Comptes rendus

Gens de l’île, gens du fleuve : Hochelaga en Laurentie iroquoienne au xvie siècle, Roland Viau. Boréal, Montréal, 346 pages, 2021[Record]

  • Christian Gates St-Pierre

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  • Christian Gates St-Pierre
    Département d’anthropologie, Université de Montréal

À l’instar de son opus précédent (Viau 2005), cette nouvelle parution de l’ethnohistorien Roland Viau constitue en quelque sorte un recueil d’essais portant sur le sort réservé aux habitants du village d’Hochelaga, en particulier, et aux Iroquoiens du Saint-Laurent en général, après leurs premiers contacts avec les Français dans la Plaine laurentienne au cours du xvie siècle. Le coeur de l’ouvrage s’articule autour des textes remaniés de trois grandes conférences présentées auprès du grand public en 2017 et 2018. Chacune de ces conférences comporte une thèse que l’auteur détaille et appuie par une analyse précise et approfondie des sources ethnohistoriques, fidèle à la marque de commerce de l’auteur. Ces thèses sont précédées de trois chapitres introductifs qui visent à les situer dans leur contexte géographique, historique et culturel. Dans le premier, l’auteur dépeint l’environnement naturel dans lequel s’est déployée la chronique d’une dispersion tragique. Les modes d’exploitation des ressources par les Iroquoiens y sont brièvement passés en revue, parmi d’autres sujets. Le deuxième chapitre s’intéresse aussi à la géographie, culturelle celle-là. L’auteur y présente en effet un portrait socioculturel des Iroquoiens du Saint-Laurent, en mettant l’accent sur leur organisation sociale et, plus accessoirement, politique. Le rôle des femmes et de la guerre y est notamment abordé, reprenant en cela les propos développées antérieurement par l’auteur dans ses deux remarquables synthèses portant sur ces deux sujets importants (Viau 1997 et 2000). En fait, certains verront dans ces longs chapitres la principale critique que l’on peut faire à cette parution : l’auteur y passe beaucoup de temps à reprendre des idées développées ailleurs et à mettre la table pour la présentation d’idées nouvelles qui viendront beaucoup plus tard dans l’ouvrage. Certes, les néophytes et, surtout, ceux et celles qui n’ont pas lu les précédents livres de Viau, y trouveront sans doute les éléments primaires nécessaires à la compréhension des thèses développées plus loin, mais d’autres y verront une certaine redondance. Quoi qu’il en soit, le troisième chapitre de cette longue section introductive de l’ouvrage s’attarde pour sa part à décrire la physionomie du village d’Hochelaga, que visitera Jacques Cartier en coup de vent, le 3 octobre 1535. Lors des célébrations du 50e anniversaire de la Société Recherches amérindiennes au Québec, à l’automne 2021, le réalisateur et animateur culturel innu André Dudemaine soulignait à juste titre que, dans les déclarations de reconnaissance territoriale autochtone émises en sol montréalais, on oublie systématiquement de mentionner ces Iroquoiens du Saint-Laurent. Il déplorait par la même occasion le regrettable empressement de Cartier à trouver la route des Indes, négligeant ainsi la plus élémentaire des politesses qui aurait consisté à demander à ses hôtes comment ils se nomment. L’aurait-il fait, nous n’aurions pas eu à leur imposer plusieurs siècles plus tard cet ethnonyme assez bâtard d’« Iroquoiens du Saint-Laurent », (Laurentian Iroquois) créé par l’archéologue Bruce Trigger (voir Trigger 1966). Mais, aussi importante soit-elle, c’est là une toute autre question qui nous fait digresser. Nous voilà donc, 150 pages plus tard, prêts à découvrir les résultats des trois investigations minutieuses et passionnantes menées par l’auteur, en commençant par « une enquête sur une disparition », celle de ces Iroquoiens du Saint-Laurent bien sûr, « l’une des plus grandes énigmes de l’archéologie amérindienne » (p. 151). Y sont détaillées les trois principales hypothèses traditionnellement invoquées pour expliquer cette disparition (qui, en réalité, consiste davantage en une dispersion vers des voisins accueillants, comme en convient l’auteur) : les conflits armés, les changements climatiques associés au petit âge glaciaire qui s’amorce vers l’an 1350 de notre ère, et les épidémies de maladies apportées par les Européens et …

Appendices