Le phénomène des sans domicile fixe constitue un problème social dans plusieurspays développés à travers le monde. L'ampleur du phénomène varie selon les pays, lespolitiques sociales, les systèmes de service social, la désinstitutionnalisation, lelogement, l'économie, les valeurs, etc. (Toro et Rojanski, 1990). Les politiques jouent unrôle primordial dans la construction de ce problème. En effet, l'analyse macrosociologiquede l'itinérance fait ressortir l'effet structurant des politiques, tant dans la constructiondu problème, la nature et la configuration des services que dans les modes de gestion de ceproblème social (CRI, 1997). Non seulement ce phénomène s'observe-t-il à l'échelle internationale mais, plusencore, il traverse l'histoire. En effet, l'histoire témoigne de la présence du« vagabond », qui « véhicule toutes les menaces et tous les dangers qui viennent d'ailleurset de nulle part » (Castel, 1989 : 20). On assiste donc, historiquement, à l'exclusion despauvres, des mendiants et des vagabonds, perceptible dans les stéréotypes, les stigmates oules traitements répressifs (Castel, 1995). Notamment, au xviiie siècle, le traitement du vagabondage illustre comment on espère, parcertaines mesures répressives, avoir « un effet dissuasif sur une masse plus grande de gens.Ce traitement à la marge d'un problème général est caractéristique de ces politiquessociales » (Castel, 1995 : 20). Dans cet article, nous nous intéressons plus particulièrement aux influences de lapolitique sur la définition et la construction du phénomène de l'itinérance, de même qu'àson impact sur les services offerts aux personnes itinérantes. En premier lieu, nousconsidérons la définition politique de l'itinérance et identifions certains enjeux. Ensuite,nous regardons succinctement l'effet structurant des politiques sociales sur la constructiondu phénomène. Puis, nous analysons plus en profondeur l'intervention de type case management (« suivi communautaire », Vallée,Courtemanche et Boyer 1998 : 50, ou « gestion de cas », Gélinas, 1998 : 8), en touchantsuccessivement à ses caractéristiques et à ses limites. Finalement, nous terminons enrelevant les aspects politiques et juridiques du phénomène. Définir l'itinérance n'est pas chose aisée. La définition d'un phénomène social,comme l'itinérance, est tributaire de multiples enjeux politiques ou autres (Bauhmohl,1996). En outre, la définition d'un phénomène affecte l'évaluation de l'ampleur du problème,les ressources affectées à ce problème et les différentes juridictions dont il relève(Laberge etal., 1995). Qui plus est, la construction d'unproblème social peut relever de certains groupes d'intérêts et d'experts qui définissent leproblème (Langlois, 1994). Dans cette section, après avoir examiné les définitionsopérationnelle et politique de l'itinérance, nous explorerons les enjeux sous-jacents. Tout d'abord, il n'existe pas de « définition opérationnelle reconnue » del'itinérance (MSSS, 1992 : 52), faisant l'objet d'un consensus : Malgré l'absence de définition opérationnelle, il existe deux descriptions trèsprécises de l'itinérance, que l'on pourrait qualifier de « définitions politiques ». Lapremière « définition », issue de la Politique de la santé etdu bien-être (1992), distingue trois types d'itinérants, selon la durée del'itinérance et le statut résidentiel : Par ailleurs, il existe une seconde définition de l'itinérance, qui semble fairel'objet d'un consensus (Laberge et al., 1995).Cette définition a été proposée par un groupe d'intervenants du milieu communautaire etadoptée lors d'une assemblée à l'hôtel de ville de Montréal, en 1987, et reprise par diversmilieux politiques ou autres : Ces deux descriptions ou définitions « politiques » de l'itinérance laissentpercevoir divers enjeux. En premier lieu, la définition du MSSS (1992) pourrait affecterdirectement l'évaluation de l'ampleur du problème. En effet, en se basant sur des critèresreliés à la « durée et la fréquence de la situation » et à une durée d'itinérance supérieureà 12 mois, le MSSS estime que « les itinérants chroniques ne représentent que 10 à 15 % dela population itinérante » (MSSS, 1992 : 52). Dans cette optique, le nombre d'itinérantspasserait de 10 000 …
Appendices
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