FR :
Le personnage féminin au coeur de la nouvelle « Un jardin au bout du monde » de Gabrielle Roy, Martha Yaramko, est inspiré d'une femme aperçue par la romancière dans les plaines canadiennes sauvages alors qu'elle était journaliste au Bulletin des agriculteurs. Hantée par cette « vision », Gabrielle Roy, avant d'en tirer le récit paru en 1975, en a fait la matière d'au moins cinq avant-textes (dont un scénario et un projet de roman) de formes et de tons variés, deux d'entre eux seulement ayant été achevés et publiés. Après avoir fait ressortir les différences et les ressemblances les plus frappantes entre la nouvelle et ses états antérieurs, on observe que la dynamique créatrice qui se conclut avec « Un jardin au bout du monde » peut être ramenée, d'une part, à un travail d'épuration : passage du portrait social au portrait individuel, dépouillement de la trame événementielle, diminution du nombre de personnages secondaires, resserrement de l'histoire dans le temps et dans l'espace. D'autre part, c'est l'hypothèse d'une cristallisation autour du thème de la création qui permet d'expliquer l'originalité de la nouvelle, hypothèse que l'on valide en relisant le « Jardin » à la lumière de l'essai de Roy intitulé « Terre des Hommes : le thème raconté », écrit en 1967.
EN :
The female figure at the heart of Gabrielle Roy's short story "Un jardin au bout du monde", Martha Yaramko, is based on a woman whom the novelist saw on the wild Canadian plains when she was a reporter for the Bulletin des agriculteurs. Haunted by this "vision" long before she wrote the story published in 1975, Gabrielle Roy used it as the basis for at least five draft texts (including a screenplay and the outline of a novel), of various forms and tones, of which only two were completed and published. After describing the most striking differences and similarities between the story and its previous forms, the author observes that the creative dynamic culminating with "Un jardin au bout du monde" embodies, on the one hand, a process of refinement: shift from a social to an individual portrait, plot simplification, elimination of secondary characters, tightening of the story in time and space. On the other hand, the hypothesis of a crystallization around the theme of creation explains the story's originality, and this hypothesis is validated by a rereading of "Jardin" in the light of an essay written by Roy in 1967: "Terre des Hommes : le thème raconté".