Il y a déjà des acquis. On peut en donner des exemples. Dans le secteur des garderies, par exemple, la CSN a développé une ligne stratégique pour protéger à tout prix le caractère populaire et communautaire de la gestion des services en garderie. Cette orientation va dans le sens contraire de celle adoptée pour les CLSC au début des années 1970. À l'époque, le mouvement syndical, incluant la CSN, avait favorisé l'institutionnalisation des cliniques communautaires. À mon avis, il s'agit d'une bataille que l'on aurait pu mener autrement. On peut alors se demander quelle est la responsabilité de l'État. L'État doit se charger de la politique publique et encadrer le financement. Toutefois, la gestion et l'organisation concrète du service ne doivent pas obligatoirement et toujours se faire sous le mode bureaucratique et fonctionnarisé. Il existe des modèles alternatifs qui, dans certains secteurs d'activité, sont plus efficaces. Ils sont plus perméables à la sollicitation des nouveaux besoins et plus souples pour leur trouver une réponse adéquate, car au centre de cette gestion on retrouve les usagers (ceux qui formulent la demande) et les travailleurs (ceux qui livrent la réponse). J'estime que la ligne stratégique adoptée dans le secteur des garderies a amené l'État à assumer ses responsabilités afin de définir une véritable politique familiale et de dégager le financement nécessaire à son déploiement. Cette ligne stratégique syndicale a aussi permis la pleine reconnaissance salariale du travail en garderie. C'est grâce au mouvement syndical, et plus particulièrement à la CSN, que l'on a pu innover dans la constitution d'une véritable politique publique qui repose sur un mode de fonctionnement autre que la bureaucratie dans le domaine des garderies. Dans le secteur des garderies, l'objet de la négociation regroupée ou centralisée est très limité. Il s'agit principalement des salaires, des bénéfices marginaux et des exigences de formation. Tout ce qui concerne l'organisation du service ne fait pas partie des négociations regroupées. Cette situation est différente de celle qui prévalait dans le réseau de la santé et des services sociaux au début des années 1970. À l'époque, c'est l'ensemble des questions qui ont été centralisées, y compris les négociations concernant l'organisation des services et l'organisation du travail. En ce qui a trait aux garderies, la situation s'avère assez différente. Je pense que la pratique démocratique dans les garderies est à ce point développée qu'elle permet de procéder à un certain regroupement d'éléments de négociation sans perdre quoi que ce soit du fonctionnement original des garderies. Il s'agit notamment des questions d'équité : une travailleuse en garderie à Montréal devrait avoir la même reconnaissance qu'une travailleuse en garderie à Saint-Isidore. Bien sûr, on doit demeurer vigilant par rapport aux dangers de bureaucratisation dans ce secteur d'activité. En effet, si l'État favorise la démocratie lorsqu'elle sert ses propres objectifs, il apprécie moins que les gens s'organisent et demeurent maîtres de leur destin. Pour d'autres catégories de travailleurs, pour les auxiliaires familiales de CLSC par exemple, le contenu des conventions collectives a toujours fait l'objet d'une négociation centralisée et il s'agit maintenant d'un processus quasi permanent. En sera-t-il toujours ainsi ? Peut-être pas. Chose certaine, y compris dans le cadre actuel de la négociation centralisée, il faut procéder à des clarifications, car les auxiliaires familiales ne peuvent pas supporter indéfiniment la menace de leur propre disparition. Je crois qu'il faut qu'il soit précisé que leur contribution est requise lorsque, dans un plan intégré d'interventions professionnelles, du travail à domicile est prévu. Sur la question de la décentralisation des négociations, il importe de distinguer deux éléments. Tout ce qui a trait à l'équité entre les salariés et les …
Le syndicalisme du secteur public à l'aube d'une ère nouvelle ?Entrevue avec Gérald Larose[Record]
…more information
Denis Bourque
Chef de l'administration du programme des services courants à la communauté
CLSC Jean-Olivier-ChénierChristian Jetté
Professionnel de recherche au Laboratoire de recherche sur les pratiques et les politiques sociales (LAREPPS)
Université du Québec à Montréalen collaboration avec
Anne-Marie Gaillard
Étudiante au baccalauréat en travail social
Université du Québec à Montréal
C'est le 15 mars 1999 que Gérald Larose annonçait son intention de quitter la présidence de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), poste qu'il occupait depuis presque 16 ans. C'est en toute sérénité et avec confiance, disait-il aux représentants des médias lors de la conférence de presse, qu'il a pris cette décision, confiant de pouvoir compter sur une relève aguerrie au sein de son organisation et convaincu d'avoir complété un cycle dans le processus de développement social et économique du Québec.
Son élection au poste de président de la CSN, en 1984, faisait suite à une longue expérience de militant amorcée au début des années 1960 dans le mouvement étudiant. Gérald Larose fut alors directement impliqué dans la mise sur pied des associations fédératives étudiantes issues des collèges classiques. Il fut l'un des artisans de la mise sur pied de la Fédération des associations générales des étudiants des collèges classiques (FAGECC). Le regroupement de ces structures permit ensuite l'émergence de l'Union générale des étudiants du Québec. C'est donc dans une période d'effervescence du mouvement étudiant, une époque dynamique où les étudiants participaient à la fois aux débats et à l'action à l'intérieur du mouvement social et syndical que Gérald Larose a fait ses premières armes et milité à l'intérieur des organisations.
Son engagement s'est poursuivi au cours de ses études universitaires. Le contexte avait cependant changé. Le mouvement étudiant vivait, à ce moment-là, une crise importante qui a connu son dénouement dans la déstructuration des associations étudiantes. Selon Gérald Larose, le résultat de ces actions, auxquelles il a lui même participé, constitue « une erreur historique ». Il faut dire qu'à l'époque les actions du mouvement étudiant convergeaient avec les principes mis de l'avant par le courant marxiste, « où l'on discréditait de façon systématique tout ce qui pouvait contrecarrer, soi-disant, la spontanéité des masses [et] les élans révolutionnaires que pouvaient porter les individus et les petits groupes ».
Par ailleurs, Gérald Larose souligne qu'il a toujours été en lien avec le mouvement populaire par son travail dans les organisations du quartier Hochelaga-Maisonneuve et Rosemont où il s'est notamment occupé de la question des droits des locataires. C'est à ce moment qu'il s'est rapproché du mouvement syndical par le biais du conseil central de la CSN de Montréal qui était alors fortement impliqué dans le développement de l'association des locataires. Cette époque coïncide également avec le développement de la Fédération des associations des coopératives d'économie familiale (FACEF).
En 1974, Gérald Larose fut embauché comme organisateur communautaire au CLSC Hochelaga-Maisonneuve. Ce fut pour lui l'occasion de s'impliquer de manière plus formelle à l'intérieur de son syndicat. Au milieu des années 1970, on le retrouve au conseil central de Montréal, d'abord comme vice-président à l'information puis comme président en 1979. Il fut d'ailleurs libéré par son employeur (ce qui est encore le cas aujourd'hui) afin de pouvoir assumer cette tâche à temps plein. En 1982, Gérald Larose devient le premier vice-président de la CSN. L'année suivante, il assume l'intérim de la présidence de la CSN jusqu'au congrès de 1984 où il est élu président.
De sa longue expérience de militantisme, il dit avoir gardé à la fois des sympathies pour le mouvement étudiant (il répond encore régulièrement aux diverses invitations d'associations ou de fédérations étudiantes), mais également des complicités avec le mouvement populaire.
Il mentionne, à cet égard, que la CSN, par son histoire et sa culture, a toujours entretenu des liens avec le mouvement populaire. C'est d'ailleurs dans cette optique que Gérald Larose a formulé un projet permettant de créer une coalition des mouvements populaire et syndical. Cette coalition a pris la forme d'une grande solidarité populaire (Solidarité Populaire Québec). Gérald Larose souligne que la CSN a toujours encouragé l'émergence de ce type de rapprochements et « malgré des rapports qui peuvent parfois être plus distants, plus difficiles, la trame de fond demeure une convergence et une complicité avec le mouvement populaire ».
Gérald Larose est actuellement professeur invité au Département de travail social de l'Université du Québec à Montréal. Il est également coprésident du Chantier sur la société équitable (pour l'équité intergénérationnelle) et, à ce titre, il compte participer au Sommet québécois sur la jeunesse prévu pour le printemps de l'an 2000.