Témoignages

Lire et écrire Goulet[Record]

  • Bruce G. Miller

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  • Bruce G. Miller
    Département d’anthropologie, Université de la Colombie Britannique, Vancouver
    bgmiller@mail.ubc.ca

  • Traduit de l’anglais par
    Mieko Tarrius

Jean-Guy Goulet a fortement influencé ma pensée et mon travail académique, une influence et des implications que j’explique ici. J’examine ensuite, sur une longue période, en quoi la conception de l’anthropologie de Goulet a rendu possibles mes projets actuels. J’expliciterai notamment l’application de considérations spirituelles, traditionnelles, des Salish de la Côte à l’épineux problème de l’itinérance et du mal-logement (homeless and of the unhoused). Dépassant mes propres considérations, je vais tout d’abord examiner les diverses réactions provoquées par l’approche anthropologique de Goulet et les problèmes qu’elles soulèvent, plus particulièrement autour de la question du croire. Certaines critiques dénotent la fraîcheur des travaux de Goulet qui auraient libéré les sciences sociales de limitations conventionnelles, tandis que d’autres paraissent plus radicales. Je vais illustrer ci-dessous dans quelle mesure cette libération intellectuelle s’étend, au-delà de considérations anthropologiques, à d’autres approches scientifiques. Dans leur ensemble, ces diverses critiques illustrent l’importance des contributions de Goulet à l’anthropologie et à la vie des anthropologues. À cet égard, je pense que l’approche anthropologique de Goulet semble avoir eu un impact réel auprès de la jeune génération d’universitaires qui ont grandi dans une période où la réflexivité se situe à l’avant-plan et où les responsabilités envers les communautés avec lesquelles nous travaillons incluent le respect de leurs systèmes de pensée et la prévalence des méthodes collaboratives de recherche. Ainsi, considérons les réactions suivantes au travail de Goulet. En 1998, Lynn Hume, une universitaire australienne, écrit : « Au cours des dernières années, nombre d’anthropologues, incluant Jean-Guy Goulet […] ont rapporté des expériences “étranges” lors de la conduite à long terme de leur terrain de recherche, révélant une liste intéressante d’observations inexplicables. » Hume relate l’histoire de Goulet, récit désormais célèbre au sein de l’anthropologie canadienne : « […] Jean-Guy Goulet écrit qu’alors assis silencieusement auprès d’un feu dans un tipi avec un groupe d’aînés autochtones dènès tha’, dans le Nord-Ouest canadien, il a d’abord vu un individu attiser les flammes, avant de réaliser que la personne qu’il observait était lui-même ». Pour Hume, ce point de vue inédit matérialise « l’anthropologie de la conscience ». Elle ajoute : Hume n’est cependant qu’à mi-chemin dans sa compréhension de l’anthropologie transformative de Goulet, exposant « la mise entre parenthèses » de la vision du monde de « l’informateur » par rapport à la sienne. Au contraire, Jean Guy Goulet a renoncé à une telle mise entre parenthèses qui coupe le chercheur de la communauté avec laquelle il collabore. La lecture de Goulet en a inspiré d’autres à trouver leur propre voix. Goulet, en effet, est le doyen du mouvement visant à introduire d’autres modes de connaissance dans l’anthropologie contemporaine. Quelle a été la réaction générale à ses travaux novateurs ? On trouve une importante contribution à cette discussion dans l’ouvrage de Young et Goulet paru en 1994 : Being Changed by Cross-Cultural Encounters: The Anthropology of Extraordinary Experience, analysé, notamment, par Hume. Cet ouvrage a suscité de nombreuses réactions, notamment sur le site Internet d’Amazon.ca (2017) : Amazon précise que l’ouvrage est classé 3 270 152e des ventes de livres. Fort heureusement, ce classement importe peu : l’humilité est un trait de caractère répandu chez les anthropologues. On retrouve deux critiques plus détaillées sur ladite plateforme. Un auteur anonyme va au-delà de la position de Hume sur « la mise entre parenthèses ». Il écrit : Une seconde critique, plus conflictuelle et intéressante, suggère que Goulet et Young ont contribué à déconstruire l’« édifice » de l’anthropologie en tant que discipline : D’après ces commentaires, l’anthropologie, selon Goulet, va trop loin en acceptant l’épistémologie autochtone sans …

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