Abstracts
Résumé
L’article classique de Georg Lukàcs sur Illusions perdues (1935) a fixé l’image d’un critique littéraire « exploité prostitué » par force de la marchandisation capitaliste de la littérature. Lukàcs reconnaît par là l’appartenance du critique à la chaîne de production du livre et donc son rôle de médiateur de l’oeuvre littéraire. Mais il méconnaît une partie essentielle de la relation critique telle qu’elle apparaît autour de 1830 : les louanges se donnent aussi souvent qu’elles se vendent, soit dans l’espoir plus ou moins conscient d’un échange de bons procédés entre écrivains-journalistes, soit par esprit de « camaraderie littéraire ». Cet article se penche sur l’ambivalence, à l’époque romantique, des représentations du critique littéraire, que l’on voit verser tantôt du côté de la vénalité, tantôt du côté du don de soi et de son texte.
Abstract
Georg Lukàcs’ classic utterance on Lost Illusions (1935) forever cast literary critics as “prostitutes exploited” by the capitalist merchandising of literature. In so doing, and while acknowledging both the critic’s place in the production cycle of books and his role as mediator of a given literary oeuvre, Lukàcs nonetheless failed to grasp a key component of a critic’s role in the 1830s. Back then, laudatory comments were freely bestowed just as easily as they could be bought, whether as an expression of literary camaraderie or as part of a more or less implied exchange of favours between journalist-writers. This article will look at the romantic era’s ambivalence in the depiction of literary critics, sometimes venal, sometimes selfless.
Appendices
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