Comptes rendus

The Land We Are : Artists and Writers Unsettle the Politics of Reconciliation, Gabrielle L’Hirondelle Hill et Sophie McCall (dir.), 2015. ARP Books, Winnipeg, 227p.[Record]

  • Myriam Lévesque

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  • Myriam Lévesque
    Maîtrise en histoire, Université Laval

Publié au lendemain de la publication du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR), The Land We Are rassemble les écrits de plus de 19 artistes, chercheurs et activistes pour déconstruire le discours sur la réconciliation prôné par le gouvernement canadien et ses institutions. Tout en proposant une trame alternative sur les relations entre les Autochtones, les Allochtones (settlers) et l’État canadien, l’ouvrage interroge le rôle des arts et des artistes dans le processus de réparation, ainsi que la résurgence identitaire et spirituelle des Premières Nations. Les directrices de cet ouvrage collectif, Gabrielle L’Hirondelle Hill et Sophie McCall, annoncent en introduction le ton engagé qui traversera les 12 chapitres de l’ouvrage, rapprochant en premier lieu l’émergence du discours sur la réconciliation à la crise d’Oka en 1990. S’inscrivant dans une littérature scientifique qui conteste le récit prôné par le gouvernement fédéral et la CVR, elles dénoncent l’invisibilisation des revendications territoriales et l’effacement de la plupart des violences coloniales perpétrées par l’État dans un objectif d’« unité » et de « pacifisme ». En s’inspirant d’un projet de l’artiste Rebecca Belmore, Ayum-ee-aawach Oomama-mowan: Speaking to Their Mother, elles proposent une réponse par l’art et au travers d’un récit alternatif où la résurgence et la réparation sont au centre des préoccupations. Loin de viser l’unité et la résolution, les directrices appellent à un discours en constante redéfinition, parsemé de tension et de fractures. Elles proposent de reconnaître les violences du passé et du présent et d’en générer des espaces de dialogues « productifs d’inconfort, de déconnexion et de perturbation (p. 13) ». The Land We Are explore ainsi les possibilités et les limites de l’art dans la décolonisation et la transformation des consciences. Réuni au sein de quatre grandes sections, chaque chapitre expose un projet ou une performance artistique qui a été réalisé entre 2010 et 2014 sur le thème de la réconciliation. Tout en présentant leur démarche artistique, les artistes approfondissent les réflexions des directrices et proposent de nouvelles trames narratives axées sur le territoire, l’autonomie et la collaboration. Si l’introduction et le dernier chapitre reflètent des questionnements plus théoriques, le coeur de l’ouvrage laisse place aux expériences et aux performances des artistes. C’est dans la première partie, « Public Memory and the Neoliberal City », que le rapport au territoire est le plus manifeste. Après avoir participé au projet d’art public lancé par la ville de Vancouver pour souligner « l’Année de la réconciliation (p. 11) » en 2014, les artistes Dylan Robinson et Keren Zaiontz, de même que le collectif The New BC Indian Art and Welfare Society Collective, questionnent le discours mémoriel de la ville à travers ses arts et militent pour la reconnaissance de la présence autochtone sur le territoire et dans l’histoire. Revisité à plusieurs reprises sous les thèmes de rupture, de dépossession, mais également sous le souffle de la guérison et du dialogue, le territoire est un point d’ancrage dans la pensée et l’art des contributeurs. Dans la deuxième partie de l’ouvrage, « “Please check against delivery”: The Apology Unlocked », les artistes et poètes « répondent, rejettent et réécrivent les excuses officielles des gouvernements canadiens et américains » (p. 4) à l’égard des Premières Nations, Métis et Inuit. Par l’entremise de trois formes d’expressions distinctes, ils dénoncent les discours gouvernementaux sur la réconciliation en percevant l’absence d’actions concrètes et de reconnaissance officielle des droits territoriaux comme un manque de sincérité et une hypocrisie. Suivant l’orientation des directrices, ce chapitre expose la conversion « d’espaces de contestations » en espaces de créativité et de pédagogies. C’est en …