Comptes rendus

Marie-Alice Belle et Álvaro Echeverri, études réunies par. Pour une interdisciplinarité réciproque. Recherches actuelles en traductologie. Arras, Artois Presses Université, 2017, 208 p.[Notice]

  • Céline Letawe

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  • Céline Letawe
    Université de Liège

Le constat de Roch Duval, un des contributeurs, est clair : « La traductologie vit des heures difficiles ces derniers temps » (p. 46). En effet, après s’être définie en tant que discipline en se distinguant de la linguistique d’une part et des études littéraires de l’autre, la traductologie a connu au cours des dernières décennies un « tournant » interdisciplinaire qui a entraîné un véritable boom, mais également un certain flou conceptuel lié à une ouverture toujours plus grande. La discipline a certes profité de nombreuses importations méthodologiques et théoriques (on parlera, avec Klaus Kaindl, d’« interdisciplinarité instrumentale », p. 49) qu’il s’agirait d’approfondir et surtout d’articuler, mais elle n’est hélas pas parvenue à exporter grand-chose (la fameuse interdisciplinarité réciproque du titre, celle qui serait « souhaitable pour consolider la discipline » (p. 25) comme l’indique Nayelli Castro). Dans son introduction, Marie-Alice Belle souligne avec perspicacité le besoin de conserver un équilibre entre « le ressourcement théorique et critique que permet le dialogue avec d’autres disciplines » (p. 9) d’une part, et « le maintien d’une certaine identité disciplinaire » de l’autre (ibid.). Toute la tension du livre est résumée dans ces quelques mots. Le volume est structuré en deux parties. La première est consacrée aux « aspects théoriques et méthodologiques » ; la seconde propose cinq illustrations de pratiques « intégrées », c’est-à-dire de recherches en traductologie qui intègrent des apports théoriques et méthodologiques de disciplines diverses (sociologie, études postcoloniales, histoire littéraire et sociale, études littéraires, anthropologie, psychanalyse, théorie littéraire, psychologie cognitive, sciences de l’éducation). La dernière de ces illustrations, « Le discours sur la formation des traducteurs : au-delà des questions linguistiques, ou la quête de la pertinence », est particulièrement intéressante. Incarnant la branche appliquée de la traductologie, Álvaro Echeverri y souligne le « fossé qui sépare les pratiques pédagogiques actuelles de la recherche théorique » (p. 13) et encourage le développement d’initiatives de recherche « dans la salle de classe » (p. 172) afin de « valoriser et mettre à profit les connaissances accumulées durant plus de soixante-dix ans de pratique en formation universitaire des traducteurs » (p. 174). Nous nous concentrerons ici sur la première partie du volume, dont les enjeux et questionnements nous semblent davantage susceptibles d’intéresser tout traductologue, indépendamment de son objet. Dans la première contribution, Nayelli Castro revient sur les métaphores choisies par James Holmes en 1972 pour présenter la traductologie comme une « utopie disciplinaire » (p. 20) dans son article fondateur « The Name and Nature of Translation Studies ». Castro constate que la traductologie et ses disciplines voisines ont dès le départ été envisagées comme concurrentes et elle propose une nouvelle métaphore, celle du « récit polyphonique » (p. 27), afin « de relativiser le caractère homogène et clos d’une méthodologie et de la considérer comme une narration inachevée ou non définitive » (ibid.). Dans ce qu’il présente comme un « guide d’orientation » (p. 33), Roch Duval interroge radicalement la méthode traductologique et ses fondements scientifiques. Il va jusqu’à se demander s’il n’y aurait pas « à la base de la traductologie un vice logique, une erreur catégorielle, une méprise conceptuelle » (p. 34). Selon lui, le temps est venu de repenser les fondements épistémologiques de la discipline, qui risque sinon de devenir « une sorte de supermarché où on vend à rabais des concepts, sans chercher à les préciser davantage » (p. 41). À sa question conclusive « l’interdisciplinarité est-elle la voie de l’avenir ? » (p. 47), l’auteur répond par l’affirmative, mais souligne l’importance de trouver un point fixe qui serve …

Parties annexes