D’entrée de jeu, je dois mentionner que j’ai eu un parcours d’une vingtaine d’années avant la création de Nouvelles pratiques sociales (NPS), qui ont certainement influencé, d’une manière ou d’une autre, ma trajectoire de professeur-chercheur à l’UQÀM et mon engagement dans le projet NPS. Ainsi, j’ai fait des études en théologie puis en sciences politiques, discipline dans laquelle je détiens un doctorat. Côté professionnel, je compte une expérience d’enseignement dans l’Ouest canadien et une incursion dans un organisme communautaire, le Centre coopératif de recherche en politiques sociales. J’ai aussi eu l’occasion de collaborer avec le Centre de formation populaire. De façon générale, mon parcours a été teinté d’un militantisme alliant une position de chrétien de gauche à une analyse politique des transformations sociales. Avec ce bagage, je me retrouve professeur-chercheur à l’UQÀM en 1976 au Département de travail social. Des années d’ébullition tant sur le plan social que dans le monde universitaire. À tel point que si la revue était née dans les années 1970, elle aurait été complètement différente. Dans ces années-là, pour être bref, nous avions plus de réponses que de questions. À l’UQÀM, nous adhérions à un cadre d’analyse marxiste assez structuraliste, cadre influencé par Louis Althusser en France et par Marta Harnecker en Amérique latine. Un contexte qui a jalonné mon histoire comme celle de plusieurs autres intellectuels québécois de cette période. Je dirais que ce qui a d’abord caractérisé mon histoire, et celle de quelques autres fondateurs de NPS, peut se résumer par du militantisme dans des organismes chrétiens progressistes. Chez les chrétiens de gauche, on s’intéressait de près à un mariage entre la théologie de la libération et une analyse marxiste dans une perspective socialiste. J’ai aussi été marqué par deux ou trois voyages en Amérique latine au début des années 1970, notamment au Chili, lors de l’élection d’Allende. La revue a vu le jour dans un cadre universitaire, celui des années 1980. En 1970, le militantisme de diverses allégeances véhiculait des réponses. C’était aussi une période où l’on s’adonnait plus à l’enseignement et à la réorganisation des programmes de baccalauréat, comme le nôtre, en travail social. On faisait peu de recherches, la recherche exigeant que l’on ne s’en tienne pas à des réponses, mais que l’on examine en profondeur les pratiques et les conditions sociales. Tout en étant professeurs, nous étions rattachés à des mouvements sociaux comme le mouvement syndical ou le mouvement communautaire. À la fin des années 1970, des gens comme Benoît Lévesque, Louis Favreau et moi affichions une pratique sociale engagée, un militantisme qui a abouti à la création d’un regroupement pour le socialisme, un réseau politique réunissant des militants intellectuels et des militants de mouvements sociaux ; on parle d’une centaine de personnes. Un réseau qui voulait se démarquer des perspectives dominantes de gauche du moment ; se distinguer du courant marxiste-léniniste, des trotskistes et du courant communiste traditionnel. Nous étions préoccupés de faire un lien entre la praxis et la théorie sociale. Est arrivé le référendum de 1980, puis la récession de 1981-1982. Ce qui n’a pas été sans influencer notre cadre d’analyse, notre façon de voir le travail, voire notre vision du monde et notre implication dans le milieu. Nous nous posions des questions nouvelles. Quelques années de recul ont permis l’émergence de questions qui sont devenues des questions de recherche. J’ai, moi aussi, senti le besoin de valoriser la recherche de façon plus systématique dans ma vie professionnelle. L’expérience de la Commission Rochon et son questionnement sur notre système de santé et de services sociaux m’ont donné l’occasion de m’impliquer dans des recherches …
Questionner pour mieux faire émerger de nouvelles pratiques sociales. Regard rétrospectif sur quinze ans à la barre de la revue Nouvelles pratiques socialesEntrevue avec Yves Vaillancourt[Record]
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Lucie Fréchette
Département de travail social
Université du Québec en Outaouais
Nouvelles pratiques sociales a franchi le cap des quinze ans. Quinze années riches d’une incessante sensibilité à la conjoncture sociale, la revue est une option pour l’innovation en matière de pratiques sociales et d’une mise en réseau féconde entre chercheurs, intervenants et étudiants. Au fait, comment est née Nouvelles pratiques sociales ? De quel rêve cette revue est-elle issue ? Quels sont les « pionniers de cette aventure » ? Des questions qui donnent à penser que la revue possède déjà une histoire. L’entrevue de ce numéro ouvre le livre de bord de Nouvelles pratiques sociales pour esquisser, après quinze ans, les grands traits de son histoire, une histoire qu’on ne peut dissocier de celle de son directeur fondateur, à la barre de la revue depuis le tout début. Nouvelles pratiques sociales, Yves Vaillancourt l’a pilotée fièrement pendant quinze ans ; il cède aujourd’hui la place à la relève. La revue a choisi de lui donner la parole afin qu’il en relate l’historique. Elle veut, par la même occasion, lui rendre hommage et souligner l’engagement dont il a fait preuve au fil des ans. Si Nouvelles pratiques sociales est aujourd’hui pour nous tous une source de fierté, c’est beaucoup grâce à lui.