Échos et débats

La pratique communautaire et la lutte pour la transformation sociale[Record]

  • Eric Shragge

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  • Eric Shragge
    École des affaires publiques et communautaires
    Université Concordia

Enseigner le développement communautaire à l’université exige d’être également engagé dans la pratique. J’ai eu la chance, au cours des dernières années, de me consacrer à la pratique dans des organisations communautaires comme le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI), que j’ai aidé à fonder en 2000, et la Coop La Maison Verte. Le CTI est une petite organisation qui n’a souvent qu’un seul employé, à temps partiel. Par conséquent, il exige de ceux de nous qui sommes au conseil d’administration de jouer des rôles actifs dans plusieurs domaines de la vie de l’organisation. Cet été (2006), j’y ai fait du bénévolat en moyenne deux jours par semaine pendant lesquels j’ai travaillé à la diffusion, à l’intervention individuelle, participé à des campagnes et à des collectes de fonds et nettoyé le bureau. Le travail quotidien était enrichissant et toujours une expérience d’apprentissage. J’ai également eu la chance de réfléchir d’une manière critique sur le développement communautaire, l’organisation de la pratique et les théories relatives et d’écrire sur ces sujets. Mon livre intitulé Action communautaire : dérives et possibilités et un essai écrit en collaboration avec James DeFillipis et Bob Fisher contiennent certaines de mes réflexions. Je partagerai avec vous quelques-unes des idées qui figurent dans cet essai. Pour moi, la question principale est : quel est le rôle des organisations communautaires dans le processus du changement social ? À quoi contribuent-elles ? Quelles sont leurs possibilités, leurs limites et leurs contradictions ? Plusieurs parmi nous avons commencé à travailler dans le milieu communautaire parce que nous pensons faire partie d’une lutte plus grande contre l’injustice, contre l’inégalité et ses multiples formes et contre le système qui les produit – le capitalisme. Quoique la rhétorique de la justice sociale se répercute dans la grande variété des organisations communautaires, la pratique elle-même est devenue locale et orientée vers l’offre de services. Les organisations communautaires au Québec et dans plusieurs autres endroits se sont multipliées, agrandies et ont étendu leur rôle social. Au fur et à mesure qu’elles ont développé leur expertise basée sur l’innovation, elles se sont également professionnalisées, établissant des divisions de travail claires entre leur conseil d’administration, leur personnel et les utilisateurs de leurs services. Afin de protéger leur financement et d’étendre leurs services, des coalitions d’organisations oeuvrant dans un même secteur ou une même région ont été créées. Ces « regroupements » sont parvenus à se faire reconnaître par l’État et ils peuvent négocier au nom du secteur ou de la région. D’une certaine manière, il s’agit de gains, mais il y a également des pertes inévitables. La pratique elle-même est devenue de plus en plus spécialisée et orientée vers l’offre de services. Les relations avec le gouvernement prennent les allures d’une association qui entraîne une dépendance façonnée par l’offre d’un service limité. Peut-être cette vision est-elle par trop simplificatrice, mais elle représente sûrement la direction principale qu’empruntent les relations avec le gouvernement, avec une pression continuelle pour la soutenir. À ce sujet, Deslauriers et Paquet (2003) discutent deux points de vue, le premier voulant que les organisations désirent une plus grande reconnaissance de l’État – l’institutionnalisation serait l’un des objectifs des organisations et représenterait un gain au point de vue du statut et du rôle du secteur communautaire. À l’opposé, les tenants de l’autre position soutiennent que ces processus ont été imposés par l’État et qu’ils limitent l’autonomie et la démocratie. Pareillement, Parazelli et Tardif (1998) opposent ce qu’ils décrivent comme une action communautaire autonome basée sur les personnes dans une communauté définissant ses propres besoins, stratégies et priorités, et la « communautique » dans laquelle le …

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