Mémoires du livre
Studies in Book Culture
Volume 7, Number 2, Spring 2016 Générations et régénérations du livre The Generation and Regeneration of Books Guest-edited by Eli MacLaren and Josée Vincent
Le numéro a été dirigé en collaboration avec Joanie Grenier
Table of contents (16 articles)
Articles
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Thinking Through the History of the Book
Leslie Howsam
AbstractEN:
An impressive body of meticulous scholarship in the history of the book has led scholars to reject outmoded models of revolutionary change and technological determinism, and instead to explore themes of evolution and organic change. Similarly, the old unitary and Eurocentric book history is being supplanted by a series of parallel narratives where the focus is on human adaptation of new technologies to newly felt needs and fresh marketing opportunities. The article suggests that the study of book history is a way of thinking about how people have given material form to knowledge and stories. It highlights some particularly ambitious recent arguments, and emphasizes research, theory and pedagogy as the means to a wider understanding. Rather than being an academic discipline, book history is identified as an “interdiscipline,” an intellectual space where scholars practicing different disciplinary approaches and methodologies address the same capacious conceptual category.
FR:
S’appuyant sur des travaux de recherche en histoire du livre à la fois nombreux et très fouillés, les chercheurs en sont venus à rejeter les anciens modèles axés sur le changement révolutionnaire et le déterminisme technologique pour explorer plutôt les thèmes de l’évolution et de la transformation organique. De la même manière, l’ancien récit d’une histoire du livre unitaire et eurocentriste cède la place à quantité de récits parallèles de l’adaptation, par l’humain, des nouvelles technologies aux besoins émergents et aux nouvelles occasions d’affaires. Cet article pose que l’étude de l’histoire du livre se prête en fait à une réflexion quant à la façon dont on confère une forme matérielle au savoir et aux histoires. Il fait état de propositions récentes particulièrement prometteuses et identifie la recherche, la théorie et la pédagogie en tant que vecteurs d’une compréhension plus vaste. Non plus abordée comme une discipline universitaire, l’histoire du livre est vue comme une « interdiscipline », un espace intellectuel au sein duquel des chercheurs préconisant des approches disciplinaires diverses se penchent sur une même et vaste catégorie conceptuelle.
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Réfléchir par l’histoire du livre
Leslie Howsam
AbstractFR:
S’appuyant sur des travaux de recherche en histoire du livre à la fois nombreux et très fouillés, les chercheurs en sont venus à rejeter les anciens modèles axés sur le changement révolutionnaire et le déterminisme technologique pour explorer plutôt les thèmes de l’évolution et de la transformation organique. De la même manière, l’ancien récit d’une histoire du livre unitaire et eurocentriste cède la place à quantité de récits parallèles de l’adaptation, par l’humain, des nouvelles technologies aux besoins émergents et aux nouvelles occasions d’affaires. Cet article pose que l’étude de l’histoire du livre se prête en fait à une réflexion quant à la façon dont on confère une forme matérielle au savoir et aux histoires. Il fait état de propositions récentes particulièrement prometteuses et identifie la recherche, la théorie et la pédagogie en tant que vecteurs d’une compréhension plus vaste. Non plus abordée comme une discipline universitaire, l’histoire du livre est vue comme une « interdiscipline », un espace intellectuel au sein duquel des chercheurs préconisant des approches disciplinaires diverses se penchent sur une même et vaste catégorie conceptuelle.
EN:
An impressive body of meticulous scholarship in the history of the book has led scholars to reject outmoded models of revolutionary change and technological determinism, and instead to explore themes of evolution and organic change. Similarly, the old unitary and Eurocentric book history is being supplanted by a series of parallel narratives where the focus is on human adaptation of new technologies to newly felt needs and fresh marketing opportunities. The article suggests that the study of book history is a way of thinking about how people have given material form to knowledge and stories. It highlights some particularly ambitious recent arguments, and emphasizes research, theory and pedagogy as the means to a wider understanding. Rather than being an academic discipline, book history is identified as an “interdiscipline,” an intellectual space where scholars practicing different disciplinary approaches and methodologies address the same capacious conceptual category.
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Les imaginaires du livre et de la vie littéraire. Un projet historique, sociologique et sociocritique
Anthony Glinoer
AbstractFR:
Qu’est-ce que les fictions de la vie littéraire ont à nous apprendre sur le livre, l’édition, la lecture et sur les acteurs qui animent toute la chaîne du livre? Fruits des représentations que se font les écrivains du milieu où ils évoluent, les romans qui mettent en scène la vie littéraire possèdent un savoir réflexif particulier sur l’univers du livre. C’est à ce corpus étonnamment vaste des romans de la vie littéraire du xixe au xxie siècle que le Gremlin (Groupe de recherche sur les médiations littéraires et les institutions) a dédié l’essentiel de ses recherches. La publication d’ouvrages collectifs et de numéros de revue (Fictions du champ littéraire et Bohème sans frontière en 2010, « Le livre dans le livre » en 2011, Imaginaires de la vie littéraire en 2012, Romans à clés en 2014) s’est ajoutée à la publication en ligne des bibliographies des romans français et québécois de la vie littéraire et d’une vaste base de données contenant des fiches détaillées de plus de 80 romans (voir le site legremlin.org). Son intense activité de rassemblement de matériel brut et d’articles d’analyse (une centaine) a permis au Gremlin de cartographier le territoire de la vie littéraire fictionnelle en France. C’est quelques-uns de ces périmètres (la transmission de l’objet-livre, la mise en abyme du processus créateur à même la fiction, les formes de sociabilité comme les salons et les cénacles comme lieux de rencontre des acteurs fictifs principaux de la vie littéraire) que cet article s’attachera à dessiner. À titre d’exemple, je me pencherai plus longuement sur les figurations de l’éditeur dans le roman français. Autrefois presque invisibles dans les romans de la vie littéraire français, les personnages d’éditeurs abondent désormais : partant du roman qui a façonné durablement l’image fictionnelle de l’éditeur, Illusions perdues de Balzac (1839), je remonterai jusqu’à l’époque contemporaine pour étudier (chez Échenoz, Pennac, Robbe-Grillet, Christine Angot, etc.) les figurations de l’éditeur : ses traits physiques, ses lieux de sociabilité, sa fonction sociale et sa parole. Je montrerai que, contrairement à ce qui était de mise jusque dans les années 1970, cette dernière est souvent élevée à l’échelon de la parole de l’écrivain fictif pour exprimer la résistance à la marchandisation de la production littéraire.
EN:
What can works of fiction about the literary life teach us about books, publishing, reading, and about the people who animate the communications circuit? As representations of the writer’s own milieu, novels that portray the literary life possess a particular reflexive knowledge about the universe of the book. It is to this astonishingly vast corpus from the nineteenth to the twenty-first century that the GREMLIN (Groupe de recherche sur les médiations littéraires et les institutions) has dedicated the core of its work. The publication of essay collections and special journal issues (Fictions du champ littéraire et Bohème sans frontière in 2010, “Le livre dans le livre” in 2011, Imaginaires de la vie littéraire in 2012, Romans à clés in 2014) has joined the online publication of bibliographies of French and Québécois novels about the literary life and of a vast database containing detailed records of more than 80 novels (see legremlin.org). Its intense collecting of raw material and analytical articles (about a hundred) has allowed the GREMLIN to map the territory of fictional literary life in France. This paper will endeavour to sketch some of the perimeters (the transmission of the book object, the mise en abyme of the creative process in the fiction itself, and forms of sociability such as salons as sites of encounter among principal fictive actors in the literary life). By way of example, I will examine at length the configuration of the publisher in the French novel. Once almost invisible in French novels of the literary life, characters of publishers later abound. Beginning with the novel that fashioned the lasting fictional image of the publisher, Balzac’s Illusion perdues (1839), I move into the contemporary moment to study (in the case of Échenoz, Pennac, Robbe-Grillet, Christine Angot, etc.) the representation of the publisher – his/her physical traits, places of sociability, social function, and speech. I will show that, contrary to what was usual even into the 1970s, the discourse of the publisher is now often elevated to the level of that of the fictive writer to express resistance to the commercialization of literary production.
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Book and Literary-Life Imaginaries: A Historical, Sociological and Socio-Critical Project
Anthony Glinoer
AbstractEN:
What can works of fiction about the literary life teach us about books, publishing, reading, and about the people who animate the communications circuit? As representations of the writer’s own milieu, novels that portray the literary life possess a particular reflexive knowledge about the universe of the book. It is to this astonishingly vast corpus from the nineteenth to the twenty-first century that the GREMLIN (Groupe de recherche sur les médiations littéraires et les institutions) has dedicated the core of its work. The publication of essay collections and special journal issues (Fictions du champ littéraire et Bohème sans frontière in 2010, “Le livre dans le livre” in 2011, Imaginaires de la vie littéraire in 2012, Romans à clés in 2014) has joined the online publication of bibliographies of French and Québécois novels about the literary life and of a vast database containing detailed records of more than 80 novels (see legremlin.org). Its intense collecting of raw material and analytical articles (about a hundred) has allowed the GREMLIN to map the territory of fictional literary life in France. This paper will endeavour to sketch some of the perimeters (the transmission of the book object, the mise en abyme of the creative process in the fiction itself, and forms of sociability such as salons as sites of encounter among principal fictive actors in the literary life). By way of example, I will examine at length the configuration of the publisher in the French novel. Once almost invisible in French novels of the literary life, characters of publishers later abound. Beginning with the novel that fashioned the lasting fictional image of the publisher, Balzac’s Illusion perdues (1839), I move into the contemporary moment to study (in the case of Échenoz, Pennac, Robbe-Grillet, Christine Angot, etc.) the representation of the publisher – his/her physical traits, places of sociability, social function, and speech. I will show that, contrary to what was usual even into the 1970s, the discourse of the publisher is now often elevated to the level of that of the fictive writer to express resistance to the commercialization of literary production.
FR:
Qu’est-ce que les fictions de la vie littéraire ont à nous apprendre sur le livre, l’édition, la lecture et sur les acteurs qui animent toute la chaîne du livre? Fruits des représentations que se font les écrivains du milieu où ils évoluent, les romans qui mettent en scène la vie littéraire possèdent un savoir réflexif particulier sur l’univers du livre. C’est à ce corpus étonnamment vaste des romans de la vie littéraire du xixe au xxie siècle que le Gremlin (Groupe de recherche sur les médiations littéraires et les institutions) a dédié l’essentiel de ses recherches. La publication d’ouvrages collectifs et de numéros de revue (Fictions du champ littéraire et Bohème sans frontière en 2010, « Le livre dans le livre » en 2011, Imaginaires de la vie littéraire en 2012, Romans à clés en 2014) s’est ajoutée à la publication en ligne des bibliographies des romans français et québécois de la vie littéraire et d’une vaste base de données contenant des fiches détaillées de plus de 80 romans (voir le site legremlin.org). Son intense activité de rassemblement de matériel brut et d’articles d’analyse (une centaine) a permis au Gremlin de cartographier le territoire de la vie littéraire fictionnelle en France. C’est quelques-uns de ces périmètres (la transmission de l’objet-livre, la mise en abyme du processus créateur à même la fiction, les formes de sociabilité comme les salons et les cénacles comme lieux de rencontre des acteurs fictifs principaux de la vie littéraire) que cet article s’attachera à dessiner. À titre d’exemple, je me pencherai plus longuement sur les figurations de l’éditeur dans le roman français. Autrefois presque invisibles dans les romans de la vie littéraire français, les personnages d’éditeurs abondent désormais : partant du roman qui a façonné durablement l’image fictionnelle de l’éditeur, Illusions perdues de Balzac (1839), je remonterai jusqu’à l’époque contemporaine pour étudier (chez Échenoz, Pennac, Robbe-Grillet, Christine Angot, etc.) les figurations de l’éditeur : ses traits physiques, ses lieux de sociabilité, sa fonction sociale et sa parole. Je montrerai que, contrairement à ce qui était de mise jusque dans les années 1970, cette dernière est souvent élevée à l’échelon de la parole de l’écrivain fictif pour exprimer la résistance à la marchandisation de la production littéraire.
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The Demand for Literature in France, 1769–1789, and the Launching of a Digital Archive
Robert Darnton
AbstractEN:
What did the French read on the eve of the Revolution? Daniel Mornet asked this question in a famous article of 1910. Since then, historians have moved on to other ways of understanding the origins of 1789, but Mornet’s question has been left hanging, despite its relevance to recent work in fields such as the history of books and cultural history in general. This essay is intended to provide an answer to Mornet’s question while at the same time introducing an open-access website full of information about the demand for literature and the way the book trade actually operated under the Ancien Régime.
FR:
Que lisaient les Français à l’aube de la Révolution? Voilà la question que posait Daniel Mornet en 1910 dans un article devenu célèbre. Depuis, les historiens ont tenté d’aborder sous divers angles les causes des événements de 1789. La question de Mornet, elle, demeure en suspens, en dépit de sa pertinence eu égard à de récents travaux de recherche dans diverses disciplines, dont l’histoire du livre et l’histoire culturelle en général. Dans le présent article, j’entends donner réponse à la question de Mornet tout en présentant un site Web en libre accès où l’on trouve quantité de renseignements à propos du fonctionnement du commerce du livre et de la demande d’oeuvres littéraires sous l’Ancien Régime.
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La demande de livres en France (1769-1789) et le lancement d’une archive numérique
Robert Darnton
AbstractFR:
Que lisaient les Français à l’aube de la Révolution? Voilà la question que posait Daniel Mornet en 1910 dans un article devenu célèbre. Depuis, les historiens ont tenté d’aborder sous divers angles les causes des événements de 1789. La question de Mornet, elle, demeure en suspens, en dépit de sa pertinence eu égard à de récents travaux de recherche dans diverses disciplines, dont l’histoire du livre et l’histoire culturelle en général. Dans le présent article, j’entends donner réponse à la question de Mornet tout en présentant un site Web en libre accès où l’on trouve quantité de renseignements à propos du fonctionnement du commerce du livre et de la demande d’oeuvres littéraires sous l’Ancien Régime.
EN:
What did the French read on the eve of the Revolution? Daniel Mornet asked this question in a famous article of 1910. Since then, historians have moved on to other ways of understanding the origins of 1789, but Mornet’s question has been left hanging, despite its relevance to recent work in fields such as the history of books and cultural history in general. This essay is intended to provide an answer to Mornet’s question while at the same time introducing an open-access website full of information about the demand for literature and the way the book trade actually operated under the Ancien Régime.
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Histoires nationales et histoire internationale du livre et de l’édition
Jean-Yves Mollier
AbstractFR:
Dans cet article, je reviens sur la naissance de l’Histoire de l’édition française (4 volumes publiés en 1982-1986) et sur la commande passée par un éditeur, Jean-Pierre Vivet, à Henri-Jean Martin, spécialiste de l’histoire du livre, qui recruta ensuite Roger Chartier pour répondre avec lui au défi intellectuel posé par cette proposition. Contingent par conséquent, relevant de ce que l’on appelle une « commande » éditoriale, ce projet allait cependant marquer l’ensemble de la communauté scientifique internationale et déboucher sur de multiples écritures « nationales » d’histoires du livre, de l’édition et de la lecture dans le monde. Aux deux derniers congrès du Comité international des sciences historiques de Sydney en 2005, et Amsterdam en 2010, la question d’une écriture nationale ou transnationale du livre a été posée et elle l’a été de nouveau à Jinan en août 2015, preuve de l’existence d’un véritable débat sur l’orientation fondamentale qui doit être la nôtre en histoire du livre. En examinant les résultats de ces congrès et en prenant en compte les congrès régionaux et internationaux de SHARP qui ont abordé ces thématiques dans les années 2000-2010, notamment les congrès de Rio de Janeiro et de Monterey, il est possible de montrer comment la perspective internationale a modifié les perspectives passées et réorienté la discipline vers une approche davantage transculturelle, difficile à mettre en oeuvre mais prometteuse pour l’avenir. À sa manière, ce changement de cap, ou de paradigme, s’inscrit dans une perspective d’histoire globale qui remet en cause les frontières et leur pertinence pour comprendre les phénomènes de transferts culturels.
EN:
In this article, I go back to the birth of the Histoire de l’édition française (4 vol., 1982–1986) and to the directive given by the publisher, Jean-Pierre Vivet to Henri-Jean Martin, a specialist in the history of the book, who then recruited Roger Chartier to help him respond to this intellectual challenge. Thus contingent on, and stemming from what one would call an in-house editorial “command,” this project would, nevertheless, go on to leave its mark on the entire international scholarly community, leading to multiple “national” texts throughout the world on histories of books, publishing, and reading. That the question of writing a national or a transnational history of the book was posed at the two last congresses of the International Committee of Historical Sciences (ICHS), in Sydney (2005) and in Amsterdam (2010), and again at Jinan in August 2015 testifies to the existence of a genuine debate over the fundamental orientation that we as book historians should adopt. By examining the results of these congresses, and by taking note of the SHARP regional and international conferences that have tackled these themes from 2000 to 2010 (notably the conferences in Rio de Janeiro and Monterey), this paper will attempt to show how the international perspective has modified past perspectives and reoriented the discipline towards a more transcultural approach, difficult to implement but promising for the future. In its own way, this change of course or of paradigm is part of a perspective of global history that questions borders and their pertinence in order to understand the phenomena of cultural transfer.
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National Histories of the Book in a Transnational Age
Martyn Lyons
AbstractEN:
In the 1990s and 2000s, national histories of the book achieved a double milestone: firstly, they marked the coming to maturity of the subdiscipline of the history of the book itself, especially in English-speaking countries; at the same time they established landmarks in the cultural history of their own countries. My presentation will discuss the fate and the impact of national book histories from the point of view of the History of the Book in Australia, which I coedited and to which I contributed several chapters.
Two historiographical events have challenged the agenda of national book histories. The ‘transnational turn’ has thrown into question the fundamental framework which governed their conception and production. To a lesser extent, the growth of the digital humanities also makes a radical departure from the ‘traditional’ research methods of the 1990s. My presentation will assess the legacy of the History of the Book in Australia so far, and ask whether national book history has any role to play in the age of transnational approaches. I will suggest in answer to my own question that there remains a place at the table for all three levels—transnational, national and also micro-histories of the book.
FR:
Les années 1990 et 2000 auront constitué des moments charnières pour les histoires du livre nationales : en premier lieu, ces deux décennies ont vu l’arrivée à maturité de la sous-discipline que constitue l’histoire du livre elle-même, surtout dans les pays anglophones; en second lieu, les histoires du livre nationales ont posé durant cette période des jalons de l’histoire culturelle de leurs pays respectifs. Dans le présent article, j’aborde le cheminement et les répercussions des histoires du livre nationales à partir de l’exemple de History of the Book in Australia, ouvrage que j’ai codirigé et dont j’ai écrit plusieurs des chapitres.
Deux phénomènes historiographiques sont venus mettre en cause la posture adoptée par les histoires du livre nationales. Le « virage transnational », d’abord, a remis en question le cadre fondamental qui régissait leur conception et leur réalisation. Dans une moindre mesure, l’essor des humanités numériques a quant à lui changé radicalement les méthodes de recherche « traditionnelles » des années 1990. Je retrace les retombées qu’a eues History of the Book in Australia, pour ensuite poser la question du rôle éventuel d’une histoire nationale du livre à l’ère des approches transnationales. Je soutiens en fait qu’il y a toujours de la place tant pour les histoires nationales et transnationales que pour ce qu’on pourrait appeler les micro-histoires du livre.
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History of the Book in Canada: The View from Here
Carole Gerson
AbstractEN:
National book history projects are both informative and provocative: informative for the resources they assemble and the knowledge they promote, and provocative for their omissions and limitations. The History of the Book in Canada/Histoire du livre et de l’imprimé au Canada (3 vols 2004-2007) provided a remarkable opportunity for a large community of researchers across the country to investigate myriad aspects of Canada’s print culture in an increasingly multicultural population. Their focal points included authorship, publishing, distribution, and reading. The project established a baseline for subsequent studies in areas that were revealed to be under-researched and it continues to inspire new scholarly investigations. Working in both official languages, HBiC/HLIC’s editorial team forged a model for bilingual scholarly dissemination, a format that is surprisingly rare in the humanities in Canada. At the national level, its three volumes and many offshoots have enriched Canadians’ knowledge about themselves; at the international level, the project has established the presence of a relatively small country within the realm of global book history. As international book history scholars become increasingly conscious of the need to situate their investigations within trans-national contexts, we invite them to consider Canada’s stories and examples.
FR:
Les projets de recherche portant sur une histoire du livre nationale sont à la fois informatifs et provocateurs : informatifs quant aux données qu’ils rassemblent et aux savoirs qu’ils diffusent, et provocateurs quant aux omissions et aux limites qui leur sont inhérentes. Le projet History of the Book in Canada/Histoire du livre et de l’imprimé au Canada (3 vol., 2004-2007) a constitué une occasion remarquable pour un grand nombre de chercheurs de partout au pays de se pencher sur quantité d’aspects de la culture de l’imprimé dans un contexte de plus en plus multiculturel. Ils se sont intéressés à la notion d’auteur, à l’édition, à la distribution et au lectorat. De plus, le projet a posé les bases d’études subséquentes portant sur des sujets qui se sont révélés sous-exploités et continue d’inspirer de nouveaux travaux. L’équipe de direction de HBiC/HLIC, qui travaillait dans les deux langues officielles, a instauré un modèle de diffusion bilingue des travaux de recherche, chose étonnamment rare dans le domaine des humanités au pays. Sur le plan national, les trois volumes publiés, ainsi que les nombreuses études auxquelles ils ont donné lieu, ont également enrichi la connaissance qu’ont les Canadiens de ce qu’ils sont. Sur le plan international, le projet a permis à un pays relativement modeste du point de vue de l’histoire mondiale du livre d’affirmer sa présence. Les historiens du livre étant de plus en plus conscients du fait qu’il leur faut situer leurs travaux dans des contextes transnationaux, nous les invitons à s’inspirer de ce qui s’est fait en la matière au Canada.
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Internationalité du marché du livre, le cas du Québec
Jacques Michon
AbstractFR:
Abordée pour la première fois dans la diversité de ses manifestations linguistiques et culturelles, l’histoire du livre au Canada tel que conçu dans le grand projet réalisé entre 2000 et 2007 a mis en évidence les facteurs transnationaux qui ont contribué à la façonner. Situé à la croisée de trois grandes zones d’influence politique et culturelle, française, britannique et américaine, le marché canadien du livre est caractérisé par une internationalité dont l’impact sur la production locale a été déterminant. Quinze ans après la publication des actes du colloque de Sherbrooke sur Les mutations du livre et de l’édition dans le monde du xviiie siècle à l’an 2000 / Worldwide Changes in Book Publishing from the 18th Century to the Year 2000, et moins de dix ans après la publication du dernier volume de l’Histoire du livre et de l’imprimé au Canada (HLIC), la tendance à privilégier la double approche nationale et extranationale s’est confirmée. La perspective centrée sur les facteurs internes et externes ressort clairement des travaux récents de jeunes historiens du livre, notamment au Québec. Signés par plusieurs anciens membres de l’équipe de rédaction de l’HLIC, ces ouvrages ont permis de développer la réflexion sur les dimensions transnationales du marché du livre au Canada.
EN:
Broached for the first time in all its linguistic and cultural diversity, the history of the book in Canada, such as it was conceived in the major project that ran from 2000 to 2007, brought to the fore the transnational factors that have helped shape it. The Canadian book market is situated at the intersection of three great zones of political and cultural influence – French, British, and American. It is thus characterized by an internationality that has had a determining impact on local production. Fifteen years since the publication of the proceedings of the Sherbrooke Conference, Les mutations du livre et de l’édition dans le monde du XVIIIe siècle à l’an 2000 / Worldwide Changes in Book Publishing from the 18th Century to the Year 2000, and fewer than ten years since the publication of the last volume of History of the Book in Canada (HBiC), the tendency to privilege the double approach (national and extranational) has been confirmed. Recent works by younger book historians especially in Quebec clearly demonstrate the approach centred on elucidating both internal and external factors. Authored by several former members of the HBiC research team, these works have enabled further reflection on the transnational dimensions of the Canadian book market.
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Looking Backward to the Future
Michael Winship
AbstractEN:
A key moment in the emergence of the history of the book as an independent discipline occurred in summer 1980, when the participants at the international conference “Books and Society in History” in Boston gathered to issue a manifesto defining the field and calling for institutional funding to support research. Thirty-five years on, my essay draws on my experience as an editor of and contributor to the A History of the Book in America series to explore how that History came to be shaped by discussions during a series of editorial board meetings during the 1990s. I conclude by suggesting a few ways that scholars and historians might now build on those foundations for future directions in their work in book history.
FR:
L’été 1980 marque un tournant dans l’émergence de l’histoire du livre en tant que discipline distincte. Des participants au congrès international « Books and Society in History », tenu à Boston, signent alors un manifeste qui définit ce champ d’étude et réclame un financement institutionnel de la recherche. Quelque 35 ans plus tard, et à partir de mon expérience comme collaborateur et directeur de publication de A History of the Book in America, je veux explorer la manière dont cette histoire du livre aux États-Unis s’est façonnée au fil de discussions ayant animé les rencontres du comité de rédaction durant les années 1990. Je tenterai également de proposer des avenues que pourraient vouloir emprunter chercheurs et historiens du livre actuels dans la foulée du projet A History of the Book in America.
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Les périodiques gais au Québec : évolution et transformations d’une presse au service d’une communauté
Nicholas Giguère
AbstractFR:
Au Québec, 144 périodiques gais, tous types confondus, ont vu le jour depuis 1971. De quelles façons la presse gaie s’est-elle transformée et comment s’est-elle adaptée aux besoins de la communauté gaie? Dans cet article, l’auteur analyse les changements relatifs aux conditions de production et de diffusion, à la matérialité et au contenu des périodiques gais au Québec, tout en insistant plus particulièrement sur trois cas : Le Tiers (1971-1972), Gai(e)s du Québec (1977-1979) et RG (1984-2012). Par l’examen des sommaires et des éditoriaux, il mettra en évidence les liens que ces publications entretiennent avec l’histoire de la communauté gaie.
EN:
In Quebec, 144 gay periodicals have been founded since 1971, all types taken together. What are the changes that have affected the gay press and how has the gay press adapted to the needs of the gay community? This article analyses the transformations related to the conditions for production and diffusion, but also to the materiality and the content of gay periodicals in the province. More precisely, it focuses on three periodicals: Le Tiers (1971-1972), Gai(e)s du Québec (1977-1979) and RG (1984-2012). Through an analysis of summaries and editorials from these periodicals, this article sheds light on the links that these publications have with the history of the gay community.
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De la voix au papier. Stratégies de légitimation despublications de mythes oraux des Premières Nations au Québec
Marie-Hélène Jeannotte
AbstractFR:
Le passage de l’oralité à l’écriture fait disparaître les caractéristiques inhérentes à l’oralité. Mais plus encore qu’un simple changement de canal (de la voix à l’imprimé), la publication de récits de la tradition orale implique une métamorphose de tout l’acte de communication. Elle fait en outre surgir des problèmes éthiques liés à l’appropriation culturelle. Les auteurs et les éditeurs qui choisissent de publier les récits oraux autochtones doivent adopter des pratiques propres à légitimer leur démarche. Quelles stratégies, auctoriales ou éditoriales, emploient les acteurs du livre pour justifier les changements de destinataires, de destinateurs, de code et même, souvent, du message lui-même? Par quel processus un auteur, un éditeur, s’octroie-il ou se voit-il octroyer le capital culturel nécessaire à valider le rôle de passeur qu’il se donne? Mon analyse s’attarde à trois cas de figure : un essai ethnologique (La forêt vive, de Rémi Savard, Boréal, 2004); une adaptation littéraire (Anish-Nah-Bé, de Bernard Assiniwi, Leméac, 1971); et une publication issue d’une communauté autochtone (La femme venue du ciel, de Louis-Karl Picard-Sioui, Hannenorak, 2011).
EN:
The transition from native orature to written literature erases the inherent characteristics of orality. More than a change in medium (from voice to print), publishing oral stories implies a transformation of the entire communication act. Moreover, in the case of stories coming from the oral tradition of the First Nations in Canada, this form of publication gives rise to important ethical issues related to cultural appropriation. The authors and publishers who choose to publish indigenous oral stories have to adopt appropriate practices in order to legitimize their initiative. What strategies do publishers and authors use to justify changes in terms of receivers, senders, codes, medium and, frequently, the message itself? My analysis focuses on three case studies: an ethnological essay by Rémi Savard, La forêt vive (Boréal, 2004); a literary adaptation by Bernard Assiniwi, Anish-Nah-Bé (Leméac, 1971); and an indigenous community publication, La femme venue du ciel, by Louis-Karl Picard-Sioui (Hannenorak, 2011).
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Anon is Not Dead: Towards a History of Anonymous Authorship in Early-Twentieth-Century Britain
Emily Kopley
AbstractEN:
In 1940, Virginia Woolf blamed the printing press for killing the oral tradition that had promoted authorial anonymity: “Anon is dead,” she pronounced. Scholarship on the printed word has abundantly recognized that, far from being dead, Anon remained very much alive in Britain through the end of the nineteenth century. Even in the twentieth century, Anon lived on, among particular groups and particular genres, yet little scholarship has addressed this endurance. Here, after defining anonymity and sketching its history in the late nineteenth and early twentieth century, I offer three findings. First, women had less need for anonymity as they gained civil protections elsewhere, but anonymity still appealed to writers made vulnerable by their marginalized identities or risky views. Second, in the early twentieth century the genre most likely to go unsigned was autobiography, in all its forms. Third, on rare occasions, which I enumerate, strict anonymity achieves what pseudonymity cannot. I conclude by suggesting that among British modernist authors, the decline of practiced anonymity stimulated desired anonymity and the prizing of anonymity as an aesthetic ideal.
FR:
En 1940, Virginia Woolf écrivait « Anon est mort », et attribuait la disparition de l’anonymat de l’auteur qu’avait favorisé la tradition orale à l’apparition de l’imprimerie. La recherche portant sur l’oeuvre imprimée indique au contraire qu’Anon était encore bien vivant en Angleterre à la fin du xixe siècle. On le retrouve même au xxe siècle, chez certains groupes ou dans certains genres littéraires. Or cette persistance n’a fait l’objet que de peu d’études. Après avoir défini le concept d’anonymat et évoqué la manière dont il se déployait à la fin du xixe siècle et au début du xxe, j’aborderai trois constats que mes travaux m’ont permis de faire. Premièrement, les femmes ont moins recours à l’anonymat dès lors que leur statut juridique s’améliore dans d’autres sphères; l’anonymat reste néanmoins courant parmi les auteurs juridiquement vulnérables du fait de leur appartenance à un groupe marginalisé ou de leurs opinions transgressives. Deuxièmement, au début du xxe siècle, le genre pour lequel l’usage de l’anonymat est le plus répandu est l’autobiographie, quelle que soit sa forme. Troisièmement, en de rares circonstances, que j’énumérerai, l’usage de l’anonymat permet plus que celui d’un pseudonyme. Enfin, je suggérerai que le déclin de l’usage de l’anonymat a suscité le désir d'être anonyme chez les auteurs modernes britanniques, et l'idéalisation esthétique de l'anonymat en littérature.