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Même si, dans la littérature, on associe souvent le deuil au phénomène de perte, les auteurs s'en tiennent au traitement des réactions de chagrin à la suite d'un décès. C'est là le grand mérite de l'ouvrage. Elles enseignent dans une école professionnelle qui forme des intervenantes dans le champ du social et traitent ici de l'expérience du deuil et de la relation d'aide auprès des personnes endeuillées, que ce soit auprès d'individus ou de collectivités.
Par son respect de la pédagogie (mise en perspective de l'approche théorique, mise en situation des données recueillies, tableaux, modèles et bibliographies), en plus de décrire les bases théoriques d'une façon claire et bien structurée, cet ouvrage sur le deuil laisse aux lecteurs le loisir de se pencher sur leur propre questionnement.
Les étudiantes et les intervenantes (professionnelles, bénévoles ou aidantes naturelles) y trouveront des balises et des orientations quant à leurs démarches, au regard de l'importance du sujet et de l'urgence d'explorer les pistes de réflexions plus ou moins restées dans l'ombre. Les autres y trouveront des points d'ancrage et de solidarité quand la vie les place en situation de deuil. Dans ce domaine, personne n'y échappe !
Les deux premiers chapitres portent sur les concepts théoriques et l'évolution de leur influence sur les recherches sur ce sujet.
Lorsqu'on parle de réactions de deuil [dira d'abord Monique Séguin], on fait référence à un processus qui assure trois fonctions : [...] une fonction d'expression sociale des réactions de chagrin à la suite d'une perte, [...] une fonction d'adaptation qui sert à gérer le stress induit par la mort. [...] une fonction de transformation des rôles sociaux, à la suite d'un décès. (p. 17)
Ensuite, Alain Lesage et Margaret Kiely se joignent à elle pour apporter une contribution aux modèles de crise, de transition et de contexte social déjà étudiés, qui consiste en un modèle de vulnérabilité. Celui-ci repose sur la reconnaissance du rôle de la résilience dans le processus du deuil, c'est-à-dire la capacité qu'a l'individu de réagir d'une façon personnelle devant l'adversité (p. 37). Les chapitres subséquents nous amènent directement aux essais de résolution du deuil. C'est ainsi que les variables prédictives que constituent les différences individuelles, les circonstances du décès et les éléments extérieurs qui se produisent à cette occasion baliseront les études rapportées et les réponses données aux questions qu'elles suscitent. C'est à travers les expériences de deuil chez les veuves qu'une grande part des renseignements ont été obtenus. Cela permet d'extrapoler et de s'approprier un modèle du processus de deuil qui sera emprunté par la suite, pour l'observation et l'étude d'autres formes d'endeuillement. D'ailleurs, la diversité des formes d'endeuillement, rapportée par les tentatives de typologie, constitue un aspect fort important de l'étude, car cela permet de relever des formes moins documentées.
Ainsi en est-il des chapitres 6 et 7 qui apportent une contribution à la connaissance des deuils complexes. Sous l'angle des réactions physiques et psychologiques des endeuillés et sous celui des occasions de morts variées, les auteurs parlent du déni, de la recherche du sens, des sentiments de culpabilité, de la honte, de la stigmatisation, du suicide et d'homicide-suicide, de violence, de périnatalité, de fausse couche, de désastres collectifs, etc.
Certains types de décès pourront susciter des deuils plus ou moins intenses, individuellement et collectivement. Pourtant, les morts ont toujours une mère... et la souffrance des endeuillés est universelle. Ces chapitres informent et font réfléchir ; ils ouvrent des horizons.
C'est aux chapitres 4, 5 et 10 que Lucie Fréchette tentera d'abord de cerner la problématique des enfants devant la mort et les deuils vécus par les enfants ; quelles sont leurs représentations, leur compréhension de la mort et leurs réactions à l'occasion d'un deuil ? Après une revue des recherches dont elle fait un bref survol, l'auteur conclut à la page 78 :
Il nous semble qu'au delà de ce que nous apprennent les recherches précédentes sur ce que les enfants connaissent de la mort, il faudrait explorer comment ces autres variables (sexe, religion, expériences de la mort, contexte économique et socioculturel) viennent colorer l'interprétation de ce que font les enfants de ce concept de mort.
Puis, dans une optique de relation d'aide et avec un souci pédagogique, elle donne des suggestions qui facilitent les échanges entre les endeuillés et outillent autant les enfants que les adultes. À ce titre, le chapitre 10, en son entier, rejoint les tableaux, les schémas, les modèles et les bibliographies qui étayent l'ouvrage.
Aux chapitres 8 et 9, on aborde l'intervention elle-même auprès des endeuillés : le soutien communautaire d'abord puis l'aide individuelle. « Se laisser approcher par une souffrance et la comprendre génère finalement un mouvement d'altruisme qui dicte aux individus, aux institutions et à la communauté un réflexe d'intervention. » C'est l'avenue de la relation d'aide, comme le mentionnent les auteures en introduction (p. 14). Une relation d'aide qu'elles balisent à partir de la recherche et de l'expérience clinique.
Cette relation d'aide, organisée par la famille, les associations et la communauté, prend diverses formes : leparrainage, les groupes de soutien et les groupes d'entraide. Par exemple, les groupes de soutien font appel à un plus grand nombre de professionnels et s'adressent davantage à des cas de soutien individuels. Bien entendu, toutes les personnes endeuillées n'ont pas besoin de recourir à l'aide professionnelle. Cependant, la reconnaissance de la dimension communautaire du deuil (la communauté perd en effet un de ses membres) a incité, cette même communauté, à travers ses organismes et par des sessions d'études, à contribuer à la structuration du savoir et des processus pour oeuvrer auprès des endeuillés.
Le neuvième chapitre est consacré à l'aide individuelle lors du travail de deuil. Puisque le contexte des événements diffère dans leur contexte et que les individus sont uniques, l'intervention cherchera à orienter l'endeuillé vers l'acceptation à court terme et la maturation personnelle par la suite. Certaines techniques, adaptées aux deux parties en relation d'aide sont alors présentées : la relation de confiance à établir, l'exploration des événements entourant le décès ainsi que la relation préexistante entre la personne décédée et l'endeuillé, sa vulnérabilité, etc.
Enfin, à la page 31 de l'ouvrage, on soutient que les réactions de deuil varient d'une culture à l'autre parce qu'elles sont fondées sur des valeurs culturelles et basées sur l'acceptabilité sociale de la souffrance, de l'agressivité, des sentiments de vulnérabilité ainsi que sur un sens du tragique propre à chacune des sociétés.
Or, les bibliographies proposées au bénéfice des lecteurs à la fin de chaque chapitre comportent très peu de titres provenant de notre société ou, du moins, en français. Il serait donc souhaitable que des études portant sur ce sujet soient réalisées auprès des populations d'ici afin que les intervenants puissent puiser, dans notre culture, les outils nécessaires pour oeuvrer dans un domaine qui y est si intimement lié. On aurait pu en outre souhaiter que cet ouvrage soit plus homogène afin d'obvier aux effets de répétition propres aux ouvrages écrits en collaboration ou composés d'articles séparés.
Le deuil, tout en constituant un phénomène universel qui renvoie à l'intimité de l'individu, se vit dans une communauté ayant des valeurs et des croyances communes. Ses expressions évoluent avec les sociétés et, tels les prismes à travers lesquels les humains s'expriment, le bonheur, par exemple, il est difficilement saisissable en tant qu'objet d'étude. Aussi peut-on se réjouir de la publication de cet ouvrage qui situe bien la problématique du deuil, fournit de précieuses informations et analyses, ouvre nos esprits à de nombreuses questions. Enfin, il permet à tous et chacun d'accéder à une part du sacré dans le temps et l'espace de l'histoire humaine, en commençant par la nôtre.