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Rémi Savard, très proche des Innus du fait de son histoire familiale et personnelle, ainsi que par des amitiés nouées au fil de ses recherches et de ses rencontres, s’est engagé dans plusieurs de leurs combats pour la reconnaissance et le respect de leurs droits. Ce numéro de Recherches amérindiennes au Québec en son honneur est pour nous l’occasion de revivre avec Pierre Lepage un moment important de l’histoire du peuple innu et du Québec en général. En effet ce qu’il est convenu d’appeler la « guerre du saumon » a marqué non seulement les Innus et les Micmacs vivant de l’autre côté du Saint-Laurent, mais aussi une grande part de la société québécoise.
Gérald McKenzie — Pierre, tu connais bien Rémi Savard et tu as suivi de près les événements autour de la « guerre du saumon ». Pourrais-tu nous en rappeler les principaux éléments et nous expliquer en quoi ils étaient au coeur des relations entre les Québécois et les Amérindiens ?
Pierre Lepage — Au départ, je ne connaissais pas Rémi Savard. J’ai étudié l’anthropologie à l’Université Laval alors que Rémi, lui, était à l’Université de Montréal. Je n’étais pas non plus spécialisé sur les cultures autochtones. Comme étudiant en anthropologie j’ai fait mon « terrain », au début des années 1970, dans des communautés « blanches » de la Moyenne-Côte-Nord. C’est cependant durant cette période que s’est éveillée chez moi la passion pour les relations interethniques. Comme j’habitais dans le petit village de Rivière-Saint-Jean, je me rendais régulièrement à Mingan pour y rencontrer Serge Bouchard, l’anthropologue, et Georges Mestokosho qui travaillait avec lui comme interprète. Nous discutions souvent de l’entraide qui existait autrefois entre Innus et non-Innus et de la rupture dans les relations à partir des années 1950. C’est aussi durant cette période que je me suis intéressé à l’histoire des droits de pêche sur les rivières à saumon, ma thèse de maîtrise portant sur l’histoire économique de la Moyenne-Côte-Nord. À l’époque il n’y avait pas que les Innus qui pêchaient dans la clandestinité. Les non-autochtones des petits villages nord-côtiers le faisaient également.
C’est curieusement à la Commission des droits de la personne du Québec, où j’ai été embauché en 1976, que j’ai connu Rémi. Jean-Paul Nolet, Abénaquis d’origine et personnalité bien connue de la radio française de Radio-Canada, y avait été nommé commissaire, et un comité d’experts avait été mis sur pied afin de guider la Commission dans ses interventions sur les questions autochtones[1]. Rémi Savard, le juriste Henri Brun et l’archéologue Serge-André Crête faisaient partie de ces experts externes auxquels avait fait appel la Commission. J’ai donc d’abord côtoyé Rémi dans le cadre des travaux de ce comité et je dois dire que sa contribution a été majeure puisqu’il en a résulté une déclaration publique tout à fait d’avant-garde pour l’époque de la part d’une Commission des droits de la personne.
Quand je suis arrivé à la Commission, c’était la « guerre du saumon », c'est-à-dire que nous entrions dans une période de conflits sur les rivières à saumon de la Côte-Nord et de la Gaspésie. Je dis souvent à la blague que partout où il y avait de la chicane, moi, j’étais là. J’ai même fini par me demander si c’était pas moi qui « partait la chicane » ! [rires] Par exemple, je me suis retrouvé à Restigouche la journée même du raid policier de la Sûreté du Québec en 1981, avec Rémi Savard et d’autres personnes qui travaillaient, soit à la Ligue des droits et libertés, soit au Mouvement québécois pour combattre le racisme. Si ma mémoire est bonne, j’avais reçu un appel de la Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick, m’indiquant que des abus auraient été commis par les forces de l’ordre lors de l’opération policière à Restigouche. C’est ce qui avait convaincu la Commission de me déléguer sur place à titre d’observateur. De son côté, la Ligue des droits et libertés avait créé son Comité d’appui aux nations autochtones et Rémi y collaborait. Lorsque nous sommes arrivés à Restigouche le soir même du raid policier, la communauté micmaque était en commotion. Le matin, avant midi, cinq cents policiers et agents de conservation de la Faune avaient investi la communauté et suspendu les pouvoirs du Conseil de bande.
G.M. — Est-ce que tu étais monté dans l’avion nolisé par des organismes qui voulaient aller observer directement ce qui se passait là-bas et être témoins d'éventuelles violations de droits ?
P.L. — Oui. Exactement. La Ligue des droits et libertés et le Mouvement québécois pour combattre le racisme avaient nolisé cet avion. Louise Chicoine, de la Ligue, m’a offert de le prendre et je suis monté avec eux pour être là le soir même. Arrivés là-bas, nous avons été reçus par le Conseil de bande. Des policiers amérindiens étaient présents, dont le chef de la Police amérindienne, M. Maurice Tassé. Celui-ci nous a expliqué qu’il avait expressément demandé à la Sûreté du Québec de ne pas intervenir en force dans la communauté et que, si c’était le cas, il ne pouvait garantir ce qui allait se passer. Le lendemain de notre arrivée, les gens de la communauté avaient été invités à venir nous rencontrer à la salle communautaire. On nous a installés sur une tribune, Rémi, Louise Chicoine, Rita Dagenais et moi, et les gens sont venus tour à tour témoigner de ce qu’ils avaient vu. Beaucoup de gens pleuraient. Je me rappelle que ce matin-là c’étaient uniquement des femmes de la communauté avec leurs enfants qui étaient venues nous livrer leurs témoignages. Cette rencontre m’a personnellement profondément marqué. Elle m’a permis de réaliser à quel point une intervention massive à l’intérieur d’une communauté autochtone peut toucher tout le tissu social de la communauté et créer une blessure profonde à l’identité.
G.M. — Qu’est-ce que c’était, comme intervention ? Il y avait cinq cents policiers, c’est ça ?
P.L. — Cinq cents policiers et agents de conservation de la faune[2]. Ils ont saisi des filets mais ils ont surtout suspendu les pouvoirs du Conseil de bande. Donc, ils sont vraiment intervenus sur la rivière pour saisir des filets de pêche et procéder à l’arrestation de pêcheurs micmacs mais aussi tout autant à l’intérieur de la communauté où ils ont procédé à des saisies et à des arrestations. Interdiction de circulation, propos racistes et gestes désobligeants à l’égard de citoyens micmacs, utilisation d’une force excessive lors d’arrestations, les témoignages à l’encontre de la Sûreté du Québec et des agents de conservation de la faune étaient nombreux et accablants. Je me souviens très bien que, sur le pont reliant Campbelton et Restigouche, des enfants qui revenaient dîner à la maison sont demeurés bloqués à l’intérieur de leur autobus scolaire durant l’opération policière. Ils étaient témoins du va-et-vient des hélicoptères et des véhicules de la police dans leur communauté. Et quand ils sont arrivés à la maison, ils ont vu leurs parents pleurer, leurs oncles, leurs tantes… ceux qu’ils aimaient, en somme. C’était vraiment une communauté en état de choc, une communauté profondément blessée dans son identité. Je me suis retrouvé aussi, peu de temps après, sur la Côte-Nord, aux Escoumins. La communauté innue d’Essipit affirmait son droit de pêche au saumon, et un filet de pêche communautaire tendu sur le littoral, à l’ouest de l’entrée de la rivière, avait mis le feu aux poudres. Lors d’une manifestation de non-autochtones de la municipalité des Escoumins, la situation a failli tourner au drame. Il y a eu des conflits à plusieurs endroits à cette époque.
G.M. — Quelles étaient les parties en cause dans ces conflits ? Comment cela affectait-il les régions, les relations entre les Autochtones et les Québécois ? De quels types de conflits s’agissait-il exactement ?
P.L. — Toutes sortes de conflits, à tous les niveaux. Des conflits entre les Autochtones et le gouvernement, mais aussi entre les agents de conservation et les pêcheurs autochtones, entre les pêcheurs sportifs et les autochtones. Et c’étaient des conflits qui avaient des répercussions sur l’ensemble du climat social dans les régions. Assez curieusement, partout où j’allais on me disait : « Ben, avant, ça allait bien avec les Indiens. On s’entendait bien. » N’a-t-on pas dit la même chose à propos des femmes : que ça allait bien avant qu’elles se mettent à revendiquer des droits ? Parce que vouloir revendiquer des droits et vouloir reprendre sa place, ça dérange nécessairement l’ordre établi.
G.M. — Qu’est-ce qui a fait que les autochtones ont voulu reprendre leur place ? Quand est-ce que tout ça a commencé ?
P.L. — Dans le cas des rivières à saumon, ça a commencé vers 1859. C’est à cette époque que le gouvernement va commencer à louer des rivières à saumon et octroyer des permis de pêche à des particuliers, à des corporations et, le plus souvent, à de riches étrangers. Alors, autant l’intérieur des rivières que leur embouchure vont être mis sous bail – ou ne plus être accessibles qu’avec un permis de pêche octroyé par le gouvernement.
G.M. — C’est le système des clubs qui se mettait ainsi en place au détriment des autochtones ?
P.L. — Oui. Au milieu de xixe siècle, le Saguenay–Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord sont ouverts à la colonisation à la suite de la perte du monopole de la Compagnie de la Baie d’Hudson sur les postes du Roy. Les Innus voient donc leurs terres se faire envahir par des bûcherons et des agriculteurs et, à partir de 1859, ils sont frappés par les nombreuses interdictions de pêcher le saumon. Ils réagissent par une succession de pétitions, dans lesquelles ils réclament, notamment, des droits sur les rivières. Ils demandent même l’exclusivité sur certaines rivières et des redevances sur les ressources. Évidemment, les gouvernements, au lieu de répondre à des gens qui avaient des revendications et qui avaient des droits, vont plutôt réagir en leur faisant la charité, par des secours directs, ou autrement. En fait, le seul endroit où les Amérindiens ont obtenu l’exclusivité de la pêche au saumon, c’est sur la rivière Betsiamites, en aval.
G.M. — C’était en quelle année ?
P.L. — En 1864. À cette époque-là, tous les gens qui descendent de l’intérieur des terres et qui viennent pêcher le saumon au moment de sa remontée apprennent qu’ils ne peuvent plus le faire, qu’ils n’en ont plus le droit. Ils sont menacés de poursuites. Très tôt, les missionnaires et les Innus vont protester. Dans plusieurs communautés les Innus sont acculés à la famine.
G.M. — Autrement dit, du jour au lendemain, les rivières sont louées à des clubs américains, à des clubs canadiens ou à des particuliers, et les autochtones ne peuvent plus pêcher. Une année, ils sont chez eux… et l’année d’après ils se font arrêter ou reçoivent des contraventions !
P.L. — C’est ça. Ils deviennent, pour reprendre l’expression d'Anne Panasuk et de Jean-René Proulx[3], « des étrangers sur leurs propres rivières ». L’embouchure des rivières, c’est aussi leur lieu de rassemblement et, évidemment, ces lieux-là sont peu à peu occupés par des populations non autochtones. Donc, les gens vivent des privations assez importantes. En fait, au cours des années 1970, ils se trouvent dans une situation absolument anachronique : partout au Québec, sauf à Betsiamites, les Amérindiens sont considérés comme des hors-la-loi sur les rivières à saumon.
J’ai eu l’occasion de me retrouver là où il y avait des conflits : aux Escoumins, mais aussi sur la rivière Moisie, à Natashquan, à Mingan. C’est d’ailleurs au cours de ces événements que j’ai croisé Rémi à plusieurs reprises, notamment à Natashquan en 1982, lors de l’occupation de la pourvoirie par les Innus.
G.M. — Une occupation par des autochtones ?
P.L. — Oui, à Natashquan les Innus ont occupé la pourvoirie située à la première chute. À Mingan, la situation était différente. La rivière n’appartenait pas au gouvernement du Québec, ni aux Québécois. C’était une propriété privée. Lors de mes recherches sur l’histoire économique de la Moyenne-Côte-Nord, j’avais découvert que la rivière Mingan était en vente dans un journal de New-York. À cette époque-là, c’était une propriété privée en raison de vieux droits seigneuriaux qui n’avaient pas été éteints.
G.M. — Propriété privée, gouvernement du Québec… Quel rôle le gouvernement fédéral a-t-il joué ? Il est quand même responsable par sa Loi sur les Indiens, non ?
P.L. — Durant la « guerre du saumon », le gouvernement fédéral a racheté cette rivière à des Américains et l’a annexée à la réserve. En vertu de la Loi sur les Indiens, les autochtones peuvent adopter des règlements pour la gestion et la préservation de la faune sur le territoire d'une réserve. Alors, les Innus de Mingan ont cessé toute pêche pendant quelques années. Ils ont restauré la rivière et l’ont ensemencée et, quelques années plus tard, ils ont rendu la rivière Mingan accessible aux pêcheurs québécois alors qu’elle ne l’était pas auparavant. Moi, je trouve que c’est un bel exemple de réussite. Je dis aux gens : « Qu’est-ce qu’on a perdu, nous, les Québécois ? On n’a rien perdu. On a même gagné des choses. » Une rivière, qu’elle soit gérée par des Amérindiens ou par le gouvernement, il n’y a pas de différence, tant qu’on y a accès.
Pour en revenir aux origines de la « guerre du saumon », c’est effectivement un conflit qui remonte loin dans l’histoire, aux années où les Innus deviennent des étrangers sur leurs propres rivières. Toutefois, en matière de pêche, de chasse et de piégeage, quelque chose d’assez important survient en 1951 lorsque le gouvernement fédéral procède à une révision de la Loi sur les Indiens. Certaines dispositions sont abolies et de nouveaux amendements sont apportés. Jusque-là, en principe, en vertu de la Constitution canadienne, les provinces ne peuvent pas légiférer sur les autochtones. En somme, « les Indiens, et les terres réservées aux Indiens », sont de compétence exclusivement fédérale. Or, à partir de 1951, grâce à un amendement à la loi, les « lois provinciales d’application générale » pourront désormais s’appliquer aux autochtones à moins qu’un traité n’ait été conclu ou que des dispositions existent déjà dans la Loi sur les Indiens. Une brèche importante s’est ouverte permettant la mise en force de lois provinciales d’application générale telles les lois sur la faune. Et, là, évidemment...
G.M. — Nouvelles sources de conflits : nouvelle couche de conflits !
P.L. — Exactement. Les Amérindiens ont toujours dit : « On détient tous nos droits puisqu’on ne les a jamais cédés en vertu de quelque traité que ce soit. » On le sait, au Québec les Amérindiens n’ont pas cédé leurs droits. Or, dans les provinces où les autochtones l’ont fait, ils sont mieux protégés contre l’application des lois provinciales. Dans le cas du Québec, les gens étaient dans une espèce de vacuum. Le gouvernement leur disait : « Écoutez, comme vous n’avez pas signé de traité, les lois provinciales s’appliquent. C’est indiqué dans la loi. » Mais les Amérindiens rétorquaient aussitôt : « Non, non, un instant. On n’a pas signé de traité. Donc, on n’a jamais cédé nos droits sur le territoire. On a tous nos droits. »
G.M. — Donc, le fait qu’ils sont assujettis aux lois provinciales a un impact sur les autochtones du Québec. On leur impose de nouvelles lois ? De nouvelles règles ?
P.L. — Oui, c’est ça. Ce n’est pas pour rien que, dès sa création en 1965, l’Association des Indiens du Québec va donner la priorité à toute la question des droits de chasse et de pêche. Elle va contester l’application des lois provinciales. Son premier mémoire, en 1967, porte sur les droits de chasse et de pêche. Ce n’est pas seulement dans les régions plus au sud que surgissent des conflits avec les agents de conservation de la faune. On en voit chez les Cris, et un peu partout. En fait, l’impact de ces lois d’application générale est le suivant : ce sont des lois supposément non discriminatoires, qui s’appliquent à tout le monde sans distinction. Mais elles vont avoir un effet discriminatoire. C’est, à mon avis, un bel exemple de ce qu’il est convenu d’appeler, dans le jargon des droits de la personne, la discrimination indirecte et systémique. À l’époque, on ne connaissait pas ce langage-là, mais on sait maintenant que c’est une forme de discrimination. Ce sont des lois qui, dans leur application, vont criminaliser les activités autochtones, vont traiter un groupe de façon négative, à cause de son origine ethnique.
G.M. — Tu veux dire que ton mode de vie te transforme en criminel du simple fait de vivre selon tes coutumes ?
P.L. — C’est ça. Ça devient une forme de discrimination indirecte, parce que les autochtones sont davantage touchés par les effets de ces lois-là. D’ailleurs, dans un document du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, publié en 1985, on parlait d’une trentaine de lois et règlements qui s’accordaient mal avec les activités autochtones. Alors, on voit un petit peu le tableau de la situation.
G.M. — ... un tableau qui précède la crise du saumon de 1981-1982.
P.L. — Qui la précède, oui, mais qui se poursuit par la suite. À la même époque, il y a des discussions entourant les développements hydroélectriques à la Baie James. Un traité va être signé en 1975 avec les Cris et les Inuits : la Convention de la Baie James et du Nord québécois. En 1978, un second traité est signé, cette fois-ci avec les Naskapis : la Convention du Nord-Est québécois. Ces trois groupes seront alors dotés d’une meilleure protection dans l’exercice de leurs activités de chasse et de pêche. Leurs droits, spécifiés dans les traités, vont avoir préséance sur les lois provinciales, ce qui n’est pas le cas pour les autres Amérindiens du Québec.
Ce qui est intéressant à observer, c’est que, lorsque la Convention de la Baie James et du Nord québécois est signée, en 1975, il y a un certain back-lash dans les milieux de la chasse et de la pêche sportives. En lisant les chroniques de chasse et pêche de l’époque, on voit que la situation est présentée avec des affirmations telles que : « Nous, les Québécois, on se fait déposséder, par les Indiens, de nos droits et de notre territoire, sur lequel on n’a plus de contrôle. » Ce type d’opinion, très présent dans les chroniques de chasse et de pêche, va précéder la « guerre du saumon », puis va l’accompagner.
À partir de 1976, la Commission des droits de la personne va recevoir des plaintes de la Ligue des droits et libertés, d’organismes autochtones et de particuliers qui dénoncent le caractère discriminatoire et offensant de certaines chroniques de chasse et pêche. En 1981, la Commission rend publique une étude qui a pour titre : Chasseurs sportifs vs chasseurs de subsistance, l’image de l’Amérindien dans les chroniques de chasse et de pêche des grands journaux francophones du Québec. Réalisée par Sylvie Vincent, l’étude conclut grosso modo que, sur environ soixante éditoriaux ou commentaires d’opinion, on se retrouve avec pratiquement autant d'éditoriaux ou commentaires d’opinion anti-Indiens. Et certains chroniqueurs de chasse et pêche étaient vraiment les porte-voix des associations sportives. En participant, à l’époque, à des réunions organisées par certaines de ces associations (la Fédération québécoise de la faune, l’Association des pêcheurs sportifs de saumon du Québec, et d’autres), j’ai réalisé que plusieurs chroniqueurs étaient en conflit d’intérêts : plusieurs occupaient des postes importants au sein de ces associations. Alors, évidemment, on ne pouvait pas s’étonner que les chroniques de chasse et pêche reflètent non pas le point de vue de tous les utilisateurs des rivières, mais davantage celui des pêcheurs sportifs.
G.M. — Quand je suis arrivé à la Ligue des droits et libertés, ce même type de conflit d’intérêts était dénoncé. La Ligue avait critiqué André Croteau, un chroniqueur à l’émission radiophonique du matin de Radio-Canada. Je crois qu’elle avait collaboré avec la Commission des droits de la personne pour dénoncer les violations de droits des autochtones dans ce contexte.
P.L. — La Ligue avait porté plainte à la Commission au sujet des chroniques de chasse et pêche et nous envoyait régulièrement des informations. Il y avait une forme de surveillance des médias qui se faisait tant au sein d’associations de défense des droits que d’organisations autochtones, dont le Conseil Attikamek-Montagnais.
G.M. — Mais c’était difficile, parce que, dans l’opinion publique, les chroniqueurs de chasse et pêche avaient une très bonne réputation et étaient crédibles. Ils faisaient connaître la nature et la chasse aux gens. Ça semblait très positif. Les éveiller aux droits des autochtones n’était pas une chose qui allait de soi.
P.L. — On le voit d’ailleurs au moment de la crise à Restigouche en 1981. Toutes les associations sportives vont prendre position, d’abord en appuyant le ministre Lessard sur la question du raid policier, mais également en adoptant des positions qui, au nom de l'égalité de tous les citoyens, voudraient qu’on ait tous les mêmes droits au Québec. Il y a des chroniqueurs de chasse et pêche qui sont devenus, à l’époque, de grands théoriciens du droit à l’égalité. Je ne vais citer qu’André A. Bellemare, du Soleil, qui disait à peu près textuellement : « Tous les Québécois, quelle que soit leur origine ethnique ou nationale, ou leur état de fortune, devraient avoir accès, en pleine égalité, au territoire, aux ressources fauniques du territoire national de tous les Québécois. » C’était une façon d’affirmer l’égalité, mais en niant aux autochtones le droit à la différence, le droit d’être distincts, d’avoir des droits en tant que nations. Ça a donc été une période difficile, parce qu’il n’y avait pas que le gouvernement qui intervenait. Il y avait les associations sportives qui avaient des antennes en région.
G.M. — C’est le noeud de la question. Vous autres, à la Commission, et d’autres, comme Rémi, avez dû faire face, et depuis toujours, au refus d’une grande part de la société québécoise de reconnaître réellement ces droits-là, de se mettre dans la tête que les autochtones existent réellement et ont des droits réels. Les droits inscrits dans les chartes doivent pouvoir s’exercer dans la vraie vie de tous les jours, et sont liés au territoire, entre autres. Ce qui n’était pas admis par une grande partie de la population. C’est pourquoi, quand Rémi parlait ou, dans ce cas-ci, quand des gens comme toi, à la Commission, ou encore des membres du Comité d’appui aux nations autochtones, parliez, ça suscitait de fortes réactions. Comment dépasser cette vision des choses, comment faire comprendre que les autochtones ne sont pas une menace mais plutôt la source d’un enrichissement collectif ?
P.L. — Oui, oui : c’est tout à fait ça. C’était la situation mais, aujourd’hui, ça a quelque peu changé tout de même, et heureusement. La seule solution que pouvaient envisager les associations sportives, à l’époque, c’était de dire aux autochtones : « Prenez vos cartes de membres et pêchez comme tout le monde. Pêchez à la ligne, comme tout le monde. » Et on a vu, dans la presse sportive de l’époque, de véritables campagnes de « salissage ». L’étude sur les chroniques de chasse et pêche l’a très bien démontré : on retenait quelques cas individuels que l’on reprenait d’une fois à l’autre, et tout ça finissait en « massacres de caribous » et en « massacre du saumon ». À les lire, on finissait par croire que, bon sang, ces gens-là ne faisaient que braconner et détruire la faune à tour de bras. Or, à la même époque, dans plusieurs régions du Québec des réseaux organisés de braconnage ont été mis au jour. Les auteurs de ces « crimes contre la faune » n’étaient pas des Amérindiens mais des « Blancs ». Or jamais, à la suite de ces dénonciations, n’a-t-on remis en question les droits des Québécois à la faune! On le faisait pourtant pour les Amérindiens. Dès qu’un incident était rapporté, il servait de prétexte pour remettre en question les droits de tous les Amérindiens sur la faune. Ça a été vraiment des campagnes de « salissage ».
Heureusement, après les événements de Restigouche, un certain dialogue a pu s’établir. À l’époque, moi-même, à la Commission des droits de la personne, et François Raynault à la Société Recherches amérindiennes au Québec, avions organisé un colloque sur « La faune et les droits autochtones ». Nous avons réuni à Montréal des représentants du gouvernement, de l’Association des pêcheurs sportifs de saumon du Québec, de la communauté micmaque de Restigouche, de l’Association des biologistes du Québec et d’autres, avec l’objectif d’amorcer un dialogue. Parallèlement j’ai fait plusieurs rencontres au sein des associations sportives. Et ça, ça s’est fait en 1982, moins d’un an après le raid de Restigouche. Dès ce moment-là, on a vu un changement d’attitude au sein de certaines associations sportives. L’Association des pêcheurs sportifs de saumon du Québec, par exemple, s’est mise à dire : « Ce n’est pas notre rôle de décider et de définir quels sont les droits des Amérindiens. Notre rôle, à nous, c’est d’assurer la survie du saumon de l’Atlantique, une espèce menacée et dont dépend notre industrie. Et ça, ce n’est pas possible sans un dialogue entre tous les utilisateurs. »
G.M. — Les relations commençaient à se détendre un peu ?
P.L. — Au bout de quelque temps, oui, mais avant cela, le tableau était tout à fait sombre. Être autochtone signifiait faire partie d’une communauté délinquante. C’est ce qui a obligé les autochtones à réagir. Les gens ont décidé de défier ouvertement la loi et les autorités. C’est là que les conflits ont éclaté et il y a même eu des coups de feu. À la Romaine, un gardien du club de pêche a été condamné pour avoir tiré sur des Amérindiens. Sur la rivière Moisie, deux Amérindiens qui pêchaient la nuit ont été retrouvés morts dans les jours qui ont suivi. Les circonstances de leur décès sont restées nébuleuses, et les Innus ont soupçonné tout de suite un incident avec des garde-pêche. Rémi Savard d’ailleurs se portera à la défense des familles des victimes pour exiger une enquête publique sur ces événements[4]. À Natashquan, Antoine Malec, le chef de la communauté, pêchait de nuit avec un compagnon quand le canot du gérant du club leur a foncé dessus à toute vitesse. Son embarcation a presque été coupée en deux et il a failli y perdre la vie. Et ça a été des moments déterminants. À Natashquan, les gens ont dit : « Assez, c’est assez ! » Et c’est là que la bataille s’est engagée pour la reconnaissance de ce qu’ils estimaient être leurs droits sur la rivière. À Mingan, les gens ont défié collectivement et ouvertement la loi. Le Conseil Attikamek-Montagnais et le chef de Mingan, Philippe Piétacho, ont posé un geste symbolique en mettant un filet de pêche dans la rivière. Et ça s’est fait devant tout le monde. Les enfants étaient là. C’est à ce moment-là qu’on a vu l’escouade anti-émeute arriver. C’était ça la « guerre du saumon ».
G.M. — Peux-tu comparer ce qui s’est passé à Restigouche avec d’autres situations dans lesquelles la Sûreté du Québec est intervenue ?
P.L. — À Restigouche il n’y a pas eu un défi ouvert de la part de la communauté comme ça a été le cas à Mingan. Mingan est un cas vraiment très particulier. Il est intéressant de voir que l’escouade anti-émeute était dans la communauté de Mingan en 1981 et que, quelques années plus tard, ce sont ces mêmes Innus qui vont se voir décerner le prix de la Fédération du saumon de l’Atlantique. Ça, c’est important. Lorsque les gens de Mingan ont pris la décision d’aller aux réunions de l’Association des pêcheurs sportifs du saumon du Québec, qui deviendra un peu plus tard la Fédération du saumon de l’Atlantique, ça n’a pas été facile pour eux puisqu’ils avaient l’impression de porter le fardeau de tout ce que les Amérindiens du Québec faisaient de répréhensible. Mais ils ont persévéré et je pense que ça a été sain pour l’amorce d’un dialogue avec le milieu de la pêche sportive.
Ce qui va changer la donne également, c’est le fait que, dans la Constitution canadienne, il est stipulé, à partir de 1982, que les autochtones constituent des peuples et que des droits ancestraux ou issus de traités leur sont reconnus. Alors on ne peut plus dire qu’ils doivent être des citoyens comme tous les autres. Cela est spécifié également à partir de 1982 dans la Charte canadienne des droits et libertés où il est question de « droits et libertés ancestraux, issus de traités ou autres » des peuples autochtones du Canada et de protection des accords devant éventuellement être conclus.
G.M. — Autrement dit, ceux qui n’avaient pas signé de traités jusque-là peuvent encore espérer le faire. Ça implique que d’autres traités pourraient être négociés.
P.L. — La Constitution a ouvert la voie effectivement à ce que ceux qui n’ont pas signé de traité en signent éventuellement. Et ça, c’est très important parce que, désormais, il y a des garanties constitutionnelles aux droits issus de traités. Par la suite, les autochtones vont faire des gains importants en Cour suprême, devant les tribunaux, notamment en matière de pêche au saumon. Sur les rivières à saumon de la Colombie-Britannique, on retrouvait un peu la même situation qu’au Québec. Il n’y a pas eu de traités là-bas avec la majorité des nations et, dans l’affaire Squamish, il y avait les pêcheurs commerciaux, les pêcheurs sportifs et plusieurs gouvernements qui étaient là, tous contre les autochtones. Dans ce cas-là, la partie autochtone contestait l’application de lois provinciales en matière de faune. Que dit l’arrêt Squamish ? Essentiellement : « Oui, les provinces peuvent légiférer sur la faune » mais il faut respecter trois critères et un ordre de priorité. D’abord, la conservation, premier critère. Deuxième critère : les droits ancestraux, et troisième critère : les droits des autres utilisateurs, c’est-à-dire les pêcheurs sportifs, les pêcheurs commerciaux et les autres. Donc, en vertu de ce jugement, les provinces ne peuvent pas légiférer indûment de façon à priver les autochtones de leurs droits. Mais on dit : « Ils peuvent le faire, pour protéger la faune. » S’il y a trop peu de poissons, cette année-là, ni les autochtones, ni les pêcheurs sportifs, ni les autres utilisateurs ne pourront en pêcher. Mais si, sans qu’il y en ait en abondance, il y en a tout de même un peu plus, la préséance sera accordée aux autochtones à cause des droits ancestraux. Donc, ce jugement-là, plus d’autres jugements en matière de chasse et de pêche, a fait qu’on a reconnu que les autochtones avaient des droits, particulièrement dans les régions où ils n’ont pas signé de traité.
G.M. — Comme à Mingan, et pour toutes les rivières qui ont connu la « guerre du saumon »… Donc, pour ces rivières-là, cette décision va avoir un effet.
P.L. — En raison des jugements des tribunaux, oui. Mais, dans ces cas-là, c’est davantage l’arrêt Squamish qui a créé un précédent, parce que le jugement rendu touchait particulièrement les rivières à saumon. Et ce ne sont pas seulement les Innus qui en bénéficient, ce sont toutes les nations autochtones du Québec, sauf les Cris, les Inuits et les Naskapis qui, eux, sont protégés en vertu des droits issus des traités.
L’autre aspect qui est important, c’est que, lorsque l’Association des Indiens du Québec va présenter son mémoire, en 1967, il y a une certaine ouverture de la part du Québec à l’égard des droits des autochtones. Le ministre Loubier, qui s’occupe de la chasse et de la pêche à l’époque, va émettre une lettre, qu’on appelle « la lettre d’entente Loubier ». Mais ça n’a jamais été un document adopté. Ce n’est pas une réglementation, ce n’est pas un document adopté par la loi. Et, un peu plus tard, lorsque les Innus vont présenter au gouvernement du Canada un projet de traité (le Conseil Attikamek-Montagnais dépose son projet de revendication territoriale en avril 1979), le gouvernement du Québec va émettre ce qu’on appelle un moratoire sur les infractions à la Loi sur la conservation de la faune. Le gouvernement était conscient que, pour les autochtones qui n’avaient pas signé de traité, la Loi sur la conservation de la faune avait un effet punitif. Elle s’accordait mal avec les droits et les pratiques des autochtones en matière de chasse et de pêche, comme je l’ai mentionné tout à l’heure. Mais, ce moratoire-là a eu un effet très négatif. On va l’appliquer, en particulier, aux Innus, mais aussi aux Algonquins et aux Attikameks. Malheureusement, au lieu de reconnaître des droits, on tolère leur pratique. Alors, évidemment, les associations sportives sont montées aux barricades en disant : « Vous nous dites que la loi doit s’appliquer à tous, alors que vous ne l’appliquez pas à tous! » Conclusion : ce moratoire va être décrié comme étant un moratoire discriminatoire à l’égard des Blancs. C’est comme ça qu’on le définit. Et les autochtones vont faire les frais de ça. Des Blancs vont dire : « Voyez, quand les autochtones sont en cause, les gouvernements n’interviennent pas. » Or, le gouvernement n’intervenait pas tout simplement parce qu’il était conscient que la réglementation avait un effet punitif sur les communautés autochtones. Quand il voulait soumettre les autochtones à des permis de pêche, par exemple, les gens résistaient de façon absolument incroyable. Il y a eu toutes sortes de mesures, d’ailleurs, qui ont été prises au cours de ces années-là, pour éviter les conflits avec les autochtones. À un moment donné, le gouvernement du Québec va même décider d’émettre unilatéralement des permis aux chasseurs innus pour que la réglementation soit respectée, du moins en apparence. Et ça a fait rire tout le monde, parce des chasseurs qui étaient décédés ont reçu des permis. Ça a été le fou rire dans toutes les communautés. On voit par là dans quelle position de malaise le gouvernement se trouvait, à l’époque.
G.M. — Et d’ignorance, aussi.
P.L. — D’ignorance, oui. Le gouvernement était poussé, en plus, par le lobby des pêcheurs et des chasseurs sportifs et par les autres utilisateurs qui voulaient absolument qu’il intervienne. Alors, les Innus ont fait les frais de ça. Ils étaient considérés comme des parias. Cette tolérance-là, ils l’ont payée cher, à mon avis. Parce que, plutôt que de reconnaître leurs droits, on tolérait leurs pratiques et, là, ils ont été ostracisés.
G.M. — L’état de crise a existé pendant au moins trois ou quatre ans, et même un peu plus que ça. Comment est-ce que ça s’est résorbé ? On a tout simplement arrêté de parler du problème ? Est-ce qu’il y a vraiment eu une sortie de crise ? Est-ce qu’il y a eu des solutions ?
P.L. — Il y a eu des ententes, à propos des rivières, avec les conseils de bande. Dans certains cas, des sociétés mixtes de gestion ont été créées. Ça a été la façon de sortir du conflit, notamment aux Escoumins. Même chose à Maria, en Gaspésie, où il y a une société mixte de gestion où sont représentées la bande de Gesgapegiag et les municipalités environnantes. À Natashquan, les Innus ont pris en main la pourvoirie. Donc, en général, ça s’est réglé par des ententes pour désigner les gestionnaires de certaines zones de pêche. Dans certains cas, il y a eu aussi, par exemple, des ententes pour que les autochtones puissent poser des filets de pêche communautaires. Et des comités de surveillance sur les pêches ont été mis sur pied – ce qui a permis de restaurer la confiance. Dans le cas de Restigouche, par exemple, le premier ministre du Québec, René Lévesque, était allé rencontrer le géographe Louis-Edmond Hamelin pour lui demander d’essayer de trouver une solution à la crise de l’été 1981 et à l’impasse qui s’en est suivie. Et c’est alors qu’un comité de surveillance sur les pêches a été créé, auquel siégeait M. Hamelin. Un aîné micmac très respecté, Michael Isaac, siégeait également à ce comité ainsi qu’un biologiste. Alors, à l’improviste, les membres du comité de surveillance pouvaient débarquer sur la rivière Restigouche pour voir si l’entente sur les zones de pêche qui était intervenue entre le gouvernement et le Conseil de bande micmac était respectée. Ce genre de mesures a permis petit à petit de dénouer l’état de crise qui s’était institué. Cela ne veut pas dire que les associations sportives ont accepté d’emblée les mesures mises en place mais le climat était plus favorable au dialogue.
G.M. — On peut dire aussi que les priorités ne sont plus les mêmes, aujourd’hui. Ce sont davantage les mines et d’autres ressources qui accaparent l’attention, de nos jours. Mais j’imagine que c’était dans l’intérêt des pêcheurs sportifs, de l’ensemble des Québécois et des autochtones, qu’il y ait une meilleure gestion du saumon de l’Atlantique.
P.L. — Oui. C’est ça. Ce n’est pas en pêchant dans la clandestinité pour les uns, en niant les droits aux autochtones pour les autres, et en transformant les rivières à saumon en champ de bataille, que la survie du saumon de l’Atlantique peut être assurée. La seule piste de solution possible était l’établissement d’un dialogue entre tous les utilisateurs, sans exception.
[12 avril 2011]
Appendices
Notes
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[1]
Le comité interne mis sur pied par la Commission était dirigé par le vice-président de la Commission, Maurice Champagne, et composé des commissaires Jean-Paul Nolet et René St-Louis. Outre Rémi Savard, Henri Brun et Serge-André Crête comme consultants externes, deux professionnels de la Commission y participaient, Monique Rochon et Pierre Lepage.
-
[2]
Au cours de l’été 1981, Lucien Lessard, ministre québécois du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, ordonne une opération d’envergure dans la communauté et sur la rivière Restigouche afin d’y saisir les filets des pêcheurs micmacs qui s’adonnaient à une pêche au saumon jugée illégale. L’intervention a lieu le 11 juin sur l’heure du midi et c’est de cette action qu’il est question ici. Une seconde opération de policiers de la SQ et d’agents de conservation de la faune eut lieu le 20 juin alors que les pêcheurs micmacs avaient repris leurs activités. Cette fois-là, l’intervention se déroula uniquement sur la rivière Restigouche et non dans la communauté. L’état de crise et de stress intense au sein de la communauté a duré plus de deux mois.
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[3]
Sous la direction du professeur Rémi Savard, Anne Panasuk et Jean-René Proulx, tous deux étudiants en anthropologie à l’Université de Montréal, ont produit leur mémoire de maîtrise sur les droits des Innus sur les rivières à saumon de la Côte-Nord. Toute personne qui s’intéresse aux conflits sur les rivières à saumon dans les années 1970-1980 devrait lire cette excellente thèse intitulée : « La résistance des Montagnais à l’usurpation des rivières à saumon par les Euro-canadiens du 17e au 20e siècle » (Université de Montréal, août 1981). Le document aurait mérité d’être publié par la suite tant il est riche en informations.
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[4]
À la demande du père d’une des victimes et doutant des conclusions de l’enquête du coroner qui avait conclu à une mort accidentelle par noyade, Rémi Savard a d’abord fait les démarches pour obtenir la transcription des notes sténographiques de l’enquête du coroner. C’est après y avoir décelé de nombreuses erreurs, irrégularités et incohérences, que Rémi a rédigé pour le compte de la Ligue des droits et libertés une petite brochure intitulée : Mistashipu, la rivière Moisie : la mort suspecte de deux Montagnais et les sophismes du ministre de la justice (Comité pour la défense des droits des autochtones, Ligue des droits et libertés, Montréal, 1979).