Relations industrielles
Industrial Relations
Volume 62, numéro 1, hiver 2007
Sommaire (14 articles)
Articles
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Can Strikes Pay for Management? Pro Sports’ Major Turnarounds
Edward George Fisher
p. 3–30
RésuméEN :
Collective bargaining and antitrust law emancipated players. The advent of free agency and related contractual provisions created a battle line over splitting revenues. Work stoppages can foster players’ resisting or employers’ enforcing “salary restraint mechanisms.” Each major sport had a major showdown and corresponding turnaround in “survival bargaining.” My framework adds “litigious and other maneuvers” as backups to the traditional strategic choices of “reconfiguring” versus “forcing” or “resisting change.” It expands on Walton and McKersie’s “sanction as an investment device,” “intra-organizational bargaining,” and “attitudinal structuring” (1965). In each major turnaround management eventually achieved a stable contractual formula consistent with a three-pronged formula: (1) demonstrate a performance gap, (2) play on worst fears via sanctions or their threat, and (3) provide incentives to settle or change.
FR :
La négociation collective et la législation antitrust ont libéré les joueurs d’une espèce de servitude à long terme. L’arrivée des agents libres et des dispositions contractuelles qui s’y rapportent ont créé une bataille en règle sur le partage des revenus. Les arrêts de travail peuvent mousser la résistance des joueurs ou renforcer chez les employeurs les mécanismes de contraintes salariales. Chaque sport majeur a connu une épreuve de force qui a mené à une « négociation de survie ».
Le graphique 1 présenté dans l’article s’appuie sur le modèle évolutif du choix stratégique de Chaykowski et Verma (1992), tout en lui apportant un complément. Selon ce modèle, un changement important dans l’environnement déclenche un « écart de performance » et créé ainsi un « point de transition ». Tout en intégrant la vision de l’avenir de la direction, son initiative de changement de type « signe de détresse » déclenche d’une manière singulière une lutte pour s’emparer des esprits et des coeurs des membres de l’unité de négociation : ceux qui vont voter pour un règlement proposé ou pour une éventuelle sanction.
La reconfiguration proposée par la direction ou l’Option X incorpore un arrangement contractuel qui se veut ou qui se propose d’être à l’avantage des deux côtés dans les circonstances. L’ordre du jour de négociation du syndicat qui se propose de résister et de maintenir le statu quo entraîne une descente en spirale de l’Option Y. La stratégie hybride de la direction d’introduire de force l’Option X comprend aussi la réduction du pouvoir de négociation du Plan Y et, possiblement, le recours à une sanction. Dans une négociation de survie, cela entraîne un choix stratégique entre « gravir l’escalier abrupte de l’Option X » ou bien de « suivre la pente glissante de l’Option Y », incluant la possibilité d’aller jusqu’à la disparition du syndicat.
Étant donné la nature conflictuelle des Options X et Y, la direction se sert normalement d’une formule comprenant trois volets, espérant changer l’attitude de son opposé en cherchant à réaliser l’Option X. Premièrement, démontrer l’existence d’un problème majeur; deuxièmement, jouer la carte des pires craintes (celles de l’Option Y); troisièmement, offrir ou fournir des incitatifs pour régler maintenant (Option X). Cette double stratégie de jouer sur les deux Options X et Y est clairement une politique de la carotte et du bâton. La formule à trois volets comprend également la sanction (imposition d’un règlement par la loi ou par voie de décision arbitrale) comme un mécanisme d’implication (Sanction Comme Mécanisme d’Implication) (SCMI) : le Plan A versus le Plan B. Dans la terminologie SCMI, le Plan A représente un règlement sans sanction, alors que le Plan B implique un règlement en cours de sanction.
La formule à trois volets apparaît permettre un repositionnement stratégique après l’atteinte du point de transition. L’approche SCMI vient à l’encontre du mythe que les grèves ne paient pas. L’expérience plutôt limitée examinée ici laisse croire que les arrêts de travail peuvent être profitables à la direction en amenant des concessions du syndicat. Les sanctions ont provoqué des tournants qui ressemblaient fortement à la vision initiale de la direction dans trois des quatre épreuves de force étudiées : celle du football en 1987–1993, le basketball en 1998-1999 et le hockey en 2004-2005. La longue grève du baseball des années 1994-1995, qui fut certainement un événement de perdant-perdant à moyen terme, a officiellement donné lieu à un aménagement contractuel qui favorise l’avenir de l’industrie. Depuis, les parties ont apparemment trouvé la formule floue qui satisfasse leurs besoins.
À titre de renforts aux Options X et Y, l’option Z implique des mécanismes de retour reconnus par des droits, dont les décisions viennent préciser les intérêts et le pouvoir des deux parties et renforcer leur vision respective de l’avenir. La législation sur le retour au travail impose également une décision, qui en bout de ligne confère des droits impossibles à atteindre par voie de négociation. En laissant aux parties la décision finale, le processus d’intervention repose avant tout sur la persuasion dans le but de changer les états d’esprit.
Le cadre de référence élaboré dans cette étude englobe un éventail assez large d’événements et contribue à leur donner une signification. Les décisions des cours et des tribunaux administratifs ont joué un rôle crucial dans la poursuite de règlements au cours des épreuves de force dans le football et le baseball. Certaines interventions dans le processus à l’interne ont amené un glissement de paradigme de la recherche du pouvoir de marchandage pur et simple vers un pouvoir de négociation au cours des rondes de 2002 dans le baseball et du lock-out du hockey en 2004-2005. Le règlement législatif intervenu dans le baseball en 1997-1998 a contribué à améliorer les relations entre les parties.
Le cadre de référence modifie aussi l’approche SCMI de Walton et McKersie (1965) et lui donne plus d’ampleur en retenant « la négociation intra organisationnelle » et la « structuration des attitudes ». Il établit un pont entre l’approche SCMI et le paradigme « HIVE » envisageant la négociation représentative et multidirectionnelle, ce qui inclut la négociation avec l’agent principal (intra organisationnel). Dans les négociations les plus rudes à l’intérieur des équipes, les chefs négociateurs adoptent le rôle de quasi médiateurs dans leur tentative d’obtenir un arrangement entre les des éléments pondérateurs et non pondérateurs, c’est-à-dire les dissidents dans un comité de négociation.
L’agencement des deux approches « HIVE » et SCMI permet de saisir les ramifications importantes des politiques organisationnelles dans les négociations. Un exemple frappant est celui du braquage avorté des négociations en 1995 dans le basketball par une poignée de joueurs étoiles et leurs agents, ce qui a entrainé l’instabilité politique interne et un changement du leadership syndical. Le « C Magique » du tableau 1 présente une bonne vision de la manière dont les propriétaires ont maintenu l’unité dans les rondes de négociations dans le baseball en 2002 et dans le long conflit du hockey en 2004-2005.
En abordant la gestion des relations, le graphique 2 jette un éclairage utile, plus précisément, lorsqu’on fait le pont avec le concept clé de négociations de transformation en passant d’une lutte démoralisante pour le pouvoir à une négociation de pouvoir. Cette dernière négociation permet de promouvoir des intérêts personnels, mais également de réaliser des compromis de façon à gagner le respect, tout en bâtissant une relation de confiance et en favorisant un engagement à l’endroit d’un accord. Tout comme dans le baseball en 2002, les négociations dans le hockey en 2005, en introduisant les mêmes modifications, ont contribué à améliorer les relations entre les parties (voir le glissement vers le haut dans le graphique 2).
Le cadre de référence devrait s’appliquer à d’autres relations contractuelles établies depuis longtemps dans les cas de renégociations périodiques. Le Plan B de l’approche SCMI accentue le pouvoir de résister ou de s’en aller. La formule à trois volets inclut la stratégie du bâton et de la carotte, la stratégie hybride (Plan A versus Plan B) et la contrepartie en termes de choix stratégique (Option X versus Option Y). Le Plan Z comprend les supports en termes de résistance ou de contrainte, en termes de recours en dernier ressort à une législation, qui inciterait l’autorité compétence ou un tribunal à mettre fin au conflit par voie de sanction. Il inclut aussi des interventions sur les processus de manière à réorienter les négociations. En effet, ce sont là des choix stratégiques que nous retenons et que nous exerçons dans nos vies quotidiennes, ce qui inclut une prise de décision individuelle (c’est-à-dire que nous négocions avec nous-mêmes) et une négociation avec d’autres.
ES :
La negociación collectiva y la ley anti-trust liberaron los jugadores. El advenimiento de agentes libres y las provisiones contractuales respectivas crearon un campo de batalla en torno a la repartición de los ingresos. Las paralizaciones laborales pueden fomentar la resistencia de los actores o la reacción drástica de los empleadores mediante “mecanismos de restricción salarial”. Cada deporte principal ha conocido un enfrentamiento principal y el subsiguiente retorno a la “negociación de sobreviviencia”. Mi esquema añade los “litigios y otras maniobras” como sustento a las opciones estratégicas tradicionales de “reconfiguración” versus “imposición” o “resistencia al cambio”. Esto amplía los conceptos de Walton y McKersie (1965) de “sanción como mecanismo de inversión”, de “negociación intra-organizacional” y de “estructuración de la actitud”. En cada viraje principal, la dirección concluye eventualmente una formula contractual estable que concuerda con una formula a tres facetas : (1) demostrar una brecha en el rendimiento, (2) jugar con los peores temores mediante sanciones o amenazas, y (3) brindar incentivos a la adaptación o al cambio.
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From Person-Days Lost to Labour Militancy: A New Look at the Canadian Work Stoppage Data
Linda Briskin
p. 31–65
RésuméEN :
Using the micro-data from Human Resources and Social Development Canada (HRSDC) on the 23,944 stoppages in Canada between 1960 and 2004, this article introduces a labour militancy perspective on work stoppages, that is, from the point of view of workers. It explores patterns of militancy with a focus on strike duration, strike size and strikes for first contracts, and supports re-interpretations which help make visible the significance of such stoppages for workers, unions and communities. A labour militancy frame presents an alternative to the employer perspective on time lost, the government concern to measure the economic impact of stoppages, and the scholarly emphasis on strike determinants. As part of re-examining the HRSDC work stoppage data from a labour militancy perspective, the paper considers the source of these data. It juxtaposes the statistical data with interviews with the provincial correspondents who collect the information for HRSDC. Examining the data in this light underscores the political nature of data collection (what is seen to be germane and not), data presentation (what is made visible and what is not), and data sources (whose voices are heard).
FR :
En utilisant les micro-données sur les arrêts de travail colligées par le Ministère des ressources humaines et du développement social du Canada, cet essai introduit la perspective du militantisme syndical dans l’étude des arrêts de travail. C’est une approche qui vient enrichir notre compréhension des arrêts de travail au Canada et qui aide à éclairer les expériences de grève chez les travailleurs. Les travailleurs ont eu recours aux grèves pour bonifier leur rémunération et leurs conditions de travail, et pour défendre leur droit à une protection syndicale. Ils se sont servis de l’arme de la grève pour résister non seulement aux attaques des employeurs, mais aussi à celles des politiques gouvernementales. Sans l’ombre d’un doute, les travailleurs canadiens ont fait preuve de militantisme. Le ministère fait état de 23 944 arrêts de travail au cours des années 1960–2004.
L’article est divisé en trois parties : la première offre une vue rapide des données du ministère sur les arrêts de travail et examine comment ces données ont été habituellement utilisées; la deuxième analyse la façon dont les données ont été recueillies en se basant sur des entrevues avec les correspondants des provinces; enfin, la dernière section s’intéresse à trois exemples particuliers : la durée des grèves, leur envergure et les grèves lors des premières conventions collectives.
Nous distinguons d’abord entre le militantisme syndical, le militantisme des travailleurs et le militantisme des syndiqués (Briskin, 2006). Le militantisme syndical s’intéresse avant tout aux politiques des syndicats eux-mêmes; le militantisme des travailleurs est plutôt centré sur l’action collective et la résistance des travailleurs non syndiqués et souvent marginalisés. Le militantisme des syndiqués s’adresse à l’activisme collectif et organisé des travailleurs syndiqués impliqués dans des conflits sur les lieux de travail. Quoique cet essai soit avant tout centré sur les arrêts de travail, il ne tient pas pour acquis que les grèves soient la seule forme militantisme des syndiquées. Hebdon (2005) reconnaît d’autres types de militantisme. Ainsi, il établit une distinction entre les actions collectives informelles (les ralentissements de production, la grève du zèle), d’autres actions collectives telles que des plaintes de pratiques déloyales ou des formes individuelles de militantisme, par exemple, le dépôt de griefs.
En général, les spécialistes des relations industrielles reconnaissent les tendances suivantes concernant les activités de grève : modérée jusqu’au milieu des années 1960, à des niveaux extrêmement élevés au cours de la période 1970-1981, modérée et en diminuant au cours des dix années suivantes, une chute drastique au cours des années 1990 jusqu’au début des premières années de la présente décennie (Gunderson et al., 2005 : 348.). Pour évaluer le temps perdu en raison des grèves, des moyennes et des totaux ont été retenus, tels que le nombre moyen de travailleurs impliqués dans une grève, la moyenne des jours perdus par travailleur en arrêt de travail, des données d’ensemble tels que les jours-personnes perdus en pourcentage du temps travaillé.
Un cadre d’analyse du militantisme des syndiqués offre une alternative à la vision de l’employeur du temps perdu, à la préoccupation des gouvernements qui veulent mesurer l’impact économique des arrêts de travail et à l’emphase que les universitaires mettent sur les déterminants de l’activité de grève. Ce cadre donne une visibilité à ce qui se déroule en particulier à un niveau local et apporte également un appui à des nouvelles manières d’aborder les modèles généraux de militantisme des syndiqués, en mettant en évidence les grèves de très longue ou de très courte durée, les grèves où quelques travailleurs sont impliqués ou bien celles menées par des milliers de travailleurs. À ceci viennent s’ajouter les grèves lors de la négociation d’une première convention collective. Cette analyse permet de mieux percevoir l’importance des grèves pour les travailleurs, les syndicats et les communautés.
Nous avons examiné les statistiques en relation avec les données des entrevues avec les correspondants provinciaux qui recueillent l’information pour le ministère. L’analyse des données à la lumière de ces entrevues sous-estime la nature politique de la collecte des données (ce qui est perçu comme approprié ou pas), la présentation des données (ce qui rendu visible et ce qui ne l’est pas), enfin, les sources des données (les voix qui ont été entendues). Une meilleure compréhension de la source des données et du processus de collecte fournit un rappel de l’aspect qualitatif ou subjectif des statistiques. Malgré cela, l’ensemble de données présente beaucoup de potentiel pour une analyse sur les arrêts de travail dans une perspective de militantisme des syndiqués car, contrairement à bien d’autres pays, des exclusions importantes n’apparaissent pas dans la collecte des données au Canada.
Une analyse détaillée de la durée des grèves, de leur envergure et des grèves associées à une première convention collective dans une perspective de militantisme des syndiqués enrichit la configuration qui émerge des moyennes et des totaux et démontre tout le potentiel de cette perspective pour mettre en évidence l’importance des arrêts de travail pour les travailleurs, les syndicats et les communautés. Le passage du calcul des jours-personnes perdus en termes d’un pourcentage du temps travaillé à celui du nombre de travailleurs à l’emploi en grève contribue à donner de la substance à l’expérience de grève. Le passage des moyennes de la taille des grèves aux données détaillées montre que 55,7 % de tous les arrêts de travail entre 1960 et 2004 implique moins de 100 travailleurs et 6,4 % plus de 1000 travailleurs. De plus, quoiqu’en retenant des mesures de moyenne, le Canada a toujours eu des grèves plus longues que celles observées dans d’autres pays. En fait, des données ventilées montrent qu’entre 1960 et 2004, 35,6 % des grèves ont duré entre un et cinq jours. Et même si les grèves associées à des premières conventions collectives comportent une proportion importante de jours-personnes perdus, il est révélateur que 21,1 % du total des jours de travail perdus à cause des grèves impliquent de tels conflits. Les données sur les grèves lors d’une première convention vont dans le même sens que d’autres études sur la résistance de l’employeur à l’accréditation syndicale (Bentham, 2002). Par le biais d’une attention particulière aux lockouts, on observe que le militantisme des syndiqués sert de rempart aux modes d’agression de la part des employeurs.
Une vision du militantisme des syndiqués qui retient les données sur les arrêts de travail se situe, d’un côté, entre des études historiques détaillées de grèves particulières qui donnent une voix aux travailleurs en grève et la présentation de moyennes et de totaux, d’un autre côté. Quoiqu’une telle perspective nous permette une compréhension plus profonde des grèves au Canada, il n’en demeure pas moins que des nombres ne peuvent traduire correctement la colère, le risque, la lutte et la solidarité qu’on retrouve dans une expérience de grève.
ES :
Basándose en los micro-datos de Recursos Humanos y Desarrollo Social de Canadá (HRSDC) sobre las 23,944 paralizaciones de trabajo en Canadá entre 1960 y 2004, este artículo introduce una perspectiva de militancia laboral en el estudio de las paralizaciones de trabajo, es decir, el punto de vista de los trabajadores. Se explora los modelos de militancia con un enfoque en la duración de la huelga, la amplitud de la huelga y las huelgas por un primer contrato. Se apoya así las re-interpretaciones que permiten de visualizar el significado de ese tipo de paralización para los trabajadores, los sindicatos y las comunidades. El modelo de militancia laboral presenta una alternativa a la perspectiva empresarial basada en el tiempo perdido, a la preocupación del gobierno por medir el impacto económico de las huelgas y al énfasis académico sobre los determinantes de la huelga. Desde una perspectiva de militancia laboral y como parte de esta re-evaluación de los datos de paralizacion laboral provenientes del HRSDC, este articulo considera la fuente de tales datos. Se yuxtapone los datos estadisticos con entrevistas efectuadas con corresponsales provinciales que colectan la información por el HRSDC. Examinar los datos de esta manera hace resaltar la naturaleza política de la colecta de datos (vistos como pertinentes o no), la presentación de los datos (que deviene visible y que no lo es) y las fuentes de los datos (cuyas opiniones no son consideradas).
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Présence syndicale et autonomie des équipes d’opérateurs cuvistes dans l’industrie de l’aluminium
Reynald Bourque et Sébastien Riffaud
p. 66–95
RésuméFR :
Cet article présente les résultats d’une recherche sur l’autonomie d’équipes de travail d’opérateurs cuvistes de deux alumineries utilisant une technologie similaire, dont l’une est syndiquée et l’autre non syndiquée. L’hypothèse voulant que la présence syndicale favorise l’autonomie des équipes de travail est infirmée par les résultats de notre étude. La discussion des résultats met en évidence les facteurs qui ont contribué à une plus grande autonomie des équipes de travail dans l’établissement non syndiqué et conduit à une réévaluation de l’effet de la présence syndicale sur le travail en équipe.
EN :
The introduction of teamwork constitutes a radical change for managers and workers because it involves flexible forms of work organization which foster the individual and collective empowerment of team members. Two models of work organization can be distinguished regarding the degree of autonomy that characterizes work teams. The lean production model gives a dominating role to managers in decision-making related to team-based work organization, whereas the socio-technical model lends much more importance to decisions made by team members in managing their work.
Several studies confirm that labour-management cooperation in managing organizational changes contributes to employee empowerment and involvement in work teams (Cohen-Rosenthal and Burton, 1993; Cooke, 1994; Cutcher-Gershenfeld, Kochan and Verma, 1991; Havlovic, Kroll and Bushe, 1993). Other studies show that the presence of a strong and independent union involved in work organization is a determining factor in the autonomy of work teams and the success of organizational changes (Cohen-Rosenthal, 1997; Frost, 2000; Lapointe, 2001; Lévesque et al., 1996; Wright and Edwards, 1998). These studies thus support the hypothesis that trade union presence has a positive effect on work team autonomy. This hypothesis is backed up by numerous studies conducted at aluminum plants in Quebec which underline the beneficial effect of trade union presence on employee job security and teamwork (Bélanger, 2001; Bélanger, Dumas and Monette, 1995; Edwards, Bélanger and Wright, 2002; Lapointe, 1991; Socher, 2000).
However, this hypothesis runs counter to other research studies which establish that trade union presence is negatively associated with employee autonomy in work organization (Cappelli and Sherer, 1989; Kirmeyer and Shirom, 1986). According to these studies, the negative impact of trade unions on employee autonomy could be explained by the rigidity of collective agreements in terms of work organization due, in particular, to the great number of job categories and task descriptions which restrict employee multiskilling and operational flexibility.
Our research aimed first to confirm the hypothesis of a positive effect of trade union presence on work team autonomy, and if such proved not to be confirmed, to highlight other factors likely to contribute to this autonomy. Thus, we conducted a study in two aluminum plants that used similar technology, one of which is unionized and the other is non-unionized. In each plant, we first conducted two sessions of direct observation in the pot-rooms as well as semi-structured interviews with HR managers and members of the union executive in the unionized plant, and non-structured interviews with pot operators during the direct-observation sessions. Second, a questionnaire was distributed to members of two teams of pot operators in each of the plants in order to assess the degree of autonomy of work teams in each plant.
The hypothesis that trade union presence has a positive effect on the autonomy of work teams is not confirmed by our research results. Indeed, the team members in the non-unionized establishment express a higher degree of autonomy than those in the unionized plant, for most indicators of our operating model, and the differences for each of the six dimensions of this model are significant at the 10% (2 dimensions), 5% (2 dimensions), or 1% (2 dimensions) levels. Moreover, these assessments are in line with the information obtained during our interviews with managers and pot operators, and confirm our direct observations of how work teams operate in the two plants, highlighting the greater flexibility and autonomy of work teams in the non-unionized plant.
These results thus lead us to consider other factors likely to explain the differences observed regarding the degree of autonomy of work teams. The first factor refers to the model of team-based work organization, which relates to the lean production model in the unionized aluminum plant, whereas in the non-unionized plant, it is closer to the socio-technical model of work organization. In addition, the management style applied in the non-unionized plant is much more participatory than that in the unionized plant where, since the start-up of operations, management has exerted more rigid control over work organization.
The striking difference in the climate of labour relations in the two establishments adds to the complexity of an analysis of the link between union presence and work team autonomy. At the time of our survey, the climate of labour relations was considered to be highly positive by employer representatives and members of work teams in the non-unionized plant whereas it was considered to be conflictual by employer and trade union representatives and pot operators in the unionized plant. Due to the conflictual climate of labour relations which has existed in this plant since its unionization, labour-management cooperation has not been able to develop and thus employee involvement in teamwork has not been fostered.
Our research results therefore show that the hypothesis of a positive relation between trade union presence and work team autonomy should be qualified. These results and other studies consulted show that the main explanatory factors of work team autonomy are forms of individual and collective participation integrated into the managerial approach to teamwork and the climate of labour relations. These two factors play a determining role both in the initial implementation of teamwork and at different stages of its development (Bourque, 1999; Cohen-Rosenthal, 1997; Harrisson, Laplante and St-Cyr, 2001). Union presence proves to be a moderating variable rather than a causal variable of work team autonomy because it can positively or negatively influence employee involvement in work teams according to whether it is associated with a cooperative or conflictual work climate.
ES :
Este artículo presenta los resultados de una investigación sobre la autonomía de los equipos de trabajo de operadores de cubetas de dos fábricas de aluminio con tecnologías semejantes ; una de ellas sindicalizada y la otra no sindicalizada. La hipótesis que la presencia sindical favorece la autonomía de los equipos de trabajo es invalidada por los resultados de nuestro estudio. La discusión de los resultados pone en evidencia los factores que han contribuido a una mayor autonomía de los equipos de trabajo en el establecimiento no sindicalizado y conduce a una re-evaluación del efecto de la presencia sindical sobre el trabajo en equipo.
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Outsourcing and Employer Responsibility: A Case Study of Occupational Health and Safety in the Danish Public Transport Sector
Peter Hasle
p. 96–117
RésuméEN :
The widespread use of outsourcing in the service industry has major consequences for the employment relationship. In particular, outsourcing diminishes absolute employer control of firm operations. This article focuses on this new relationship through a study of the occupational health and safety requirements established in connection with the outsourcing of public bus transport in Denmark.
FR :
La sous-traitance dans le secteur des services crée une autre division verticale du travail entre le sous-traitant et le donneur d’ouvrage. Ceci se traduit par le fait que l’entrepreneur, à titre d’employeur officiel, ne peut exercer le même degré de contrôle sur les activités quotidiennes, dont la santé et la sécurité au travail. Le sous-traitant devient alors un nouvel intermédiaire entre l’employeur et ses salariés. La nouvelle relation tripartite soulève des questions quant à la responsabilité de l’employeur en matière de protection des travailleurs qui constitue depuis le xixe siècle l’épine dorsale de la législation en santé et sécurité au travail.
Selon la littérature (voir, par exemple, une recension effectuée par Quinlan, Mayhew et Bohle, 2001), la sous-traitance peut exercer une influence significative et négative sur la santé et la sécurité des salariés. Des vingt-neuf articles traitant de l’impartition, vingt-trois concluent que la sous-traitance entraîne des conséquences négatives sur la santé et la sécurité au travail, alors que six arrivent à des conclusions incertaines. Quinlan et ses collègues ont identifié trois facteurs à l’origine des problèmes de santé et de sécurité dans les entreprises qui recourent à la sous-traitance : la pression économique découlant de la concurrence croissante, les difficultés rencontrées dans l’exercice d’un contrôle efficace en santé et sécurité et les difficultés éprouvées par les organismes de surveillance dans l’exercice d’un contrôle des lieux de travail. L’imprécision quant à la responsabilité de l’employeur vient peut-être servir de fondement à ces préoccupations. Qui est en position ou non de surveiller la santé et la sécurité au travail : l’employeur officiel ou le sous-traitant ?
Un des secteurs ayant connu une sous-traitance marquée au cours des dix ou quinze dernières années est celui du transport public par autobus au Danemark et des recherches ont souligné les effets négatifs de l’impartition dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail (Netterstrom et Hansen, 2000). En retenant le transport d’autobus à titre d’exemple, l’objectif de cette étude est d’analyser de quelle manière la sous-traitance dans l’industrie des services modifie la responsabilité des employeurs en matière de santé et de sécurité.
Cet essai se base sur une étude des pratiques de sous-traitance dans quatre entreprises danoises de transport public régional au cours de l’année 2002–2003. Il comprend l’analyse minutieuse de documents d’offre de services et d’entrevues en profondeur avec les entreprises de transport public par autobus agissant comme sous-traitants, avec des dirigeants et des délégués syndicaux, agissant à titre de représentants en matière de sécurité à l’emploi des entrepreneurs. Le but consistait à rassembler de l’information sur la marge de manoeuvre d’un sous-traitant et d’un entrepreneur dans l’exercice de la surveillance en matière de santé et de sécurité et sur la manière dont ils se partageaient la responsabilité dans ce domaine. De plus, on voulait obtenir de l’information sur ce dont disposaient les conducteurs d’autobus et les représentants dans l’exercice d’une influence sur le sous-traitant et sur l’entrepreneur.
L’étude démontre que, suite à l’implantation de la sous-traitance, le contrôle opérationnel fut divisé entre l’entrepreneur et la compagnie de transport, et l’entrepreneur, à titre d’employeur officiel, est devenu moins apte à exercer un contrôle en matière de santé et de sécurité. Les entrevues dans les quatre compagnies de transport par autobus montrent qu’elles savent qu’elles doivent assumer une certaine responsabilité en santé et sécurité; jusqu’à quel point cependant diffère grandement entre elles. En effet, les entreprises de transport par autobus font face à un dilemme : d’un côté, elles exercent un certain niveau de surveillance en santé et sécurité en vue de satisfaire aux exigences de la législation et en vue d’assurer la qualité du service; d’un autre côté, elles tentent d’éviter la partie de la responsabilité de l’employeur officiel qui, selon la loi, revient à l’entrepreneur ayant à son service les chauffeurs d’autobus. De plus, au cours des années 1990, les entreprises de transport ont connu des problèmes de qualité, qui découlaient en grande partie d’une concurrence sévère au niveau des prix, entraînant alors une détérioration des conditions de travail des chauffeurs et des taux élevés d’absentéisme et de roulement.
Le résultat de ce développement est que les entreprises de transport par autobus ont inclus des exigences plus strictes en termes de santé et de sécurité au travail dans leurs documents d’invitation à des appels d’offre, mais elles se sont montrées plutôt réticentes à donner suite à ces exigences après la conclusion d’un contrat. Cependant, nous avons décelé une caractéristique intéressante : toutes les entreprises de transport par autobus ont établi des contacts plus étroits entre les entrepreneurs et les chauffeurs d’autobus. Entre autres, elles ont mis sur pied des comités tripartites, qui discutent de problèmes quotidiens et reliés aux activités et qui, par la suite, se transforment en un forum où l’on débat des questions propres à la santé et la sécurité. Cela constitue alors un moyen pour les chauffeurs d’exercer un impact sur les compagnies de transport et sur les entrepreneurs. Nous avons également observé que les chauffeurs d’autobus utilisent intensément cette occasion pour mettre un peu plus de pression à la fois sur les compagnies de transport et sur les entrepreneurs.
Comme il est bien démontré dans les écrits sur le sujet que la sous-traitance des activités de services exerce un effet désastreux sur la santé des salariés, les conclusions de cette étude montrent qu’une explication réside dans le fait que le sous-traitant à titre d’employeur officiel détient un contrôle limité sur la santé et la sécurité. Cela devient un élément important d’une législation qui devrait délimiter de façon précise les responsabilités respectives du sous-traitant et de l’entrepreneur, et on se rend compte que la législation danoise est faible sur ce point. Cependant, le fait que le sous-traitant, dans ce cas la compagnie de transport par autobus, cherche activement à exercer une influence sur les normes de santé et de sécurité s’appliquant à l’entrepreneur constitue également un nouveau développement. Cette nouveauté est aussi observée dans d’autres enjeux au Royaume-Uni (Marchington et al., 2005). Une conséquence possible de ce phénomène fait en sorte que la relation traditionnelle bipartite entre employeur et employés se transforme en relation tripartite, où les employés ont un contact direct avec leur employeur et le sous-traitant. Un tel développement devrait se traduire chez les chauffeurs par de plus grandes occasions de parer aux conséquences négatives de l’impartition.
ES :
El amplio uso de la externalización en la industria de servicios trae consecuencias en las relaciones de trabajo. Particularmente, la externalización disminuye de manera absoluta el control del empleador sobre las operaciones de la empresa. Este artículo se centra en estas nuevas relaciones mediante un estudio de los requisitos establecidos en salud seguridad ocupacional, en conexión con la externalización del sector de autobuses de transporte publico en Suecia.
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L’adhésion au syndicalisme autonome en France : récits de pratique de militants Sud
Franck Biétry
p. 118–142
RésuméFR :
Cet article vise à fournir un éclairage original des dynamiques propres à la montée du syndicalisme indépendant. L’implication syndicale, restreinte à l’acte d’adhésion, c’est-à-dire à la signature d’une carte, est appréhendée en tant que processus multidéterminé et non linéaire. L’analyse qualitative de récits de pratique aboutit à distinguer trois profils parmi les militants du chef de file des organisations autonomes françaises : les « conjurés » des centrales représentatives, les « dégouttés » et les « primo adhérents ». Cet effort de contextualisation conduit à montrer qu’il est vain d’opposer les motivations antérieurement identifiées dans la littérature. Leur combinaison permet, au contraire, de mieux comprendre les différences de sensibilité des acteurs. Au total, cette recherche affine les conclusions des précédentes investigations quantitatives et monolithiques réalisées en coupe transversale.
EN :
The goal of this article is to offer original insight into the dynamics which are specific to the rise of independent unionism. By questioning militants in one of the leading French organizations of non-confederated workers—Solidaire, Unitaire and Démocratique—we attempt to identify the nature and dynamic combination of factors involved in their membership. What are thus the factors that cause a salaried worker to spontaneously join an independent union in a context where recruitment is individual and free, but also where the confederate offer is plentiful?
Up to this time, this question has not really been dealt with in French literature. The attraction exercised by these union innovations remains obscure. Anglo-Saxon research devoted either to card membership prior to accreditation or to a vote is, in this way, called upon. Beyond the instability of their results, three explanations seem to result: the theory of instrumentality, the theory of intention, and finally, the theory of “contextual micro-mobilization.” All three theories were developed with reference to the confederate model based on quantitative measurements involving a cross-sectional sample. This methodological option does not make it possible to develop the various theses over time. For the same reasons, both the meaning the militants give to their decisions and the exact meaning of causal relations remain impossible to establish. Because of the unique characteristics of independent movements, these results must be considered as simple benchmarks for exploring the dynamics specific to their development.
Recourse to a qualitative investigation based on practical accounts may make it possible to go beyond a monolithic conception of the phenomenon, in keeping with the vision of Snape, Redman and Chan (2000). This involves, at the end of an integrated approach that combines an exploratory phase, followed by one of theoretic saturation, the identification of the discursive logic of our 36 witnesses. In order to do so, data is analyzed in the development of “the episodes of a story (its sequences) with the structure of its ‘characters’ (its actors) in order to discover the logic of the discourse directed to its addressee (the arguments)” (Demazière and Dubar, 1997).
In all, at least three original profiles for membership emerge: those “conjured” from representative organizations, the “discouraged,” and “first-time members.” The first category is made up of actors who have left confederated unions to create a Sud section, with no transition between the two memberships. The split is followed by a period of internal dissidence then one of intense reflection as to the level of the original emotional involvement in the trade union. If the decision to leave is an individual one, the choice of Sud is, on the other hand, a collective phenomenon resulting from a combination of normative pressures and emotional involvement. The “discouraged,” for their part, experienced a period of non-unionization, from two to ten years in length, between two separate memberships. The first union membership is emotional in nature. The second, with Sud, is accompanied by an instrumental motivation aiming to reduce the cognitive dissonance born of their lack of militancy. For the “first-time members,” Sud presents the opportunity to progress from fatalism to a plan. Membership is motivated by but also reinforced by employer behaviour, which is judged as anti-social, and also by a moral debt with regards to a Sud delegate. This membership is taken on following difficulties encountered during the first professional integration. Personal interest and the political program both appear, on the other hand, as a priori explanatory factors.
The stories which are revealed show that the process of joining independent French unionism is rarely a linear one. The explanations available in the literature are structured in an unusual manner: recursive loops are observed in at least two of three categories. The plurality of the processes confirms that the established theories are more complementary than at odds with each other. These observations also reaffirm the centrality of conflict: the decisions for unionization and de-unionization are observed on these occasions. The nature of the catalyst—individual, local and collective, national and collective—diverge, however, based on the prior union experiences which each member has had.
These results may indicate several points of interest for research. First of all, the results improve the understanding of the choice of union orientation when the union offer is diversified, as is the case in France, but also in Portugal, in Spain, in Switzerland, etc. They also contribute to a better understanding of the process of resignation. In the third place, the results renew the analysis of taking on membership from a non-linear and multi-determinate process perspective. These conclusions contribute, in turn, to accounting for the divergences observed in those studies that look for correlation within samples studied on a global basis. In fact, the union member is difficult to summarize as a mean entity, in the statistical sense of the term, except if one sacrifices the nuances of a highly complex social reality. From an even more managerial perspective, the identification of the diversity of motivations clarifies the reasons for which Sud is difficult to understand from the employers’ perspective. This variety clearly constitutes a strategic advantage in the power relationship.
On this basis, the carrying out of quantitative investigations within the three segments identified constitutes a promising avenue for further research as well as for international comparisons where independent movements exist.
ES :
Este artículo pretende aportar un esclarecimiento original de las dinámicas propias al alza del sindicalismo independiente. La implicación sindical, restringida al acto de adhesión, es decir al acto de firmar una carta, es aprehendido en tanto que proceso multideterminado y non lineal. El análisis cualitativo de relatos de practica conduce a distinguir tres prototipos de militantes de vanguardia de las organizaciones autónomas francesas : los “conjurados” de las centrales representativas, los “hastiados” y los “primo adherentes”. Este esfuerzo de contextualización conduce a mostrar que es vano oponerse a las motivaciones anteriormente identificadas en la literatura. La combinación permite, al contrario, de comprender mejor las diferencias de sensibilidad de los actores. Finalmente, esta investigación afina las conclusiones de las precedentes investigaciones cuantitativas y monolíticas realizadas en corte transversal.
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A German Employee Network and Union Renewal: The Siemenskonflikt
Richard Croucher, Helmut Martens et Ingo Singe
p. 143–169
RésuméEN :
The paper shows how redundancies were resisted by Hi-Tech workers in a large German company. It details an employee network’s emergence to provide support to individuals and to pursue legal cases against the company, and analyzes the network’s norms and operation. The network operated in complementary ways to the union and works council, to achieve a favourable outcome. The case is used to test theoretical propositions derived from literature on Hi-Tech workers, union renewal and mobilization theory and it is suggested that mobilization theory requires further extension in several directions.
FR :
Cet essai analyse la formation d’un réseau chez les salariés de l’usine Siemens Hofmannstraße de Munich, Allemagne. Il s’agit d’un des cas de réseaux qui ont fait récemment leur apparition en Allemagne et qui présentent un développement remarquable très peu analysé de l’auto-organisation des travailleurs. Lorsqu’est survenue l’annonce de mises à pied chez les cols blancs hautement spécialisés de l’usine, un réseau de salariés s’est formé pour fonctionner au sein d’une synergie créatrice et chargée de tensions entre le comité d’entreprise (Betriebsrat) et le syndicat IG Metall (IGM). Sans être une alternative à ces institutions, le réseau représentait à la fois un ajout et une faction critique à l’intérieur de celles-ci. Il s’est avéré une force puissante en aidant à résister aux mises à pied et il s’est allié par la suite à d’autres réseaux d’employés, posant de sérieuses questions au syndicat : s’agissait-il d’une occasion ou d’une menace pour lui ? Cette étude s’intéresse alors à ce qui est, d’une manière paradoxale, un secteur négligé de l’étude du regain du syndicalisme, c’est-à-dire l’auto-organisation des travailleurs et la relation que le syndicat entretient avec elle. L’étude s’inscrit dans le contexte allemand, supposément le coeur du « modèle européen » de la représentation des travailleurs. S’il devait se renouveler ainsi, l’impact sur un plan international plus large pourrait être important.
Notre première hypothèse s’énonçait de la manière suivante : « en mettant l’accent sur d’autres approches que les approches collectives, on peut faciliter la mobilisation ». Cette hypothèse est fortement appuyée. Le comité d’entreprise et le syndicat ont tous deux reconnu la contribution significative du réseau à la mobilisation. Ce dernier donnait aux employés un accès à une activité concertée. Il contribuait à donner un caractère collectif à l’enjeu des excédents de main-d’oeuvre. En prenant en charge les émotions et les intérêts comme points de départ, il a créé un espace de discussion qu’aucune autre institution ne pouvait offrir. En permettant l’expression des émotions, le réseau a facilité chez les salariés la volonté de défendre activement leurs emplois. En second lieu, le réseau a encouragé les salariés à poser des gestes d’éclat, parce qu’il relevait le niveau d’association entre eux. Tous les répondants étaient d’accord pour soutenir qu’il s’agissait là d’une condition sine qua non de la présence du conflit chez Siemens.
Notre deuxième hypothèse s’énonçait ainsi : « que ces travailleurs devaient probablement afficher une préférence pour des formes non traditionnelles d’organisation collective ». Cette proposition a été rejetée. Ces travailleurs du secteur des technologies de pointe voyaient un rôle important et soutenu pour le réseau, mais sous l’angle d’un élément d’une association plus large avec le comité d’entreprise et le syndicat. Les travailleurs manifestaient un intérêt fortement accru aux trois types d’organisation tant pendant qu’après le conflit. Par conséquent, le réseau a contribué au regain du syndicalisme. Pendant que le réseau permettait des niveaux élevés d’association et d’expression, le comité d’entreprise offrait une représentation ad hoc et le syndicat possédait des ressources et des droits de négociation collective que les deux autres n’avaient pas.
Notre troisième hypothèse était formulée de la manière suivante : « que les organisations des travailleurs des technologies de pointe devaient accorder une plus grande priorité aux activités politiques et d’aides mutuelles qu’à la négociation collective ». Cette proposition se voit appuyée, puisque le réseau accordait d’une manière certaine une priorité aux deux types d’activité. Tout en montrant un intérêt pour des enjeux de négociation collective, le réseau n’a jamais prétendu jouer un rôle en négociation. De toute façon, il serait extrêmement difficile de déplacer le syndicat, fortement appuyé par la législation, pendant un conflit. La situation favorisait fortement le réseau à emprunter une approche autre que celle de la négociation collective.
Notre quatrième hypothèse était à l’effet que : « les syndicats vont faire preuve d’ambivalence à l’endroit d’une mobilisation locale d’où peut naître une organisation rivale ». Cette proposition est largement appuyée, car bien que le syndicat et le groupe syndical du comité d’entreprise aient dès le départ apporté leur soutien au réseau, ils ont coupé leur relation avec le réseau après le conflit. Quoique les raisons d’une telle rupture fussent discutables, toutes les parties ont reconnu que les critiques du réseau envers le syndicat en ont constitué une cause importante. On peut prétendre que les syndicats, à titre d’institutions représentatives, en choisissant de promouvoir certains intérêts et pas d’autres, sont incapables d’une collaboration à long terme avec des formes d’auto-organisation plutôt « anarchiques ».
Notre dernière proposition était à l’effet que : « la théorie de la mobilisation fournirait un cadre de référence adéquat à l’analyse de la mobilisation chez les travailleurs des technologies de pointe ». En effet, la théorie s’est avérée utile, mais avec certaines réserves. La mobilisation implique trois acteurs et nous présentons succinctement l’apport de chacun aux trois processus vitaux de l’imputation, de l’identité sociale et du leadership.
ES :
El artículo muestra como resisten los trabajadores “hi-tech” (altamente calificados) a los licenciamientos en una gran compañía alemana. Se detalla la emergencia de una red laboral destinada a brindar apoyo a los individuos y presentar casos legales contra la compañía ; se analiza las normas y el funcionamiento de dicha red. La red funciona de manera complementaria al sindicato y al consejo laboral, para lograr un resultado favorable. El caso es utilizado para evaluar las proposiciones teoricas derivadas de la literatura sobre los trabajadoresaltamente calificados, la renovación sindical y la teoría de la mobilización y se sugiere que la teoría de la mobilización requiere mayor desarrollo en diversas direcciones.
Recensions / Book Reviews
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The Politics of Working Life, par Paul Edwards et Judy Wajcman, Oxford: Oxford University Press, 2005, 316 p., ISBN: 0-19-927191-7
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The Embedded Corporation: Corporate Governance and Employment Relations in Japan and the United States, par Sanford M. Jacoby, Princeton: Princeton University Press, 2005, xi + 216 p., ISBN: 0-691-11999-6
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Inside the Workplace: Findings from the 2004 Workplace Employment Relations Survey, by Barbara Kersley, Carmen Alpin, John Forth, Alex Bryson, Helen Bewley, Gill Dix and Sarah Oxenbridge, London: Routledge, 2006, 408 pp., ISBN-10: 0-4153-7812-5 and ISBN-13: 978-0-41-537812-3
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Modelos de producción en la maquila de exportación. La crisis del toyotismo precario, sous la direction de Enrique de la Garza Toledo, México: Plaza y Valdez, 420 p., 2006, ISBN : 970-722-448-7
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Differences that Matter, Social Policy and the Working Poor in the United States and Canada, by Dan Zuberi, Ithaca and London: Cornell University Press, 2006, 230 pp., ISBN-10: 0-8014-7312-8 and ISBN-13: 978-0-80-147312-8
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L’essentiel sur les salaires minimums dans le monde, de François Eyraud et Catherine Saget, Paris : Documentation française, OIT, 2005, 122 p., ISBN : 2-11-005981-8