Outre le désir de souligner publiquement le 20e anniversaire de l’existence de la revue NPS, le contexte actuel n’est pas étranger aux raisons justifiant la tenue de ce colloque international et qui fait de l’orientation éditoriale de NPS un enjeu politique important. Énumérons seulement trois de ces éléments de contexte : 1) l’accroissement des inégalités ; 2) la restructuration institutionnelle des services sociaux et de santé en relation avec la privatisation ; 3) le développement de modèles d’intervention imposés par le haut aux intervenants. Sur le plan de l’accroissement des inégalités, nous observons des reculs importants en ce qui regarde les conditions démocratiques depuis 20 ans autant pour les personnes que pour l’intervention sociale dans plusieurs pays du monde occidental. Un rapport publié en 2008 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) nous apprenait que : Un autre élément de contexte a trait aux diverses restructurations technocratiques des services sociaux et de santé, plus hiérarchisés et contrôlés à l’aide de l’informatique notamment, et encadrés par des pratiques de gestion inspirées de l’entreprise privée (dont la nouvelle gestion publique), avec moins de ressources. Cette restructuration n’est pas sans affecter les conditions de travail dans le réseau de la santé et des services sociaux ; on constate déjà la dégradation et la démotivation chez les travailleurs sociaux. C’est le courant néolibéral qui envahit plusieurs secteurs de la vie sociale en renforçant la logique marchande et consommatoire où les cultes de l’urgence et de la flexibilité agissent comme mode de régulation collective. Cette survalorisation de la flexibilité et de l’instantané fait éclater les cadres et les règles collectives s’opposant à la mobilité et pouvant être associées à de la rigidité. Ajoutons que cette logique néolibérale du libre marché encourage une privatisation croissante des soins de santé qui ont commencé avec ce qu’on appelle les « partenariats publics privés » et qui risquent de prendre carrément la forme d’une médecine à deux vitesses compte tenu de la pression continue des listes et délais d’attente pour plusieurs services dont certaines chirurgies importantes (ex. : les coopératives de santé exigent des frais annuels allant à l’encontre de la loi canadienne d’universalité). À tout le moins en ce qui regarde le Québec, cela ne signifie pas un retrait de l’État, mais une façon différente d’assurer sa mission à l’aide de fondations privées comme la Fondation Chagnon selon une recherche menée par Frédéric Lesemann que je cite : Parmi les éléments de contexte que l’on peut qualifier d’obstacles au renouvellement démocratique des pratiques est la multiplication de modèles d’intervention imposés par le haut que l’on appelle aussi « best practices » et qui délégitiment l’autonomie professionnelle des intervenants et celle des acteurs communautaires. Dans cette logique d’expertise et de hiérarchisation des savoirs, les contributions respectives de ces acteurs se réduisent la plupart du temps à l’application d’un programme. Plusieurs de ces programmes véhiculent une vision médicale des problèmes sociaux inspirée de la santé publique et guidée par l’épidémiologie sociale. Cette tendance lourde masque les conditions sociologiques et politiques des personnes que l’on qualifie alors de « groupes à risque », ou de « vulnérables ». Les programmes visant la prévention précoce des troubles de comportements des jeunes en sont de bons exemples qui tendent à s’imposer en Europe, non sans résistance de la part des professionnels. Lorsque des dimensions sociologiques sont prises en compte, telles que la pauvreté, c’est en tant que facteurs de risque ou déterminants environnementaux qu’elles sont considérées et non comme des causes possibles des problèmes sociaux dont il serait nécessaire d’analyser les dynamiques. On transforme ainsi les droits en besoins et …
Appendices
Bibliographie
- Agence France-Presse (AFP) (2008). « Inégalités de revenus et pauvreté des enfants en hausse ». Le Devoir, mardi, 21 octobre, b5.
- Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (2008). Mémoire à la Commission des affaires sociales de l’assemblée nationale à l’occasion des consultations particulières sur le phénomène de l’itinérance au Québec, Montréal, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
- Karsz, Saül (2004). Pourquoi le travail social ? Définitions, figures, clinique, Paris, Dunod.