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De la levure et des hommesYeast haploinsufficiency to understand drug mechanisms[Record]

  • Claude Jacq

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  • Claude Jacq
    École Normale Supérieure,
    LGM CNRS UMR 8541,
    45, rue d’Ulm, 75005 Paris,
    France.
    jacq@biologie.ens.fr

L’apport de la levure à la condition humaine date au moins de l’utilisation du pain et du vin ; toutefois, depuis une dizaine d’années, avec la connaissance complète du génome de la levure Saccharomyces cerevisisae, la levure a une importance essentielle dans le développement des techniques et des connaissances postgénomiques. Avec ses quelque 6 000 gènes, cet eucaryote unicellulaire facilement manipulable sert de modèle pour l’étude du fonctionnement d’un génome eucaryote dont la complexité de fonctionnement nous intrigue encore. La publication des travaux de P.Y. Lum et al. [1] nous offre une de ces utilisations élégantes de cet organisme modèle pour résoudre des questions touchant directement à la santé humaine. Nous pensons tous que la médecine va devenir de plus en plus « intelligente », et que, en particulier, nous connaîtrons précisément le mode d’action des médicaments que nous utilisons. La route est toutefois longue et tortueuse car la cellule n’offre pas une réponse simple à la présence d’un produit chimique nouveau dans son environnement ; l’approche de P.Y. Lum et al. a l’avantage de proposer une stratégie efficace pour déterminer quels gènes, et donc quelles protéines, interagissent avec un produit chimique exogène. Bien sûr, la question n’est pas nouvelle et, en ce qui concerne l’aspect in vivo, des approches génétiques conduites depuis des décennies chez la levure ont déjà apporté certaines informations. Toute-fois, l’intérêt de ce travail est de montrer comment l’utilisation in-telligente des données génomiques peut permettre de répondre à cette question de façon tellement efficace que 78 composés différents, couvrant une large gamme des chimiothérapies actuellement en usage, ont pu être étudiés. Les auteurs ont exploité l’observation préalable selon laquelle une cellule hétérozygote - l’un des allèles correspondant à la destruction d’un gène important pour la réponse cellulaire au produit chimique étudié - croît moins vite qu’une cellule sauvage lorsqu’elle est exposée à ce nouvel environnement chimique [2]. Les auteurs ont ensuite mis au point des conditions de croissance permettant d’établir un différentiel de croissance entre les deux types de souches : présence ou absence d’un allèle impliqué dans la réponse au composé étudié. Cette sélection par la croissance (fitness) permet donc de trier les souches, donc les gènes, sensibles au composé étudié. Pour ce travail, plus de 3 500 souches ont été construites, et dans chacune, un gène différent était détruit (knock-out). Cette destruction du gène a été réalisée de telle façon que l’introduction d’une étiquette y était couplée, permettant ensuite de caractériser rapidement chacune des cicatrices correspondant, dans le génome, à l’absence du gène. En effet, ce tri naturel lié à la différence de vitesse de croissance doit être associé à un moyen efficace pour quantifier, dans le mélange des 3 500 souches, chacun des allèles impliqué. Pour cela, chaque souche portant une délétion d’un gène porte en plus une séquence spécifique, sorte de « code-barre » qui permettra, après amplification et marquage des séquences par PCR, de quantifier chaque allèle en utilisant des puces à ADN. Ainsi, après avoir laissé s’écouler le temps nécessaire à la production de 20 générations en présence d’un composé chimique, la population peut être quantitativement analysée et les gènes cibles de ce composé identifiés. Certains résultats déjà connus, en particulier par des approches génétiques, ont été confirmés et beaucoup d’observations nouvelles ont été acquises. Ainsi, par exemple, cette approche a permis de montrer que le 5-fluoro-uracile (5-FU), un composé utilisé dans le traitement des tumeurs solides, agissait sur sept gènes qui codent pour des éléments de l’exosome et contrôlent la maturation des ARN ribosomiques. Cette observation renforce l’idée que le rôle antiprolifératif …

Appendices