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L’Office du tourisme de Québec (OTQ) est l’association touristique régionale de la région de Québec, qui comprend l’agglomération de Québec (ville de Québec, Saint-Augustin, L’Ancienne-Lorette et Wendake) et ses quatre municipalités régionales de comté (MRC) avoisinantes (Portneuf, La Jacques-Cartier, Île-d’Orléans, Côte-de-Beaupré). La région touristique de Québec accueille annuellement 4,6 millions de touristes qui génèrent près de 1,6 milliard de dollars en dépenses touristiques dans la région (données 2017)[1]. La région accueille environ 13 % du volume de touristes qui séjournent dans la province de Québec et environ 16 % des dépenses touristiques dans la province sont réalisées dans la région de Québec[2]. Ces données démontrent que la région touristique de Québec occupe une place importante dans l’offre touristique québécoise et que l’industrie touristique de Québec représente un secteur d’activité important pour l’économie de la région.

En tant qu’organisme de gestion de la destination (OGD), l’OTQ est notamment responsable de la recherche auprès des clientèles touristiques et de la mesure de performance touristique de la région de Québec. Une équipe de trois conseillers en marketing, spécialisés en intelligence de marché, se consacre exclusivement à la réalisation de ces deux mandats. La crise actuelle a évidemment chamboulé la plupart des projets en cours tout comme ceux que l’OTQ avait prévus pour les prochaines années.

Différents projets de recherche ont dû être suspendus en raison de la crise actuelle. Une étude qualitative auprès des clientèles à destination, un projet d’étude de satisfaction des clientèles en temps réel via le Wi-Fi de certains partenaires, une étude exhaustive auprès des clientèles à destination, ainsi qu’un projet de mesure de la provenance des clientèles dans les attraits touristiques de la région, ont notamment été mis en veilleuse. Avec une absence presque totale de touristes à Québec, il est évidemment devenu complexe d’interroger ceux-ci, entre autres à propos de leurs comportements, habitudes et préférences. À une fréquence relativement régulière, soit tous les trois ou quatre ans, nous avions également l’habitude de sonder les clientèles potentielles de nos différents marchés cibles. Ces études, réalisées notamment auprès des touristes québécois des autres régions, d’Américains, d’Ontariens et de Français, servaient principalement à identifier et à préciser les segments de clientèles qui démontraient un intérêt envers notre destination. Les préférences, les comportements et les habitudes de voyage de ces clientèles, ainsi que l’attraction ou l’intérêt qu’elles démontrent envers Québec, seront certainement modifiés en raison de la crise que nous traversons. La crise actuelle apportera de nouveaux besoins en information, tant à l’interne à l’OTQ que chez les membres que nous représentons. La clientèle touristique qui fréquentera la région aura probablement un tout autre visage et nous devrons redécouvrir son profil, ses habitudes et ses préférences. Nous pouvons d’ailleurs supposer que les futures clientèles touristiques à court terme seront possiblement un peu moins âgées et proviendront davantage des marchés de proximité. De plus, la sécurité et les mesures sanitaires seront certainement des enjeux importants pour ces clientèles. L’information disponible qui porte sur ces éléments étant plutôt limitée pour l’instant, nous devrons peaufiner notre connaissance de ces aspects. De nouveaux indicateurs pourraient être utilisés afin de connaître davantage les intérêts, les préférences et les habitudes de nos clientèles. Par exemple, il pourrait être intéressant de mesurer et de suivre la progression de la satisfaction des visiteurs vis-à-vis des mesures sanitaires mises en place par les entreprises touristiques de la région. En outre, tout ce qui touche à la salubrité et à la sécurité d’une destination deviendra assurément un élément déterminant dans le choix d’une destination et la planification du séjour pour les visiteurs. La compréhension des réflexions des voyageurs liées à ces enjeux de choix et de planification posera un défi certain pour les organismes de gestion de destination tels que l’OTQ.

En ce qui trait aux mesures de performance de l’industrie touristique, l’OTQ possède de nombreux outils pour mesurer la performance touristique de la destination. En plus des nombreux indicateurs habituellement utilisés par les OGD, comme le nombre de passagers à l’aéroport, les taux d’occupations hôteliers, le trafic Web, les entrées aux frontières, l’OTQ se démarque en réalisant un sondage mensuel auprès de nombreuses entreprises touristiques de la région. Afin d’avoir un portrait juste de ce qui se passe « sur le terrain », l’OTQ réalise chaque mois, depuis près de vingt ans, un « Observatoire touristique régional » auprès d’environ 150 attraits touristiques, restaurants et boutiques à vocation touristique. Ceux-ci nous transmettent ainsi, sur une base volontaire, leurs données mensuelles de performance (nombre de clients et chiffre d’affaires). En raison du caractère sensible des données reçues, il va de soi que l’OTQ s’assure du respect de la confidentialité des informations traitées. Cette relation de confiance qui unit les répondants et l’OTQ depuis plusieurs années est l’un des éléments principaux qui permettent la réalisation et la poursuite de ce sondage récurrent.

Les données recueillies dans le cadre de ce sondage contribuent à la construction de notre indice composite de l’activité régionale. Cet indice, construit en combinant la performance des quatre principaux secteurs d’activité touristique, soit l’hébergement, les attraits, les restaurants et les boutiques, présente le portrait le plus complet et le plus près de la réalité pour l’ensemble de la performance de l’industrie touristique de la région. Ces quatre secteurs d’activité ont été utilisés pour construire notre indice composite puisqu’ils représentent les quatre principaux postes de dépenses d’un touriste type en visite à Québec. L’indice composite de l’activité touristique est d’ailleurs construit en pondérant la performance de chaque secteur d’activité afin de refléter son poids dans le budget type d’un touriste à Québec.

Avoir un portrait précis de la performance de l’industrie permet d’outiller les différents acteurs du secteur, que ce soient les entreprises touristiques, diverses associations ou nous-mêmes à l’OTQ, afin de les aider à prendre de meilleures décisions à tous les niveaux : développement de l’offre touristique, mise en marché et commercialisation, accueil du visiteur, etc. L’OTQ produit et diffuse un bulletin mensuel, l’ÉCHOtourisme STATistique, qui regroupe toutes les informations pertinentes pour présenter un portrait rapide, complet et détaillé de la performance mensuelle de l’industrie touristique de la région de Québec : <https://www.quebec-cite.com/fr/a-propos-office/donnees-statistiques>.

Mesurer de façon rigoureuse la performance touristique d’une destination, ce que l’OTQ réalisait en des temps plus « normaux », représente un volume de travail considérable et nécessite des ressources financières et humaines importantes. Depuis l’avènement de la crise de la COVID-19, il est évident que les conséquences sur nos façons de faire sont considérables. Plusieurs facteurs modifieront les techniques et les méthodes de collecte, de compilation des résultats et de diffusion des indicateurs de performance habituellement produits.

Rejoindre les répondants

La plupart des entreprises touristiques ayant complètement suspendu leurs opérations, il peut s’avérer difficile de rejoindre les répondants. Ils sont parfois absents, ont modifié leurs coordonnées de contact ou sont trop occupés à tenter de sauver leur entreprise pour répondre à nos sondages, ce qui est parfaitement justifié. Nous sommes tout à fait conscients de ces enjeux et demeurons compréhensifs et conciliants avec eux. Par ailleurs, cette relation privilégiée que nous avons avec nos répondants, relation que nous construisons depuis des années et que nous désirons préserver pour plusieurs années encore, nous permet parfois d’obtenir de l’information inédite sur l’état réel de la situation dans ces secteurs d’activité ; ces informations seraient difficilement accessibles sans ce contact privilégié.

Saisie, traitement et analyse de l’information

Le confinement et le télétravail amènent leur lot de changements aux procédures et méthodes de travail. Ainsi, l’accès à distance aux logiciels de traitement de données et les modifications aux techniques de travail utilisées entraînent des enjeux supplémentaires dans la production et la diffusion de données. Enfin, les notions de confidentialité et de protection des renseignements personnels doivent être respectées, et ce, malgré la multiplication des endroits physiques et virtuels où ces données sensibles sont traitées.

Arrêt ou report de production chez nos fournisseurs externes

Différentes organisations nous transmettent de l’information qui est essentielle à la mesure de la performance de notre destination. Que ce soit, par exemple, Statistique Canada (entrées aux frontières), l’aéroport international Jean-Lesage de Québec (nombre de passagers) ou l’Institut de la statistique du Québec (données sur les établissements d’hébergement touristique), ces organisations vivent les mêmes problématiques liées à la situation actuelle (confinement, télétravail, difficultés d’accès aux installations, etc.). Par conséquent, des retards importants sont observés dans la livraison de certaines données. Incidemment, la production de nos travaux en sera affectée et il sera difficile de maintenir la rapidité habituelle de diffusion de l’information pour laquelle l’Office du tourisme de Québec est reconnu.

Remise en question de la pertinence des indicateurs utilisés

Les données produites à l’aide des informations tirées de notre sondage maison, l’« Observatoire touristique régional », sont construites selon un principe tout simple : nous comparons le volume de clientèle mensuelle actuel à celui du même mois de l’année précédente. Par exemple, les 60 attraits touristiques, que nous sondons chaque mois, nous transmettent leurs données de fréquentation et nous les comparons avec la fréquentation de ces mêmes attraits lors du même mois de l’année précédente. Nous obtenons ainsi la croissance ou la décroissance observée entre les deux périodes. Considérant qu’il est possible que certains attraits ferment temporairement ou définitivement leurs portes, il sera peut-être pertinent de modifier nos méthodes de mesure de performance. Suivre la reprise de l’activité touristique à l’aide de nouveaux indicateurs sera probablement plus pertinent que de comparer simplement le nombre de clients des attraits sondés. Le nombre d’entreprises qui ont repris leurs activités, le nombre d’employés réembauchés depuis leur mise à pied ou les jours et les heures d’ouverture de ces attraits seront possiblement des indicateurs intéressants à analyser et à intégrer dans nos mesures de performance.

Automatisation des méthodes de collecte et de diffusion des données

La crise actuelle a démontré la vulnérabilité de nos méthodes de collecte et de diffusion de données. Il va de soi que ces méthodes devront être modifiées afin d’être moins dépendantes du lieu où ces données sont habituellement collectées et traitées. Pour ce faire, une plus grande automatisation des procédures devra être mise en place. Une plateforme en ligne, pouvant servir à la fois de lieu de dépôt d’informations pour les répondants et de consultation des résultats, pourrait être un outil intéressant à mettre de l’avant. Ces nouvelles méthodes de collecte et de diffusion de données seraient plus efficaces et conviviales pour les utilisateurs et diminueraient la vulnérabilité associée au lieu physique de production des données.

La crise de la COVID-19 remet en question de nombreux éléments qui touchent de près ou de loin à la mesure de performance de l’industrie touristique et aux projets de recherche auprès des clientèles touristiques. Comme tous les acteurs du secteur touristique, l’équipe d’intelligence de marché de l’Office du tourisme de Québec vit une crise sans précédent et nous devrons apprendre à travailler avec cette nouvelle réalité. Des succès, des échecs, des essais et des erreurs ponctueront certainement les mois et les années à venir. Toutefois, il apparaît évident que des mesures de performance rigoureuses, disponibles rapidement et fidèles à la réalité seront essentielles pour outiller et aiguiller nos décideurs afin que « Québec cité, l’accent d’Amérique » retrouve rapidement son statut de destination touristique de calibre international.