Cet ouvrage collectif a été réalisé à la suite d’un colloque intitulé « La transformation des systèmes de santé et de services sociaux et le mouvement pour la santé des femmes : enjeux contemporains, résistances et pratiques novatrices », qui s’est tenu à Québec, les 4 et 5 avril 2002, sous la direction de Francine Saillant et de Manon Boulianne. Ce livre suscitera l’intérêt des lecteurs et des lectrices interpellés par les nouvelles configurations des systèmes de santé et de services sociaux et leurs conséquences sur la collectivité et, plus particulièrement, sur les femmes. En s’éloignant des voies théoriques traditionnelles pour aborder cette question, les 19 auteures de cet ouvrage, issues de disciplines diverses (anthropologie, histoire, philosophie, sciences politiques, sociologie, travail social) participent de manière fort stimulante aux débats actuels sur l’avenir des systèmes de soins. Elles inscrivent leurs analyses dans une perspective comparatiste et abordent le sujet dans ses dimensions nationale et internationale. La particularité de cet ouvrage est d’explorer la question de la transformation des systèmes de santé et de services sociaux en s’appuyant sur trois axes analytiques liés aux approches féministes : critique, pragmatique et stratégique. Le livre est divisé en trois parties qui sont introduites par une courte réflexion de Manon Boulianne. Marie-France Labrecque, Laura Tavares Soares, Sylvie Khandjian, Ellen Folley, Bibiane Courtois et Elsa Beaulieu ont contribué à la première partie de cet ouvrage intitulé « Transformations structurelles et vie quotidienne des femmes au Nord et au Sud ». Leur expertise anthropologique leur permet de situer principalement leurs analyses dans le contexte global des transformations qui caractérisent diverses sociétés au Nord comme au Sud. Elles nous rappellent que les nouvelles donnes économique, politique et sociale souscrivent à une perspective mondialiste et néolibérale qui incite les systèmes de santé à prendre davantage le virage rationnel et marchand plutôt que celui de l’humanisation ; ce qui ne manquera pas de nous faire réfléchir sur les effets du néolibéralisme ainsi que sur la notion de responsabilisation qui s’y rattache. Elles émettent alors de sérieuses réserves quant à l’impact de ces changements de structures sur la vie quotidienne des femmes et des collectivités. Pour définir les paramètres de son analyse qui nous conduira à comprendre comment se structurent les inégalités, Marie-France Labrecque s’attache, particulièrement dans le premier texte, à définir les notions d’État international et d’État « genré ». Elle démontre comment, sur le plan politique, les États nationaux subissent un affaiblissement de leur pouvoir et elle examine comment dans le contexte d’émergence d’un « ordre mondial de genre » (Labrecque : 31) se reproduisent les inégalités entre les hommes et les femmes. Dans un tel contexte, dominé par la pensée néolibérale, elle constate que les droits humains sont de moins en moins respectés. Ainsi, les programmes d’ajustement structurel créés par les instances politiques nationales ont peu de potentiel pour répondre aux besoins réels de la population sur le plan de la santé, notamment ceux des femmes. Les conséquences dévastatrices de ces changements structuraux sont d’ailleurs plus manifestes dans l’hémisphère Sud, affirmera-t-elle, ce qui devrait nous conduire à être plus vigilant au Nord. Si pour certains lecteurs ou lectrices, cette mise en garde peut paraître alarmiste, une analyse du cas du Brésil, par Laura Tavares Soares et Sylvie Khandjian, ainsi que du cas du Sénégal, présentée par Ellen E. Folley, ont le mérite de mettre en évidence les effets de la pauvreté et des inégalités sur la santé des femmes. Après avoir examiné les conditions de vie et de santé des femmes issues des classes les plus démunies du Brésil, les auteures terminent leur étude sur une note …
Francine Saillant et Manon Boulianne (sous la direction de), Transformations sociales, genre et santé. Perspectives critiques et comparatives, Les Presses de l’Université Laval, L’Harmattan, Sainte-Foy, 2003, 311 pages.[Record]
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Danielle Guay
Professionnelle de recherche
Université du Québec à Montréal