« L’homme de tous les combats » (Étienne, 2024 : quatrième de couverture) « n’a pas dit son dernier mot » (Myles, 2009), confirme Natania Étienne, veuve de l’écrivain. Elle est enseignante dans une école publique à Moncton où Gérard Étienne enseigne le journalisme à l’université, après des études de lettres à l’Université de Montréal et un doctorat en linguistique à l’Université de Strasbourg, avec mention très honorable. Fondatrice et directrice des Éditions du Marais, elle y publie le livre posthume Le Bacoulou 2 (2018). Elle prépare la publication posthume de La guerrière de Saint-Domingue, Défilée la folle. En travaillant sur le dossier « L’écriture combattante de Gérard Étienne » de la revue @nalyses (vol. 18, no 1, 2024), je me suis tournée vers Natania Étienne afin d’éclaircir certains points concernant l’oeuvre de l’écrivain. C’est à cette occasion que j’ai compris la nécessité d’un entretien plus approfondi avec celle qui fut sa compagne de tous les instants pendant quarante et un ans. Elle fut sa plus proche collaboratrice et sa confidente, le soutenant physiquement et moralement lors de ses multiples interventions chirurgicales, le suivant partout, en Haïti, et dans les congrès internationaux. Je les ai rencontrés pour la première fois au Congrès mondial du Conseil international d’études francophones (CIÉF). Exceptionnelle source d’informations, Natania garde encore aujourd’hui les noms, les titres, les fonctions qui constituent la petite histoire de tous ceux et celles ayant côtoyé l’écrivain. Gérard Étienne, cet intellectuel venu chercher refuge au Québec, après avoir fui le régime Duvalier sous lequel il avait été emprisonné et torturé, n’a jamais cessé d’être profondément concerné par ce qui se passait dans son pays d’origine, Haïti, et de dénoncer les injustices et la corruption. C’est à l’Université de Montréal, section lettres, qu’il rencontre Natania Feuerwerker, fille de deux résistants français, qui ont milité dans le groupe Combat. Ses parents sont le rabbin David Feuerwerker et Antoinette Feuerwerker, née Gluck, dont la famille déportée de Drancy a été assassinée à Auschwitz, à Kausnas Revel et en Pologne. Située au 14, place des Vosges à Paris, leur maison reste ouverte à tous en permanence. Titulaire d’une licence en littérature et d’un doctorat en histoire de la Sorbonne, David Feuerwerker introduit l’hébreu au baccalauréat français. Il enseigne à la Sorbonne, 6e section, École Pratique des Hautes Études de 1962 à 1965. Il crée la chaire d’études juives. En 1966, il émigre au Canada après avoir accepté un poste de professeur de sociologie à l’Université de Montréal. Il occupe la fonction de juge à la cour rabbinique de la ville et est membre du conseil de la communauté juive de Montréal (« David Feuerwerker », 2024). L’état d’âme dans lequel se trouve Natania quand elle doit choisir entre ses parents et Gérard Étienne se comprend : « Je suis prise dans un étau, d’un côté, je suis la fille du rabbin, d’un autre, j’aime de toute mon âme un être que les filles de mon âge n’oseraient pas présenter à leurs parents. » (Extrait, « Étoile du nord ») Cependant, dans le livre que Natania Étienne vient de publier aux Éditions du Marais, Kaddish pour un Haïtien (2024), qui rend compte des derniers jours de Gérard Étienne et l’immense douleur de sa famille, nous voyons qu’« après bien des péripéties, ils réussissent envers et contre tous, parfois au détour du chemin aussi à rencontrer des êtres exceptionnels capables de dépasser les préjugés de notre époque ». L’entretien avec Natania Étienne comporte des éléments inédits de la petite enfance de l’auteur, de sa famille biologique saccagée et de sa famille adoptive aimante. Il nous …
Appendices
Bibliographie
- Bensoussan, David (dir.) (2010). Anthologie des écrivains sépharades du Québec, Montréal, Éditions du Marais.
- Cyrulnik, Boris (2001). Les vilains petits canards, Paris, Odile Jacob.
- Cyrulnik, Boris (2004). Parler d’amour au bord du gouffre, Paris, Odile Jacob.
- « Antoinette Feuerwerker » (2024). Dernière modification le 28 juillet, sur le site Wikipédia, [https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoinette_Feuerwerker] (consulté le 31 octobre 2024).
- « David Feuerwerker » (2024). Dernière modification le 8 juillet, sur le site Wikipédia, [https://fr.wikipedia.org/wiki/David_Feuerwerker] (consulté le 8 juin 2024).
- Étienne, Gérard ([1974, 1990, 1994] 2008). Le Nègre crucifié, Montréal, Éditions du Marais.
- Étienne, Gérard ([1983] 2018). Une femme muette, Montréal, Éditions du Marais. D’abord publié par Nouvelle Optique.
- Étienne, Gérard ([1987] 1989). La Reine Soleil levée, Genève, Métropolis. D’abord publié par Guérin (version que nous utilisons).
- Étienne, Gérard (1991). La pacotille, Montréal, Éditions de l’Hexagone.
- Étienne, Gérard ([1998a] 2018). Le bacoulou 2, Montréal, Éditions du Marais.
- Étienne, Gérard (1998b). L’injustice! : désinformation et mépris de la loi, Brossard, Éditions Humanitas, coll. « Circonstances ».
- Étienne, Gérard ([1998c] 2007). La femme noire dans le discours littéraire haïtien, Montréal, Éditions du Marais.
- Étienne, Gérard (2000). La Romance en do mineur de Maître Clo, Montréal, Éditions Balzac.
- Étienne, Gérard (2002). « La Révolution (tranquille) : mobilisations populaires contre Préval/Lavalas », Haïti-Observateur, 26 novembre-3 décembre, p. 1.
- Étienne, Gérard (2008a). Monsieur le président, Montréal, Éditions du Marais.
- Étienne, Gérard (2008b). Natania, Montréal, Éditions du Marais.
- Étienne, Gérard ([2003] 2012). Au coeur de l’anorexie, Montréal, Éditions du Marais.
- Étienne, Natania (1998). « En guise de préface », dans Gérard Étienne, L’injustice! : désinformation et mépris de la loi, Brossard, Éditions Humanitas, p. 9-12, coll. « Circonstances ».
- Étienne, Natania (2010). « Étoile du Nord », dans David Bensoussan (dir.), Anthologie des écrivains sépharades québécois, Montréal, Éditions du Marais, p. 490-495.
- Étienne, Natania (2024). Kaddish pour un Haïtien, Montréal, Éditions du Marais.
- Guénard, Tim (1999). Plus fort que la haine, Montréal, Presses de la Renaissance.
- Hauptman, Maya (2011). Tahar Ben Jelloun : l’influence du pouvoir politique et de la société traditionaliste sur l’individu, Paris, Publisud.
- Hauptman, Maya (2013a). « Monsieur le Président de Gérard Étienne, un discours polémique », Interculturel Francophonies, « Tissage et métissage dans l’oeuvre de Gérard Étienne », dirigé par Simone Grossman et Danielle Schaub, no 24 (novembre-décembre), p. 103-123.
- Hauptman, Maya (2013b). « Natania de Gérard Étienne : lyrisme, intertextualité et polémique », dans Najib Redouane et Yvette Benayoun-Szmidt (dir.), Le pari poétique de Gérard Étienne, Paris, L’Harmattan, p. 209-235, coll. « Espaces littéraires ».
- Hauptman, Maya (2022). « Solidarité et résilience féminines, classe ouvrière et problématique migratoire dans l’oeuvre de Gérard Étienne », dans Lélia Young (dir.), Les degrés de la parole dans l’oeuvre de Gérard Étienne, Montréal, Éditions du CIDIHCA (Centre international de documentation et d’information sur Haïti, les diasporas caribéennes et les communautés afro-canadiennes), p. 75-91.
- Lemoine, Laurence (2009). « Quand l’amour guérit », Psychologies, 12 avril, modifié le 5 juillet 2010, [En ligne], [https://www.psychologies.com/Therapies/Toutes-les-therapies/Therapeutes/Articles-et-Dossiers/Quand-l-amour-guerit] (consulté le 31 octobre 2024).
- Myles, Brian (2009). « Mort d’un écrivain engagé : Gérard Étienne n’a pas dit son dernier mot », Le Devoir, 8 janvier, sur le site de Stanley Péan, [https://www.stanleypean.com/gerard-etienne-na-pas-dit-son-dernier-mot/] (consulté le 20 octobre 2023).
- « Privilège blanc » (2024). Dernière modification le 28 août, sur le site Wikipédia, [https://fr.wikipedia.org/wiki/Privil%C3%A8ge_blanc] (consulté le 15 juin 2024).
- Radio-Canada (2005). « Nouvelles accusations de malversation contre Jean-Bertrand Aristide », 1er novembre, sur le site Info Radio-Canada, [https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/277996/aristide-detournement] (consulté le 25 juin 2024).
- Sroka, Ghila (2003). « Le Juif nègre », La Tribune juive, vol. 19, no 4 (mars), p. 8-14, [En ligne], [http://ile-en-ile.org/gerard-Étienne-le-juif-negre/] (consulté le 30 avril 2023).
- Toyo, Frantz (2010). « Haïti, être femme dans une société patriarcale », Le Nouvelliste, 10 septembre, [En ligne], [https://lenouvelliste.com/article/83361/haiti-etre-femme-dans-une-societe-patriarcale] (consulté le 30 avril 2023).