Dalhousie French Studies
Revue d'études littéraires du Canada atlantique
Number 116, Summer 2020 Dossier spécial Léon-Gontran Damas
Table of contents (21 articles)
Articles
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Introduction: Léon-Gontran Damas (28 mars 1912 - 22 janvier 1978), quarante-deux ans après sa « Disparition »
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His Master's Voice: avons-nous écouté Damas?
Kathleen Gyssels
pp. 9–17
AbstractFR:
Comme l’ont bien vu de nombreux critiques, la musicalité de la poésie damassienne serait l’expression du rythme « nègre » et de ceux de sa génération, il aurait été le plus jazzy. La poésie de Damas mérite mieux : il suffit de l’écouter mise en musiques par Pigments & The Clarinet Choir, pour comprendre combien elle transcende l’Afrique noire et la Caraïbe car à travers la valeur ajoutée d’une interprétation instrumentale en plus d’une récitation poétique rare, ce sont les drames de l’individu déraciné et démotivé par un corps social et un entourage inamical. Drame de la solitude et drame de l’incompréhension, espérance de réconciliation et rage contre l’impasse de la question raciale dans une France prétendument multiculturelle se relaient. Dans trois extraits de leur projet décapant, Pigments & The Clarinet Choir offrent une partition époustouflante du « Master’s Voice ».
EN:
As many critics have seen, the musicality of Damassian poetry would be the expression of “negro” rhythm, and of the poets of his generation, he would have been the most jazzy. The poetry of Damas deserves better: it is enough to listen to it set to music by Pigments - The Clarinet Choir, to understand how it transcends Black Africa and the Caribbean, because, through the added value of an instrumental interpretation and a rare poetic recitation, these are the dramas of the individual uprooted and demotivated by a social body and an hostile environment. Drama of loneliness and drama of incomprehension, hope for reconciliation and rage against the impasse of the racial question in a supposedly multicultural France take turns. In three excerpts from their amazing project, Pigments - The Clarinet Choir offer a breathtaking score of the “Master’s Voice”.
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Kreyol Intertextuality and Decolonizing Narrative in Veillées noires
Kevin Meehan
pp. 19–28
AbstractEN:
This essay identifies three levels of intertextuality in the short story, “Echec et mat” by Léon-Gontran Damas. Incorporating folkloric tales, lyrics from popular music, and 19th Century satiric writing in Kreyol, “Echec et mat” offers a microcosm of the intertextual techniques employed throughout the entire collection, Veillées noires. In particular, I analyze Damas’s embedding of a satire written and published in Kreyol by Guadeloupean author Paul Baudot. While this Kreyol satire—written by a white béké author from the mid-19th Century—is ambiguous politically, and must be determined by musical and folkloric references, Damas nevertheless signals the importance of earlier Caribbean writing in Kreyol. Such writing co-exists with other forms of cultural production and is part of the reservoir from which Damas draws to assemble his complex anti-colonial discourse. These intertextual traces reveal a cultural identity that is plural as well as anti-colonial.
FR:
Cet essai nous présente trois niveaux d’intertextualité utilisés dans l’histoire « Echec et mat » de Léon-Gontran Damas. Par le biais d’histoires folkloriques, de paroles de musiques populaires créoles de l’époque, ainsi que d’écrits satyriques du 19e siècle, cette histoire offre un microcosme des techniques d’intertextualité utilisées dans l’oeuvre entière, Veillées noires. Plus précisément, je retrace la méthode utilisée par Damas pour pouvoir insérer dans son conte, une satire écrite et publiée en créole par le Guadeloupéen Paul Baudot. Bien que cette satire créole écrite par un auteur béké blanc du milieu du 19e siècle est d’une certaine ambiguïté politique, et bien qu’il devrait être déterminé par des références musicales et folklorique, Damas souligne l’importance de document écrit en créole à cette époque. De tels écrits coexistent avec d’autres formes d’oeuvres culturelles et font partie d’un réservoir dans lequel Damas puise pour assembler son discours anticolonial. Ces empreintes intertextuelles révèlent une identité culturelle aussi plurielle qu’anticoloniale.
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L'imaginaire de Damas dans Black-Label, une matrice de l'enchevêtrement
Sandrine Bédouret-Larraburu and David Bédouret
pp. 29–42
AbstractFR:
Black-label de Damas est une expérience à la fois poétique et géographique : le poète plie le langage à ses différents états d’âme, conséquences d’une consommation de whisky mise en scène par l’écriture et cherche à explorer cette identité triangulaire « noir, démuni, homme », mais aussi « africaine, amérindienne, européenne ». Le surréalisme de Damas se construit sur la réappropriation d’une histoire et d’une culture nègre qui fait intervenir un imaginaire matrice d’une géographicité et d’une poéticité hybrides. L’imaginaire de Damas nous fait tout d’abord voyager dans l’espace et le temps dessinant les territoires et l’histoire de référence du peuple noir. Il nourrit une langue poétique qui puise dans ces différents territoires et fait résonner le créole, l’amérindien dans un français soigné et réapproprié.
EN:
Black-label written by Léon-Gontran Damas is an experience that is both poetic and geographic: the poet bends language to his different moods, the consequences of a consumption of whiskey staged by writing and seeks to explore this triangular identity "black, destitute, man", but also "African, Amerindian, European". Damas’surrealism is built on the reappropriation of a Negro history and culture that involves an imaginary matrix of hybrid geographicity and poeticity. Damas’ imaginary first takes us on a journey through space and time, drawing the land and the history of reference for the Black people. It feeds a poetic language which draws from these different territories and makes Creole and the Amerindian resonate in his own clear French language.
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“Discourses of Displacement” in the Ethnography of Léon-Gontran Damas and Poetry of Charles Baudelaire
Michael Reyes Salas
pp. 43–56
AbstractEN:
It is not far-fetched to imagine that the French underclass that occupied the city streets Charles Baudelaire roamed as a flâneur could have turned up in the bagne, or penal colony, described by the Negritude poet Léon Damas in his ethnographic field work in Guyane. Through a literary analysis of Damas’ ethnography, Retour de Guyane (1938), in tandem with a selection of prose-poems by Baudelaire from Le Spleen de Paris (1869) and Les Fleurs du mal (1857), this article calls attention to the parallels between the observational methods of urban spectatorship they use to collect case studies for their writing. The interpretive approach I use acknowledges the crossover between literary creativity and sociological analysis and is informed by a theoretical framework that couples Negritude’s anticolonialism with carceral studies. My analysis of these texts is situated in the context of the French Third Republic’s laws against recidivism and vagrancy in the late nineteenth century, which carried the penalty of forced deportation to distant penal colonies, a punitive practice that continued into the early twentieth century. In Baudelaire’s case, changing sociopolitical circumstances in light of Hausmannisation necessitated new modes of how writers dealt with the capital city’s exclusionary development. In the case of Damas, his critique of mise en valeur culture and exploitative colonial scholarship prompted his departure from the conventional practice of salvage ethnography that feigned inclusive objectivity. The article focuses on passages that highlight overlapping colonial and carceral attributes within both the colony and metropole. In conclusion, I argue that Damas’ condemnation of the mission civilisatrice, alongside Baudelaire’s contestation of degraded urban environments, point towards a poetics of colonial society’s intoxication with power.
FR:
Il n’est pas irréaliste d’imaginer que la sous-classe qui occupait les voies urbaines que Charles Baudelaire parcourut comme flâneur, aurait pu être envoyée au bagne décrit par le poète de la Négritude Léon Damas dans son travail ethnographique en Guyane. À travers une lecture attentive de l’ethnographie et essai anticolonialiste, Retour de Guyane (1938), en tandem avec quelques poèmes en prose du Spleen de Paris (1869) et des Fleurs du mal (1857) de Baudelaire, cet article souhaite illustrer les parallèles entre les méthodes d’observation qu’ils utilisent pour collectionner les études de cas qui figurent dans leurs oeuvres. L’approche interprétative que j’utilise reconnaît le croisement entre la créativité littéraire et l’analyse sociologique et est informée par un cadre théorique qui couple l’anticolonialisme de la Négritude avec les études carcérales. Mon analyse de ces textes est située dans le contexte des lois de la troisième République contre la récidive et le vagabondage, qui prévoyaient la peine de la déportation dans des bagnes lointains, une pratique punitive qui a continuée jusqu’au début du vingtième siècle. Dans le cas de Baudelaire, les changements de la situation sociopolitique survenus à la suite de l’hausmannisation, ont rendu nécessaire pour les écrivains de trouver de nouveaux modes de configurer le développement exclusif de la ville capitale. Dans le cas de Damas, sa critique de la mise en valeur et des études coloniales fondées sur l’exploitation l’ont incité à abandonner les pratiques conventionnelles de l’ethnographie de sauvetage, qui simule une inclusion objective. Cet article se concentre sur des passages textuels qui soulignent les liens entre les attributs coloniaux et carcéraux dans la colonie et dans la métropole. En conclusion, je soutiens que la condamnation de la mission civilisatrice faite par Damas en tandem avec la contestation de la dégradation de l’environnement urbain faite par Baudelaire, nous orientent vers une poétique de l’ivresse du pouvoir absolu de la société coloniale.
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Masquereading Léon Damas' Mine de riens
Kathleen Gyssels
pp. 57–73
AbstractEN:
In French Guiana, “macoumé” is the offensive term for the supposedly or proven homosexual. In a long passage from Black-Label, the poet rhymed, in a self-portrait as the “Beautiful Choir Child”, the roses “miraculées, immaculées, immatriculées” (BL 38). I have always heard the term put in quotation marks: “macoumé.” Starting from the concepts of “Masquereading” (Marie-Hélène Bourcier) and “homotextuality” (Jean-Pierre Rocchi), I propose a new approach to this impudent and immoralist (Gide launched Damas, after all) poetry. He will have been a “maskilili”, a Native American devil who is never where he is expected to be, defying expectations and above all putting his right shoe on his left foot.
FR:
En Guyane, le « macoumé » est le terme injurieux pour désigner l’homosexuel, supposé ou prouvé. Dans un long passage de Black-Label, le poète faisait rimer dans un portrait de lui en « Bel enfant de choeur » les roses « miraculées, immaculées, matriculées » (BL 38). J’y ai toujours entendu le terme mis entre guillemets : « macoumé ». Partant de Masquereading (Marie-Hélène Bourcier) et de l’homotextualité (Jean-Pierre Rocchi), je propose une nouvelle approche de la poésie impudente et immoraliste (Gide lança Damas, après tout). Il aura été un « maskilili », diablotin amérindien qui n’est jamais là où on l’attend, déjouant les attentes et surtout chaussé de travers.
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The Last Interview: L.-G. Damas speaks to Alan Warhaftig
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Eléments biographiques concernant Léon-Gontran Damas
Dominique Achille
p. 81
AbstractFR:
L.-G. Damas épouse la chanteuse martiniquaise Yanilou (Isabelle Achille) en 1948, au début de son mandat de député de la Guyane. Cette union, éprouvée par les exigences de la vie d’artiste et de l’activité politique, ne dure que deux ans, la mésentente entraînant le divorce dès 1951. Cette expérience au sein de la famille Achille, elle aussi membre du cercle d’amis Senghor-Césaire-Nardal-Présence Africaine, n’aura pas de suite après la séparation.
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Damas, foi de marron
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PIGMENTS and the Clarinet Choir
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[Fichier audio] PIGMENTS and the Clarinet Choir - Contre notre amour
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[Fichier audio] PIGMENTS and the Clarinet Choir - Quand malgré moi
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[Fichier audio] PIGMENTS and the Clarinet Choir - Soudain d'une cruauté feinte
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Camus, Mauriac et l’épuration (1944-1945)
Vincent Grégoire
pp. 89–97
AbstractFR:
À la Libération, tandis que Camus demande, dans Combat, une épuration « courte », « bien faite » et « limitée » dans le temps qui aboutisse à l’exécution des pires criminels collaborateurs, Mauriac, quoique résistant lui-même, y est essentiellement opposé parce qu’il devine que cette épuration va être synonyme de parodie de justice. Ce dernier va ainsi chercher à obtenir la grâce d’écrivains qui se sont, selon lui, fourvoyés en collaborant mais ne méritent pas la mort. Dès janvier 1945, Camus aura rejoint le point de vue de Mauriac et concèdera en 1948 que son aîné avait raison de privilégier la clémence à la rigueur, la charité à la peine capitale. Notre étude va développer l’évolution de ces deux autorités morales sur la question de la justice à l’été et l’automne 1944, une évolution qui n’a pas été linéaire, même pour Mauriac, et qui va aboutir au ralliement de l’éditeur en chef de Combat à la « philosophie de la clémence » de l’éditorialiste du Figaro.
EN:
At the Liberation of France in 1944, while Camus in Combat is calling for a “short” and “limited” but radical purge of the worst collaborators, Mauriac, although a resistant himself, is essentially opposed to it because he can foresee that this purge will be a parody of justice. The older writer will thus seek the grace of intellectuals sentenced to death who, he believes, collaborated by lack of judgement, but do not deserve to be executed. As soon as January 1945, Camus, disappointed that the purge has been so far a complete failure, has adopted Mauriac’s point of view that clemency should prevail over rigor, charity over capital punishment. Our study focuses on the evolution of these two moral authorities on the subject of justice in the Summer and Fall 1944 and highlights the fact that this evolution was not linear, even for Mauriac. In the end, this evolution will lead to the rallying of the editor-in-chief of Combat to the “philosophy of mercy” of the editorialist of Le Figaro.
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Of bastards, slaves, dogs and other things: discourses of bourgeois transgression and illegitimacy in two francophone sub-saharan novels
Mohamed Kamara
pp. 99–112
AbstractEN:
The emergence and rise to preeminence of the bourgeoisie on the African political, social, and economic scenes have been the stuff of many novels. One could even argue that the rise of the sub-Saharan novel (because it is inherently connected to the colonial project) is more or less concurrent with the birth and rise of this class. In this essay, I seek to analyze the discourse of bourgeois transgression and illegitimacy as exemplified in two novels: Ahmadou Kourouma’s Les soleils des indépendances (1968) and Francis Bebey’s Le ministre et le griot (1992). The two works focus on the ruling elite in the immediate postcolonial period. In both novels, albeit in varying degrees, the colonial school is presented as the main catalyst of the change that occasioned the transgression decried by the members of the erstwhile aristocratic nobility.
FR:
La naissance et la montée de la bourgeoisie sur les scènes politique, sociale et économique africains a été le sujet de bon nombre de romans africains. On pourrait même avancer que l’essor du roman africain sub-saharien se faisait plus ou moins parallèlement au développement de la nouvelle élite. Dans cet essai, je propose une analyse du discours de la transgression bourgeoise tel qu’il est élaboré dans Les soleils des indépendances d’Ahmadou Kourouma et Le ministre et le griot de Francis Bebey, deux romans qui abordent la question de l’élite au pouvoir à l’époque immédiatement après les indépendances. Dans les deux romans, l’école coloniale est ciblée comme le catalyseur principal de la transformation sociale à l’origine de la soi-disant transgression bourgeoise déplorée par l’ancienne aristocratie détrônée.
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Le Paris souterrain de Vassilis Alexakis dans L’Enfant grec : catabase funeste ou lieu de renaissance ?
Marianne Bessy
pp. 113–125
AbstractFR:
Cet article vise à interpréter la présence du sous-sol parisien dans le roman L’Enfant grec (2012) de Vassilis Alexakis, vingt après que ce dernier ait représenté ce même espace souterrain dans Avant. Après un bref résumé de l’oeuvre, une mise au point sur l’importance du souterrain dans l’imaginaire collectif et une brève présentation du sous-sol parisien en littérature, j’analyse la valeur métaphorique que l’auteur confère aux égouts, catacombes, carrières et sous-sols, réels ou imaginaires, qui caractérisent le schéma géographique de L’Enfant grec et qui occupent une place croissante au fil des pages. Cet appel du sous-sol donne-t-il forme, comme dans Avant, à un rejet spatial de la capitale française ou bien s’agit-il d’une évocation plus traditionnelle d’espaces souterrains associés à la mort ? Existe-t-il un lien entre ces espaces en sous-sol et l’espace de la création littéraire ? Même si, dans un premier temps, tout peut laisser à penser que l’auteur a créé une catabase funeste, je conclue que le Paris souterrain d’Alexakis dans L’Enfant grec est un lieu cathartique de renaissance qui permet au narrateur d’apaiser sa crainte de la mort et de se reconcentrer sur l’espace ludique de la création littéraire.
EN:
This article aims to interpret the presence of the Parisian underground in Vassilis Alexakis’ novel L’Enfant grec (2012), twenty years after the author represented the same underground space in Avant. After a brief summary of the work, some clarifications on the importance of the underground in the collective imagination, and a brief presentation of the Parisian underground in literature, I analyze the metaphorical value that the author attributes to sewers, catacombs, quarries and basements, real or imaginary, which are all characteristic of the geographical framework of L’Enfant grec and which occupy increasing textual space as the novel progresses. Does this call of the underground give shape, as in Avant, to a spatial rejection of the French capital, or it is here a more traditional evocation of underground spaces associated with death? Is there a link between these recurrent underground spaces and the space of literary creation? Even if, at first glance, everything may suggest that the author has created an ill-fated katabasis, I conclude that Alexakis’ underground Paris in L’Enfant grec is a cathartic place of rebirth allowing the narrator to alleviate his fear of death and to refocus on the playful space of literary creation.
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Entre Haïti et le Québec. La conceptualisation de l’oraliture et de l’homme américain dans la position exotopique de Maximilien Laroche
Sara Del Rossi
pp. 127–137
AbstractFR:
À partir des années 1960, la critique littéraire québécoise connaît un élan innovateur surtout dans le cadre de la littérature comparée. Maximilien Laroche (1937-2017), critique et professeur haïtien installé au Québec depuis les années 1960, s’insère dans cette vague en établissant des ponts et points de convergence entre les littératures québécoise et haïtienne. Cet article se propose d’analyser la pensée de Laroche, en prenant pour objet sa situation de l’entre-deux, marquée par l’interface Haïti-Québec qui engendre ses deux concepts clef : « l’homme américain » et « l’oraliture ». À travers l’analyse de ses principaux ouvrages, nous essayerons de montrer que la position exotopique (Bakhtine) de Laroche, entre les aires culturelles et littéraires du Québec et d’Haïti, contribue à une ouverture inédite aux études comparées interaméricaines, à la fois continentales (le Québec, les États-Unis, Le Brésil et la Chine) et insulaires (l’apport des croyances amérindiennes et de la culture populaire haïtienne). Toutefois, cette mondialisation du regard chez Laroche n’est jamais déconnectée de sa culture d’origine, au contraire, elle lui permet de remettre en valeur l’oraliture haïtienne, focalisée sur les croyances et valeurs ancestrales.
EN:
From the 1960s, literary criticism in Quebec has had a new impetus, in particular in the comparative field. Maximilien Laroche (1937-2017), a Haitian critic and professor who has lived in Quebec since the 1960s, has contributed to this wave by establishing some points of convergence between Quebec and Haitian literature. This essay aims to analyze Laroche’s main concepts, “the American man” (l’homme Américain) and the “oraliture” (the Haitian oral heritage), underlining how his “exotopic position” (Bakhtin) has influenced his theories. The analysis of Laroche’s main works will reveal how his transitional position between Haiti and Quebec has promoted news prospects for the interamerican comparative studies. Laroche has contributed to the broadening of the continental approach, linking literatures and cultures from all over the world, but he has also underlined the importance of indigenous and traditional cultures. However his global approach has never been disconnected from his native culture and his choice to revaluate the Haitian oraliture.
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A Biographical Novel of the Spanish Civil War: Lydie Salvayre's Pas pleurer (2014)
Jeannette Gaudet
pp. 139–149
AbstractEN:
This article focuses on the biographical novel, Pas pleurer (2014) and the author Lydie Salvayre’s development of two diametrically opposed experiences of the Spanish civil war. Pas pleurer deploys the author’s parallel engagement with Montse, Salvayre’s mother, and with Georges Bernanos through a reading and commentary of the polemical essay, Les Grands Cimetières sous la lune. Biographical material provides the ground for intersecting narratives: on the one hand, the Bernanos intertext with its keen analysis of the complicity of secular and religious institutions to maintain control of Spain through terrorism and violence reverberates throughout and finds its echo in the tragic story of Montse’s older brother José. Set against this is the adolescent Montse’s encounter with the dramatic social revolution underway in the Catalan city and her life-altering experience of passionate love, the memory of which remains intact and luminous despite age and disease. Examining both n arratives highlights the act of resistance at the heart of the novel and captured by its title.
FR:
Cet article prend pour objet le roman biographique Pas pleurer (2014) de Lydie Salvayre où l’auteure élabore deux grands axes narratifs parallèles qui jaillissent des témoignages de la guerre civile espagnole: d’un côté le témoignage choc de Georges Bernanos dans son essai polémique Les Grands Cimetières sous la lune où il expose avec acuité la complicité des institutions séculaires et religieuses dans leur volonté meurtrière de contrôler la population par la terreur et la violence, et de l’autre celui de la mère Montse qui découvre en même temps la ville catalane républicaine et l’éblouissement de l’amour passionnel, témoignage dont le souvenir résiste aux effets dévastateurs du temps et de la maladie. L’analyse des deux axes narratifs permet de faire ressortir l’acte de résistance au coeur du roman et capté par son titre.
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Les espaces hétéroglossiques comme stratégie littéraire de résistance dans Harraga de Boualem Sansal
Jean-Jacques Defert
pp. 151–160
AbstractFR:
Un certain nombre de monographies et d’ouvrages collectifs se sont penchés dans un passé récent sur les nombreuses fictions romanesques et cinématographiques qui ont été consacrées aux harragas (les brûleurs de frontières et de papiers) et à la harga (la brûlure). Le geste sacrificiel posé par ces candidats à l’émigration clandestine qui tentent dans l’exil de se réapproprier leur destin a provoqué, par sa radicalité, un mouvement de contestation des discours de représentation officiels et traditionnels à travers l’écriture. Harraga de Boualem Sansal (2005) porte cette double particularité de décentrer et d’élargir la portée de ce phénomène en mettant en scène un personnage principal féminin, Lamia, en observatrice d’un pays « en guerre contre lui-même » (Sansal, Harraga : 285). À la suite d’Alfonso de Toro, nous voulons proposer ici une lecture critique de ce roman qui vise à mettre en évidence la « dialogicité déconstructionniste » (Alfonso de Toro, 2009) de sa structure et ouvre la possibilité d’une ré-énonciation de soi par l’émancipation des discours logocentriques et l’actualisation d’une histoire qui se concrétise dans l’acte même de l’écriture de ce récit témoignage.
EN:
The substantial production of movies and novels retelling the story of harraga (illegal immigrants literally “burning” the borders and their papers) and the broader phenomenon of the harga (the “burn”) has been the focus of a number of monographs and collective works published recently. The story of illegal immigrants sacrificing their lives in an attempt to take their destiny back into their own hands was at the origin of a radical movement of criticism against official and traditional discourses in literature. In this context, Harraga, a novel written by Boualem Sansal in 2005, is unique in that it decenters and broadens the scope of this phenomenon by giving a female character – Lamia – the leading critical voice as an observer of a country “at war with itself” (Sansal, Harraga : 285). Borrowing Alfonso de Toro’s concept of “deconstructionist dialogism” (dialogicité déconstructionniste), we are proposing a critical reading of the novel and demonstrate that its dialogical structure allows for the re-appropriation by the narrator of her people’s story by parting with logocentric discourses while re-rooting this narrative in the very act of writing the unfolding reality.
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L'universalisation de la catastrophe haïtienne dans Tout bouge autour de moi de Dany Laferrière
Alessia Vignoli
pp. 161–169
AbstractFR:
Ouvrage hybride et difficile à classer dans une catégorie préétablie, Tout bouge autour de moi de l’haïtien-québécois Dany Laferrière est une réflexion composite, déclenchée par le tremblement de terre qui a ravagé Haïti, en particulier sa capitale Port-au-Prince, en janvier 2010. Cet article se propose de mettre en corrélation l’événement (progression des séquences d’action, urgence de témoigner, précipitation des faits) et la méditation de type essayistique qui permet à l’écrivain haïtien-québécois de transcender et universaliser le drame haïtien. Nous nous appuierons sur l’analyse de quelques extraits tirés de Tout bouge autour de moi pour montrer que l’universalisation de la catastrophe opérée par Laferrière est possible grâce à de multiples références de deux types : culturelles (les peintres et les écrivains haïtiens et étrangers, parmi lesquels Paul Morand, Stefan Zweig, Amos Oz) et extraterritoriales (les liens entre Haïti et d’autres espaces, comme le Brésil et le Québec).
EN:
Tout bouge autour de moi by the Haitian-Quebecois writer Dany Laferrière is a hybrid work which escapes all classification. It is a personal reflection triggered by the catastrophic earthquake that destroyed the Haitian capital Port-au-Prince and other cities in January 2010. The purpose of this essay is to correlate two aspects that define this work: the narration of the disaster (the need of bearing witness as a survivor, the chronological account of events) and the meditation which enables the writer to transcend the Haitian tragedy and make it universal. The analysis of some extracts from Tout bouge autour de moi will show how this process is made possible through two kinds of references: cultural (Haitian and non-Haitian painters and writers such as Paul Morand, Stefan Zweig, Amos Oz) and extraterritorial (the ties between Haiti and other geographical places, such as Brazil and Quebec).
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Comptes rendus
Daniel Long, Hope Christiansen, Justyna Czader, D.R. Gamble, Edward Ousselin, Béatrice Vernier, Désiré Nyela, Vittorio Frigerio, Michèle A. Schaal, Michael Bishop, Sarah-Jeanne Beauchamp Houde, Brian Kennelly and Caroline Strobbe
pp. 171–194