En Flandre, il existe de nombreux monuments édifiés en tant que lieu de mémoire commémorant la perte d’hommes au combat ou encore la victoire de batailles et de guerres appartenant au passé. Dans le cadre de cet article, une attention toute particulière sera portée à la ville de Dixmude (Diksmuide), reconnue pour les sanglants combats de la Première Guerre mondiale qui y eurent lieu, mais aussi pour héberger le site de la Tour de l’Yser (Ijzertoren) et être l’hôte du pèlerinage sur les tombes des anciens combattants. Plus qu’un lieu de mémoire et un aménagement mortuaire, la Tour de l’Yser est le point culminant d’un pèlerinage annuel (Ijzerbedevaart) visant à commémorer les sacrifices et à perpétuer les idéaux des soldats flamands morts au front lors de la Première Guerre mondiale. On y célèbre fidèlement depuis 1920 une eucharistie, mais des discours rappelant les valeurs des frontistes, souvent à teneur nationalistes, y sont aussi devenus la norme au fil des ans. Bien que cet endroit se veuille au départ essentiellement flamand, la reconstruction de la nouvelle Tour qui se termina dans les années 1960, attira l’attention au-delà de cette région. Il s’agit aujourd’hui en effet du plus grand mémorial dédié à la paix en Europe, de même que son pèlerinage est reconnu comme étant l’une des plus grandes manifestations de la paix renouvelées annuellement. Depuis 1998 d’ailleurs, l’ONU reconnait ce monument comme « Centre international de la paix ». C’est ainsi qu’en hébergeant les aménagements de la Tour, de la crypte et de la porte de la paix (PAX), en plus d’être l’hôte du pèlerinage annuel, il semble possible d’affirmer que la ville de Dixmude est marquée par la communion entre morts et vivants, ainsi que par la volonté de perpétuer un dialogue entre ces deux entités, et ce, depuis bientôt un centenaire. Dans cette perspective, il parait important d’explorer en quoi cette combinaison spécifique du funéraire et de la commémoration d’idéaux au sein de monuments et de célébrations pourrait affecter le paysage culturel de la ville de Dixmude. Afin de saisir l’imbrication particulière entre le passé et le présent au sein de ce lieu, il sera d’abord question de présenter les idéaux des soldats du front de l’Yser et le contexte historique dans lequel ils émergèrent. Ensuite, à la lumière d’une revue des écrits concernant les aménagements mortuaires, la mémoire et les lieux de mémoire, je rendrai compte des raisons de l’aménagement de ce site tout en tentant de comprendre comment et pourquoi cette tradition du pèlerinage est renouvelée annuellement depuis bientôt 100 ans. Cet article se terminera en amenant un éclaircissement sur la spécificité que peut engendrer cette combinaison du funéraire et de la commémoration en un site sur le paysage culturel de la ville de Dixmude, ville d’aujourd’hui 16 000 habitants, située en Flandre-Occidentale à une vingtaine de kilomètres des côtes de la mer du Nord. Au fil des siècles, le territoire constituant aujourd’hui la Belgique fut convoité et occupé par la plupart des grandes puissances européennes pour ses ports d’envergures. Malgré ces nombreuses perturbations, les citoyens de ces terres auront toujours su garder une certaine autonomie et liberté face à leurs occupants. Par contre, une fois sous le joug du roi Guillaume d’Orange des Pays-Bas en 1815, le tempérament des Belges fut mis à rude épreuve. L’imposition par ce nouveau monarque d’une langue et d’une confession religieuse étrangère aux Belges mena, en 1830, à la Révolution belge. L’année suivante, le Royaume de Belgique vit le jour. Ce pays désiré des Flamands, Wallons, bourgeois et nobles, se voulait être le pays des Belges. Il ne paraissait …
Le cas de la Tour de l’Yser en FlandreMémoire, monuments commémoratifs et aménagement urbain[Record]
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Dave Poitras
Université de Montréal