Abstracts
Résumé
L’article propose une approche sociocritique du comique dans le théâtre contemporain à travers l’examen de trois figures de la folie – politique et sociale – présentes dans un corpus de pièces écrites en Europe depuis une quinzaine d’années, et dessinant les contours d’un théâtre des fous à l’usage de notre temps. Ces trois figures, le « bouffon », le « zombie » et l’« idiot », mettent en lumière des problématiques différentes de la société occidentale contemporaine. Le bouffon, et plus particulièrement l’« ubuesque », est la figure du grand écart entre le pouvoir et l’indignité de celui qui l’exerce ; il renvoie aux inquiétudes européennes relatives à la fragilité de la démocratie. Le zombie est relié à la société de consommation : il est le vivant déjà mort parce que mortellement aliéné à la marchandise, et dont la vie a perdu consistance, authenticité et subjectivité. L’idiot, enfin, par son inadaptation foncière au monde et son improbable naïveté, entretient un commerce minimal avec les représentations dominantes et, par cela même, semble le seul « fou » du théâtre contemporain à savoir encore manifester de la puissance de vie.
Abstract
This article focuses on three – politically and socially – mad characters who have prevailed in a body of European writings over the last 15 years, and who have been sketching a theater of madness for our times. In the process, this article presents a socio-critical approach to the comedic elements of contemporary theater. The three characters at issue are the “jester”, the “zombie” and the “simpleton”, each shining a light on a different set of challenges in today’s Western societies. The jester, more particularly the Ubuesque one, represents the chasm between power and the indignity of those wielding it, echoing European worries about the fragility of democracy. As the walking dead who gave his insubstantial, fake and subjective life to the lure of consumer goods, the zombie evokes consumerism. Lastly, the simpleton’s improbable ingenuousness and his inherent inability to adapt to his surroundings restrict to a minimum his interaction with figures of power, thereby making him the only “madman” in contemporary theater to have retained an ability to express a life force.
Appendices
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