Regards croisés France-QuébecConférences

Redevenir les créateurs de notre avenir[Record]

  • Guy Levesque

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  • Guy Levesque
    Coordonnateur, Maison La Virevolte

Mon souhait, par ce bref exposé, est de porter à votre attention mon opinion sur quelques impacts sociaux sur l’action communautaire propres à cette culture dominante du savoir que l’on décrit depuis le début de l’après-midi. Au-delà des programmes d’intervention précoce en périnatalité, des clientèles à risque, des plans d’action gouvernementaux et des influences générales des pratiques du réseau sur le communautaire, c’est toute une transformation de ce que nous sommes qui s’articule. C’est également le sens philosophique de notre raison d’être en tant qu’entité communautaire qui est en profonde mutation. Nous sommes littéralement balayés par une vague de fond du savoir scientifique érigé en vérité infuse où l’accent est mis sur le dépistage de problématiques, l’adaptation sociale et le contrôle des personnes. Il va sans dire que dans un tel contexte socio-idéologique réactionnaire, austère, conservateur et antidémocratique, les groupes communautaires se voient grandement perturbés et agressés dans leur pratique et leur fondement. Sur un plan global, on peut constater que la société québécoise a définitivement fait son entrée dans l’ère du néolibéralisme. Nous sommes à l’heure sombre des partenariats publics privés (PPP) et de la privatisation et tarification des services sociaux et de santé, tout cela s’exerçant dans une résistance populaire plus que certaine. Souvenez-vous de la manifestation contre le budget Bachand au lendemain de son dépôt et de la grogne populaire qui régnait. Néanmoins, la classe politique s’acharne à faire passer comme un consensus social la lutte contre le déficit, l’assainissement des finances publiques et la stimulation d’une économie toujours en crise. Dès lors sur le plan politique, la table est mise. Plus aucun débat démocratique n’est possible, on n’a aucun autre choix. À quoi sert de discuter, il faut couper dans le gras tout simplement. Faire autrement serait agir avec irresponsabilité. C’est ainsi que dans cette réingénierie de l’État, telle qu’elle est promulguée par le gouvernement libéral depuis son arrivée au pouvoir, les pressions se font de plus en plus fortes sur les organismes communautaires afin de pallier les coupures du système des services sociaux. C’est donc dans ce contexte, placé à la croisée des chemins qu’il m’apparaît important de vous soumettre, humblement, certains éléments qui pourront, je l’espère, alimenter notre réflexion qui prend place cet après-midi. La vision fondamentalement utilitariste que l’État entretient sur les organismes communautaires, combinée à notre fragilité due au manque de ressources financières et à notre inlassable quête de financement, nous place dans une situation de pourvoyeur de services. La colonisation de nos espaces de démocratie communautaire par le discours dominant de la science, de la technique et du capital fait en sorte de transformer, réifier le communautaire dans sa raison d’être et dans son agir en favorisant le contrôle social au détriment de la transformation sociale. La technocratisation du communautaire, c’est-à-dire sa professionnalisation mimée sur le modèle du milieu des affaires et sa complexification administrative copiée sur l’administration publique, consacre l’éloignement envers notre base populaire et une position de conformisme face aux prérogatives de l’État. Cette technocratisation est certes soutenue par les bailleurs de fonds et les différents programmes gouvernementaux qui financent les groupes communautaires. Mais historiquement, la plupart des organismes se sont soumis volontairement et avec enthousiasme à l’exercice dans une volonté de professionnalisation et de reconnaissance de leurs pratiques. Éventuellement, on ne questionne plus les priorités de l’État, on s’affaire plutôt à négocier nos ententes de services et à financer nos projets. Le pragmatisme social de type corporatiste l’emporte sur l’action sociale citoyenne pour changer le monde. Dès lors s’effectue une scission entre le devenir des organisations et celle de ses membres. D’une perspective de transformation sociale et d’agir …

Appendices