Dans cet ouvrage, qui est une réédition de 1999, initialement paru chez Desclée de Brouwer, l’auteur s’intéresse à cette « figure du désordre » définie dans la modernité rationnelle et positiviste comme le handicap mental. Dans cette démarche, l’expérience pratique, voire clinique, l’amène à « réfléchir d’une autre façon à la notion d’autonomie, tarte à la crème de tous les projets thérapeutiques et pédagogiques dont les travailleurs sociaux sont friands » (p. 6). Une démarche qui le conduit à « revisiter » ces pratiques nées de la modernité autour de l’institution, animée par une orientation axée sur l’intégration et l’inclusion pour utiliser un vocable qui connaît un succès certain depuis les dernières années dans la majorité des sociétés postindustrielles. Un phénomène de l’inclusion qui constitue, de fait, pour Gomez un piège, car il s’agit d’une… C’est ainsi qu’il cherche à conduire le lecteur, à travers un ouvrage composé de 5 parties et de 21 chapitres brefs, à faire passer ce peuple d’exclus « du non-lieu à une topique de sens ». Une structure de l’ouvrage qui déroute parfois le lecteur le laissant sur son appétit intellectuel tellement le sujet abordé est vaste et la synthèse des connaissances limitée à l’égard de certaines dimensions. Cependant, la perspective qu’emprunte l’auteur ne l’est pas. Au contraire. Sa démarche critique de l’institution et de ses pratiques aussi bien de soins que thérapeutiques l’a conduit à adopter « un parcours anthropologique » dont les chapitres en représentent les différentes étapes. La dernière partie est composée de récits de vie et de pratiques qui font partie de ses observations. Un parcours qui vise, ni plus ni moins, qu’à aboutir « au renversement de l’angle de vue du problème considéré ». Devant cette « société d’indifférence » et ses institutions qui produisent et reproduisent une certaine figure de l’Autre, Gomez propose une lecture dans laquelle il ramène des notions fondamentales comme les rites et rituels, le temps et l’espace, le symbolique, le Sujet et enfin l’autonomie. Des notions qui recouvrent un ensemble de pratiques et d’usages sociaux qui sont autant de repères et de vecteurs de sens que la modernité rationaliste a précisément évacués ou suspendus dans le développement de ses institutions (en l’occurrence médicosociales) avec le concours des professionnels comme les travailleurs sociaux, les éducateurs… On l’aura compris cette réflexion singulière sur la notion d’autonomie est aussi et avant tout une réflexion sur la pratique professionnelle au sein des institutions modernes devenues des « établissements » sans pour autant en changer la fonction. D’abord, dans la première partie, l’auteur se penche sur les notions de rites et de rituels, d’espace et de temps en rappelant au lecteur l’importance de leur rôle dans certains phénomènes sociaux comme la mort et le deuil. De même discute-t-il des modèles complexes qui sous-tendent l’organisation du temps dans les différentes sociétés qui ont un impact dans la gestion des temps sociaux et des temps culturels. Des modèles qui renvoient à deux conceptions centrales de la maîtrise, l’une axée sur le pouvoir de contrôle, le territoire en lien avec des individus et des phénomènes sociaux à la manière du panoptique de Bentam, alors que la seconde repose sur l’appropriation progressive de la qualité et de l’expérience ; une approche à la base, selon Gomez, de toute éducation en profondeur comme la psychothérapie (p. 27). Des conceptions qui impliquent inévitablement le développement de connaissances et d’outils de contrôle et de gestion des rapports aux temps. Dans la deuxième partie, Gomez poursuit sa progression dans le territoire de l’efficacité symbolique du rituel qui se manifeste face aux réponses offertes par les professionnels à l’aide …
Jean-François Gomez, Le temps des rites. Handicaps et handicapés, Québec, Presses de l’Université Laval, 2005, 192 p.[Record]
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Normand Boucher
École de service social, Université Laval
Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation
et intégration sociale (CIRRIS/IRDPQ)