Circuit
Musiques contemporaines
Volume 17, numéro 2, 2007 Plein sud : Avant-gardes musicales en Amérique latine au xxe siècle
Sommaire (14 articles)
Dossier thématique
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De l’autre Amérique à la nôtre : un regard déboussolant
Jonathan Goldman
p. 5–9
RésuméFR :
Présentation du numéro qui explicite les raisons d’être du numéro, dont le point de départ matériel se trouve dans la Collection de musique électroacoustique latino-américaine du Centre de recherche et de documentation de la fondation Daniel Langlois à Montréal. S’intéressant aux deux moment capitaux dans l’histoire des avant-gardes musicales de l’Amérique latine qui sont l’apparition du dodécaphonisme entre les guerres et le développement des studios électroacoustiques dans les années 1960, l’auteur invite le lecteur à un jeu de correspondances entre la situation historique latinoaméricaine et les modalités historiques analogues dans le développement de la musique de création au Canada et au Québec.
EN :
This introduction to the issue explains the reasons behind the theme, whose material starting point is the existence of the Latin American Electroacoustic Music Collection at the Centre for Research and Documentation of the Daniel Langlois Foundation in Montreal. Looking mostly at two major eras in the development of the musical avant-garde in Latin America—the appearance of 12-tone music in the interwar years, and the development of electroacoustic studios in the 1960s—the author challenges readers to a game of correspondences between the Latin-American historical situation and analagous historical circumstances in the development of contemporary music in Canada and Quebec.
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L’avant-garde musicale à Buenos Aires : Paz contra Ginastera
Esteban Buch
p. 11–33
RésuméFR :
Le Centro Latinoamericano de Altos Estudios Musicales (claem), fondé en 1962 à Buenos Aires par Alberto Ginastera et financé par la Fondation Rockefeller, fut pendant les années 1960 le principal centre de musique contemporaine d’Amérique latine. Pourtant, le pionnier du dodécaphonisme en Argentine, Juan Carlos Paz, l’appelait volontiers l’« Academia Pitman de la composition musicale ». Ce mépris résultait d’une rivalité qui aura structuré le milieu local de la musique contemporaine pendant trente ans, et qui correspondait à deux visions concurrentes de l’histoire de la musique, entre l’avant-garde et le nationalisme. On retrace cette histoire en analysant notamment les documents de la querelle qu’en 1942 Paz baptisa « El Caso Ginastera ª.
EN :
The Centro Latinoamericano de Altos Estudios Musicales (claem), founded in 1962 in Buenos Aires by Alberto Ginastera, and financed by the Rockefeller Foundation, was the principal centre of contemporary music in Latin America through the 1960s. However, the pioneer of 12-tone music in Argentina, Juan Carlos Paz, used to refer to it as the “Pitman Academy of musical composition”. This disdain was the result of a rivalry which lent its structure to the local milieu of contemporary music for thirty years, and which corresponded to competing visions of the history of music which opposed an avant-garde to a nationalist conception. In this article, this history is retraced notably through the analysis of the documents of the quarrel which in 1942 Paz christened “the case against Ginastera”.
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Document. Alberto Ginastera au Centro Latinoamericano de Altos Estudios Musicales (CLAEM). Correspondance 1961-19701
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Le rapport entre la musique contemporaine vénézuélienne dite « savante » et les musiques populaire et folklorique
Alfredo Rugeles
p. 43–53
RésuméFR :
Dans cet article, le compositeur et chef d’orchestre Alfredo Rugeles montre que le rapport entre la musique contemporaine dite savante et les musiques populaire et folklorique est une réalité bien concrète au Venezuela.
Après avoir rappelé les principaux jalons de l’histoire de la composition en son pays, l’auteur cite de nombreux exemples de collaboration entre compositeurs de musique savante et interprètes de musique populaire. Il dresse la liste des principaux compositeurs du Venezuela, les regroupant selon leur appartenance à une génération, à une école ou à un courant stylistique. Il brosse également le tableau de la situation actuelle en plus de répertorier les différentes maisons d’enseignement et professeurs auprès desquels les jeunes compositeurs reçoivent leur formation ainsi que les différents festivals où leurs oeuvres sont présentées au public.
EN :
In this article, the composer and conductor Alfredo Rugeles shows that the relationship between so-called learned contemporary music and popular folk music is a highly concrete reality in Venezuela.
After having recalled the major currents in the history of composition in his country, the author cites many examples of collaborations between composers of arts music and popular music performers. He makes a list of major composers in Venezuela, classifying them by the generation, or the school or stylistic movement to which they belong. Rugeles also depicts the current situation by describing the different educational institutions and professors through which young composers receive their education, as well as the different festivals in which their works are presented to the public.
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La voie du syncrétisme : sur la musique électroacoustique au Brésil
Flo Menezes
p. 55–64
RésuméFR :
This text deals with certain aspects of the birth of electroacoustic music in Brazil, by making links between Brazilian contemporary music and economic, political and social circumstances of the country’s history. After describing the emergence of a cannibalistic movement in Brazilian culture, i.e., of musical nationalism, the author seeks to situate the first attempts in the genre and to shed light on the circumstances surrounding the establishment of the first centre of research and production of electroacoustic music in Brazil: Studio panaroma in São Paulo.
EN :
Ce texte discourt sur quelques aspects de la naissance de la musique électroacoustique au Brésil, tout en établissant des liens entre la musique contemporaine brésilienne et les circonstances économiques, politiques et sociales de l’histoire du Brésil. Après avoir décrit l’émergence soit du mouvement anthropophagique dans la culture brésilienne, soit du nationalisme musical, l’auteur chercher de situer les premières réalisations du genre et d’éclaircir les circonstances de la fondation du principal centre de recherche et création en musique électroacoustique au Brésil : le Studio panaroma à São Paulo.
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The Southern Tip of the Electroacoustic Tradition
Ricardo Dal Farra
p. 65–72
RésuméEN :
Music and electronic technologies were matching forces a long time ago in Latin America. Many composers from different countries of the region were attracted by the new possibilities that the tape recording at first, then the voltage-controlled synthesizer and the computers, were offering.
This article includes excerpts from interviews to composers César Bolaños from Peru, Alberto Villalpando from Bolivia and Manuel Enríquez from Mexico. They were selected to offer the reader an approach to the work and thinking of some widely recognized Latin American composers whose artistic production included electroacoustic music during the pioneering year
FR :
La musique et les technologies électroniques ont joint leurs forces l’une à l’autre en Amérique latine il y a longtemps. Plusieurs compositeurs provenant de divers pays étaient en effet attirés par les nouvelles possibilités qu’offrait d’abord l’enregistrement sur bande, puis le synthétiseur à voltage contrôlé, et enfin l’ordinateur.
Cet article comprend des extraits d’entrevues avec les compositeurs César Bolaños du Pérou, Alberto Villalpando de Bolivie et Manuel Enríquez du Mexique. Ils ont été sélectionnés afin d’offrir au lecteur une introduction au travail et à la pensée de quelques-uns des compositeurs latino-américains les plus largement reconnus et dont la production inclut de la musique électroacoustique datant des premières années du genre.
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Entretien avec Gerardo Gandini : « Dans l’Argentine d’aujourd’hui, la composition est devenue une chose solitaire »
Antonieta Sottile
p. 73–81
RésuméFR :
Gerardo Gandini is one of the most influential composers in Argentina. Immersed in the hard social reality of Argentina, Gandini speaks in this interview of his conception of composition. As a result of the total absence of cultural policies on the part of the State, and the indifference of private sponsors and the media, the work of the composer takes place, according to Gandini, in painful isolation. Gandini also takes an original look at the power politics in the contemporary music world. Finally, Gerardo Gandini speaks of his experiences in the field of popular music, notably in collaboration with Astor Piazzolla.
EN :
Gerardo Gandini est l’un des compositeurs les plus influents de l’Argentine. Plongé dans la dure réalité sociale de l’Argentine, Gandini parle, dans cet entretien, de sa vision de la composition. En raison de l’absence totale d’une politique culturelle de la part de l’État et de l’indifférence des sponsors privés ainsi que des médias, le travail de la composition se déroule, selon Gandini, dans un difficile isolement. Gandini jette aussi un regard particulier sur les enjeux du pouvoir dans le monde de la musique contemporaine. Enfin, Gerardo Gandini nous parle de ses expériences dans le champ de la musique populaire, notamment de sa collaboration avec Astor Piazzolla.
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alcides lanza’s Musical Awakening in Buenos Aires: An Interview
Jonathan Goldman
p. 83–91
RésuméEN :
In this interview with Argentinean-born alcides lanza, the composer speaks about his teachers in Rosario, and his first experiments with tape music, as well as his move to Buenos Aires in 1955. He speaks about his studies at the claem of the Di Tella institute as well as his role in the establishment of the ensemble Agrupación Música Viva, and about his work as a pianist in Juan Carlos Paz’s Agrupación Nueva Música. He discusses how his contact in Buenos Aires with teachers like Maderna, Messiaen, Copland and Ginastera, and colleagues like Gandini, Kagel, Krieger and Tauriello, shaped his musical development.
FR :
Dans cette entrevue avec le compositeur d’origine argentine alcides lanza, celui-ci parle de ses professeurs à Rosario, puis de ses premières expériences avec la musique pour bande ainsi que de son départ pour Buenos Aires en 1955. Il parle également de ses études au claem de l’institut Di Tella ainsi que de son rôle dans la mise sur pied de l’ensemble Agrupación Música Viva et de son travail en tant que pianiste dans l’Agrupación Nueva Música de Juan Carlos Paz. Il explique comment ses contacts à Buenos Aires avec des maîtres tels que Maderna, Messiaen, Copland et Ginastera, ainsi que ses collègues Gandini, Kagel, Krieger et Tauriello ont donné forme à son développement musical.
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L’odyssée musicale afrocubaine : entre art et politique, entre nationalisme et panaméricanisme
Leiling Chang
p. 93–106
RésuméFR :
À Cuba, les premières décennies du xx e siècle montrent un contexte social et culturel des plus intéressants pour l’historien, ceci dû à plusieurs facteurs : la société cubaine affronte une nouvelle situation démographique après l’abolition de l’esclavage et le conséquent déplacement de la population africaine esclave vers les villes ; la naissance de la république de Cuba, à la fin de la colonisation espagnole, est marquée par une forte dépendance des États-Unis ; des mouvements d’avant-garde politique et culturelle mènent une lutte sans répit contre les esprits les plus traditionalistes ; le monde politique est des plus controversés, entre la corruption, l’assassinat des étudiants universitaires, la présence de militaires américains, entre autres aspects. Dans ce contexte a lieu l’un des plus beaux mouvements artistiques de l’histoire de Cuba : l’afrocubanisme. Ce mouvement, cherchant à revendiquer l’origine africaine de la nation cubaine, est en même temps une quête de modernité accrue et sera le point de départ de l’art cubain du xx e siècle. Parmi les figures qui marquent ce mouvement, Amadeo Roldán, compositeur, en est le pionnier et le divulgateur. Dans ses oeuvres, comme dans sa poétique musicale, nous trouvons l’origine de la musique cubaine du xxe siècle, jusqu’à nos jours, ainsi que l’évidence d’une lutte plus large, panaméricaine, qui cherche modernité et universalité à partir des recherches folkloriques.
EN :
In Cuba, the first decades of the 20th century reveal an extremely interesting social and cultural context for the historian. The reasons for this are related to several factors: Cuban society was confronting a new demographic situation after the abolition of slavery and the ensuing displacement of the African slave population towards urban centres; the birth of the Republic of Cuba, following the end of Spanish colonization, was marked by a strong dependence on the United States; avant-garde political and cultural movements led to an unyielding struggle against traditionalist mindsets. The political sphere was the centre of the most controversy, falling prey to corruption, student assassinations, and the presence of the American military. In this context, one of the finest artistic movements in the history of Cuba took place: Afro-Cubanism. This movement, which sought to reclaim the African origins of the Cuban nation, was also a quest for increased modernity, and would become the starting point for 20th century Cuban art. Among the figures who stand out in this movement is the composer Amadeo Roldán, who acted as both creative pioneer and disseminator of its ideas. In his works, as in his musical poetics, can be found the origins of 20th century Cuban music up to the present time, as well as the wider Pan-American struggle which sought modernity and universality through research into folklore.
Cahier d’analyse
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Layers of Illusions: John Rea’s Hommage à Vasarely
James Galaty
p. 107–120
RésuméEN :
Can lines be heard? Curves? Trajectories? Shapes? These are the questions Canadian composer John Rea asks us in his Hommage à Vasarely (1976), inspired by the work of the Op-Art painter Victor Vasarely. Rea’s work attempts to transfer into sound the ‘optical kinetic’ illusions of movement, bending, and twisting that Vasarely projected onto two dimensions. The lines, shapes, and patterns embedded in the music are best illustrated through score excerpts, pitch-reduction examples and charts schematically displaying the use of the orchestra. Through an understanding of how Rea transfers these geometric patterns and motions into sound, a deeper appreciation of the work, and of the composer, is gained.
FR :
Peut-on entendre des lignes? des courbes? des trajectoires? des formes? Ce sont les questions que nous pose le compositeur canadien John Rea dans son Hommage à Vasarely (1976), inspiré des oeuvres du peintre Victor Vasarely s’inscrivant dans le courant Op Art. L’oeuvre de Rea tente de transférer sous la forme du son les illusions d’ « optique cinétique » de mouvement, de torsion et de contorsion que Vasarely projette en deux dimensions. Les lignes, formes et patterns incarnés dans la musique sont illustrés par des extraits de la partition, des exemples de réduction de hauteurs et des tableaux représentant schématiquement l’usage de l’orchestre. À travers une compréhension de la façon dont Rea transfère ces formes géométriques et ces mouvements sous la forme sonore, l’auteur amène une appréciation profonde de l’oeuvre et de son compositeur.