Abstracts
Résumé
Le Canada et le Québec, sociétés pluriethniques, possèdent des politiques et des programmes de promotion et de prévention pour contrer les violences faites aux femmes, mais reconnaissent que le défi est de taille dans le contexte migratoire. Les immigrantes, confrontées à la violence conjugale, ne disposent souvent pas d’accessibilité culturelle aux services sociaux et de santé ou n’obtiennent pas de réponse adéquate à leurs besoins. Toutefois, certains organismes ont des projets pour leur venir en aide mais ils ne sont pas systématiques. L’article présente les résultats d’une recherche exploratoire, avec approche ethnologique, qui documente la perception de 10 intervenants d’organismes communautaires et institutionnels concernant leurs activités dans le domaine et leur préoccupation pour la promotion et la prévention primaire, même si leurs pratiques concrètes sont surtout centrées sur la prévention secondaire. Maints empêchements les limitent, mais leurs perceptions des réponses promotionnelles et préventives mettent en lumière l’impact de la violence structurelle et de la violence conjugale et orientent les perspectives de renouvellement des pratiques d’intervention sociosanitaire en matière de violence conjugale.
Abstract
In Canada and in Quebec, multiethnic societies, there are many prevention and promotion policies and programs dealing with violence against women. However, one realises the challenges posed by a migratory context. Immigrant women, confronted with conjugal violence, often do not have access to culturally specific health or social services which adequately meet their needs. Culturally-specific help projects, while available in some organizations, are unfortunately not systematic. Using an ethnological approach, this article presents the results of an exploratory research showing the perception of their activities by ten community and institutional organization professional staff. While these activities are mainly in the area of secondary prevention, the professionals are preoccupied with promotion and primary prevention. Their reflections reveal the impact of conjugal violence and structural violence and orient the possibilities of transforming health and social services practices in the field of conjugal violence.
Article body
Introduction
Cette étude[1] s’inscrit dans l’une des grandes préoccupations du Québec et du Canada, sociétés pluriethniques, qui ont établi des politiques et créé des programmes d’intervention pour contrer la violence conjugale faite aux femmes. Mais dans le contexte migratoire à l’ère de la mondialisation, les réponses possibles constituent un défi en raison de la complexité (Desjarlais et al., 1995) qui y est associée. Pendant la période prémigratoire, les personnes sont exposées à des conditions de violence structurelle[2] tant politico-militaire et économique (guerres, pauvreté, marginalisation, exclusion…) que socioculturelle et religieuse (tensions entre groupes ethniques, conflits armés…) à l’origine de traumatismes, de démoralisation et de rupture des liens sociétaux et familiaux. La période postmigratoire mène souvent à des phénomènes socioculturels nouveaux comme la rupture avec le modèle de la famille traditionnelle, la perte du réseau social, la privation affective et autres obstacles en lien avec les rapports de pouvoir inhérents à leur statut de minorité dans la société réceptrice (non-reconnaissance des diplômes et des expertises de travail, déqualification, entraves pour s’insérer dans le marché de l’emploi, marginalisation, discrimination, racisme…). Ces phénomènes peuvent placer les immigrants dans un nouveau contexte structurel violent et être vécus paradoxalement en les renforçant psychiquement (Young, 1997) ou en provoquant de la souffrance et de la fragilité. Une des manifestations en est la naissance ou l’amplification de la violence conjugale dans l’espace de la maisonnée[3]. Les services sociaux et de santé sont alors rarement culturellement accessibles aux immigrantes et immigrants ou ne fournissent pas une réponse adéquate à leurs besoins.
Certains organismes communautaires et institutionnels montréalais ont créé ou adopté différentes modalités d’intervention auprès des immigrantes exposées à la violence conjugale mais qui ne sont pas documentées de manière systématique. Il s’avère donc impératif de mieux comprendre la signification que ces intervenants donnent aux activités de promotion et de prévention culturellement adaptées et la façon dont ils les mettent en pratique.
Lien complexe entre les violences structurelle et conjugale
Même si les données disponibles au Québec ne permettent pas d’affirmer que les femmes immigrantes (Guilbault, 2005) subissent plus de violence conjugale que leurs consoeurs natives, on peut avancer que sa complexité s’accroît par leur exposition individuelle, familiale et de couple à des situations politiques, économiques et socioculturelles nouvelles. Au départ, ces femmes constituent un groupe hétérogène et diversifié en raison du lieu d’origine et de la culture, de l’âge, du statut marital, de la religion, de la scolarité, de l’expérience de travail, de la catégorie d’immigration lors de leur admission (elles sont plutôt reçues comme parrainées et réfugiées[4]), de la période de leur arrivée et de la possibilité de prendre une part active au marché du travail et à la société en général. Leur point commun, c’est principalement d’avoir immigré au Québec et d’y vivre en ce moment, exposées aux contraintes du processus de leur insertion, parfois à la violence conjugale et à des difficultés d’accès culturel aux services sociosanitaires.
Processus d’insertion et contexte structurel violent
Le choix sociétal de favoriser l’immigration exige une volonté politique de faciliter le processus d’insertion et l’échange de liens sociaux harmonieux entre le couple, les membres de la famille et, par ricochet, avec le reste de la population. Au Québec, cela continue à faire défaut.
Si lors des exercices précédents, la capacité d’accueil a réellement permis à certains immigrants de réussir […], nous disposons maintenant d’informations indiquant que les personnes arrivées au cours des dix dernières années mettent plus de temps à atteindre leurs objectifs. De plus, elles sont davantage touchées par l’exclusion du marché du travail et cette situation, comparativement aux années antérieures, n’a pas tendance à se résorber. Cette situation apparaît d’autant plus paradoxale que la majorité des immigrants sont sélectionnés en fonction des caractéristiques de leur capital humain (scolarité, expérience professionnelle, qualification, etc.).
Conseil des relations interculturelles, 2004 : 5
Le constat de cette réalité paradoxale, entre la sélection des immigrants basée sur leur capital humain et leur exclusion systématique du marché du travail à leur arrivée, interpelle la responsabilité de l’État et l’exercice de ses pratiques du pouvoir[5]. En effet, à partir des politiques, des lois et des actions exécutées par les institutions publiques telles que la sélection et la catégorisation des immigrants en tant qu’indépendants, parrainés ou réfugiés ou en les désignant comme minorités ou communautés « visibles » en raison de leur appartenance ethnique, volontairement ou non, est accentuée la stratification du social en créant ainsi des statuts différents et des écarts entre les citoyens. Car une telle panoplie d’actions politiques n’opère pas de façon neutre, elle favorise les inégalités et les rapports « racisants » en légitimant la discrimination et l’injustice sociale, ce qui est le propre de la violence structurelle.
Cette violence structurelle cause des dommages sournois, indirects, immatériels et invisibles, entraînant des répercussions dans le processus d’insertion à la société et conduisant à des modifications profondes dans le statut socio-politico-économique[6] et culturel des immigrants (Lamoureux, 2001) tant sur le plan personnel, familial que collectif, les plaçant parfois en marge du système comme des citoyens de « deuxième ordre ». La présente étude examine l’exercice du pouvoir de l’État transmis par ses institutions avec son impact sur la personne, sur les interrelations au quotidien et plus spécifiquement sur celles du couple dans la maisonnée et aussi sur les réponses des services sociaux et de santé aux besoins de la population immigrante en matière de violence.
Passerelles entre violence structurelle et violence conjugale dans la maisonnée
La maisonnée étant le carrefour et le réceptacle de toutes les contraintes vécues à l’extérieur avec leurs divers rapports de pouvoir, accompagnés de microtensions et de microviolences, réelles ou symboliques, elle sert de scénario de défoulement du stress qui peut mettre en tension l’équilibre de la dynamique familiale et, éventuellement, mener le couple à des situations de souffrance extrême. Ces faits peuvent paradoxalement conduire à intensifier leur capacité de décision ou à accroître la dépendance affective des femmes à l’égard de leur partenaire et à favoriser ainsi l’apparition de rapports de pouvoir (Foucault, 1984a, b) caractérisés par la domination, l’oppression, la soumission ou l’assujettissement. Si l’insécurité des hommes s’installe et l’assurance s’accroît chez ces femmes immigrantes (Rondeau, Rojas-Viger et Bizot, 2006), cela pousse souvent les conjoints à réexaminer leurs ententes conjugales dans une atmosphère conflictuelle.
D’autres facteurs de vulnérabilité s’ajoutent quand les femmes ne maîtrisent pas la langue, sont peu scolarisées, éprouvent des difficultés liées au processus d’insertion, quand elles vivent isolées ou subissent des pressions de la part de la communauté pour ne pas briser le couple ni déshonorer leur famille, craignant l’intervention de la police ou des tribunaux avec la peur d’être déportées, ou encore si elles méconnaissent les lois et les ressources disponibles et que l’accessibilité et l’adéquation des services existants ne répondent pas à leurs besoins.
Réponses institutionnelles et communautaires, à la spécificité des immigrantes violentées
Au Canada comme au Québec, il y a eu, depuis 1970, soit en plein essor du mouvement féministe, des groupes qui ont posé des actions pour protéger les femmes victimes de violence conjugale et pour éviter que cette situation se perpétue. Cependant, les réalités spécifiques des immigrantes tardent à être reconnues. C’est pourquoi certaines femmes, elles-mêmes issues de divers groupes ethnoculturels, s’engagent dans la création de centres d’hébergement tels que la Maison Flora Tristan en 1986 (Rojas-Viger, 1996) et Secours aux femmes en 1988. Avec un financement restreint de l’État et pionniers dans ce type d’intervention, ces établissements utilisent différentes approches : féministe, psychosociale et communautaire. La cible des interventions est la femme et ses enfants. En outre, ces intervenantes répondent à leurs besoins en connaissance des codes culturels. Et ce sont elles qui ont fait connaître à l’opinion publique le vécu de celles acceptées dans la catégorie de parrainées[7].
Parallèlement se sont créées des interventions cliniques novatrices à l’intérieur du réseau officiel des services sociaux et de santé afin de contrer entre autres les problèmes psychiques dus aux traumas produits dans des contextes prémigratoires violents (climat de terreur, torture, viol, disparition, mort), adoptant en clinique le modèle ethnopsychiatrique (Nathan, 1991). L’intervention garde un lien avec la logique explicative de la position cosmocentrique ou anthropocentrique[8] d’être dans le monde, laquelle façonne la vie, la relation de couple, la santé et la maladie. L’espace thérapeutique laisse de la place pour exprimer la souffrance dans la langue maternelle.
C’est dans ce contexte d’émergence de pratiques novatrices auprès des groupes culturels que se situe l’objectif de notre recherche de documenter la perception qu’ont les intervenants communautaires et institutionnels de leurs pratiques en promotion et prévention pour contrer la violence conjugale vécue par les femmes immigrantes.
Méthodologie
L’étude, de type qualitatif, s’est amorcée en septembre 2005 et s’est conclue en août 2006. Elle utilise l’approche ethnographique permettant de combiner deux perspectives. La première, l’ethnohistoire, permet d’appréhender l’impact des événements de la mondialisation sur la société québécoise pour cibler les changements vécus par les immigrants et réfugiés acceptés sur son territoire. La seconde, l’ethnologie, à travers l’observation participante, les entretiens informels avec des intervenants et les entrevues avec des informateurs clés qui travaillent dans des établissements institutionnels ou communautaires à Montréal, permet d’entrer en contact avec le vif de la « chaîne de violences » à laquelle la personne immigrante peut être exposée. Ces démarches sont complémentaires, car l’observation sert à comprendre les rapports sociaux tels qu’il se vivent dans la pratique des informateurs clés, alors que leurs récits, recueillis au moyen d’une grille composée de questions semi-structurées développées à cette fin, font émerger le sens qu’ils ont attribué à la violence conjugale et aux réponses données par leurs services.
La population cible est constituée de deux groupes. Le premier correspond à cinq services cliniques qui utilisent une approche transculturelle, dont deux hôpitaux, deux Centres locaux de services communautaires (CLSC) et une Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Deux hommes, médecins, eux-mêmes immigrants, âgés de plus de 50 ans, détenant une expérience de plus de vingt ans auprès de la population immigrante, et trois femmes dans la cinquantaine possédant une moyenne de dix-huit ans de travail auprès des immigrants ont été interviewés ; l’une est médecin, l’autre travailleuse sociale et la troisième est criminologue. Une seule est née au Québec. Tous interviennent auprès de femmes et d’enfants exposés à la violence, rencontrés seuls ou en famille. Leur travail s’accomplit surtout dans des interventions de prévention secondaire ou tertiaire en matière de violence conjugale. Le deuxième groupe est formé de cinq personnes issues d’organisations communautaires, dont un centre d’hébergement, un centre de femmes et trois organismes pour immigrants nouvellement arrivés. Ces intervenants sont immigrants eux-mêmes, âgés de 50 ans ou moins, travaillant en moyenne depuis dix-neuf ans dans ces établissements ; quatre d’entre eux sont des femmes. Leur intervention, à l’exception de celle du centre d’hébergement, touche les deux genres et se centre sur la prévention primaire pour l’information et la sensibilisation.
Les entrevues ont respecté les normes éthiques habituelles du consentement et de la confidentialité. D’une durée moyenne d’une heure et quart, elles ont été enregistrées et se sont déroulées dans un climat généreux et confiant. La constitution des données a servi à coder les noyaux de sens et l’analyse a permis de comparer les diverses thématiques et de détecter les éléments communs à travers les prismes curatifs, préventifs et promotionnels.
Récits des intervenants et leurs perceptions de la violence conjugale en contexte migratoire
Un premier résultat est d’avoir donné la parole aux informateurs clés en matière de violence conjugale : des intervenants d’institutions et d’organismes communautaires. En faisant une place à leur récit, on leur a permis de se positionner en tant que personnes (acteur, agent, sujet, self) au carrefour de leur corporéité, de leur subjectivité, de leur conscience de soi et de leur identité narrative. À l’intérieur du processus dialogique, progressivement, la connaissance de l’AUTRE et de SOI émerge (Ricoeur, 1990) et ouvre la possibilité de mieux connaître l’altérité multiple qui nous habite incluant celle de la violence qui est latente en tout être humain, comme l’explicitent les interlocuteurs de l’étude.
Constats généraux des interviewés
Les 10 intervenants ont souligné que le phénomène de la violence chez les immigrants demeure complexe. En effet, même si chaque société développe des moyens pour la réduire et empêcher sa reproduction, il y a différentes manières de la percevoir, de rétablir le rapport entre les conjoints et d’apporter des réponses pour la prévenir. En règle générale, les immigrants sont très étonnés de découvrir à leur arrivée l’importance accordée à cette question et le nombre de politiques et de mesures policières et juridiques mises en place au Québec grâce aux mouvements féministes. Les interventions sont surtout réalisées auprès de la femme et non auprès du couple et moins auprès de la famille et des hommes. Cette façon d’intervenir ignore le fait que l’immigration est généralement un projet familial et que celui-ci est fortement encouragé par la politique d’immigration.
Quand une femme immigrante est mariée, elle a une valeur de la famille qui est très importante. Ça veut dire que la famille pour elle, c’est fondamental […]. (Patty, intervenante communautaire)
Tous les intervenants sont d’accord pour reconnaître que ces femmes sont confrontées aux mêmes contraintes que leurs congénères nées au Québec quant à l’inégalité des sexes ainsi qu’au pouvoir et au contrôle exercés sur elles par leur conjoint. Mais, de manière unanime, tous admettent qu’elles sont soumises à des situations particulières qui sont en lien avec la violence structurelle et qui les vulnérabilisent davantage tel leur statut lié à la catégorie accordée par l’immigration (parrainées ou réfugiées), les changements de vie, de codes culturels, de valeurs, de normes et de croyances où leurs rôles, comme ceux de l’homme, sont en transformation. Ils se sont aussi prononcés à l’unisson sur le fait que la problématique agressive et violente dans le couple garde un lien étroit avec les obstacles structurels à l’insertion sur le marché du travail des deux membres du couple mais surtout de l’homme. Cette situation, signalent-ils, est conditionnée, dès leur arrivée, par la non-reconnaissance de leurs diplômes et de leurs expertises de travail et par la déqualification, la discrimination et le racisme. Tous ces événements, circonstances ou situations accroissent, selon eux, le stress d’adaptation et favorisent l’exercice du pouvoir et le besoin de contrôle surtout de l’homme sur la famille, où la femme peut être victime de violence conjugale.
Je pense que toutes les violences sont singulières, comme celles au niveau familial, mais elles sont en lien, comme des vases communicants, avec les violences structurelles. Toujours. Même dans la société québécoise […] [Mais], toute la violence structurelle n’explique pas l’entièreté d’une violence personnelle ou familiale. Il y a toujours une partie qui appartient à la personne ou à la famille […] De là l’importance de cette idée des vases communicants où plus la violence structurelle est en augmentation, plus les chances sont grandes, surtout chez des individus vulnérables ou dans des familles dysfonctionnelles, d’en arriver à une violence intra-familiale où la violence conjugale est une possibilité. (Séline, intervenante en milieu hospitalier)
L’interrelation entre ces violences finit par affaiblir les liens du couple, mais les femmes résistent à rompre avec le conjoint surtout à cause de la pression familiale, symbolique ou réelle. Une telle situation, reconnaissent les intervenants, favorise la souffrance de tous les membres de la maisonnée. Par ailleurs, les hommes ont tendance à ne pas consulter. Au contraire, la femme exposée demande de l’aide et sa situation peut être dépistée dans les services sociaux ou de santé. La symptomatologie qu’elle présente est de l’ordre de la somatisation (mal de tête, fatigue, anxiété, angoisse…) qui peut aller jusqu’au déséquilibre psychique et, finalement, prendre la forme d’un franc cadre psychiatrique comme la dépression, où la médication prescrite peut cacher les effets de la violence conjugale. Il arrive aussi à une majorité de ces femmes d’avoir honte et de garder le silence par peur de la police ou de se sentir responsable de l’emprisonnement du mari et de priver les enfants de la présence de leur père. Plusieurs fois, cette situation est due à la pression familiale.
[Les femmes] reconnaissent qu’il y a de la violence, mais elles ne sont pas prêtes à briser la famille parce que les liens qui se sont tissés, la construction même de ces foyers-là, souvent ne dépend pas seulement du couple… Et c’est pourquoi, pour certaines femmes, dans certaines cultures, c’est extrêmement difficile pour elles d’accepter d’aller […] à la police, à la rupture avec la famille élargie. […] Même après la migration, elles peuvent être rejetées à l’extérieur par leur propre famille, et cela, c’est encore une autre violence… (Favio, intervenant en CLSC)
La valorisation de la famille chez les immigrants est reconnue mais, au moment d’intervenir, les modèles utilisés n’impliquent pas nécessairement tous ses membres. Souvent, la réponse ne s’adresse qu’aux femmes et les hommes doivent se débrouiller seuls avec les procédures policières et juridiques. Même s’il existe une sensibilité pour la souffrance des enfants qui sont « victimes directement ou indirectement » de la violence conjugale, les interventions sont encore boiteuses, malgré la tendance au changement.
Je t’ai peut-être déjà dit que pendant 7 ou 8 ans, ici, au travail, ON ÉVITAIT de me consulter, pour certains cas avec discussion, parce que je m’étais fait l’image « d’un macho qui défend les hommes violents envers leur femme et leurs enfants ». Oui ! « Ça ne vaut pas la peine de le consulter parce qu’on sait qu’il va prendre leur défense. » […] Alors, fréquemment, la travailleuse sociale qui essaie de résoudre le cas en 20 minutes, pour prendre les informations, les enfants qu’elle a… etc. Cette intervenante conclut en disant : « Madame, c’est très clair : dans notre pays ça ne se fait pas, aucun homme ne doit vous frapper. Vous allez dans un refuge avec vos enfants. La police, au besoin, va vous accompagner. Si ! Je vous encourage à porter une charge contre votre mari, et voici une carte d’un avocat, avec qui nous avons des liens, qui pourra faciliter la demande de divorce… » Mais il y a des changements. (Sergio, intervenant en milieu hospitalier et en CLSC)
La majorité des intervenants ont fait la remarque que le concept de violence, qui façonne l’intervention, ne concorde pas toujours avec la perception de la femme, mais que cet écart n’est pas pris en considération. Cela diminue la compréhension de la problématique qui entoure les agirs des hommes immigrants et les besoins réels des femmes. Tous reconnaissent que leurs interventions sont de l’ordre de la prévention secondaire, c’est-à-dire quand la violence est franchement manifeste. Ils ont une préoccupation de promotion et de prévention primaire pour contrer la violence conjugale mais l’introduction d’activités concrètes se bute aux priorités des pratiques curatives et de la direction de leur établissement.
Possibilités et entraves de l’intervention dans certaines institutions
L’implantation d’interventions pour répondre à la violence conjugale continue de provoquer des résistances à différents paliers de la hiérarchie des établissements du réseau institutionnel tout comme à l’intérieur des différentes équipes. Les initiatives novatrices pour répondre aux besoins des immigrants se font donc très lentement.
[Quand] la famille vit une violence, tout le monde est confronté par cette violence-là… même celui qui provoque, qui crée la violence, qui frappe. Alors, comment peut-on aider tout ce monde-là ? Par contre, quand on parle de famille immigrante, là il y a un volet essentiel qui entre en ligne de compte, c’est le volet culturel. Est-ce qu’on peut aider une famille québécoise de la même façon qu’une famille marocaine, qu’une famille haïtienne, qu’une famille latino-américaine ? Je pense que c’est tout l’apport, en fait, de l’ethnopsychiatrie. […] Je pense qu’il faut que véritablement les gens [les intervenants] se donnent du temps pour bien comprendre le mode de fonctionnement des différentes familles […] c’est dans ce sens qu’il doit y avoir une collaboration entre l’approche dite féministe et l’approche ethnopsychiatrique. (Favio, intervenant en CLSC)
Même dans le cas des institutions qui ont un certain degré d’ouverture à l’égard de la problématique de la violence, comme à la DPJ, les facteurs liés au contexte migratoire sont souvent mis de côté. Partout l’on découvre des faiblesses dans la collaboration entre les équipes ou entre les niveaux hiérarchiques des établissements et les relations interpersonnelles au travail deviennent tendues et affaiblissent le support aux intervenants.
Je dirai que le support institutionnel est très partiel. Au niveau de la parole : oui ! Mais au niveau des gestes concrets, la difficulté est énorme. […] Dans une de mes expériences, la coordinatrice avait une compréhension limitée de la violence. Elle pensait que tout pourrait se solutionner quand elle soulignait que c’était un problème de communication et que les interventions devraient se concentrer sur cette difficulté entre les deux membres du couple. Cependant, toute la problématique autour de l’immigration telles que le facteur systémique, la difficulté d’entrer sur le marché du travail, la question de l’habitation, les problèmes de l’école des enfants, tous ces éléments ont été laissés de côté et il n’y a même pas eu d’ouverture pour pouvoir en discuter. Il y a eu aussi la situation des autres personnes de la hiérarchie de l’Institution qui n’ont jamais donné de priorité aux questions de la violence. […] Mon hypothèse est que la violence continue encore à être cachée, c’est encore un tabou. Et parler de la violence pousse à regarder sa propre violence personnelle, à regarder aussi la violence par exemple institutionnelle ou probablement aussi la violence qu’on vit au niveau de la maison. (Mira, intervenante en CLSC)
Les cinq professionnels du réseau institutionnel sont conscients de cette réalité et ont vécu des expériences semblables. Dans une organisation de services, l’importance de la volonté politique de reconnaître ou non la problématique de la violence conjugale, comme le soulignent Pâquet-Deehy, Rinfret-Raynor et Lamarche (1993 : 19), « demeure le facteur institutionnel le plus important pouvant aider ou nuire à la qualité de l’intervention ». Ils sont de plus convaincus de l’utilité des approches diverses, de la multidisciplinarité et de la formation d’équipes pluriculturelles pour répondre à la violence conjugale en lien avec la violence structurelle.
Place et limites de l’intervention communautaire
Les cinq intervenants communautaires s’accordent pour reconnaître l’importance donnée à la famille par les personnes venues d’ailleurs. Ils disent en tenir compte lors de leurs interventions pendant lesquelles ils consacrent un temps d’écoute, même à la souffrance des hommes. La seule exception est celle du centre d’hébergement dont la mission est de répondre aux besoins des femmes et de leurs enfants. De plus, ils affirment être confrontés à des interventions au niveau de la prévention secondaire « curative », bien qu’ils cherchent à centrer leurs actions sur la prévention primaire à l’intérieur des cours de francisation, de recherche d’emploi, de sensibilisation à la vie du Québec.
Ce qu’on entend par programme ? […] il y a des ateliers et il y a aussi un soutien individuel. Mais un programme promotionnel, vraiment en profondeur pour contrer la violence conjugale… non ! Les ateliers sont beaucoup pour des sensibilisations dans lesquels on invite tous les gens, des hommes ou des femmes. (Nancy, intervenante communautaire)
Cependant, quand des femmes demandent de l’aide parce qu’elles sont aux prises avec de la violence conjugale, l’intervention individuelle revêt des caractéristiques particulières.
Je suis intervenante psychosociale… je travaille habituellement dans le service de première ligne, alors mon rôle c’est d’écouter des personnes puis de les transférer à un lieu ciblé pour qu’elles soient suivies. Quand il s’agit des femmes qui vivent la violence conjugale et qui arrivent en situation de crise, c’est à ces moments-là que moi, je suis là pour dialoguer, pour comprendre bien la situation qu’elles vivent et aussi pour qu’elles puissent comprendre elles-mêmes leur propre situation. (Paty, intervenante communautaire)
Les interlocuteurs communautaires ont fait référence à une des entraves majeures qui limitent leur action : le manque de soutien financier permanent non seulement pour réaliser les interventions de prévention secondaire (évaluation, thérapie ou transfert en centre d’hébergement…) mais aussi et surtout de prévention primaire (information, sensibilisation, dépistage…).
[La précarité financière] a comme conséquence de diminuer la qualité de l’intervention… Une intervention qui est devenue hyper-superficielle et ainsi les femmes ne sont pas toujours supportées dans ce qu’elles ont besoin. Et nous, même en connaissant les besoins, nous essayons de maximiser nos façons d’intervenir pour donner une réponse adéquate où parfois nous sommes confrontées à des aspects dramatiques qui requièrent une qualité d’intervention dans un temps plus prolongé, mais on doit arrêter. […] Au lieu de devenir plus qualitatif c’est surtout une affaire quantitative. (Paty, intervenante communautaire)
Actuellement, dans le contexte des réformes des services sociaux et de santé, les services communautaires se voient confier de plus grandes responsabilités sans recevoir les subventions étatiques qu’ils réclament. Ils ne réussissent pas toujours à éviter le sacrifice de la qualité de l’intervention. Malgré tout, en faisant de grands efforts, les responsables de ces organismes trouvent des stratégies pour arriver à maintenir leurs actions.
[…] les subventions sont données à tous les groupes qui travaillent dans la même problématique et avec la clientèle violentée. Alors, il n’y a pas de distinction entre l’aide aux groupes d’ici et les groupes qui travaillent avec les gens d’ailleurs… Lorsqu’on a commencé à travailler, il n’y avait pas beaucoup de groupes d’immigrants qui faisaient ce travail… […] donc le premier [organisme] qui arrivait […] le mieux équipé, c’était le premier qui recevait le financement. (Elssa, intervenante communautaire)
Pour continuer à donner des services, les intervenants communautaires affirment faire des emprunts aux approches féministes (renforcement individuel et rencontres groupales…), ethnoculturelles (écouter et respecter les différences culturelles dans leur manière de concevoir la violence et dans leur façon de la combattre…), communautaires (inviter des femmes de divers groupes ethnoculturels pour partager, dans un centre, un café, un dîner, une fête…) et politiques (cherchant à développer une tribune où les immigrantes elles-mêmes pourraient témoigner de leur parcours migratoire, de leurs difficultés et de leurs gains…). Le développement de nouvelles synergies et de solidarité à l’intérieur du réseau se reflète aussi dans les efforts pour établir des liens avec d’autres organismes s’occupant plutôt de la population dite « de souche » ou avec le secteur institutionnel, afin de soumettre à la discussion collective les entraves de l’intervention face à l’État et éviter le repli et l’isolement. Mais cela n’amène pas nécessairement les membres de la base, les immigrants eux-mêmes, à participer davantage.
Besoin de programmes de promotion et de prévention pour contrer la violence mais…
Les intervenants, tant ceux des institutions que ceux du communautaire, sont unanimes pour favoriser les activités promotionnelles et ne se contentent pas d’imputer « l’entièreté de la violence familiale ou conjugale à la violence structurelle » (Séline, milieu institutionnel). Ils reconnaissent qu’il y a une sorte d’impact entre elles et, par conséquent, une responsabilité collective et individuelle s’impose pour les combattre. Donc, apprendre à canaliser la violence de façon constructive doit passer par le changement de mentalité. Des activités éducatives (individuelles et collectives) sont déjà mises en oeuvre dans certains établissements communautaires où le travail de sensibilisation des hommes qui reçoivent des services de l’institution passe par un discours qui leur est propre.
Notre affiche disait : « Un vrai macho ne frappe pas sa femme ! » Il faut que ce soit un discours entre hommes pour que ce message-là passe. C’était le sens de certains objectifs qu’on s’était donnés, mais très modestement, parce que c’était juste à l’interne, mais quand on a voulu demander des subventions pour aller plus loin, on s’est retrouvé avec l’explication ministérielle comme quoi les groupes de femmes ne seraient pas d’accord si on obtenait une subvention pour faire ce travail-là. (Pierre, intervenant communautaire)
Les intervenants reconnaissent unanimement qu’un programme de promotion et de prévention pour contrer la chaîne des violences en contexte migratoire, en plus d’organiser des actions qui assurent l’alimentation et le logement, doit passer par un projet consciencieux et durable d’employabilité. Il faut développer des espaces de récréation et de détente pour les familles et pour les couples, faire de l’éducation en matière de violence conjugale pour que leurs fondements culturels, tout comme les principes phares de l’éthique de la société québécoise (égalité entre les sexes, justice sociale, participation citoyenne, laïcité…), soient respectés. Ils soulignent aussi l’importance que les responsables gouvernementaux mettent sur pied des campagnes annuelles de reconnaissance de la réelle contribution des immigrants à la démographie, à l’enrichissement économique et socioculturelle de la société québécoise. Ce serait une autre manière de prévenir des interrelations « racisantes » qui portent atteinte à la dignité et à la santé des immigrants. Pour garantir la viabilité de ces projets, les intervenants signalent que cela doit se faire avec la participation active des immigrants eux-mêmes ainsi que dans un partage des expertises des professionnels des diverses origines culturelles, des disciplines multiples, en collaboration et partenariat avec les réseaux communautaire et institutionnel.
Entre discussion et conclusion, les perspectives pour de nouvelles pistes de réflexion-action
Cette étude a le mérite d’être originale, mais ne prétend pas, à partir de 10 informateurs clés, dresser un portrait représentatif de l’impact de la violence conjugale et de la violence structurelle. Cependant, elle permet d’établir des hypothèses et des pistes de réflexions pour des recherches subséquentes. En 2001, parmi la population totale au Canada, il y avait 18 % d’immigrantes et au Québec, 10 %. En 2002 (Guilbault, 2005 : 19), on constate que « 51 % du total de la population immigrée est féminine[9] ». Dès leur arrivée, ces femmes d’origines diverses ne font pas seulement face à tous les défis de l’adaptation politico-économique, socioculturelle et environnementale qui se posent aux personnes immigrées mais elles doivent, pour la plupart, assumer deux autres fonctions : faciliter l’insertion de leur famille et de leurs enfants à la société d’accueil et conserver et transmettre la culture d’origine à leur progéniture dans un contexte de paix.
Les résultats obtenus montrent l’existence de pratiques novatrices pour mieux répondre à la violence conjugale dans le contexte migratoire montréalais : depuis 1980, dans plusieurs organismes communautaires et, depuis 1990, dans le réseau institutionnel. Ces interventions sont pionnières puisque ce n’est qu’en 1995 qu’est parue la Politique d’intervention en matière de violence conjugale. Prévenir, dépister, contrer la violence conjugale. (Gouvernement du Québec, 1995) qui portait une attention spéciale à la situation des immigrantes et des femmes issues des groupes culturels minoritaires. La réalité du terrain confirme que les activités se poursuivent, malgré l’insuffisance du soutien financier de l’État, mettant en lumière la position engagée des intervenants.
Les récits des participants à l’étude, qui signalent que le projet d’immigration est habituellement familial, questionnent les modèles d’intervention centrés uniquement sur l’interrelation du couple et font ressortir son lien avec la violence structurelle. Ce constat rejoint diverses études (Rojas-Viger, 2006 ; Bibeau et al., 1992 ; Rapport du Groupe chargé d’étudier les problèmes de santé mentale des immigrants et des réfugiés au Canada, 1988) révélant que ce n’est pas l’immigration mais plutôt les circonstances, événements et situations qui l’entourent qui influent sur les comportements et la santé des immigrants. Pour les femmes s’ajoutent souvent des rapports inégaux et asymétriques avec l’homme, ce qui les défavorise dans la négociation de leurs relations avec lui, sans parler des exigences personnelles inhérentes aux impératifs de l’adaptation et de la restructuration culturelle et identitaire. Tout cela invite à poursuivre cette recherche afin d’approfondir le rapport au pouvoir qui s’établit entre la structure sociale et les actions des personnes immigrantes, lesquelles s’interinfluencent et se potentialisent réciproquement tout en menant à des responsabilités partagées. Cependant, les intervenants à l’étude reconnaissent que, pour contrer la violence conjugale de façon significative, les solutions doivent venir de la société de réception qui doit proposer des modèles d’intervention propices à l’insertion socioculturelle, par exemple donner accès à des logements à prix modique, à des cours de langue ou à des lieux de récréation. L’information s’impose pour sensibiliser à la violence conjugale et familiale et à ses ravages, mais on doit surtout viser le développement de conditions propices à l’employabilité.
L’étude indique aussi que les actions entreprises par les réseaux institutionnel et communautaire sont centrées sur la prévention secondaire où l’on peut déceler des valeurs implicites dans leurs façons d’intervenir. Il existe même des difficultés à documenter et à cerner le modèle utilisé, à identifier comment se pratique l’intervention, ainsi qu’à mesurer son efficacité. Cependant, ces pratiques peuvent être examinées à la lumière de diverses approches – féministe, intersectionelle ou transculturelle – afin d’atténuer les conséquences des courants individualistes qui ignorent l’importance familiale et reprochent aux hommes immigrants d’être des « bourreaux » sans penser qu’eux aussi sont « victimes » de la violence structurelle. Un effort de théorisation dans cette direction permettrait de s’approprier les acquis empiriques promotionnels et préventifs pour contrer la violence conjugale, centrés sur l’éthique, le respect et la reconnaissance des logiques et des rationalités propres à chaque trajectoire individuelle, familiale et groupale façonnées par la culture. Il serait ainsi possible d’établir des rapports entre les différentes formes de violence en lien avec le genre, la classe, l’ethnie, l’âge, lesquels concourent sans doute à façonner l’expérience personnelle. Une perspective sociétale est nécessaire à l’élaboration future de programmes 1) pour contrer la violence, mais particulièrement l’impact de la violence structurelle et de la violence conjugale, 2) pour s’ouvrir aux questions éthiques d’une société plurielle et à ses valeurs phares collectives de même qu’à des responsabilités individuelles, 3) pour demeurer ouverts à la solidarité ainsi qu’à l’autonomie et 4) pour maintenir et garantir la cohésion sociale entre les personnes qui vivent, par naissance ou adoption, en terre québécoise.
Appendices
Note biographique
Celia Rojas-Viger, Ph. D. en anthropologie et médecine, poursuit des études postuniversitaires au Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (VRI-VIFF). Elle est actuellement chercheure, conférencière et enseignante à l’École de service social de l’Université de Montréal. Elle est cofondatrice et présidente du groupe Femmes d’origines diverses : Centre de recherches et d’information. Parmi ses champs de spécialisation, notons son expérience en clinique et en promotion de la santé dans les secteurs communautaires montréalais et liméniens. Elle a enseigné en santé communautaire à la Faculté de médecine de l’Université San Marcos, Lima, Pérou.
Notes
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[1]
Les données de cet article proviennent du rapport de recherche (Rojas-Viger, 2006) du postdoctorat réalisé au Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (CRI-VIFF), École de service social de l’Université de Montréal. Nos remerciements aux professeurs Gilles Rondeau et Gilles Bibeau pour leur appréciable orientation pendant leur codirection du postdoctorat ; à Myriam Dubé et à Yv Bonnier Viger pour leurs suggestions pertinentes ; à Jocelyne Lalande pour ses commentaires des premières versions et à Gilles Viger pour son précieux appui logistique.
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[2]
Le terme de « violence structurelle » est employé pour la première fois en 1969 par Galtung (1969 : 171). Il s’agit d’une forme de violence avec des effets sournois tels que les inégalités de pouvoir se reflétant dans la stratification sociale et des classes, les relations de genres et de groupes ethniques, avec des oppressions entrecroisées (Collins, 1990) de manifestations de discrimination, d’exclusion et de racisme. Fortin et Gravel (1995 : 33) présentent l’idée de la « chaîne de la violence » où l’on peut comprendre que l’exposition et la soumission aux « comportements directs de contrôle et de domination exercés par les hommes sur les femmes, [où] ces dernières sont également victimes de violences structurelles : la pauvreté qui touche un grand nombre de femmes, leur dépendance économique, les iniquités qu’elles subissent en emploi, le contrôle médical sur leur corps et les restrictions au droit de choisir librement leur maternité ». À tout cela peuvent s’ajouter les conditions de vie particulières auxquelles sont potentiellement confrontées les femmes immigrantes, surtout lors de l’arrivée.
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[3]
La conception de la maisonnée retenue dans la présente étude est celle proposée par l’anthropologue Labrecque (2001 : 9) : « lieu dans lequel les rapports sont profondément inégalitaires et hautement hiérarchisés. Il s’agit de rapports de pouvoir […] ».
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[4]
Selon Guilbault (2005 : 23), « de 1995 à 2004, 48 % des femmes immigrées sont reçues dans la catégorie de l’immigration économique, 31 % dans le cadre du regroupement familial et 20 % sont acceptées à titre de réfugiées ».
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[5]
Pour introduire la notion de pouvoir, qui est présente tout au long de l’article, on souscrit à la définition qui le considère comme une manière de fonctionner des technologies politiques, à travers le corps social, donc « l’analytique du pouvoir » de Foucault (1984a). L’exercice du pouvoir entre en action dans un jeu de relations « inégalitaires et mobiles ». Il se réalise comme un agir, une pensée, un programme, une politique qui peut, à la limite, diminuer les possibilités de réalisation individuelle et/ou collective (relation agoniste) et conclure par l’utilisation de la violence pour anéantir la vie de l’autre (relation antagoniste).
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[6]
Les données statistiques dévoilent, selon Chard, Badets et Howatson-Léo (2000 : 212), « qu’entre 1986 et 1996, le taux de chômage des immigrantes récentes a presque doublé, passant de 10 à 19 %. Par contre, le taux de chômage des femmes nées au Canada n’augmentait que très légèrement au cours de la dernière année, soit de 8 % en 1986 à 9 % en 1996 ».
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[7]
Ces organismes communautaires ont été les premiers à dénoncer la situation des femmes qui demeurent sous l’emprise du parrain – en général le conjoint – et qui sont ainsi facilement exposées à des situations de violence. Ces actions ont eu des répercussions d’ordre promotionnel (Groupe de travail sur les femmes immigrantes et la violence conjugale, 1995) et ont fait diminuer la période de parrainage de dix à trois ans, quand il s’agit d’une épouse ou d’un époux.
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[8]
Les études anthropologiques sur les sociétés et sur la position de l’homme à l’égard du cosmos montrent deux perspectives : l’une est cosmocentrique (les autochtones) où le corps est « ouvert » et perçu comme en continuité avec l’environnement et le cosmos ; l’autre est anthropocentrique (sociétés occidentales) où la conception du monde est « centrée » et perçue à partir de l’individu.
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[9]
Le pourcentage des femmes comparé à celui des hommes varie selon les pays et les continents d’origine (Guilbault, 2005 : 19) ; ainsi, pour l’Amérique du Nord, il y a 55 % de femmes et au Pérou, 56 %.
Bibliographie
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