En septembre 2005, l’INSERM publiait son rapport d’expertise et ses recommandations sur le trouble des conduites chez les enfants et les adolescents qui a donné lieu à un projet de loi sur la prévention de la délinquance. Ce projet de loi préconise de détecter le plus tôt possible (dès l’âge de trois ans) les enfants à risque de devenir délinquants afin de les diriger vers des traitements médicaux. Ce plan de prévention de la délinquance du gouvernement français a soulevé un mouvement collectif de contestation rassemblant professionnels de la santé et de l’enfance, parents, enseignants, etc., afin de dénoncer les risques de dérives : le collectif Pasde0deconduite. Nous avons rencontré l’une des fondatrices de ce collectif et initiatrices de l’appel en réponse à l’expertise INSERM, Christine Bellas-Cabane, pédiatre et présidente du Syndicat national des médecins spécialistes de protection maternelle infantile. Le collectif Pasde0deconduite, c’est un ensemble de professionnels et de parents, des intervenants de toutes sortes qui se sont mobilisés contre, à la fois, les recommandations du rapport de l’INSERM sur le trouble des conduites et le projet de loi de prévention contre la délinquance qui reprenait sur le plan politique les recommandations de ce rapport, à savoir d’organiser un dépistage massif et précoce des enfants porteurs de trouble des conduites sous prétexte qu’ils pourraient devenir délinquants. Il y a eu d’abord les 50 premiers signataires qui sont tous des professionnels intervenant globalement dans le champ de la santé : des psychologues, pédopsychiatres, pédiatres, pédiatres en protection maternelle et infantile, etc. Il y a également des professeurs de santé publique et beaucoup de psychanalystes qui se sont mobilisés. Les critiques essentielles sont de plusieurs formes. D’abord, il y a le choix de la méthode. Il faut savoir que c’est un rapport d’expertise qui applique au champ de la santé psychique les mêmes règles qu’au champ biomédical. À savoir que la méthode de ce rapport d’expertise regroupe non pas des chercheurs qui font état d’études, mais des experts qui ont essentiellement pour mission de répertorier dans la littérature tout ce qui a trait à un objet. Là, c’était le trouble des conduites défini dans le DSM-IV, la classification américaine pour les troubles psychiques. Or, c’est une classification qui n’est pas reconnue par la psychiatrie et la pédopsychiatrie française. Dans ce rapport, les experts ont fait état d’études venant presque uniquement de la littérature anglo-saxonne parce que c’est la seule repérable sur les canaux d’information internationaux et la seule reconnue, entre guillemets, comme scientifiquement valable. Il n’y a pratiquement pas d’exploration de la littérature nationale sous prétexte qu’il y a très peu de chose sur le trouble des conduites et son dépistage – évidemment, puisque le trouble des conduites n’est pas reconnu comme tel par la pédopsychiatrie française. De plus, il n’y a eu aucune association avec les pédopsychiatres de terrain, les médecins de terrain, les pédiatres, les enseignants, qui travaillent auprès des enfants et qui auraient pu expliquer comment ils prennent en compte les difficultés et les troubles du développement, quelles pratiques de prévention sont déjà développées, s’il leur paraissait qu’il y avait effectivement un problème de repérage et de dépistage, ou s’il y avait un autre problème, et pourquoi on ne reconnaît pas cette entité « trouble des conduites ». Bref, c’est comme si rien n’avait été fait en France de ce côté, d’où le besoin de plus de repérage et de dépistage pour en faire foi. Ensuite, c’est essentiellement la notion d’approche de prévention non prévenante, mais plutôt prédictive que nous critiquons. À savoir que le rapport parle d’un tempérament qui semble conduire à des troubles des conduites …
Le collectif Pasde0deconduite et la lutte contre l’approche prédictive de prévention de la délinquance en France Entrevue avec Christine Bellas-Cabane, cofondatrice du Collectif et co-initiatrice de l’appel en réponse à l’expertise INSERM[Record]
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Annie Larouche
Étudiante à la maîtrise en intervention sociale
Université du Québec à Montréal