Je témoignerai de l'accompagnement à domicile de mon épouse Colette, décédée des suites d'un cancer. Mon propos vise donc à illustrer par une situation bien concrète le défi de l'accompagnement quotidien à domicile d'une personne chère appelée à mourir. C'est une histoire d'amour qui finit mal (puisque Colette est décédée le 20 février 1999) mais aussi qui finit bien puisque nous nous sommes aimés jusqu'à la fin. Il s'agira d'abord et avant tout d'un témoignage personnel. En outre, j'ai derrière moi le vécu de l'accompagnement de mon frère Gaëtan, décédé en 1995, lui aussi, des suites d'un cancer. Et même, bien qu'à un moindre degré, l'accompagnement de mon père décédé des suites d'une longue maladie en 1993. Colette, qui avait été affectée d'un cancer du sein en avril 1995, se retrouve en mai 1998 aux prises avec une récidive du cancer. Lors de rencontres avec notre médecin de famille et l'hématologue, nous apprenons que le cancer s'est répandu à un poumon, au foie et dans les ganglions de l'abdomen. Le foie est déjà très atteint et la lutte s'avère difficile. Les chances de faire régresser le cancer du foie de façon significative sont plutôt minces. Dès le départ, nous faisons face à une réalité terrible : la mort possible de Colette. Nous sommes en état de choc. Voilà ! Et nous avons essayé de vivre cela ensemble plutôt que de le subir ! Dans cette perspective, Colette propose à notre fille, Marie-Ève (âgée de 21 ans), de venir passer l'été à la maison. Vers la fin du mois de juillet, le constat est fait : la chimiothérapie se révèle inefficace. La guérison n'est pas au rendez-vous. En attendant, des ressources ont été engagées pour améliorer la qualité de vie de Colette et la nôtre : une infirmière à domicile, Louana, une femme de ménage, Régine, et un psychologue, Jean, viennent épauler notre médecin Jean-Denis, qui visite régulièrement Colette. Comme l'infirmière, on peut facilement le rejoindre par téléavertisseur ; il retourne les appels dans la demi-heure qui suit. De plus, il téléphone régulièrement pour suivre la situation. L'hématologue, Raynald Simard, va aussi nous accompagner régulièrement pour soulager Colette, toujours incommodée par son ventre qui a enflé compte tenu des limites de son foie. De fait, dix ponctions réalisées entre le 28 juillet et le 23 décembre vont s'avérer utiles pour soulager Colette d'une quinzaine de livres de liquide. Toutefois, ce ne sera qu'un répit de quatre ou cinq jours, car son foie dysfonctionnel va encore produire un liquide nommé l'ascite. Ce sera tout de même un répit pour Colette. À ce moment, soit autour du 6 août, l'hématologue nous laisse entendre qu'avec l'arrêt de la chimiothérapie il reste à Colette un mois ou deux à vivre. Moi, d'abord, mais aussi notre fille, Marie-Ève, qui vient passer l'été pour prendre soin de sa mère. Très bonne combinaison où chacun y va de sa spécialité. Marie-Ève assume la préparation des repas, les achats de vêtements ou de vaisselle. Je prends en charge les approvisionnements, la gestion de la maison, les contacts avec le personnel soignant, la médication, l'accompagnement à l'hôpital, les soins en général. À l'automne, la vie reprend son cours. Marie-Ève continue ses études d'un commun accord entre nous. Toutefois, elle appelle tous les soirs et revient toutes les deux fins de semaines. Et moi, je reprends le travail mais au ralenti pour me permettre d'accompagner Colette. Je peux compter sur la complicité de Nicole et de Sylvie, mes collaboratrices immédiates au module d'intervention sociale, comme sur celle de mes collègues et des étudiantes. La chimie relationnelle sera moins facile qu'avec Marie-Ève. …
L'accompagnement à domicile d'une personne mourante : une pratique sociale en émergence[Record]
…more information
Denis Plamondon
Université du Québec à Chicoutimi