Propositions réflexives

Le renouvellement démocratique des pratiquesTémoignage, pari, métaphore[Record]

  • Saül Karsz

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  • Saül Karsz
    Philosophe et sociologue, consultant en travail social et médicosocial
    Directeur scientifique de l’Association pratiques sociales
    Saul.Karsz@wanadoo.fr

Dans la foulée du colloque organisé par NPS et tenu les 14 et 15 novembre 2008

Le renouvellement démocratique des pratiques d’action et d’intervention sociale est tout… sauf une évidence qui saute aux yeux. Sa seule évocation est largement insuffisante pour le faire advenir. Vouloir sincèrement sa réalisation, en souligner la nécessité, sinon l’exigence, lui faire une place significative dans les discours officiels et les échanges officieux ne garantit en rien son instauration effective. Car il s’agit bien d’une question. Question complexe, si je peux me permettre ce pléonasme (sont simples les questions qu’on a commencé par simplifier, ou les réponses précuites qu’on déguise en questions). Elle comporte de multiples ramifications, mobilise des registres hétérogènes, implique des enjeux divers et variés. Question stratégique, par conséquent. Elle met simultanément en question l’état actuel des pratiques d’action et d’intervention sociales, les mutations qu’il faudrait provoquer, les perspectives qu’il s’agirait de dégager, la place et les rôles de ces pratiques dans la dynamique d’ensemble des sociétés contemporaines. Le leitmotiv du renouvellement, surtout s’il se veut démocratique, et concerne en outre les pratiques d’action et d’intervention sociales, sollicite des signifiants qu’il convient de travailler de près. Il faut leur donner des contenus argumentés et, par conséquent, discutables. Il faut pouvoir spécifier des critères capables de départager les pratiques qui seraient démocratiques avec d’autres qui ne le seraient guère, ou pas du tout… Condition sine qua non pour dépasser le stade des bonnes intentions, dont, comme on le sait, l’Enfer est pavé. Pour échafauder quelques ponctuations forcément incomplètes à ce propos, nous nous servirons des trois termes de témoignage, de pari et, enfin, de métaphore. Chacun décrit un aspect de la question. Pareil éclaircissement ne peut cependant se déployer sans identifier les contenus des qualificatifs sollicités (« démocratique », « antidémocratique ») et les critères (« pas assez », « pas du tout », « carrément ») permettant d’en repérer la portée dans le réel des pratiques… Par quelque biais qu’on prenne la question, ou qu’on l’esquive, l’exigence de définition et de discussion de cette définition ne cesse de s’imposer à nous. S’y aventurer consiste à l’exposer, et à s’exposer. Passer à la définition, c’est passer aux aveux : dire de quoi on parle très précisément. Même le renouvellement n’a rien d’une évidence. Ce signifiant inclut une panoplie d’acceptions, du dépoussiérage au rajeunissement et à la modernisation, de la régénération à la transformation… Évitons cependant d’y voir des synonymes interchangeables. Le dépoussiérage enlève des impuretés et des souillures, sans s’attaquer à la structure des pratiques : nombre de « réformes » suivent ce modèle. Idem pour le rajeunissement, qui permet de cacher les rides sans pour autant les gommer. La modernisation vise, elle, à modifier les pratiques afin — c’est son souci principal — de les accommoder au goût du jour, plus que de les transformer systématiquement et en profondeur. Pour les modernisateurs, la nature des pratiques, leur sens et leurs objectifs sont évidents, peu ou prou « naturels » : seuls importent les protocoles et la transparence que les protocoles sont censés procurer… Quant à la régénération, cette opération délicate relève parfois de la croisade morale. Il s’agit ici de retour aux sources, de mise à ciel ouvert d’une essence ensevelie, de retrouvailles avec les principes fondateurs, condition sine qua non pour un nouveau démarrage. On trouve une demande de ce genre chez des praticiens confrontés aux idéaux qu’ils tiennent pour perdus, abandonnés ou trahis à la base de leur profession. Des théoriciens n’en sont pas en reste, qui se désolent des temps qui auraient été aisés, où tout, ou presque, était possible, le rêve encore imaginable, etc. On l’aura compris : pas de régénération sans nostalgie, pas …

Appendices