Échos et débats

Faire face au « pas dans ma cour »[Record]

  • Pierre Gaudreau

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Le syndrome du « pas dans ma cour » n’est pas nouveau. Depuis des décennies, des projets de logement social de toutes sortes, des garderies, des maisons d’hébergement pour femmes et différents autres projets de nature sociale et communautaire se heurtent à l’opposition active de noyaux de résidants, commerçants et politiciens. Cette expression réactionnaire de refus entraîne des délais indus, amène parfois des changements de lieux, quand elle ne provoque pas l’avortement de projets. Réagissant, sauf exception, au cas par cas, le milieu communautaire a toujours su et dû faire avec la réalité du « pas dans ma cour ». Les stratégies d’implantation des organismes font partie des prérogatives de leur autonomie, cela était et demeure justifié. La liberté de s’installer là où sont les besoins est un principe fondamental auquel tiennent les organismes. Le temps est cependant venu de développer de nouvelles stratégies pour faire face au refus. Cela passe par la revendication de mesures législatives ou réglementaires pour enchâsser le droit à la libre localisation. Le cas du logement social où, après des années de lutte, le FRAPRU a obtenu une protection législative pour contrer le « pas dans ma cour » est un exemple intéressant. Tout en visant l’obtention de ces mesures de protection, les organismes doivent développer leur stratégie d’implantation particulièrement en ce qui a trait au voisinage. Le travail sur ces deux axes doit être mené de front et rapidement. Les événements nous y poussent. Le feu est dans la cabane, il a été allumé. Il y a quinze ans, le 21 novembre 1990, sur l’heure du midi, se tenait une petite manifestation conjointe du RAPSIM et du FRAPRU devant Archambault Musique, à l’intersection des rues Berri et Sainte-Catherine à Montréal. Les manifestants dénonçaient les interventions de ce commerce et d’autres institutions du quartier, telles que l’UQÀM et la Place Dupuis qui s’opposaient à l’ouverture par la Ville d’une maison de chambres, au 1626, rue Saint-Hubert. Pour les opposants à ce projet de logement social, il y avait trop de pauvres et d’itinérants dans le quartier. Malgré leur opposition, l’administration social-démocrate du maire Jean Doré garda le cap et ouvrit cette maison, où loge d’ailleurs actuellement au rez-de-chaussée, curieux hasard, l’organisme CACTUS. Les cas de « pas dans ma cour » étaient fréquents à l’époque et visaient le même genre de personnes et d’organismes qu’aujourd’hui. Il y a quinze ans cependant, l’administration municipale appuyait systématiquement les groupes sociaux dans leur projet d’implantation ; ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui… L’autre différence notable réside dans la virulence des partisans et partisanes du « pas dans ma cour », tant celle des résidants que des politiciens. Car si l’année 2004 a été marquée à Montréal par plusieurs manifestations de refus ciblant des projets d’aide aux personnes démunies et marginales, une caractéristique nouvelle de la situation est la violence verbale et réelle qui a empreint différents événements. Le premier événement qui a fait la manchette est le refus par le conseil d’arrondissement Ville-Marie (qui regroupe le centre-ville et le centre-sud de Montréal) de céder le terrain convoité par l’organisme CACTUS pour reloger ses activités. Cet organisme, un centre d’échange de seringues, vise à déménager ses activités rue Sainte-Catherine, angle Sanguinet, à côté du CLSC des Faubourgs où il est né. Bénéficiant d’une subvention du programme fédéral de lutte contre l’itinérance, CACTUS veut se reloger pour améliorer ses installations et développer ses services. Le terrain convoité était bien situé, à côté du CLSC, et avait comme voisins des bars et d’autres commerces de la rue Sainte-Catherine et beaucoup de pavillons de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). …