Hors-dossier : article libre et entretien

Gérard Étienne (1936-2008), l’homme de tous les combats n’a pas dit son dernier mot[Record]

  • Maya Hauptman and
  • Natania Étienne-Feuerwerker

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  • Maya Hauptman
    Université de Haïfa

  • Natania Étienne-Feuerwerker
    Écrivaine

« L’homme de tous les combats » (Étienne, 2024 : quatrième de couverture) « n’a pas dit son dernier mot » (Myles, 2009), confirme Natania Étienne, veuve de l’écrivain. Elle est enseignante dans une école publique à Moncton où Gérard Étienne enseigne le journalisme à l’université, après des études de lettres à l’Université de Montréal et un doctorat en linguistique à l’Université de Strasbourg, avec mention très honorable. Fondatrice et directrice des Éditions du Marais, elle y publie le livre posthume Le Bacoulou 2 (2018). Elle prépare la publication posthume de La guerrière de Saint-Domingue, Défilée la folle. En travaillant sur le dossier « L’écriture combattante de Gérard Étienne » de la revue @nalyses (vol. 18, no 1, 2024), je me suis tournée vers Natania Étienne afin d’éclaircir certains points concernant l’oeuvre de l’écrivain. C’est à cette occasion que j’ai compris la nécessité d’un entretien plus approfondi avec celle qui fut sa compagne de tous les instants pendant quarante et un ans. Elle fut sa plus proche collaboratrice et sa confidente, le soutenant physiquement et moralement lors de ses multiples interventions chirurgicales, le suivant partout, en Haïti, et dans les congrès internationaux. Je les ai rencontrés pour la première fois au Congrès mondial du Conseil international d’études francophones (CIÉF). Exceptionnelle source d’informations, Natania garde encore aujourd’hui les noms, les titres, les fonctions qui constituent la petite histoire de tous ceux et celles ayant côtoyé l’écrivain. Gérard Étienne, cet intellectuel venu chercher refuge au Québec, après avoir fui le régime Duvalier sous lequel il avait été emprisonné et torturé, n’a jamais cessé d’être profondément concerné par ce qui se passait dans son pays d’origine, Haïti, et de dénoncer les injustices et la corruption. C’est à l’Université de Montréal, section lettres, qu’il rencontre Natania Feuerwerker, fille de deux résistants français, qui ont milité dans le groupe Combat. Ses parents sont le rabbin David Feuerwerker et Antoinette Feuerwerker, née Gluck, dont la famille déportée de Drancy a été assassinée à Auschwitz, à Kausnas Revel et en Pologne. Située au 14, place des Vosges à Paris, leur maison reste ouverte à tous en permanence. Titulaire d’une licence en littérature et d’un doctorat en histoire de la Sorbonne, David Feuerwerker introduit l’hébreu au baccalauréat français. Il enseigne à la Sorbonne, 6e section, École Pratique des Hautes Études de 1962 à 1965. Il crée la chaire d’études juives. En 1966, il émigre au Canada après avoir accepté un poste de professeur de sociologie à l’Université de Montréal. Il occupe la fonction de juge à la cour rabbinique de la ville et est membre du conseil de la communauté juive de Montréal (« David Feuerwerker », 2024). L’état d’âme dans lequel se trouve Natania quand elle doit choisir entre ses parents et Gérard Étienne se comprend : « Je suis prise dans un étau, d’un côté, je suis la fille du rabbin, d’un autre, j’aime de toute mon âme un être que les filles de mon âge n’oseraient pas présenter à leurs parents. » (Extrait, « Étoile du nord ») Cependant, dans le livre que Natania Étienne vient de publier aux Éditions du Marais, Kaddish pour un Haïtien (2024), qui rend compte des derniers jours de Gérard Étienne et l’immense douleur de sa famille, nous voyons qu’« après bien des péripéties, ils réussissent envers et contre tous, parfois au détour du chemin aussi à rencontrer des êtres exceptionnels capables de dépasser les préjugés de notre époque ». L’entretien avec Natania Étienne comporte des éléments inédits de la petite enfance de l’auteur, de sa famille biologique saccagée et de sa famille adoptive aimante. Il nous …

Appendices