La question des temps de vie constitue, ces dernières années, un thème récurrent qui a contribué à alimenter un certain nombre de débats, notamment celui concernant l’insertion sociale et professionnelle des nouvelles générations ainsi que celui de l’impact du vieillissement des populations sur les sociétés industrialisées. D’une part, on assiste à la multiplication des productions littéraires et scientifiques décrivant et analysant la situation de ceux que d’aucuns ont désigné comme la « génération X », la « génération oubliée » ou encore la « génération de la crise ». Or, si les appellations diffèrent, le constat reste le même ; l’intégration sociale et professionnelle des membres de ces générations s’effectue de manière chaotique par rapport au processus d’intégration linéaire qui caractérisait les générations précédentes. Plusieurs vont même jusqu’à parler d’exclusion pour décrire de manière générale la finalité du processus qui caractérise leurs tentatives d’insertion, même si ce terme d’exclusion recouvre une réalité souvent mal définie et qu’il est parfois utilisé de manière abusive pour rendre compte d’une diversité d’expériences de vie (Ellefsen, Hamel et Wilkins, 1999). Mais un élément semble malgré tout faire consensus auprès des observateurs et des experts. À divers degrés, les événements qui marquaient autrefois l’entrée dans la vie adulte (mariage, choix d’une résidence autonome, emploi, etc.) et les institutions qui les régulaient semblent aujourd’hui incapables de rendre compte de la réalité des nouvelles générations et d’assumer pleinement leur rôle intégrateur. D’autre part, à l’autre extrémité du spectre des temps de vie, les générations atteignant l’âge de la retraite font, elles aussi, face à de nouveaux défis pour lesquels elles n’ont pas toujours été préparées. D’abord parce que les restructurations que connaissent les entreprises et les institutions, à la suite du repositionnement de l’économie mondiale, font en sorte que cette retraite peut survenir plus tôt que prévue dans l’histoire de vie des individus. La mise à la retraite anticipée de certaines catégories de travailleurs (particulièrement ceux dans la cinquantaine) est ainsi devenue un moyen de gérer la décroissance des effectifs dans plusieurs entreprises. De plus, les conditions de vie plus favorables, jouxtées aux avancées de la médecine moderne, entraînent un allongement substantiel de cette période de vie qui débutait, selon les conventions du modèle traditionnel, avec la fin de l’activité régulière de travail vers le milieu de la soixantaine et se terminait avec la fin de la vie. Comment alors mettre à contribution activement ce temps de vie qui s’allonge et que Jean Carette (1999), par homonymie interrogatrice, désigne comme « l’âge dort » ? Dans ce contexte, que ce soit pour les jeunes générations ou pour celles ayant progressé un peu plus sur le chemin de la vie, une question cruciale se pose : quel est le sens de ces transformations ? Comment se réapproprier des cycles de vie perturbés afin qu’ils redeviennent porteurs d’une symbolique identitaire et créatrice ? Cette nouvelle conjoncture suscite également des interrogations chez les chercheurs et les intervenants sociaux qui tentent de reconstruire un cadre d’interprétation permettant de redonner un horizon d’intelligibilité à tous ces changements. Comment, en effet, rendre compte globalement de ces réalités sociales ? De quelle manière adapter les pratiques sociales afin qu’elles soient en prise directe avec l’expérience vécue des personnes ? Comment, en d’autres termes, aborder la question des temps de vie dans un contexte où leur réalité n’a jamais paru aussi éclatée, ambiguë et éloignée des institutions héritées de l’après-guerre ? Ainsi, les multiples dimensions de la problématique concernant les pratiques adaptées aux temps de vie rendent possible l’adoption d’une multitude d’angles d’approche. Notre dossier aurait pu porter, par exemple, sur les rapports qu’entretiennent entre …
Appendices
Bibliographie
- Bélanger, Paul R. et Benoît Lévesque (1991). « La théorie de la régulation, du rapport salarial au rapport de consommation. Un point de vue sociologique », Cahiers de recherche sociologique, no 17, hiver, 19-61.
- Boltanski, Luc et Ève Chiapello (1999). Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 843 pages.
- Carette, Jean (1999). L’âge dort ? Pour une retraite citoyenne, Montréal, Éditions du Boréal, 174 pages.
- Chauvel, Louis (2000). « Solidarités. Comment la crise a pacifié la famille », Alternatives économiques, no 181, mai, 54-57.
- D’Amours, Martine, Lesemann, Frédéric, Deniger, Marc-André et Éric Shragge (1999). « Les chômeurs de longue durée de plus de 45 ans : entre réflexion et réflexivité », Lien social et politiques – RIAC, no 42, automne, 121-133.
- Ellefsen, B., Hamel, Jacques et Maxime Wilkins (1999). « La citoyenneté et le droit de cité des jeunes », Sociologie et sociétés, vol. XXXI, no 2, automne, 89-99.
- Gaullier, Xavier (1998). « Pour un new deal entre générations. Travail, formation, retraite : mutation des âges et recherche de solidarités », Esprit, octobre, 5-44.
- Gauthier, Madeleine (2000). « L’âge des jeunes : un fait social instable », Lien social et politiques – RIAC, no 43, printemps, 23-32.
- Houde, Renée (1999). Les temps de la vie. Le développement psychosocial de l’adulte selon la perspective du cycle de vie, Boucherville, Gaëtan Morin Éditeur, 449 pages.
- Jetté, Christian, Lévesque, Benoît, Mager, Lucie et Yves Vaillancourt (2000). Économie sociale et transformation de l’État-providence dans le domaine de la santé et du bien-être : une recension des écrits (1990-2000), Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 202 pages.
- Langlois, Simon (2000). « Tendances de la société québécoise. Une révolution sociale et culturelle », dans Côté, Roch (sous la direction de), Québec 2001, Montréal, Éditions Fides, 125-202.
- Singly (de), François (2000). « Penser autrement la jeunesse », Lien social et politiques – RIAC, no 43, printemps, 9-21.
- Statistique Canada (2000). Le Canada en statistiques, www.statcan.ca/start_f.html
- Vaillancourt, Yves (1988). L’évolution des politiques sociales au Québec (1940-1960), Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 513 pages.