Cinémas
Revue d'études cinématographiques
Journal of Film Studies
Volume 22, Number 2-3, Spring 2012 Genre/Gender Guest-edited by Raphaëlle Moine and Geneviève Sellier
Table of contents (10 articles)
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Présentation
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Brigitte Bardot, ou le « problème » de la comédie au féminin
Ginette Vincendeau
pp. 13–34
AbstractFR:
Cet article examine les rapports entre comédie et gender dans le contexte du cinéma français en prenant comme cas d’étude les comédies de Brigitte Bardot. Il s’inscrit dans la double perspective des études anglo-américaines sur le genre, d’une part, notamment les travaux d’inspiration féministe et psychanalytique de Kathleen Rowe sur la comédie, et sur les star studies inaugurées par Richard Dyer, d’autre part. Après une réflexion sur les rapports entre récits féminins comiques et vedettariat, l’article analyse l’évolution des personnages de la star dans ses comédies populaires, de la « gamine » des débuts, aux personnages qui la positionnent dans le registre de la sex comedy puis de la dumb blonde. Cette étude offre ainsi une perspective sur la dimension genrée des films comiques en France ainsi que sur un aspect central mais d’habitude occulté de la star persona de Brigitte Bardot.
EN:
This article examines the relations between comedy and gender in French cinema by taking as its case study the comedies of Brigitte Bardot. Its perspective is two-fold: that of Anglo-American genre studies, on the one hand, in particular the feminist and psychoanalytical studies carried out by Kathleen Rowe on comedy, and on the other hand the field of star studies inaugurated by Richard Dyer. Following a discussion of the relations between women’s comic narratives and the star system, the article analyzes the evolution of Bardot’s character in popular comedies, from the saucy young woman of her early films to characters which situate her in the realm of the sex comedy and then the “dumb blonde.” This study thus offers a perspective on the gendered aspect of French film comedy and on a central yet usually obscured element of Bardot’s star persona.
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Les enquêtrices dans le film policier français des années 1970 et 1980 : des femmes qui en savent trop ?
Gwénaëlle Le Gras
pp. 35–60
AbstractFR:
Alors que dans le cinéma policier français, les rôles attribués aux femmes sont habituellement des rôles de garce ou de victime, apparaissent sous l’Occupation des figures d’enquêtrices, essentiellement dans la comédie policière, qui ne ressurgiront de manière significative qu’au tournant des années 1970. Ces nouvelles héroïnes, jouées par des vedettes, incarnent la Loi, officieusement ou officiellement, et bénéficient de prérogatives traditionnellement masculines, en réponse aux changements législatifs qui permettent aux femmes d’accéder à des métiers « d’hommes » et d’avoir, en théorie, un statut faisant d’elles leurs égales. Après une analyse statistique de la présence et de l’évolution de cette figure nouvelle dans le film policier français, l’auteure étudiera les effets contradictoires, sur le plan narratif et esthétique, qu’elle a sur le genre, entre fétichisme et féminisme populaire, à travers sa construction et sa réception dans La femme flic (Boisset, 1980) et dans Vivement dimanche ! (Truffaut, 1983).
EN:
In French crime film, women are usually attributed the role of tart or victim, but under the Occupation they appear as investigators, mostly in the comedy strain of the genre. This figure would not reappear in any significant manner until the early 1970s. These new heroines, played by major stars, officiously or officially embodied the law and enjoyed traditionally masculine prerogatives in response to legislative changes which enabled women to enter “male” professions and, in theory at least, to enjoy equal status. Following statistical analysis of the presence and evolution of this new figure in the French crime film, the author studies the figure’s contradictory narrative and aesthetic effects on the genre, from fetishism to working-class feminism, through the figure’s formulation and reception in La femme flic (Boisset, 1980) and Vivement dimanche! (Truffaut, 1983).
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Femme active et femme au foyer dans le woman’s horror film américain des années 2000 : ambivalences, contradictions et impasse post-féministe
Pascale Fakhry
pp. 61–79
AbstractFR:
Les années 2000 voient la sortie d’un grand nombre de films d’horreur qui sont aussi des woman’s films. Ces oeuvres montrent une femme confrontée à des créatures monstrueuses, souvent d’origine surnaturelle, et à des problèmes spécifiquement féminins, tels que la maternité et le conflit travail/foyer. À travers l’analyse détaillée de deux woman’s horror films de l’époque — The Ring (Gore Verbinski, 2002) et The Others (Alejandro Amenábar, 2001) —, l’auteure se propose de comparer, dans un premier temps, le traitement réservé à la femme active et à la femme au foyer dans leur relation à la maternité et aux rôles de victime, de monstre ou d’héroïne qu’on leur attribue au sein du récit d’horreur. L’ambivalence du discours tenu par le woman’s horror film sur ses personnages principaux féminins est, dans un deuxième temps, mise en relation avec l’émergence du post-féminisme et son influence grandissante sur la culture populaire américaine des années 2000.
EN:
A large number of horror films were released in the 2000s which were also “women’s films.” These films depict a woman confronted with monstrous creatures, often supernatural in origin, and with specifically female problems, such as motherhood and the work/family clash. Through a detailed analysis of two “woman’s horror films” of the period, The Ring (Gore Verbinski, 2003) and The Others (Alejandro Amenábar, 2001), the author first compares the depiction of active women and stay-at-home women and the role of victim, monster or heroine attributed to them by horror narratives. The ambivalence of the woman’s horror film’s discourse on its leading female characters is then connected to the emergence of post-feminism and its growing influence on popular American culture in the 2000s.
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« It is man’s work and you are just little girlies » : narration genrée et figures de l’empowerment féminin dans le film catastrophe hollywoodien
François-Xavier Molia
pp. 81–99
AbstractFR:
Le film catastrophe hollywoodien des années 1970 reproduisait les représentations traditionnelles des rapports de sexe dans une société patriarcale. Le cycle des années 1990 semble, lui, prendre acte des évolutions de la société contemporaine en accordant aux femmes une présence filmique accrue ainsi que des statuts sociaux plus importants. À quelle éventuelle élaboration générique ce rééquilibrage de la galerie des personnages conduit-il ? Twister (Jan de Bont, 1996), Deep Impact (Mimi Leder, 1998) et Titanic (James Cameron, 1997) modifient la formule du film catastrophe en y greffant des éléments susceptibles (du moins le suppose-t-on) d’attirer les spectatrices vers un genre « pour hommes » : traitement approfondi des enjeux amoureux et familiaux, hybridation avec le mélodrame ou la romance et amplification de la tonalité pathétique et, enfin, travail sur le point de vue féminin à travers différents procédés narratifs. Cette réorientation produit du « texte incohérent » (Robin Wood), sur le plan générique et sur le plan des représentations genrées, puisque ces femmes agissantes mais malgré tout dominées font osciller les films entre vision progressiste et stéréotypes.
EN:
The Hollywood disaster film of the 1970s reproduced traditional representations of sexual relations in a patriarchal society. In the 1990s, this genre appeared to reflect the evolution of contemporary society by granting women a more prominent presence on the screen, as well as greater social status. What was the possible outcome, with respect to the evolution of the genre, of this re-equilibrium between film characters? Twister (Jan de Bont, 1996), Deep Impact (Mimi Leder, 1998) and Titanic (James Cameron, 1997) modified the disaster film formula by grafting onto it elements which could (at least one supposes) attract female viewers to a “men’s genre”: in-depth treatment of romantic and family situations; crossovers with the melodrama and the romance film and amplification of their pathetic tone; and, finally, exploration of the female point of view using a variety of narrative techniques. This reorientation created an “incoherent text” (Robin Wood) on the level of genre and that of gender representations, because these active yet ultimately dominated women caused the films to waver between progressive vision and stereotypes.
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The Body as Gendered Discourse in British and French Costume and Heritage Fictions
Julianne Pidduck
pp. 101–125
AbstractEN:
This article explores several articulations between gender and genre in contemporary British and French costume and heritage fiction. Genre is defined here both as a (gendered) discourse of cultural value that shapes the cultural meaning of costume and heritage fiction, and as a symbolic negotiation of shared cultural concerns. Through case studies of Elizabeth (Shekhar Kapur, 1998) and Lady Chatterley et l’homme des bois (Pascale Ferran, 2006), the author examines changing generic accounts of female desire and sexuality, analyzing both textual and discursive framings of gender and other differences. These films exemplify an emergent attention to the body in intensive states of pleasure and suffering as a form of generic renewal in some recent British and French films. The broader theoretical ambition of the article is to explore how the body operates as a highly coded gendered and generic discourse in costume and heritage fiction.
FR:
Cet article explore plusieurs liens qui unissent identité sexuelle et genre cinématographique, en particulier dans les fictions patrimoniales et les films en costumes du cinéma français et britannique récent. Le genre y est défini comme un discours sexué dont la portée culturelle façonne la signification de ces deux types de fiction, mais aussi comme une négociation symbolique entre diverses préoccupations culturelles communes. Les films Elizabeth (Shekhar Kapur, 1998) et Lady Chatterley et l’homme des bois (Pascale Ferran, 2006) permettent ainsi d’examiner l’évolution des représentations génériques de la sexualité et du désir féminins, en insistant sur l’analyse textuelle et discursive des différences identitaires, sexuées ou autres. À l’instar de certains films britanniques et français récents, ces deux exemples témoignent d’un certain renouvellement du genre, lequel porte une attention accrue au corps en état de souffrance ou de jouissance intense. Dans une perspective théorique plus vaste, cet article a pour ambition de comprendre comment le corps parvient à agir comme un discours hautement codifié, porteur à la fois de marqueurs sexués et génériques, tant dans les films d’époque que dans la culture audiovisuelle en général.
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Genre cinématographique, identité sociale et gender. Une étude de cas : le mélodrame cinématographique des années 1950 en France
Jean-Marc Leveratto
pp. 127–155
AbstractFR:
Conjuguant microhistoire et observation ethnographique, l’auteur de cet article s’efforce — à l’aide d’une étude du marché des nouveautés cinématographiques dans une petite ville française, de 1948 à 1960 —, d’objectiver l’expérience cinématographique des spectatrices d’origine populaire et, notamment, leur mode d’appropriation personnelle du mélodrame cinématographique. L’analyse des mélodrames cinématographiques italiens qui remportent, durant les années 1950, un succès commercial important en France, la prise en compte de leur diffusion massive par la presse féminine, sous forme de films racontés, et l’observation des discussions dont ils sont l’occasion dans le courrier des lecteurs du Film complet permettent de reconnaître le caractère ambivalent de leur réception. L’idéologie patriarcale dans laquelle s’ancrent ces fictions cinématographiques n’interdit pas leur investissement par certaines spectatrices, compte tenu de leur expérience personnelle et de la dynamique socio-économique dans laquelle elles s’inscrivent, comme des occasions d’interroger la justesse et la justice des rapports sociaux de sexe. Cette étude entend ainsi corriger une vision réductrice et péjorative du mélodrame cinématographique et du goût féminin dont il serait le témoin.
EN:
Combining micro-history and ethnographic observation, the author of this article endeavours, using a study of the market for new film releases in a small French town from 1948 to 1960, to provide an objective account of the film-going experience of working-class female viewers, and in particular the individual ways in which they appropriated the film melodrama. Through analysis of Italian melodramas, which met with considerable box-office success in France in the 1950s and were widely disseminated in the women’s press in the form of serializations and novelizations, and a survey of the discussions they gave rise to in readers’ letters to Film complet, the author establishes the ambiguity of their reception. The patriarchal ideology in which these film fictions were rooted did not prevent some female viewers, in light of their personal experience and the socio-economic dynamic of which they were a part, from seeing them as opportunities to question the fairness and justice of social relations between the sexes. This study thus seeks to correct a reductive and pejorative vision of the film melodrama and of women’s tastes, to which the melodrama gives expression.
Hors dossier / Miscellaneous
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Mediterranean Perspectives: Early Spanish and Italian Contributions to the Cinema of Irregular Migration (Giordana, Marra, Soler, Uribe)
Verena Berger and Daniel Winkler
pp. 159–177
AbstractEN:
This article focuses on four relatively early Italian and Spanish films treating “illegal” migrations across the Mediterranean: Imanol Uribe’s Bwana (1996), Llorenç Soler’s Saïd (1998), Vincenzo Marra’s Tornando a casa (2001) and Marco Tullio Giordana’s Quando sei nato non puoi più nasconderti (2005). The analysis predominantly looks at representations of the categories “space” and “place,” which refer both to the spatial structures of the films themselves and to the ideological structures through which the clandestines migrate. The focus of this investigation concentrates on the (border) places linked to “illegal” immigration and proposes four categories through which to understand the cinematic practice of locating irregular migration.
FR:
Cet article se penche sur quatre films italiens et espagnols, parmi les premiers à traiter de la migration clandestine d’outre-Méditerranée : Bwana d’Imanol Uribe (1996), Saïd de Llorenç Soler (1998), Tornando a casa de Vincenzo Marra (2001) et Quando sei nato non puoi più nasconderti de Marco Tullio Giordana (2005). L’analyse s’attarde essentiellement aux notions d’« espace » et de « lieu » ainsi qu’à leurs représentations, lesquelles évoquent à la fois les structures spatiales des films eux-mêmes et les structures idéologiques qui jalonnent la migration des clandestins. Plus précisément, cette étude se concentre sur ces lieux frontaliers qui sont directement liés à l’immigration « illégale » et propose quatre catégories permettant d’approfondir le traitement cinématographique des migrations irrégulières.