Abstracts
Résumé
Un modèle d’analyse de programmes d’éducation au vivre-ensemble a été développé par Bouchard, Desruisseaux et Daniel (2013) pour la francophonie du nord (France, Belgique et Québec), puis validé par l’étude d’un cas contraste par la langue (Angleterre). Ce modèle comprend trois composantes majeures ou « simples » (Formation personnelle (FP), Éducation à l’autre (EA), Éducation à la société (ES)) et quatre composantes secondaires ou « maillées » (FP/EA, FP/ES, EA/ES, FP/EA/ES). La recherche dont rend compte le présent article montre sa pertinence pour étudier aussi des programmes de la francophonie du sud, appelant toutefois à enrichir le modèle par l’affinement de ses composantes. L’analyse des programmes d’éducation civique et morale au Burkina Faso, en effet, propose une éducation éthique où le rapport entre la personne de l’élève (FP) et le cadre commun propre à la société burkinabé (ES) est prédominant.
Mots-clés :
- éducation éthique,
- éducation civique et morale,
- Burkina Faso,
- francophonie,
- programmes
Abstract
An analysis model for educational programs for living-together has been developed by Bouchard, Desruisseaux and Daniel (2013) for northern francophone countries (France, Belgium and Quebec), then validated by the study of a language contrast case (England). This model includes three major or “simple” components: -Personal or self-Training (PT), Education to the other (EO), Education to the society (ES)- and four secondary or “combined” components (PT/EO, PT/ES, EO/ES, PT/OE/ES). The research from which this article derives shows the relevance of this model for studying educational programs in francophone countries of the southern hemisphere as well; yet, it calls for enriching the model through the refinement of its components. Indeed, the analysis of civic and moral educational programs in Burkina Faso suggests an ethics education where the relationship between the individual pupil (PT) and the common framework of the Burkinabe society is predominant.
Keywords:
- ethics education,
- civic and moral education,
- Burkina Faso,
- Francophonie,
- programmes
Article body
Introduction
Pour tracer les portraits et les tendances des programmes scolaires (dont une éducation au vivre-ensemble est attendue), et ce, sous l’angle de l’éthique, un modèle d’analyse a été développé par Bouchard et ses collaborateurs. Élaboré à partir d’un corpus de programmes de la francophonie du nord (notamment ceux de la France, de la Belgique et du Québec) et de documents d’orientations officiels les présentant, ce modèle permet de tracer les portraits de l’éducation éthique à partir de l’analyse des orientations majeures desdits programmes. Ces portraits ont notamment permis de mettre en évidence des distinctions majeures entre les programmes d’éducation éthique de différents contextes[2], de même que les incohérences et/ou les complémentarités des orientations à l’intérieur d’un même programme (Bouchard et al., 2016; Daniel, M.‑F et al., 2013; Gendron et al., 2013; Desruisseaux et al., 2013). Ce modèle a ensuite fait l’objet d’une première validation à l’occasion de l’analyse d’un cas contraste par la langue (Bouchard, 2020).
Toutefois, ce modèle d’analyse développé à partir d’un corpus de la francophonie du nord peut-il être pertinent pour tracer des portraits de l’éducation éthique relevant de programmes développés dans la francophonie du sud? L’analyse de programmes dans la francophonie du sud vient-elle valider, invalider, modifier ou enrichir le modèle? Telles sont les questions qui nous ont motivées à étendre la recherche à la francophonie du sud, plus spécifiquement, au Burkina Faso.
Dans cet article, après la problématique et le contexte de la recherche, nous présenterons le modèle d’analyse de l’éducation éthique, la méthodologie, les résultats et la discussion des résultats obtenus.
1. Problématique
De nos jours, une sensibilité accrue des chercheurs quant aux particularités des contextes sur lesquels ils investiguent est scientifiquement et éthiquement requise. Cela est d’autant plus important lorsqu’il est question de l’Afrique, vu l’éducation coloniale subie. Pour le dire avec Pourtier (2010), l'africanisation de la recherche en éducation et de l’enseignement est requise ‒ étant donné les différences entre les pays du nord et ceux du sud ‒ et a été initiée depuis les années 1960. Les valeurs partagées sur le plan social diffèrent et s’ajoutent aux différences sur le plan économique. Il est ainsi essentiel, dans le cadre de cette étude, de tenir compte des spécificités des contextes. Ces spécificités influencent les valeurs et les orientations à privilégier en matière d’éducation éthique.
En ce sens, nous faisons nôtres les propos de Ki‑Zerbo sur l’importance « de donner à l’enseignement sa vocation de catalyseur des valeurs nationales africaines qui pour n’être pas exprimées de la même façon qu’en Europe ou ailleurs, n’en existent pas moins » (Ki‑Zerbo, 1961, p. 46). L’Afrique ambitionne ainsi depuis des décennies de se réapproprier l’éducation de ses enfants pour l’imprégner de ses valeurs nationales africaines au lieu d’enseigner celles venues du nord ou d’ailleurs; il importe que la recherche ne la ramène pas à l’époque coloniale.
En conséquence, comprendre les programmes scolaires du Burkina Faso nécessite préalablement qu’on ait une idée de son histoire sur le plan éducationnel. En voici donc un aperçu.
L’éducation au Burkina Faso a connu cinq réformes majeures depuis son indépendance en 1960. Aujourd’hui, l’éducation se déploie sous quatre formes : formelle, non formelle, informelle et spécialisée[3]. L’éducation formelle se compose de l’éducation de base (qui comprend l’éducation préscolaire, l’enseignement primaire et l’enseignement post‑primaire), de l’enseignement secondaire, de l’enseignement supérieur et de l’enseignement technique et professionnel.
La dernière réforme au Burkina Faso, entamée depuis 2007, a mené à une restructuration de l’éducation formelle et inclut une relecture des curricula. Soulignons qu’en ce qui concerne l’enseignement de base, l’écriture des nouveaux programmes d’études a commencé en 2013, suite au Décret de 2007, et l’application de ces programmes n’est pas encore faite.
L’enseignement de base est obligatoire pour les enfants âgés de 6 à 16 ans. Cet enseignement comprend les six classes du primaire, soit les premières et deuxièmes années du cours préparatoire (CP1, CP2), du cours élémentaire (CE1, CE2) et du cours moyen (CM1, CM2). La nouvelle réforme éducative instaure un continuum éducatif qui rattache au primaire le premier cycle du secondaire. L’instauration du continuum s’explique par le souci d’améliorer la qualité de l’éducation que la réforme des programmes vise à concrétiser dans une approche pédagogique intégratrice (API), c’est-à-dire une approche intégrant l’approche par compétences (APC) et la pédagogie par objectifs (PPO). Cette nouvelle approche a servi à l’élaboration des nouveaux programmes pour les trois premières classes du primaire qui sont en expérimentation dans au moins six régions du Burkina Faso, alors que ceux des autres années n’ont pas encore été diffusés.
Ce sont les nouveaux programmes des trois premières classes du primaire, notamment ceux d’éducation civique et morale (ECM), qui ont été retenus pour notre recherche. Les programmes d’ECM de la deuxième année du cours élémentaire (CE2) et du cours moyen (CM) de 19891990, soit ceux en vigueur avant la réforme, seront également évoqués.
Le choix du Burkina Faso a été motivé par cette collaboration bien établie avec des chercheurs de ce pays[4] et par le fait que le curriculum scolaire comprend un cours d’éducation civique et morale obligatoire.
L’enseignement des valeurs nationales est particulièrement manifeste dans les orientations majeures de programmes comme l’éducation civique et morale. Ce sont justement ces orientations que nous analysons à l’aide du modèle d’analyse de l’éducation éthique. Nos objectifs se résument comme suit :
tracer les portraits de l’éducation éthique des programmes d’éducation civique et morale burkinabés pour le primaire à l’aide du modèle d’analyse en sept composantes tout en demeurant ouvertes aux particularités desdits programmes qui pourraient se présenter;
déterminer si le modèle peut être valide pour l’analyse de tels programmes de la francophonie du sud.
Il importe enfin de souligner que le modèle d’analyse de l’éducation éthique utilisé pour notre recherche n’est pas un modèle d’évaluation de programmes. Si tel était le cas, les résultats mèneraient à une hiérarchisation de la qualité des programmes étudiés et nous pourrions d’emblée le considérer comme éthiquement inadéquat. Il s’agit plutôt d’un modèle d’analyse, en l’occurrence, d’un modèle dont la fonction première est « d’élaborer des hypothèses explicatives à propos d’une réalité donnée, en vue de comprendre et d’expliquer cette réalité » (Roegiers, 1997, p. 61).
2. Modèle d’analyse de l’éducation éthique
Dans le modèle d’analyse de l’éducation éthique élaboré par Bouchard et al. (2013), les deux sens du terme « éthique » sont retenus : d’une part, celui de la référence à la morale (l’énoncé), soit les moeurs, les conduites, les règles, les valeurs et les normes, et d’autre part, celui du questionnement (de l’énonciation), soit la réflexion, la délibération, le débat et la recherche de fondements sur la morale.
Notons que l’expression « éducation éthique » est ici préférée à celle d’« éducation à l’éthique », car cette dernière nécessiterait de privilégier une définition explicite de l’éthique, c’est‑à‑dire de la considérer comme quelque chose « qui serait suffisamment défini pour constituer un élément [de] réel support à transmission […] l’éthique est plus une potentialité vers laquelle il s’agit de tendre qu’une entité que l’on pourrait circonscrire pour en faire un objet d’apprentissage défini » (Lorius, 2017, p. 61). Dans un programme, nous trouvons cette potentialité dans ses orientations majeures (les finalités, les visées, les buts, les objectifs et l’atteinte de compétences), qui révèlent les valeurs, les conduites, les normes à inculquer, à respecter, à développer, à s’approprier, à débattre, à contester, à en rechercher les fondements, etc.
Le modèle d’analyse se déploie en sept composantes (schéma 1). Il comprend trois composantes simples ‒ la Formation personnelle (FP), l’Éducation à l’autre (EA) et l’Éducation à la société (ES) ‒ et quatre composantes maillées (FP/EA, FP/ES, EA/ES, FP/EA/ES). Notons que la barre oblique « / » signifie ici « et », soit le rapport entre deux ou trois composantes simples du modèle.
L’éducation éthique dans la composante simple FP est centrée sur la personne de l’élève. Il s’agit d’une éducation éthique s’intéressant à la connaissance et au développement du soi, du sujet, à l’unicité de l’être en voie d’émancipation. Dans la composante simple EA, l’éducation éthique est plutôt centrée sur l’autre dans sa singularité, sur l’altérité et sur la connaissance de l’autre différent de soi. Enfin, dans la composante simple ES, cette éducation se focalise sur ce qui nous structure socialement, ce qui est affirmé comme étant commun à l’ensemble d’une société.
En ce qui concerne la composante maillée FP/EA, l’éducation éthique s’attarde au rapport entre soi et l’autre, ainsi qu’au développement des relations interpersonnelles. La composante maillée FP/ES se concentre sur le rapport entre la personne et les normes communes, sur ce qui structure socialement les rapports entre citoyens, alors que la composante maillée EA/ES met plutôt l’attention sur le rapport entre les groupes de la société civile et les normes communes. Quant à la composante maillée FP/EA/ES, elle s’attache aux rapports entre la personne, l’altérité et ce qui nous structure socialement.
3. Méthodologie
Pour l’analyse de programmes du Burkina Faso, nous avons utilisé l’analyse qualitative/interprétative (Savoie‑Zajc, 2007) et l’approche par cas multiples (Pires, 1999). Cette méthodologie d’analyse a été développée et validée à partir de programmes en vigueur dans les régions de la francophonie du nord, puis dans un cas contraste par la langue soit, l’anglais. Le Burkina Faso représente un autre cas contraste, en francophonie du sud. Notons ici que nous analysons les programmes d’études, car ils représentent la forme explicite et formelle du curriculum (Roegiers, 1997). L’approche par cas multiples (Pires, 1997) permet « le panorama le plus complet possible des problèmes ou situations, une vision d’ensemble ou encore un portrait global d’une question de recherche [ou d’un univers de travail] de manière à inclure la plus grande variété possible, indépendamment de leur fréquence statistique » (Pires, 1997, p. 64). Notre but est d’appliquer le principe de diversification externe jusqu’à l’atteinte d’une certaine saturation empirique, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’équipe de chercheurs estime de manière consensuelle que les derniers programmes n’ajoutent pas d’informations « suffisamment nouvelles ou différentes » (ibid., p. 67). Notons que nous appliquons le terme saturation aux composantes du modèle. Cette saturation avait été atteinte avec les cas initialement étudiés en francophonie du nord.
À l’instar des autres régions étudiées, nos critères de sélection des programmes du Burkina Faso à analyser sont : qu’ils visent entre autres à apprendre à vivre ensemble (par une indication dans le programme lui-même ou, en amont, par un document d’orientations officiel qui le précise); qu’ils soient issus des régions de la francophonie étudiées et qu’ils soient rédigés en français; qu’ils soient des programmes officiels en vigueur au moment de la recherche; qu’ils soient accessibles pour l’équipe de chercheures. Ces critères ont permis de faire en sorte que notre échantillonnage soit pertinent, balisé et accessible par rapport à la recherche (Savoie‑Zajc, 2007).
À l’intérieur de chacun des programmes d’ECM des trois premiers niveaux du primaire[5], nous avons identifié les orientations majeures prescrites, comme les visées, les finalités, les objectifs, les compétences. Travailler sur ces dernières est efficace et éclairant, car leurs orientations sont circonscrites et prescrites. Qui plus est, certaines ne se limitent pas à une seule année scolaire et peuvent s’étendre à plusieurs années (et même, dans certains cas, sur l’ensemble du parcours scolaire). Elles représentent aussi des visées éloignées à l’égard de la vie des jeunes et de la vie en société.
Chaque cursus ou curriculum au Burkina Faso comprend quatre champs disciplinaires : langues et communication; mathématiques, sciences et technologie; sciences humaines et sociales et EPS (Education Physique et Sportive); art, culture et production. L’ECM fait partie du champ disciplinaire « sciences humaines et sociales et EPS ». Chaque champ disciplinaire compte un objectif général (OG) qui se décline d’abord en plusieurs objectifs spécifiques (OS), puis en thèmes, sous lesquels se déploient à leur tour des objectifs d’apprentissage (OA).
Après avoir cerné les orientations majeures du programme de la première année du cours préparatoire (CP1), nous en avons fait un premier codage à l’aide des composantes du modèle. Nous sommes demeurées ouvertes à l’éventualité de ne pas pouvoir coder certains objectifs à l’intérieur des composantes du modèle, mais cette situation ne s’est pas présentée. Toutes les orientations ont pu être codées au moyen du modèle. Toutefois, le codage a révélé que les composantes devaient être affinées pour bien refléter le sens des orientations du programme. Cela était clairement le cas pour le codage impliquant la formation personnelle (FP) et l’éducation à la société (ES) (dont un exemple est présenté dans le point suivant). Par la suite, nous avons codé les orientations majeures des autres programmes pour le primaire afin de vérifier la pertinence de l’ajout de sous-composantes, et cela s’est confirmé. Nous avons donc étendu l’ajout de sous-composantes à toutes les composantes du modèle.
Pour tracer le portrait de l’éducation éthique de chacun des programmes, nous avons regroupé les objectifs d’apprentissage (OA) sous leur objectif spécifique (OS) afin de bien en comprendre le sens. Cela a permis d’effectuer un premier codage des objectifs d’apprentissage pour chaque objectif spécifique, de comparer le code de l’objectif spécifique avec ceux de ces différents objectifs d’apprentissage et de dresser le portrait de l’ECM par niveau d’étude. Concrètement, il s’agit de déterminer si l’énoncé d’un objectif d’apprentissage peut ou non être classé dans l’une des sept catégories du modèle de Bouchard et al. En guise d’exemple, prenons un énoncé du CP1 qui consiste à amener les élèves à « citer le matériel utilisé pour rendre propre [sic] la classe et la cour ». Si l’on considère uniquement cette section, on dira que cet objectif relève d’une éducation à la société parce que l’élève se contente de répéter ce que l’on veut qu’il apprenne et que cela a pour but d’influencer sa vie en société. Toutefois, on parlera de formation de la personne de l’élève si l’objectif est d’amener les élèves à acquérir une compétence comme « identifier une eau potable » et « prendre l’habitude de bien conserver l’eau potable » qui sont des objectifs d’apprentissage au CE1. Cet énoncé relève de la formation personnelle de l’élève parce qu’il contient beaucoup d’éléments qui l’aideront à faire cette identification et que cela ne peut pas venir d’une simple mémorisation. Des allers-retours entre le codage individuel et la validation à deux chercheures ont ainsi été effectués pour ensuite le soumettre à la troisième chercheure. Lorsqu’un codage n’était pas unanime, des discussions entre les chercheures avaient lieu jusqu’à l’obtention d’un consensus.
4. Résultats de la recherche à l’aide du modèle de Bouchard, Desruisseaux et Daniel
4.1 Un modèle enrichi de sous-composantes
Au fur et à mesure du travail de codage, nous avons constaté que des orientations majeures classées dans une même composante pouvaient être séparées en deux sous-groupes. En d’autres termes, les différentes catégories du modèle ne permettaient le codage des objectifs que si l’on associait deux à trois catégories. Cela s’est présenté surtout dans les composantes ES et FP/ES. À titre d’exemple, sous le thème des règles élémentaires de la sécurité routière, on trouve parmi les objectifs d’apprentissage : l’apprenant doit être capable de « donner la signification de chaque panneau » et de « prendr[e] l’habitude de respecter les panneaux de danger ». Or, si « donner la signification » implique uniquement la connaissance d’une norme commune et se classe dans la composante ES (éducation à la société/socialité), « prendre l’habitude » et « respecter » impliquent aussi l’action et la prise de conscience de la personne, même s’il y a une prédominance de l’éducation à la société (ES) sur la formation personnelle (FP). Cette compétence se classe donc dans la composante maillée FP/ES. Par ailleurs, dans la composante maillée FP/ES se trouvaient également classés des objectifs tels que « participer à l’élaboration du règlement intérieur de l’école », un objectif différent du précédent, mais qui inclut aussi les composantes FP et ES. Dans ce dernier cas cependant, nous remarquons une prédominance de la composante FP sur ES parce que l’action de la personne et sa formation personnelle à travers son implication dans l’élaboration du règlement sont priorisées.
Une question émerge alors : à l’intérieur d’une même composante maillée, sommes-nous en mesure de classer des objectifs présentant des rapports différents (par exemple un objectif où ES domine FP et un objectif où FP domine ES). Nous avons donc codé temporairement ES/fp (ES étant en lettres majuscules et fp en minuscules) ces objectifs pour exprimer le rapport d’influence de ES sur fp. Nous nous sommes rendu compte que l’ajout de sous-composantes dans les composantes maillées permettait de rendre justice au sens des orientations majeures du programme et était favorable à une analyse encore plus juste et fine des orientations d’un programme. Bref, ces résultats ont mené à un affinement des composantes du modèle.
Nous en sommes venues à modifier la représentation des composantes maillées par le symbole « + » ( au sens de « et »), soit FP+EA, FP+ES, EA+ES, FP+EA+ES, pour réserver l’usage du symbole « / » aux sous-composantes, en y ajoutant un ordre et l’utilisation des majuscules et des minuscules selon la prédominance de l’une sur l’autre. Cela a donné lieu à une version affinée des composantes maillées et enrichi le modèle d’analyse (schéma 2). La relecture des programmes et de notre codage des objectifs dans l’ensemble des programmes étudiés a permis de confirmer la pertinence de cette version enrichie du modèle, puisqu’elle en respectait le sens.
Ainsi, la composante maillée FP+ES représente l’union entre ces deux composantes simples, qui inclut les sous-composantes FP/es, ES/fp et ES/FP, lesquelles expriment des rapports différents entre la formation de la personne et l’éducation à la société (ou socialité). En effet, FP/es exprime un rapport d’influence de FP sur ES (par exemple « identifier une eau potable, prendre l’habitude de bien conserver l’eau potable »). La combinaison ES/fp reflète un rapport d’influence de ES sur FP (par exemple « nommer les différentes indications illustrées (le stop, le croisement) ou « dire comment traverser une route »). La sous-composante commutative ES/FP représente un rapport d’influence à la fois réciproque et symétrique entre ES et FP (par exemple, « dire ce qu’est le droit à la protection », « dire pourquoi il faut connaître ces droits » ou « prendre l’habitude de faire valoir ses droits ». Il en est de même pour toutes les autres composantes maillées.
La composante maillée FP+EA exprime l’union entre ces composantes simples et inclut les sous-composantes FP/ea, EA/fp et FP/EA, où FP/ea exprime un rapport d’influence de FP sur EA, où EA/fp reflète un rapport d’influence de EA sur FP, et où la sous-composante commutative EA/FP représente un rapport à la fois réciproque et symétrique entre EA et FP.
La composante EA+ES inclut l’union de ces deux composantes simples et se décline dans les sous-composantes EA/es, ES/ea et ES/EA, où EA/es exprime un rapport d’influence de EA sur ES, où ES/ea reflète un rapport d’influence de ES sur EA, et où EA/ES (commutative) représente un rapport réciproque entre EA et ES.
Enfin, si l’on suit la même logique que précédemment, nous avons la possibilité de retrouver dans la composante maillée FP+EA+ES sept sous-composantes : FP/ea/es, FP/EA/es (équivalent de EA/FP/es), FP/ES/ea (équivalent de ES/FP/ea), EA/es/fp, ES/fp/ea, ES/EA/fp (équivalent de EA/ES/fp), ainsi que la sous-composante commutative FP/EA/ES. Cette dernière se formule comme suit :
FP/ea/es représente un rapport d’influence de la personne sur autrui et qui a des incidences sur les normes, valeurs, conduites communes.
FP/es/ea reflète un rapport d’influence de la personne sur les normes, valeurs et conduites, qui a des conséquences sur autrui.
EA/fp/es représente un rapport d’influence de la personne et de groupes de la société civile sur la personne, qui a des incidences sur la norme (par exemple, « dire l’attitude à adopter face à des personnes en difficulté » ou « dire pourquoi il faut aider et être solidaire »).
EA/es/fp exprime un rapport d’influence de personnes et de groupes de la société civile, qui a des incidences sur la personne (par exemple, « expliquer la notion d’égalité entre enfants [filles et garçons] » ou « prendre l’habitude de respecter l’égalité entre filles et garçons »).
ES/ea/fp exprime un rapport d’influence de la norme sur la société civile, qui a des incidences sur la personne (par exemple, « dire ce que c’est que le genre » ou « prendre l’habitude de ne pas faire une différence entre les hommes dans la société »).
ES/fp/ea reflète un rapport d’influence de la norme sur la personne, qui a des incidences sur la société civile (par exemple, « citer les conséquences physiques et sanitaires des MGF (mutilations génitales féminines) » ou « prendre l’habitude de mener la sensibilisation dans son milieu de vie sur les effets néfastes des MGF »).
EA/ES/FP reflète un rapport d’influence réciproque de FP, EA et ES (par exemple, « définir le manque de courtoisie dans le langage, le non-respect et la non-considération à l’égard de l’autre sexe » ou « respecter l’égalité entre les deux sexes »).
Les différents exemples cités sont tirés des programmes analysés. Par ailleurs, certaines des sous-composantes maillées ne sont pas illustrées d’exemples, car elles ne sont pas présentes dans les objectifs des programmes burkinabés analysés. Nous les avons ajoutées pour demeurer ouvertes à l’éventualité de les retrouver dans des analyses d’autres programmes.
On peut le constater, l’analyse des programmes burkinabés d’éducation civique et morale a mené à un enrichissement du modèle par un affinement de ses composantes maillées. Ces résultats montrent l’importance de questionner un cadre théorique développé à partir de contextes éducatifs du nord lorsque nous souhaitons étendre la recherche à des contextes du sud, tels que ceux de l’Afrique. Ils montrent également qu’étendre la recherche à des contextes africains enrichit la recherche en éducation.
4.2 Portraits de l’éducation éthique des programmes d’ECM pour le primaire
Présentons maintenant les portraits de l’éducation éthique obtenus grâce à l’analyse des programmes d’ECM du Burkina Faso pour les trois premières classes du primaire (CP1, CP2 et CE1) à l’aide de la version enrichie du modèle d’analyse de l’éducation éthique.
4.2.1 L’ECM en première année du cours préparatoire (CP1)
En première année du cours préparatoire (CP1), le programme d’ECM comprend sept objectifs spécifiques qui se déclinent en 39 objectifs d’apprentissage. Ces objectifs se situent à l’intérieur de deux des composantes du modèle soit FP+ES et ES+EA+FP (schéma 3).
Globalement, 76,92 % (30/39) des objectifs d’apprentissage se situent dans la composante FP+ES, plus précisément les sous-composantes ES/fp et FP/ES (un rapport d’influence réciproque). Notons aussi l’importance accordée aux habitudes d’hygiène, à un cadre de vie sain et aux règles de la sécurité routière à l’intérieur de la ES/fp, ainsi que l’exclusivité de la satisfaction des droits dans la FP/ES.
Par ailleurs, une proportion de 23,07 % (09/39) des objectifs d’apprentissage se situe dans la composante ES+EA+FP, dont 17,95 % se trouvent dans les sous-composantes EA/fp/es et EA/es/fp, et dont 2,56 % se trouvent dans chacune des sous-composantes ES/fp/ea et ES/EA/fp. Notons une concentration sur les bonnes habitudes de vie et l’accomplissement des devoirs dans les sous-composantes où EA influe sur fp et sur es.
En résumé, pour le programme du CP1, l’ensemble des objectifs d’apprentissage inclut une éducation à la société (ES) et est surtout axé sur le rapport d’influence de ES sur fp, autrement dit sur l’acquisition par les élèves de comportements conformes aux normes et aux valeurs communes. Pour d’autres objectifs spécifiques, en l’occurrence OS3 (observer les bonnes habitudes, les vertus individuelles et sociales du milieu) et OS5 (accomplir ses devoirs), nous remarquons à l’analyse des objectifs d’apprentissage les déployant, que c’est la reconnaissance de l’altérité qui vient influencer la personne et la société. Enfin, un objectif spécifique, OS4 (demander la satisfaction de ses droits), met l’accent sur une formation personnelle (FP) ayant un rapport d’influence sur la vie en société (ES).
Bref, ce programme tend vers une éducation éthique où le fait d’apprendre à agir en conformité avec les normes et les valeurs communes prédomine, où l’adoption de comportements attentifs envers autrui (respect, entraide, relations entre filles et garçons et avec les personnes vulnérables) est relativement importante, tout comme ceux relatifs à sa sécurité, à sa santé et à son environnement, ainsi que ceux relatifs à l'affirmation de l'individu dans ses droits et dans la vie en société.
4.2.2 L’ECM en deuxième année du cours préparatoire (CP2)
En deuxième année du cours préparatoire (CP1), le programme d’ECM comprend aussi sept objectifs spécifiques qui se déclinent en 36 objectifs d’apprentissage (tableau 2).
Les objectifs spécifiques sont présentés dans un ordre différent, mais ils sont les mêmes que pour le CP1, à deux exceptions près : « jouir de ses droits fondamentaux » au lieu de « demander la satisfaction de ses droits » et « appliquer les règles élémentaires de civisme et de citoyenneté dans la vie quotidienne » au lieu de « respecter […] ». Si l’analyse des objectifs d’apprentissage montre que les composantes identifiées sont aussi les mêmes, et sensiblement dans les mêmes proportions que pour le CP1 ‒ FP+ES (72,2 %) et ES+EA+FP (27,8 %), nous notons des différences non négligeables sur le plan des sous-composantes.
Globalement, ES/fp représente 69,4 % des objectifs d’apprentissage. L’application des règles élémentaires de civisme et de citoyenneté dans la vie quotidienne représente 16 des 25 objectifs spécifiques de cette sous-composante. L’apprentissage des bonnes habitudes d’hygiène n’est pas présent et les autres objectifs d’apprentissage sont présents de une à trois fois selon le cas.
La composante FP/ES, représente 2,8 % et FP+EA+ES regroupe quatre sous-composantes maillées. Les règles élémentaires de civisme et de citoyenneté représentent six des dix objectifs de ce maillage. En général, les objectifs évoquent ces-dites règles, soit 24 objectifs sur 36.
4.2.3 L’ECM en cours élémentaire (CE)
Le tableau qui suit fait l’économie du codage des objectifs du CE1. Il montre qu’un huitième objectif spécifique marque la différence de ce programme avec ceux des autres classes.
On observe en général beaucoup de similarités entre les objectifs des programmes du cours préparatoire et ceux du CE1. Les huit objectifs spécifiques de ce programme sont les suivants :
OS 1 : Appliquer les règles élémentaires de la sécurité routière;
OS 2 : Observer les bonnes habitudes, les vertus individuelles et sociales du milieu;
OS 3 : Appliquer les règles de protection de l’environnement ;
OS 4 : Observer les règles d’hygiène et d’assainissement dans ses pratiques quotidiennes;
OS 5 : Prendre l’habitude de bien gérer l’eau;
OS 6 : Observer les règles de civisme et de citoyenneté dans la vie quotidienne;
OS 7 : Veiller au respect de ses droits et accomplir ses devoirs;
OS 8 : Identifier les mauvais comportements liés au genre et les pratiques sociales néfastes.
De façon générale, on remarque que les objectifs 1, 2 et 6 sont axés sur l’éducation à la société. Les autres objectifs se répartissent de la manière suivante :
L’objectif spécifique 3 comporte seize objectifs ES/fp, trois objectifs ES/fp/ea, un objectif EA/ES/fp, un objectif EA/es/fp et un objectif ES/EA/fp.
L’objectif spécifique 4 comprend un seul objectif d’apprentissage codé FP/ES.
L’objectif spécifique 5 inclut un objectif ES/fp et un objectif ES/EA/FP.
En dépit de la fusion de deux objectifs spécifiques provenant des programmes précédents (celui relatif aux droits et celui relatif aux devoirs), on constate une ressemblance entre les objectifs spécifiques du CE1 et ceux des autres programmes. Axés majoritairement sur l’éducation à la société avec un seul objectif codé FP/ES, on note deux nouveaux objectifs, dont l’un est codé FP/es et l’autre ES/EA/fp. Ce dernier est donc également empreint d’éducation aux normes et valeurs sociales et, dans une moindre mesure, d’éducation à l’autre. Le codage des objectifs d’apprentissage confirme la primauté de l’éducation à la société, comme le montre le tableau suivant.
Les premier, deuxième, quatrième et sixième objectifs concernent les normes et valeurs sociales et comptent respectivement quatre, deux, six et quatre objectifs d’apprentissage chacun. De plus, on note que, tout comme pour les autres classes, la composante FP+ES (66,7 %) est plus représentée que la composante ES+EA+FP (13,3 %). Dans les détails, on remarque que :
l’objectif 2 comporte quatre objectifs d’apprentissage ES/fp et deux objectifs ES/EA/fp. Il y est notamment question du respect des parents, des enseignants et des camarades;
le huitième objectif spécifique, qui n’est présent qu’au CE1, compte plus d’objectifs d’apprentissage que les autres objectifs spécifiques. Il contient en effet dix objectifs d’apprentissage codés ES/fp/, EA/FP/es, ES/ea/fp, ES/fp/ea et EA/ES/FP. Ces objectifs concernent, entre autres, l’exécution des mêmes tâches par les garçons et les filles, les mutilations génitales féminines et le trafic d’enfants.
l’éducation à la société est omniprésente et regroupe 22 objectifs d’apprentissage, soit 56,4 %. Il y est question des règles de la sécurité routière, de l’adoption de bonnes habitudes de vie, d’hygiène et d’assainissement.
la formation personnelle de l’individu est aussi présente à travers l’objectif spécifique 5 et l’objectif spécifique 7 qui a deux objectifs d’apprentissage codés FP/ES. L’objectif 5 regroupe deux objectifs d’apprentissage, tous codés FP/es, et fait référence à la gestion rationnelle de l’eau par l’élève.
Enfin, on constate que l’OS2 et l’OS7 regroupent chacun deux codes différents et que l’OS8 en compte cinq. Les objectifs d’apprentissage intègrent donc des aspects que les objectifs spécifiques n’avaient pas pris en compte. Des cas similaires ont aussi été détectés dans les autres programmes.
Comme on peut le voir, il y a des similarités entre le portrait du cours préparatoire et celui du cours élémentaire de première année.
5. Synthèse et discussion
De l’analyse de ces trois programmes offerts au Burkina Faso, on remarque une différence entre le codage de quelques objectifs spécifiques et celui de leurs objectifs d’apprentissage. On remarque également une similarité entre les trois programmes. Les objectifs du cours préparatoire sont similaires, avec des thématiques axées sur la sécurité routière, la citoyenneté, les bonnes habitudes dans la société, les vertus individuelles et sociales, les droits et les devoirs, les bonnes habitudes d’hygiène, ainsi que l’assainissement. En plus de ces thématiques, le cours élémentaire intègre la bonne gestion de l’eau et l’identification de mauvais comportements liés au genre et de pratiques sociales néfastes, ce qui traduit une certaine évolution sur le plan des connaissances et compétences que l’on cherche à inculquer aux élèves. L’analyse des nouveaux programmes du CE2 et du CM permettra d’analyser ce fait. On remarque pour l’heure, à travers le codage des différents programmes, que l’éducation à la société représente plus de la moitié des objectifs de ces trois programmes. On peut donc dire que l’instruction des élèves est ciblée dans la grande majorité des objectifs. Cette instruction concerne des besoins de base comme la santé, la sécurité et le bien-être des enfants dans le but de les protéger. Il est également question des compétences à développer pour devenir un bon citoyen, respecter l’autre, faire valoir ses droits et accomplir ses devoirs. Des notions comme le rejet de l’excision et la dénonciation des exciseurs, la lutte contre le trafic d’enfants semblent témoigner du fait que les programmes sont adaptés aux besoins du pays. Il en est de même pour la citoyenneté, qui se centre sur la sécurité routière.
L’ancrage culturel et social d’un programme dans son contexte est indispensable, indique Akkari (2020), pour « africaniser la citoyenneté » et pour que « les espaces éducatifs [puissent être] des lieux où on apprend la démocratie, l’équité et la participation » (p. 10) . L’intérêt de l’ancrage culturel des programmes est nécessaire, affirme pour sa part Hossenjee, car l’éducation a pour but de « transmettre d’une génération à la suivante, la sagesse et la connaissance que la société a accumulées, et de préparer les jeunes à leur future appartenance à la société, et à leur participation au maintien ou au développement de celle-ci » (cité par Paré-Kaboré, 2013, p. 20). Enfin, Kane (2014) dira, parlant de renaissance africaine, qu’il faut, entre autres, « une unité culturelle avec la réappropriation du patrimoine historique qui soit transmise par le biais de l’école » (p. 35). Toutes ces assertions soulignent que l’ancrage culturel des programmes sur les valeurs du pays est très important. Les nouveaux programmes du CP et du CE1 ambitionnent donc de former les élèves à être de bons citoyens autonomes, sans pour autant perdre de vue que l’éducation doit répondre aux besoins de base et du contexte, tout en tenant compte de l’ancrage culturel du pays.
Former les élèves à être de bons citoyens peut s’expliquer par le fait que « l’école burkinabé se distingue par la grande hétérogénéité de la population scolaire au plan ethnique, religieux, socioéconomique, culturel, etc., ce qui fait de la socialisation citoyenne un des enjeux majeurs de l'éducation » (Kaboré-Ouédrago, 2020, p. 1566).
Pour ce qui est des anciens programmes – qui sont toujours en vigueur dans certaines écoles – retenons qu’ils ont permis d’évoquer l’ECM dans les classes de CE2 et de CM. Ces deux programmes comportent des buts – pour le CE d’une part et pour le CM d’autre part – qui ont tous été codés ES/fp. Ces buts peuvent être résumés comme suit :
Développer chez l’enfant les comportements traduisant les bonnes habitudes, les vertus individuelles, sociales et professionnelles du milieu.
Apprendre à l’enfant à mieux s’intégrer dans la société.
Amener l’enfant à connaître son pays.
Développer en l’enfant une conscience patriotique.
Apprendre à l’enfant à bien jouer son rôle de citoyen.
En plus des buts, le programme du CE contient des objectifs généraux, contrairement à celui du CM. Le CE et le CM ont ainsi chacun leur programme, indépendamment du niveau d’étude. En attendant la fin de l’expérimentation et la diffusion des nouveaux programmes, l’analyse de ceux du CP et du CE1 a permis d’adapter, grâce à sa flexibilité, le modèle d’analyse de l’éducation éthique à un pays de la francophonie du sud, cette flexibilité ayant rendu possible la démultiplication des différentes catégories maillées.
En général, les résultats sont assez similaires pour le même niveau d’étude et légèrement différents d’un niveau à l’autre.
Conclusion
Les programmes des trois premières classes du primaire du Burkina Faso, analysés grâce au modèle d’analyse de l’éducation éthique de Bouchard et al. (2013), ont permis d’affiner ce modèle en déployant les différentes composantes maillées en sous-composantes maillées.
Ce modèle d’analyse peut être considéré comme valide pour tracer les portraits de l’éducation dans le contexte de la francophonie du sud étudié, mais seulement si les sous-composantes maillées suivantes sont incluses dans ledit modèle : maillage FP+EA (FP/ea, EA/fp et FP/EA), FP+ES (ES/fp, FP/es et ES/FP) et EA+ES (EA/es, ES/ea et EA/ES); sept sous composantes maillées pour le maillage FP+EA+ES (FP/ea/es, FP/EA/es, FP/ES/ea, EA/es/fp, ES/fp/ea, ES/EA/fp et FP/EA/ES). Il y aurait cependant lieu d’analyser des programmes d’autres pays de la francophonie du sud pour affirmer que le modèle d’analyse ainsi affiné est valide pour ces pays. Par ailleurs, il y aurait aussi lieu de vérifier si le modèle affiné permet de tracer des portraits plus fins et détaillés des programmes de la francophonie du nord.
À propos des portraits des programmes burkinabés, cette analyse montre qu’ils sont très fortement centrés sur le rapport d’influence qu’exerce la société sur la personne de l’élève. En effet, en dépit du fait que les nouveaux cursus sont basés sur le socioconstructivisme et donc sur l’autonomie accordée à l’apprenant dans le processus enseignement-apprentissage, on constate que beaucoup de valeurs lui sont inculquées. C’est ainsi que l’éducation à la société est présente dans quasiment tous les objectifs, comme pour rappeler l’utilité de l’apprentissage des bonnes habitudes dans les premières années de la vie scolaire. Il faut cependant souligner que les objectifs s’achèvent presque toujours par la phrase « prendre l’habitude de », preuve que le but ultime est l’adoption de compétences et non de connaissances. Ceci explique également le fait que beaucoup d’illustrations figurent dans le guide utilisé par les enseignants, ce qui permet d’interroger les élèves sur leur compréhension des images et de développer leur pensée grâce aux commentaires qu’ils en font.
Cette recherche confirme l’importance de ne pas plaquer un modèle du nord sur le sud dans la recherche en éducation. Les résultats de la recherche permettent aussi un regard sur les nouveaux programmes d’ECM sous l’angle de l’éthique.
Pour ce qui est du codage des anciens programmes de 1989‑1990 utilisés pour analyser l’ECM dans le CE2 et le cours moyen, il diffère énormément de celui des nouveaux programmes, tant dans le fond que dans la forme. L’analyse de ces nouveaux programmes semble dévoiler une évolution progressive des connaissances et compétences que l’on veut transmettre et développer chez l’apprenant en fonction de la classe. Pour l’heure, les nouveaux programmes analysés montrent que ces derniers sont adaptés au Burkina Faso par l’ancrage sur les valeurs sociales qu’ils dévoilent.
Appendices
Notes
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[1]
Nous tenons à remercier le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada pour son soutien financier à la recherche (subvention 435‑2017‑0798), en particulier, pour le financement du stage postdoctoral d’Iphigénie Aïdara YAGO.
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[2]
Pour la France, les programmes d’instruction civique et morale, d’éducation civique, juridique et sociale; pour la Belgique, le cours de morale et le programme Être et devenir citoyen; et, pour le Québec, les programmes d’histoire et éducation à la citoyenneté ainsi que le programme d’éthique et culture religieuse.
-
[3]
DECRET N° 2007-540/PRES du 5 septembre 2007 promulguant la loi n° 013‑2007/AN du 30 juillet portant loi d’orientation de l’éducation du Burkina Faso.
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[4]
En l’occurrence, nous avons collaboré avec le Laboratoire de Psychopédagogie, andragogie, mesure et évaluation et de politiques éducatives (LAPAME) de l’Université Norbert Zongo, située à Koudougou, au Burkina Faso. Cette collaboration remonte à 2012, avec la tenue d’un colloque international à Montréal, portant sur l’éducation et le vivre-ensemble en francophonie. Consulter à ce sujet la page suivante : http://gree.uqam.ca/audiovideotheque.html.
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[5]
Notons au passage que, pour l’heure, seuls les programmes d’ECM des trois premières classes du primaire sont disponibles, les autres n’ayant pas encore été diffusés au moment d’entreprendre cette recherche.
Bibliographie
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