PréfaceQuelle posture pour la transdisciplinarité : scientifique, philosophique ou pédagogique ?[Record]

  • Jacques Hamel

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  • Jacques Hamel
    Université de Montréal

Après l’avoir rapidement distinguée de l’interdisciplinarité, cette préface confronte la transdisciplinarité à la science dans l’intention de mettre en évidence l’entreprise à laquelle ce terme, transdisciplinarité, est associé et, ce faisant, la posture sous-jacente à sa visée. Il est montré ici que la transdisciplinarité peut difficilement être associée à la science au sens que donne l’épistémologie à ce savoir : une connaissance par objet et par concept destinée à produire une représentation distincte de ce qu’elle cherche à connaître. La transdisciplinarité s’oppose à la science et constitue une posture qui par définition lui est étrangère sans lui être préjudiciable. De ce fait, il est préférable de considérer la posture transdisciplinaire en termes philosophiques et pédagogiques. En effet, fondre les connaissances scientifiques, voire fédérer la science à d’autres domaines du savoir, relève d’entrée de jeu de la philosophie, connaissance interprétative par excellence. La pédagogie, quant à elle, veille, non sans mal, à déterminer la posture et les moyens les plus appropriés pour formuler et communiquer les connaissances formées sous l’égide de la transdisciplinarité. Il est sans doute requis de définir d’entrée de jeu ce à quoi correspond la transdisciplinarité afin de connaître l’entreprise désignée par ce nom. La définition importe puisque dans les sciences sociales, le terme transdisciplinarité est indistinctement confondu avec interdisciplinarité. Si on la conçoit sommairement comme la « collaboration entre plus de trois disciplines » (Klein, 2008, p. 52) ou à « l’usage de plus d’une discipline dans la réalisation d’une recherche donnée » (Thompson, 1990, p. 7), l’interdisciplinarité consiste à fédérer des chercheurs oeuvrant dans diverses disciplines avec l’intention d’instaurer une coopération active destinée à susciter le dialogue et l’échange de connaissances produites par deux ou plusieurs disciplines. L’interdisciplinarité est vue positivement sous ce chef, faisant dire à Guy Rocher qu’une « solide disciplinarité est le fondement essentiel de l’interdisciplinarité et l’interdisciplinarité est généralement de nature à provoquer la disciplinarité et à obliger chaque discipline à donner le meilleur d’elle-même » (2006, p. 17). À son époque, Jean Piaget affirmait toutefois qu’on pouvait à cette La transdisciplinarité vise donc, dans la foulée, à fondre les connaissances dans un savoir susceptible de transcender les disciplines grâce auxquelles elles ont été mises au point et sur lesquelles celles-ci ont la prérogative. Par-delà l’interdisciplinarité, elle veut mettre fin au « découpage des disciplines qui rend incapable de saisir “ce qui est tissé ensemble”, c’est-à-dire, selon le sens originel du terme, le complexe » (Morin, 1999, p. 14). Aux yeux d’Edgar Morin, les disciplines assimilées à la science se rendent ainsi coupables « d’apporter les inconvénients de la sur-spécialisation, du cloisonnement et du morcellement du savoir » (1999, p. 15). En effet, la science, en se développant, s’est immanquablement muée en disciplines spécialisées, fermées sur elles-mêmes et soucieuses de se distinguer les unes des autres, venant vraisemblablement réduire à zéro le dialogue entre les connaissances mises au point sous leurs égides respectives. En d’autres termes, la science, afin de se développer comme telle, s’est constituée en disciplines en fonction desquelles se sont instituées Afin de neutraliser la tendance, la transdisciplinarité ambitionne quant à elle de passer outre les frontières de chaque discipline pour formuler une « pensée de synthèse et une intégration conceptuelle des différents domaines de recherche scientifique nécessaire à la recherche d’un horizon ultime et commun de compréhension de la réalité » (Origgi & Darbellay, 2010, p. 9). Dans cette veine, la transdisciplinarité cherche à mettre en pièces le savoir spécialisé né de la science qui, aux yeux d’Edgar Morin, a largement « contribué à délier la “réalité” sous forme de “fragments disjoints” impropres à la connaissance complexe …

Appendices