointe non pas vers l’horizon à atteindre, mais vers l’action, le geste continuel, transformateur, révélateur qu’est celui de ce long processus de décolonisation en cours, qui fait l’objet de l’ensemble des textes colligés. Chaque texte participe à mettre en valeur et à décrire l’originalité des pratiques, des matériaux, des approches créatives des artistes et de leur parcours d’affirmation. En introduction, on pose les bases sociohistoriques et politiques contextuelles nécessaires à la compréhension du développement des arts autochtones au Kepek. Sans réécrire l’histoire des 400 dernières années, on y présente tout de même les principaux jalons des dynamiques coloniales dans la province francophone, les repères historiques, artistiques et éducationnels qui ont poussé à l’effervescence en art ou, au contraire, qui ont ralenti les initiatives des artistes et des médiations culturelles autochtones. La Loi sur les Indiens, la création des réserves, la sédentarisation forcée, les pensionnats autochtones, la résistance de Kanesatake en 1990, connu comme la crise d’Oka, les interdictions relativement aux pratiques des cérémonies et des rituels, le génocide culturel attesté par la Commission de vérité et de réconciliation du Canada (2015), puis les féminicides répertoriés par l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées du Canada, bref les grandes lignes sont clairement établies. Ces dernières permettent de saisir l’ampleur du travail à effectuer pour renverser la vapeur, comme nous y invite Sioui-Durand. Dès le deuxième chapitre, Vigneault a fait le choix judicieux de mobiliser les récits (storytelling) des artistes autochtones (Pierre Sioui, Teharihulen Michel Savard et Virginia Pésémapéo Bordeleau), une pratique traditionnelle de partage des connaissances employée par des peuples autochtones, inscrivant la proposition aussi en relation à leurs méthodologies relationnelles. Vigneault a misé sur la puissance de la prise de parole des Autochtones, de leurs expressions sur les arts visuels en contrepoint d’une histoire de l’art eurocentrée. Il faut donc s’attendre à y découvrir des pratiques et des réflexions menées en parallèle des grands courants de l’art contemporain. Ce choix démontre une réelle volonté de nourrir le processus d’affirmation actuel en art porté par et pour les artistes autochtones en Amérique depuis les années 1970, mais surtout depuis une vingtaine d’années dans la province, en l’inscrivant dans des spatiotemporalités distinctes, une historicité autochtone particulière. Les propositions des chapitres qui suivent s’inscrivent surtout dans les disciplines de l’histoire de l’art, mais aussi de l’ethnographie ou de l’anthropologie. Les pratiques ratissées sont multiples, plurielles et transdisciplinaires. Outre la littérature et le théâtre, on retrouve des textes sur la musique, les performances, les photographies, les médias mixtes, la postproduction, la vidéo, le cinéma, bref on y perçoit la volonté de démontrer la richesse et le talent d’un grand nombre d’artistes qui naviguent – la plupart – en marge des milieux artistiques connus au Kepek. En plus …

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