Chroniques

Pour en lire plus : Mémoires touristiques algériennes 1850 – 2020 Saïd Boukhelifa, Mémoires touristiques algériennes 1850 – 2020. L’Algérie était surnommée la Californie africaine, Tizi Ouzou (Algérie), Éditions Frantz Fanon (à paraître) [Notice]

  • Amina Chebli

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  • Amina Chebli
    Doctorante, École polytechnique d’architecture et d’urbanisme (EPAU), Laboratoire Ville, Urbanisme et Développement durable (VUDD), Alger, Algérie, a.chebli@epau-alger.edu.dz

Cet ouvrage, aux mises à jour substantielles, est la deuxième édition du livre intitulé Mémoires touristiques algériennes 1962 – 2018 , publié en mars 2019. L’auteur, Saïd Boukhelifa, nous a aimablement offert un accès à la critique de ce livre qui sera publié prochainement. On y découvre une lecture hybride du contexte dans lequel se développe le tourisme en Algérie. Une lecture qui se distingue par son caractère insolite des approches communément orientées vers le recensement du riche gisement touristique de l’Algérie en s’intéressant davantage à la contribution des nombreuses personnes, celles qui incarnent l’État. Homme de terrain, c’est avec un ton fort nuancé par une nostalgie du passé proche que l’auteur vient nous parler du concret. Composé de quatre parties, cet ouvrage est destiné aux professionnels, mais aussi aux universitaires. La première partie de l’ouvrage est à la fois informative et narrative, avec pour support différentes sources d’information (chiffres statistiques, récits de vie, recueil de témoignages et rapport d’enquête) ; l’auteur retrace la trajectoire de la politique touristique de l’Algérie, en la situant dans trois grandes périodes : l’âge d’or, la décadence et le temps présent. Cette première partie recouvre une grande section de l’ouvrage. L’auteur revient d’abord sur la prodigieuse décennie du tourisme en Algérie (1970-1980), quand l’aéroport d’Alger voyait défiler des vols nolisés remplis de touristes internationaux venus découvrir le pays que l’on surnommait la « Californie africaine ». Du nord au sud, les hôtels affichaient complet, l’Algérie des années soixante et soixante-dix battait aux rythmes de l’art et de la culture, aux belles mélodies des Beatles, du Moody Blues et de Ray Charles (p. 116). C’était une époque merveilleuse où l’Algérie avait appris à être une destination touristique. Avec mélancolie, le récit de Boukhelifa nous ramène à une époque où régnait une atmosphère de tolérance, de vivre ensemble et de respect d’autrui ; il nous fait revivre les beaux jours sur les terrasses ensoleillées qui faisaient autrefois la réputation d’Alger et qui vibraient aux sonorités des locaux et des touristes, l’ambiance sur les belles plages de sable fin et doré de Tipaza, et nous emmène a Cherchell sur le chemin des ruines romaines, nous plongeant ainsi dans la nostalgie d’une époque méconnue par de nombreux Algériens. Le lecteur se laisser ensuite happer par une vérité beaucoup moins radieuse : Boukhelifa aborde le changement de paradigme et d’esprit étriqué qui a mis fin à ces belles années et a laissé place à une décadence (1980-2003). Riche de son pétrole, l’Algérie tourne le dos aux touristes et se recroqueville sur elle-même. En dégringolant, le tourisme algérien scande depuis lors ces performances absurdes et honteuses, éloignant les touristes (p. 131). Cette période de crise est émaillée d’une brève embellie (1986-1990), qui coïncide avec la forte crise économique déclenchée par la chute du prix des hydrocarbures. Hélas ! cette remontée n’a pas duré longtemps puisque la décennie noire a suivi. La crise socio-politique s’est prolongée jusqu’en 2003, et le tourisme est resté en friche, marqué par l’absence de touristes étrangers et les Algériens qui préfèrent voyager vers d’autres cieux plus « californiens », moins chers, plus accueillants et plus tolérants. L’inculture touristique sur le plan institutionnel s’installe dans la durée, si bien qu’au « cours de ces joutes oratoires, l’incompétence se conjugue avec l’improvisation » (p. 205). Quelles sont les raisons à l’origine de ces comportements ? À l’appui de témoignages éloquents de diverses personnalités emblématiques du tourisme algérien, la deuxième partie de l’ouvrage met en lumière différentes raisons. Naguère, la mise en tourisme de la destination Algérie a été portée par des individus convaincus et compétents, qui ont investi …