Comptes rendus

Frodon, J.-M. (dir.). 2021. Amos Gitai et l’enjeu des archives. Paris, France : Collège de France, 272 pages. doi:10.4000/books.cdf.11908[Record]

  • Rémy Besson

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  • Rémy Besson
    Chargé de cours, Université de Montréal

Dirigé par l’historien du cinéma Jean-Michel Frodon, Amos Gitai et l’enjeu des archives est un ouvrage collectif disponible en ligne, en libre accès sur la plateforme OpenEdition Books, qui est issu d’un colloque tenu au Collège de France en 2019. Cette publication réunit des contributions de chercheurs, d’archivistes responsables de la préservation des films et des documents créés par le réalisateur, ainsi que de proches dont sa fille (Keren Mock) et une de ses scénaristes (Marie-José Sanselme). Il nous a semblé intéressant de revenir sur la coprésence dans cet ouvrage de textes provenant d’approches différentes et de se demander ce que cela apporte à la compréhension de l’oeuvre et des archives de Gitai. Avant de se pencher sur la seconde partie du titre – l’enjeu des archives –, il est important de revenir succinctement sur la filmographie de Gitai (1950-). Depuis la fin des années 1970, ce dernier a réalisé une soixantaine de films qui lui ont valu une reconnaissance internationale. Kippour (2002), qui est une fiction autobiographique revenant sur son implication dans la guerre israélo-arabe de 1973, a ainsi été en compétition au Festival de Cannes pour la Palme d’or. Côté documentaire, c’est son Journal de campagne tourné pendant la guerre du Liban en 1982 qui est le plus régulièrement cité. Ces deux films sont représentatifs d’une démarche qui l’a conduit à arpenter longuement un territoire, ses frontières, en s’intéressant tantôt à ses habitants (Israéliens juifs et arabes, Palestiniens), tantôt à des lieux précis tels qu’une maison ou une vallée, qu’il a parfois donnés à voir dans plusieurs films. Du point de vue esthétique, il a régulièrement choisi de tourner de longs travelings et des plans-séquences, cherchant ainsi à trouver une forme adaptée à ses sujets de prédilection. Il faut ajouter que, loin de faire se rejoindre arpentage et contemplation apaisée, Gitai a toujours été guidé par une volonté de s’engager dans l’espace public, chacun de ses films correspondant à une prise de position politique. Un article du collectif porte d’ailleurs sur ce sujet. L’historien Ouzi Elyada y explique que le cinéaste-historien a passé sa vie à « remettre en question les mythes fondamentaux de l’historiographie israélienne et documenter à chaud des événements clés de l’histoire d’Israël ». Cette volonté de faire entendre sa voix par tous les moyens a conduit Gitai, depuis plusieurs années, à développer sa pratique en dehors du seul cinéma. Il s’est ainsi risqué à la création musicale, aux représentations théâtrales et aux installations muséales. Cela n’est pas sans conséquence sur le type d’archives qu’il a produit et sur la diversité des intervenants qui s’expriment dans cet ouvrage. On notera notamment la présence d’Emmanuel Demarcy-Mota (directeur général du Théâtre de la Ville) et Laurent Bayle (directeur général de la Cité de la musique et de la Philharmonie de Paris) qui reviennent sur leur collaboration avec Gitai. Venons-en à présent aux archives, leur dépôt constituant, en soi, un enjeu. En effet, dans un propos introductif à l’ouvrage, le réalisateur explique que « mes archives, ou du moins ce que j’ai déjà déposé (il en reste !), sont à Jérusalem, à New York, à l’université de Stanford en Californie, à Lausanne, à Bruxelles, à la Bibliothèque nationale de France (BnF), au Centre Pompidou… » Gitai s’éloigne donc volontairement de tout principe d’unité de son propre fonds d’archives. Frédéric Maire, le directeur de la Cinémathèque suisse, précise « [qu’]il faut comprendre que les relations pour le moins complexes, pour ne pas dire tendues, d’Amos Gitai avec son pays d’origine [Israël] ne lui assurent pas de manière certaine un travail de confiance stable avec les archives nationales de son …

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