Il est toujours utile de rappeler que la démocratie est un « régime politique, [un] système de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par l’ensemble des citoyens ». Contrairement à d’autres formes politiques de gouvernement (monarchie, oligarchie, totalitarisme, etc.), la démocratie vise à reconnaître le pouvoir de tous les individus, de façon égalitaire. La plus grande difficulté de la mise en application du principe d’égalité résiderait dans « [...] l’exercice de ce pouvoir qui consiste à faire participer égalitairement tous les citoyens » (Barreyre et al., 1995 : 118). En effet, « […] dans cette définition on ne dit jamais qui est le peuple. Est-ce celui de la volonté générale, construit à travers la délibération, est-ce l’individu propriétaire ou le militant de base […] ? » (Thériault, 2003 : 634). Il existe une variété d’interprétations au sens politique de l’action démocratique elle-même, autant sur le plan historique des sociétés occidentales qu’au sein même de chaque société. Toutefois, ce qui constitue l’unité de ces différentes conceptions est « [...] l’inaliénable vocation des hommes à prendre en charge leur destin, tant individuel que collectif » (Burdeau, 2002 : 71). Par exemple, la démocratie sociale s’inscrit dans un processus historique d’affranchissement des individus à l’égard de toutes formes d’oppression en leur reconnaissant une autonomie et des droits. D’autres auteurs tels que Hentsch (1994a : 83) vont plus loin en affirmant que la démocratie est « une dynamique historique et politique grâce à laquelle la société nourrit une réflexion critique et normative sur elle-même ». Il s’agit d’un idéal toujours rattaché aux aspirations et aux expériences historiques de la liberté politique des membres d’une société donnée. En ce sens, la démocratie n’est pas un « [...] schéma abstrait apte à fournir des recettes d’organisation politique et sociale universellement valables » (Burdeau, 2002 : 71). C’est pourquoi le sens du mot démocratie varie selon les contextes historiques, socioculturels et idéologiques dans lesquels il est interprété ; d’où la représentation différenciée de ses applications : démocratie autoritaire, directe, semi-directe, populaire, libérale, socialiste, capitaliste parlementaire, représentative, délégative, participative, continue, fonctionnelle, etc. Cette variété de significations existe aussi en ce qui regarde le concept de citoyenneté, comme le souligne Lamoureux (2001 : 38) : En effet, même si la citoyenneté est au fondement de la démocratie en tant que droit universel et que tous les individus des sociétés démocratiques sont théoriquement des citoyens, ce droit devrait pouvoir s’incarner dans un exercice concret de participation collective à l’avenir de la vie sociale et économique. Mais la réalité nous force à constater qu’un citoyen peut exister sans accès à l’exercice démocratique. Que devient alors une citoyenneté sans pratiques démocratiques ? Bref, il ne peut y avoir d’achèvement positif de la démocratie supposant clos le débat sur son accomplissement (Hentsch, 1994a : 84-85). Par ailleurs, la démocratie affecte non seulement l’expérience de la liberté politique, mais aussi les fondements normatifs de la justice, de l’économie et du social. Ses applications diverses et le pluralisme de son interprétation dans les sociétés industrielles de masse rendent complexe son appréhension lorsqu’on désire exercer le pouvoir démocratique non seulement dans le contexte de l’intervention sociale, mais aussi dans la vie de tous les individus. En conséquence, cette polysémie et diversité de positions posent la question de la négociation des valeurs et des intérêts associés aux choix politiques des individus dans une société de masse. L’histoire de l’individualisme (Laurent, 1993) nous apprend que l’expérience de la liberté politique ne fut possible qu’à la condition pour une personne d’éprouver sa propre singularité et son indépendance vis-à-vis des autres personnes, et ce, à …
Appendices
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