Abstracts
Résumé
En 1988 la revue du Réseau International de la CIDIH a publié cet article de David Robinson dans le Volume 1, numéro 1 intitulé « Vers une CIDIH officielle en 1991 - Bulletin du CQCIDIH ». Il nous fait plaisir de republier l’article de Monsieur Robinson qui avait participé aux consultations organisées par le réseau international pour proposer une révision du 3e niveau de la CIDIH pour parler de la relation entre l’OMS et la CIDIH. Conférence prononcée le 2 juin 1987 lors de la journée précongrès consacrée à la CIDIH.
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Vous pouvez toujours aisément identifier un membre du personnel de l’OMS parce qu'il a un petit levier et que si vous lui donnez des arachides, il dira : « Santé pour tous en l’an 2000 ! Santé pour tous en l'an 2000 ! ».
Je suis désolé de vous dire que c’est exactement ce que je vais faire puisque la CIDIH constitue clairement un aspect du mouvement « Santé pour tous ». Philip Wood vient tout juste d'utiliser le mot « équité ». Voilà le fondement du mouvement « Santé pour tous ». Ce n’est pas une initiative de l’OMS, mais de la communauté internationale. Une initiative qui veut aller plus loin que de simplement dispenser des services; il s’agit de reconnaître que la santé, au sens large que lui donne l’OMS, émerge du changement économique. Si vous voulez améliorer la santé, il ne suffit pas de dispenser les services essentiels. La société doit être prise en considération.
Les problèmes à résoudre, si nous voulons améliorer l’état de santé, se situent au niveau social, économique et environnemental. Ce mouvement a probablement démarré au milieu des années soixante, sinon avant, et a amené la rencontre d’Omahata, en 1978, au cours de laquelle la célèbre politique « pour tous en l'an 2000 » a fait son entrée.
Cette politique reposait sur une stratégie baptisée « soins de base ». Les soins de base sont merveilleusement présents dans la CIDIH parce qu'elle participe à une pensée, une façon de penser, qui met de l’avant les soins de base dans l’amélioration de la santé : définir avant toute chose les besoins, les besoins en santé des individus et des groupes au sein d'une communauté et de répondre par la suite à ces besoins de façon appropriée.
Deuxièmement, nous y retrouvons une très grande insistance sur l’autonomie, loin de la passivité et d’attendre qu’on vous administre votre dose quotidienne de santé. Le mouvement dit que « si vous voulez être en santé, les communautés doivent sortir et agir en conséquence ». C'est un mouvement qui amène la communauté à trouver les moyens d'être en santé.
Les activités et les actions qui amènent une amélioration de la santé ne se limitaient pas qu’aux services de santé. Elles embrassaient tous les niveaux, de l’individu qui a la responsabilité de sa santé, aux groupes responsables de la santé de chacun de ses membres aux groupes de plus en plus larges et, finalement, aux gouvernements et aux organisations intergouvernementales.
Toutes ces instances ont une responsabilité à l’égard de la santé. Et derrière tout ça, il y a le besoin d’informations qui mettra tout le processus en marche : décider des changements inutiles, débusquer les problèmes, être capable de juger des activités en cours et de dire : « ça, ça marche », « Pourquoi est-ce que ça ne marche pas ? » et « Que peut-on faire pour que ça change ? ».
Donc, toute cette affaire de soins de base repose sur l’information. La réflexion sur les incapacités, amorcée au même moment et que Philip nous a présentée à travers la CIDIH, suivra sensiblement la même tangente, s'éloigner de la notion des personnes vivant avec des incapacités qui ont besoin de services et dire plutôt que les personnes vivant avec des incapacités ont, comme l’ensemble de la société, besoin de surmonter certains problèmes.
Pour l’OMS, la CIDIH est d’abord un moyen de regrouper des idées, des ensembles d’idées, de concepts, qui pourront être présentés et, nous l’espérons, considérés par les personnes responsables comme un guide et une aide au développement d’activités liées à la santé.
Comme l’a dit Patrick Fougeyrollas, la classification permet de prendre certaines décisions au niveau individuel, décisions sur les soins à donner à un individu, décisions qui exigent des informations permettant de répondre aux questions suivantes : « Qu'est-ce qui se passe ? Quelle est la progression ? Comment une personne qui a subi un accident passe de la déficience à l’incapacité ? Et finalement, quels sont les différents facteurs dans l’environnement de l’individu qui créent un handicap ? Est-ce que cela n'est que l’extension d’une déficience ? ».
Au cours des derniers jours, nous avons pu constater, et personne n'en sera surpris, qu'au sein d'un même pays les gens ne s’expriment pas nécessairement dans un langage commun. O.K., nous parlons tous français, ou anglais, ou hollandais, ou toute autre langue. Mais nous ne sommes pas certains que les mots signifient la même chose pour tous. La CIDIH est une façon d'aider les gens, les groupes nationaux, culturels, linguistiques, à démêler les différences terminologiques.
Elle n’est pas une terminologie, mais elle tend à faire accepter une façon de penser commune. Elle offre tant un moyen de coordonner des informations que des activités. Une activité visant à régler un problème précis, dans un secteur particulier de la société, pourra être examinée en termes compris par tous et toutes. Et nous retrouvons le besoin, je ne dirai pas le mot normalisation parce que je crois qu'il est tabou, un certain besoin donc, qui fait que des pays se regroupent, tel la Communauté européenne ou encore, j'ose aussi parler de regroupements interpays dans le cas de fédérations comme le Canada, où vous retrouvez des regroupements politiques qui ont besoin de certaines choses, de partager des ressources, des idées d’activités, de décider entre eux de ce qu’ils veulent faire ensemble.
La CIDIH offre donc un cadre permettant de réfléchir, de réunir des données et d'en tirer des informations. Elle ne le fait pas d'elle-même, mais elle permet de le faire, facilitant la prise de décision commune.
A l’origine… non je ne dirai pas à l’origine… À un certain moment donné, la CIDIH était considérée comme membre d’une même famille de classifications. Je vais vous lire un article qui ne traite pas directement de la CIDIH, mais qui est très pertinent. Il fait référence à une classification au nom épouvantable d’ICHPPC2D5. C'est une bonne classification. Seul le nom est épouvantable ! « Plusieurs groupes dans le monde voudraient élargir la CIM, mais elle constitue une famille de classifications, ou une série de modules de classification. Cette famille, partant de la classification des noms populaires de maladies, s’étendant aux termes utilisés en médecine générale ou primaire, en passant par ceux utilisés en médecine hospitalière, dans les sous-spécialités et pour les déficiences, les incapacités et les handicaps, avec un petit détour sur la classification des causes de mortalité et des procédures, pourrait être considérée comme une classification internationale des problèmes de santé ». Tout cela est fort bien, mais on s’est rendu compte que la CIM, en passant de la CIM 9 à la CIM 10, pourrait devenir, non pas, comme c'est le cas actuellement, une collection de toutes les classifications, mais plutôt un tronc commun auquel se rattacheraient des classifications comme la CIDIH. La CIM ne servirait qu'à s’informer sur la maladie elle-même.
Si vous désirez en savoir plus long sur les conséquences de ces maladies, la classification renverrait aux spécialités développées dans la CIDIH. Ainsi, pour les soins dentaires, vous iriez consulter la section pertinente : même chose pour les soins de base, classés dans une section qui leur serait propre et reliée de façon à pouvoir retourner au tronc commun.
Cette politique fait que la CIM pousse un peu n’importe comment et continue de pousser. Nous nous retrouvons dans une situation où la CIM 10, pour ceux qui ne l’ont pas vue, est encore plus épaisse que la CIM 9 et ne laisse aucune place aux autres classifications. Il est cependant possible, et nos efforts devraient porter en ce sens, que la classification dont nous parlons aujourd’hui, la CIDIH, puisse être reliée à la CIM de façon à pouvoir aller d'une à l'autre, nous pourrions amener les gens à dire : « Ce n'est pas qu’une maladie, mais plutôt le début de toute une série de conséquences ! » nous croyons que ce lien entre la CIM et la CIDIH devrait se faire selon cette ligne de pensée. Maintenant, une opinion que j'ai émise par deux fois au cours des derniers jours. Il y a une différence entre la façon dont l’OMS envisage le rôle de la CIDIH et le rôle de différentes classifications, particulièrement la CIM 10 ou la CIM.
La Classification internationale des maladies est régie par la Règlementation sur la santé : tous les pays, d’une façon ou d’une autre, sont supposés utiliser la classification dans leurs échanges internationaux d’informations sur la santé. Il y en a actuellement 60, sur un total de 166, qui le font, mais ça, c'est une autre histoire. La CIM est structurée de façon à réunir le plus grand nombre de données et de classifications possibles, permettant de tout y intégrer.
Ce n'est pas le cas de la CIDIH. Actuellement, la CIDIH n'est pas considérée comme une classification obligatoire que tous doivent utiliser. Mais qu’est-ce que c’est ? En ce qui nous concerne, elle fait partie d'un support aux systèmes de santé nationaux, support destiné aux activités reliées aux incapacités, L'OMS désire améliorer les activités entreprises par les États visant les groupes de population aux prises avec des incapacités. La CIDIH est donc présentée dans le but d’améliorer les données et les informations sur lesquelles sont basées ces décisions. Nous espérons que la CIDIH deviendra finalement tellement bonne, tellement pratique et si bien acceptée que tout le monde l’utilisera. Lorsque viendra ce jour, il y aura encore des pays qui feront ce qu'ils voudront mais qui seront capables de se parler puisqu'ils auront un langage commun.
C’est ce que nous aimerions. Nous ne pouvons l’imposer pour le moment, et nous espérons n’avoir jamais à le faire ou désirer le faire. Mais notre objectif est d’avoir une classification qui répond aux exigences des personnes qui sont chargées de ces problèmes, de répondre à leurs demandes d’information de façon à ce qu'ils veuillent l’utiliser.
Maintenant, comment y arriverons-nous ? Eh bien, ceci constitue, si l’on veut, la troisième d'une série de rencontres. Les deux premières ont été de formidables occasions de discussions qui ont permis un modeste échange d’informations. Mais il n'en est pas sorti grand' chose, sinon beaucoup de devoirs.
Ce qui nous préoccupe maintenant, c’est d’avancer rapidement afin de répandre l’utilisation, la compréhension et l’application de la CIDIH, de façon à ce qu'un plus grand nombre de gens apprennent à la connaître. Il faut répandre plus d’informations à son sujet, ce qui exige une certaine somme de travail, afin d’en faire une classification vraiment utile.
Pourquoi nous retrouvons-nous à Québec pour en parler ? C'est, comme cela a été souligné, que le Québec est un pionnier. Ce n'est pas le premier endroit à avoir utilisé la CIDIH, mais c'est le premier à avoir basé sa politique sur la CIDIH et comme me le disait Maryke hier : « Si vous voulez que nous travaillions avec vous, prenez garde ! Nous vous pousserons ! » Et c’est exactement ce que nous voulons ! Il ne fait pas de doute que si l’OMS pliait bagages, enfilait son manteau et disparaissait demain, la CIDIH serait entre bonnes mains. Nous ne pouvons l’entreposer nulle part ailleurs.
En pratique, cependant, nous avons besoin d’activités de promotion. Nous n’avons pas nécessairement besoin de nouveaux développements, mais de plus de discussions et d’une plus grande acceptation des concepts et des définitions qui les sous-tendent. C'est ce qui importe pour l’avenir.
Nous devons relier les multiples expériences en cours à travers le monde. Je crois que nous avons maintenant 13 traductions de la classification. Nous voulons savoir ce qui a été fait pour rassembler tout ce travail afin d’en arriver à des échanges complets nous ne réinventons pas la roue et nous ne voulons rien oublier.
Nous voulons réunir toutes ces idées et entreprendre toute recherche jugée nécessaire. Nous voulons donner suite en en répandant l’usage, non seulement auprès des chercheurs, mais aussi auprès de tous les groupes de la communauté qui sont impliqués, qu’ils soient bénéficiaires, dispensateurs de services, ou tout autre groupe oeuvrant auprès ou dirigés par des personnes vivant avec des limitations.
Et finalement, s’il s’avère nécessaire de la réviser, nous le ferons. Quand nous saurons exactement ce que nous avons, nous la réviserons de façon à ce qu’elle devienne un outil pratique et universel que les gens voudront utiliser, créant ainsi ce langage international et international.
Nous avons discuté hier de la possibilité d’établir un réseau de centres d’expertise qui pourraient entreprendre certains des travaux que nous avons décrits ci-haut et partager entre eux leurs expériences. Il n’y a pas lieu maintenant d’entrer dans les détails, mais cela semble prometteur et il semble qu’avant la fin de la semaine, nous aurons une très bonne idée de ce réseau qui impliquera le Québec. Et nous considérons que c'est la chose la plus concrète qui ait surgi depuis les débuts de la CIDIH. Cela semble en effet très prometteur.
Pour terminer, je dirai que la CIDIH est une classification. C'est un ensemble d’idées, elle n’est pas un outil, elle n’est pas pratique en soi, mais elle a un objectif : « D’une façon ou d'une autre, promouvoir et supporter la planification, la mise en pratique et l’évaluation d’activités destinées à surmonter les problèmes que causent l’incapacité ». Voilà ce qu’est pour nous la CIDIH et nous espérons qu’elle deviendra vraiment utile dans un avenir rapproché.
Merci.